Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Pour avancer vers une Sécurité d’emploi ou de formation Objectifs, moyens, pouvoirs

Les ateliers sur les difficultés du chômage, de l’emploi, de la formation, ont discuté de propositions dans les différents domaines et les divers chantiers de construction d’une sécurisation de l’emploi et de la formation. Cependant, des problèmes communs traversent tous les chantiers.  D’où la possibilité de revendications communes.

Cela contribuerait à élever le rapport de forces en leur faveur.

D'ailleurs, le patronat  et le pouvoir d'Etat s'appuient sur les divisions : entre chômeurs,  précaires,  travailleurs employés plus ou moins menacés. Ils s’appuient sur les divisions entre les luttes dispersées, voire entre organisations de lutte.

Au contraire,  les revendications communes et les convergences des changements réclamés accroîtraient la force des objectifs et de la conquête graduelle de leurs moyens de réalisation largement communs.

Cela favoriserait des batailles d’idées transformatrices et la circulation des expériences. Cela accroîtrait  la force mobilisatrice d'avancées vers une construction d’ensemble, un système de sécurité d'emploi ou de formation, comme jadis on a fini par construire la sécurité sociale.

Je vais intervenir sur ces revendications  communes, afin d'ouvrir la discussion en vue de décisions sur des campagnes d'action. Mais auparavant  quelques mots sur :

I- LES DEFIS COMMUNS  :

Je me limite à deux ensembles  :

– le besoin de répondre à la précarisation et à sa force très nouvelle  ;

– la possibilité d'y répondre.

Première question : le besoin de répondre, avec audace et radicalité, à l'exaspération de la précarité du marché du travail.

Le marché du travail, c'est la précarité des contrats de travail.

D'où, la souffrance possible  du chômage et sa pression sur tous les travailleurs, au moins pour les salaires et conditions de travail.

Des droits sociaux ont été arrachés  par les luttes, pendant des siècles, contre les dégâts de ces pressions. Mais aujourd'hui ces pressions sont exaspérées et on veut bouleverser le Code du travail pour « normaliser » la précarité.

Cela renvoie à l'accélération des nouvelles technologies de la  révolution informationnelle, mais telles qu’elles ont été développées sous domination des marchés financiers mondialisés et du capital financier.

D'où la montée des enjeux, non seulement de lutte contre les agressions et pour arracher des améliorations immédiates, mais, indissociablement, sur des transformations proprement structurelles.

C'est :

– Ou bien une modification des droits sociaux, du Code du  travail, des institutions sur l'emploi et le chômage, sur la formation, qui favorise au maximum une flexibilité de précarisation, la pression contre les salaires et les conditions de travail, les réponses au rabais aux exigences de formation, de travail qualifié et maîtrisé  ;

– ou bien avancer vers une transformation de ces droits, Codes et institutions qui permettent une sécurité d'activité et de revenus, avec une mobilité mais de promotion dans la sécurité de chacune et de chacun, en répondant de façon maîtrisée par les intéressés aux besoins de formation et d'implication créatrice dans le travail.

En effet, la conjonction des vagues de progrès de la productivité du travail (vivant ou incorporé dans les matériels) et de pressions sur les dépenses salariales et sociales rend très insuffisants et très instables la demande et les emplois. Cela relance sans cesse le chômage massif et la précarité.

Face à ces déferlantes, les simples soutiens étatiques traditionnels sont débordés.  D'où le besoin de radicalité alternative  :

– Enorme productivité du travail, oui, mais avec de d'immenses dépenses pour des activités de formation de tous, relevant les débouchés et les activités pour la production  ;

– Mobilité du travail, oui, mais dans la sécurité d'emploi et de revenus, pour la promotion, avec des formations de qualité  ;

– Partage des coûts de recherche, oui, mais non pour détruire les rivaux, faire pression  sur les salariés mis en concurrence  mondialisée  ; grâce,  au contraire, au développement des capacités des travailleurs, de chacun, et des coopérations de codéveloppement de toutes les populations.

Deuxième question : la possibilité de répondre à ces défis en éradiquant graduellement le chômage et la précarité.

