Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Sur la radicalisation récente des défis de l’insécurité et de la sécurisation de l'emploi et de la formation. Quatre questions

En cet automne 2003, on assiste à une radicalisation des enjeux concernant les luttes sur l’emploi et la formation. Les contradictions sont sans précédent entre les annonces de mesures de novation du gouvernement et de leur extrême faiblesse, en outre contrecarrées par toute la politique d'ensemble qui redouble de dispositions de régression sociale pour les profits. Ces contradictions lancent les défis de propositions concrètes et effectives de sécurisation et de promotion sociale de chacune et chacun, en direction d’un système de sécurité d'emploi ou de formation, à partir de la reconnaissance de besoins urgents d'actions nouvelles.

Première question : la gravité de la relance du chômage en France, en Europe et dans le monde.

C'est désormais  le recul de l'emploi en France tandis que les services ne compensent plus les baisses de l'emploi industriel. C'est la multiplication des plans de licenciement, des grandes entreprises  aux PME. Même le gouvernement déclare s'inquiéter du recul de l'emploi industriel.

Deuxième question : la reconnaissance des exigences de radicalité, mais en parole et effets d'annonce.

Il ne s'agit pas seulement  des efforts de récupération par des dirigeants du PS (de Dominique Strauss Kahn à Alain Bergougnioux ou Montebourg) de la proposition de « sécurité sociale professionnelle » de la CGT. Cette dernière est d'ailleurs influencée à la fois par le projet révolutionnaire de sécurité d'emploi ou de formation et par d'autres propositions de simple amélioration des droits des salariés dans le système existant.

Ainsi Alain Bergougnoux à insisté en juin à son propos, sur le besoin d'une « utopie réaliste  » qui « n'amène pas à traiter les problèmes un par un, mais qui les intègrent dans une proposition globale ».

La droite monte au créneau de la démagogie sur la sécurité économique et sociale, mais avec l'annonce de « mesurettes » nouvelles qui ne font pas du tout le poids face à la déferlante du chômage et de la précarisation.

Après la référence de Raffarin en juin à une « assurance emploi-formation », il parle en septembre  d'une « sécurité sociale » pour l'emploi et Chirac revient sur l’exigence de « nouvelles garanties pour l'emploi de chaque Française et de chaque Français... la sécurité de l'emploi... pour... progresser… et changer d’ entreprise…  [et pour] ... un droit personnel à une formation tout au long de la vie » (discours  d'Auxerre, 16 septembre  2003).

Troisième question : le défi des mesures globales et particulières du gouvernement, à la fois se voulant très nouvelles, mais extrêmement faibles et contredites par toute sa politique.

C'est le projet d’initiative européenne  avec l'Allemagne pour relancer la croissance et l'emploi

C’est le soutien financier important  d'Alstom, face à la menace de déstabilisation en chaîne, contournant les oppositions de la Commission européenne, mais accompagnant des suppressions d'emplois.

C'est le soutien du « droit individuel à la formation (DIF) " adopté par la majorité des dits « partenaires  sociaux ». Il s'agit, d'une part que chacun ait effectivement droit à un minimum de formation continue, avec désormais une obligation de formation pour chaque travailleur. Mais, d'autre part, cette novation incontestable concerne des quantités dérisoires  : 20 heures  par an pendant  seulement six ans (pourquoi  pas un minimum de 30 heures  pendant  37,5 années pour commencer, en allant vers les 10% du temps de travail ?) et le passage de 1,50 à 1,55% de la masse salariale pour les entreprises  de plus de dix salariés et de 0,25 à 0,40% au dessous de 10.

La loi sur cette question de la formation professionnelle est annoncée. Mais une loi doit aussi porter sur un nouveau droit de reclassement  régional obligatoire en cas de licenciement.

Enfin on prépare une refonte des relations entre l'UNEDIC et l'ANPE.

Cependant, outre la faiblesse de ces dispositifs nouveaux, se développent au contraire des mesures faisant pression à la baisse  des salaires, y compris par les cadeaux au  patronat des réductions de cotisations sociales poussant les bas salaires, les contrats jeunes exonéré à très basse qualification, la recherche  de nouveaux types  de contrats précaires,  la réduction  de l'indemnisation publique des chômeurs etc.. Mais c’est surtout  le respect  de l'action de la Banque Centrale Européenne et l’utilisation du crédit favorisant le marché financier et non l'emploi qui s'opposent à toutes les velléités de mesures nouvelles contre le chômage.