Pleinement réalisé, un Système de sécurité d'emploi ou de formation vise à assurer à chacune et à chacun, un bon emploi ou une bonne formation, pour revenir à un meilleur emploi, avec une continuité de revenus et de droits et des passages d'une activité à une autre, maîtrisés par les intéressés.  On cherche à supprimer le  chômage dans une sécurité d'activité et une mobilité choisie et de promotion, avec des rotations entre emploi et formation.

Il s'agit, bien sûr, d’y aller graduellement par des réponses  aux défis et aux besoins immédiats, mais animées par cette exigence de sécurisation et de promotion de chacun.

Cette conception, avancée dans le cadre du Parti communiste  dès 1996, a influencé  la CGT qui a proposé « une sécurité sociale professionnelle ».

Cela peut favoriser des convergences de lutte et de recherche de propositions opérationnelles. D'ailleurs, l’idée de sécurité d'emploi monte dans d’autres syndicats et associations.  Cependant, il ne suffirait pas d’une certaine continuité de droits et de « droits de tirage » pour la formation, tout en maintenant le chômage et la  précarité. Ces droits, mais sans éradication du chômage, ni changement des gestions des entreprises, proposées par certains experts, influencent aussi la « sécurité sociale professionnelle » de la CGT. D’où ses ambivalences  possibles.  D'où aussi le fait que les dirigeants du Parti socialiste prétendent s’en réclamer désormais.

Mais avec cet hommage encore démagogique aux besoins de radicalité, le PS ne remet pas en cause le financement, le crédit, la Banque Centrale Européenne et les gestions des entreprises. Ses mesures récentes, concernant surtout certains soutiens étatiques ne font pas le poids par rapport aux pressions des chefs d'entreprise, à l’accent mis par les mesures de la droite sur les entreprises sous prétexte  d’emploi, aux démagogies populistes de toutes sortes et à la désaffection populaire.

Une transformation  sociale très profonde est possible, mais si  l'on met en place les deux leviers, d'une toute autre action de l’Etat et d’un tout autre financement avec des changements des gestions des entreprises et avec, pour les deux, des pouvoirs d'intervention des travailleurs, des citoyens et de leurs organisations.

Des avancées d'appropriation  sociale par des maîtrises partagées du crédit et des gestions, ainsi que des nouveaux pouvoirs des  travailleurs, sont au cœur des avancées possibles d'appropriation sociale mettant en cause le capital.  Celui-ci n'est pas une simple propriété privée des moyens de production comme dans  l'esclavagisme, mais la propriété d'argent pour faire de l’argent, dominant ces moyens, pour la rentabilité financière, avec l'appui décisif du crédit et du marché financier et avec la salarisation des forces de travail.

Précisément, cette salarisation est mise en cause avec la sécurité de l'emploi et avec de bons revenus pour être en formation et non contre un travail, la mutualisation de prélèvements sociaux nouveaux et la promotion de chacun à l'opposé de la concurrence entre travailleurs.

C’est par les fins sociales : de la réponse aux besoins nouveaux,  de sécurité d'emploi et de formation, de travail épanouissant pour chacun, y compris contre les discriminations et dominations des femmes dans l’emploi, comme de santé, écologiques, culturels, etc., que l’on peut le mieux s'attaquer  aux moyens sociaux. Il s’agit de  changer les moyens des gestions, des financements, contre la domination des critères de rentabilité, des capitaux et des multinationales privées sur les travailleurs et sur la vie.

Cela permettrait d’avancer vers la promotion de très nouvelles  entreprises publiques, coopératrices nationalement et internationalement, ainsi que vers des possessions partagées de “biens communs  ” à l’humanité.

II - LES  REVENDICATIONS COMMUNES

Elles peuvent  traverser tous les chantiers.  Cela renvoie au  triangle institutionnel  articulant  : 1) les objectifs sociaux, 2) les moyens financiers, 3) les pouvoirs.