Quatrième question : face à ces défis, le besoin de propositions concrètes beaucoup plus ambitieuses pour des luttes nouvelles immédiates, sur la sécurisation et la promotion de l'emploi et de la formation, au plan national et au plan régional.

– Il s'agirait de mesures et de luttes pour le maintien en emploi quand il est menacé avec l'aide nouvelle de la formation, notamment pour les travailleurs âgés. Il s'agirait aussi d'exigences de bons reclassements effectifs pour tous au plan régional ainsi que de création  d'emplois nouveaux notamment pour les jeunes. Mais ces exigences sociales devraient renvoyer à la mise en oeuvre de nouveaux crédits à long terme, pour l'investissement, à taux d'intérêt d'autant plus abaissés (jusqu'à des taux 0 et même négatifs, c'est-àdire des subventions)  que seraient pris des engagements d'emploi et de formation.

Cela renvoie à des « bonifications » par des contributions publiques nationales et régionales des taux d'intérêt (prise en charge d'une partie ou de tous les intérêts) et à des garanties de crédit avec, notamment l'institution de Fonds Régionaux pour la promotion  de l'emploi. Cela renvoie ensuite à la réclamation d'un « refinancement » très nouveau  de ces crédits à taux abaissés par la BCE, avec un contrôle démocratique  de son action et une autre orientation  de l'Union européenne.

– On viserait aussi la revendication du relèvement graduel des horaires, du nombre d'années et des cotisations pour le droit obligatoire nouveau à la formation continue de chacun, avec la mutualisation des formations et aussi des avances à bas taux de crédit. Cela concerne également un  contrôle du contenu de cette formation et de son débouché dans un emploi par les intéressés et leurs organisations, les élus de terrain, ainsi qu'un recours accru aux institutions publiques, de l'AFPA à l'Education Nationale.

– On chercherait à pousser l'avancée d'autres gestions des entreprises, à partir de crédits nouveaux, d'une autre utilisation des institutions financières publiques, semi-publiques et de mutualistes avec un pôle public du crédit, une autre utilisation des actions détenues par l'Etat dans les grandes entreprises,  de nouveaux droits  d'inter vention des travailleurs dans les gestions. Cela concerne la progression possible d'une gestion d'efficacité sociale faisant reculer la rentabilité financière. On viserait à économiser les capitaux matériels et financiers, grâce au développement des capacités humaines, la formation massive et l'expansion des recherches-développement, de nouvelles coopérations. On relancerait  ainsi une nouvelle croissance  de la valeur ajoutée disponible pour favoriser encore la promotion des capacités des travailleurs.

– Il convient d'organiser  de nouvelles mobilisations sociales en France et au niveau européen pour réclamer une tout autre initiative de relance effective d'une croissance réelle soutenue  pour l'emploi dans l'Union européenne.

On viserait non seulement de nouvelles coopérations pour développer considérablement la recherche-développement,  mais un nouveau type de croissance fondé sur la priorité effective et massive à la formation de chacun tout au long de la vie, à un emploi et à sa qualification, comme facteur  décisif de productivité et aussi de débouché pour la production, avec une avancée historique du modèle social européen.

 Ce modèle favoriserait également, à partir du pivot de l'emploi et de la formation, la sécurisation et la promotion de tous les moments du cycle de vie sociale, du soutien de la natalité et de l'école à la santé, jusqu’à la retraite et aux personnes  âgées. Cela s’appuierait sur des prélèvements  nouveaux sur les entreprises, mutualisés et modulés pour favoriser l’emploi et la formation et non pour les prélèvements financiers.

Tout cela renvoie encore une fois à l’utilisation du crédit et de la BCE pour le social et non pour le marché financier.

Cet autre crédit permettrait aussi de nouvelles coopérations avec les pays émergents et en développement.  Ainsi des mesures immédiates ambitieuses sont possibles pour concrétiser,  face aux coups nouveaux de la crise de l'emploi et aux défis d’annonces gouvernementales démagogiques, des avancées pratiques en direction du projet de sécurité d'emploi ou de formation. Sa mise en oeuvre avec des mesures concrètes et différents chantiers de construction n’a-t-elle d'ailleurs pas été décidée par le congrès du PCF? Économie et Politique reviendra  plus précisément dans ses prochains numéros sur ces questions d'une grande actualité. ■