1) les objectifs  sociaux  :

Changer les buts réels, les procédures et donc les résultats  des institutions existantes sur l'emploi ou la formation, alors que souvent elles trahissent  leurs objectifs affichés. Que cela concerne l'UNEDIC et l'ANPE, les soit-disant insertions du RMI et du RMA, l'organisation de la formation continue, les réglementations de la  précarité ou des licenciements, le Fonds national pour l’emploi (FNE), ou même les gestions des entreprises, il s'agit dans chaque cas, d'arracher non seulement des améliorations mais des transformations pour avancer dans la sécurisation et la promotion de chacun.

Sécuriser les revenus et les activités :

bien meilleures indemnisations de tous les chômeurs et aides  spécifiques (transport, logement, santé, enfants,…) ;

un retour à l'emploi stable et à temps plein ;

transformer les emplois précaires en emplois stables, à durée indéterminée  ;

le maintien dans l’emploi ;

des formations avec de bons revenus,

des mesures spécifiques pour les femmes, les jeunes, notamment ceux issus de l'immigration, les immigrés, les travailleurs âgés.

Les convergences  de ces transformations viseraient à éradiquer graduellement le chômage et la précarité.

Promouvoir, en renforçant  la sécurisation  :

expansion formidable de la formation continue, contre ses inégalités et ses insuffisances  ;

organisation des passages sans chômage, d'un emploi à un autre, ou à une formation bien rémunérée pour revenir à un meilleur emploi.

Tout de suite, on peut dans chaque région et bassins d'emploi proposer de débattre publiquement pour élaborer des objectifs annuels de créations d'emplois et de formation en quantité et en qualité ainsi que de transformation des situations précaires, pour résorber graduellement les privations d'emploi. Ces élaborations  se feraient avec les élus, les organisations syndicales et associatives, avec les institutions sociales sur l'emploi et sur la formation, en relation avec les programmes des services publics et ceux des entreprises elles-mêmes. Elles pourraient  donner lieu à des coordinations nationales et à des contrôles des réalisations. Ces objectifs se relieraient à l’exécution effective et non fallacieuse des promesses faites au niveau de l’Union européennes d’offrir, avec des plans nationaux pour l’emploi, à chaque chômeur soit un emploi soit une formation, mais désormais avec des objectifs annuels chiffrés et contraignants.

On pourrait comprendre dans les luttes que l'acceptation de cesobjectifs l'ampleur des résultats dépendent de nouveaux financements et gestions ainsi que de nouveaux pouvoirs et droits.

2 )  Moyens financiers et critères d'utilisation des fonds

Il s'agit  des trois types de fond : fonds publics, du crédit, des entreprises.

Les fonds publics

dépensés  au nom de l'emploi devraient être contrôlés de façon démocratique et décentralisée, pour les créations d'emplois publics et sociaux ou de formation continue, comme pour les aides aux entreprises.  Des aides actuelles aux baisses de charges salariales et sociales, surtout pour les bas  salaires, favorisant les emplois peu qualifiés et la concurrence à la baisse de tous les salaires, on chercherait à passer à la baisse des charges financières sous condition.

Des Fonds régionaux  de promotion de l'emploi et de la formation

Il s'agit d'une conquête décisive concernant les moyens de tous les chantiers. Ces Fonds viseraient des bonifications de taux d'intérêt, c'est-à-dire des prises en charge par des fonds publics de toute ou partie des intérêts, et aussi des garanties des crédits, pour d’autres relations avec les banques. Les taux d'intérêt des crédits à moyen et long terme seraient  d'autant plus abaissés (jusqu'à des taux négatifs, c'est-à-dire des subventions pour les remboursements) pour les investissements matériels et de recherche  que ceux-si programmeraient  des emplois et des formations, avec des engagements contrôlés.

Ces institutions  de Fonds régionaux à créer dès à présent, partout où c’est possible, seraient généralisées, et elles seraient coordonnées et appuyées par un Fonds national. Ces Fonds pousseraient, par les remboursements de crédits, à utiliser les profits davantage pour les investissements réels faisant emplois et formations que pour des placements financiers.

Des infléchissements  progressifs des gestions des entreprises

seraient favorisés par ces crédits nouveaux, joints à de nouveaux pouvoirs des travailleurs et à de nouvelles procédures des institutions sociales, contre l'irresponsabilité sociale de la rentabilité  financière. Avec les nouvelles technologies, on viserait des diminutions des coûts, non pas par la baisse des salaires, qui seraient, au contraire, relevés avec les capacités humaines et les dépenses pour elles, mais par la productivité et l’efficacité de tous les facteurs et moyens.

Cela pousserait des coopérations et de nouveaux projets dans les filières de production industrielle et les services, sur la recherche et la formation. On est d'ailleurs en train d'élaborer un plan de sécurité d'emploi ou de formation dans l'aéronautique.

D’Alstom à Aventis, des grandes entreprises nationales aux PME, les filières  du transport, de l'énergie, de la pharmacie, mais aussi du textile etc., toutes sont concernées.

Un autre rôle de la Banque Centrale Européenne

Le développement d’un tout autre crédit est la base d'une émancipation des marchés financiers et de la domination du dollar.  Il peut-être considérablement amplifié, dans l'Union européenne  et pour d'autres relations mondiales, par un tout autre rôle de la BCE, pour « refinancer » massivement par la création monétaire, les crédits sélectifs à taux abaissés et en relevant au contraire les taux d’intérêt pour les placements  financiers. Des aides conditionnelles en euros pour de nouveaux crédits, aux pays de l'Est entrant dans l'Union européenne,  comme à nos voisins méditerranéens et aux pays émergents, favoriseraient de tout autres coopérations. Ces  coopérations permettraient de maîtriser notamment les délocalisations, pour des achats réciproques et des co-productions favorables à l'emploi et à la formation des deux côtés et pour chacun, à une autre utilisation des recherches-développements, pour un co-développement respectueux de toutes les exigences sociales, environnementales et culturelles.

Des batailles des élections régionales à celles des élections  européennes, toutes ces propositions et les luttes pour elles peuvent favoriser une nouvelle audience des candidat que nous soutenons.

3- De nouveaux pouvoirs et droits

Du plan local au plan national et même européen, cela concernerait trois ensembles de progressions, appuyés sur des financements.

Au niveau  des institutions sur le chômage, l'emploi et la formation   :

des pouvoirs bien plus importants des syndicats,  associations de chômeurs, de précaires, etc, des intéressés euxmêmes à organiser, avec des appuis des élus de terrain.  Ils se relieraient à d’autres définitions des rôles des patrons et des pouvoirs publics, pour de nouvelles procédures.

Au niveau des entreprises et des établissements,  

des pouvoirs  des travailleurs, de leur élus et notamment des comités d'entreprise, de contrôle et aussi de propositions alternatives dans les gestions, avec de nouvelles instances publiques et sociales d’arbitrage. Dans l’immédiat, il ne s’agirait pas  eulement de moratoires

suspensifs pour des propositions alternatives aux licenciements obligatoirement prises en compte dans les négociations jusqu’aux arbitrages, ou de pouvoirs sur les reclassements de tous, mais d’intervention en amont face aux problèmes rencontrés. Un nouveau statut des entreprises les ouvriraient à ces pouvoirs des travailleurs comme à de nouveaux groupements et coopération entre elles.

Au niveau des pouvoirs et des droits collectifs et personnels de chacun :

– des droits de tirage très étendus et croissants pour la formation continue ;

– de nouveaux types de contrats à durée indéterminée pour tous et reconductibles, sans interruption des droits et sans chômage, pour le passage d'une entreprise à une autre ou à une formation pour revenir à l'emploi, avec un statut légal pour sécuriser les parcours professionnels, en liaison avec le nouveau statut des entreprises.

En définitive, il s'agirait  de construire un grand mouvement national d'actions pour une sécurisation et une promotion de l'emploi et de la formation, très ouvert, décentralisé, avec des comités locaux d'intervention. Ce mouvement viserait l'organisation des différentes catégories de précarisés, l'impulsion d'actions, de circulation d’expériences, de formations et de recherches,  de rencontres, tout particulièrement avec les organisations syndicales ou associatives existantes, pour des confrontations de propositions, des convergences des actions, etc.

En recherchant des améliorations immédiates comme des avancées institutionnelles,  il contribuerait  à une autre construction sociale, culturelle et politique en France, jusqu'à l'échelle européenne et même au delà. ■