Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Les retraites. Des luttes immédiates à une réforme alternative

Nous reproduisons la conclusion du livre « Les retraites. Des luttes  immédiates à une réforme  alternative » ouvrage collectif coordonné par Paul Boccara et Catherine Mills qui vient de sortir dans la collection ESPERE aux éditions Le Temps des Cerises.

Les retraites sont devenues plus importantes que jamais avec la révolution démographique  de la longévité. Dans le cadre de la crise systémique d’exaspération de la marchandisation de toute la vie et des mises en cause néo-libérales des protections  nationales  et sociales, elle ont subi, en France, comme nous l’avons précisé,  les réformes réactionnaires successives  présentées par Balladur en 1993 et par Fillon en 2003.

Mais elles ont connu aussi en 2003 des luttes, des rassemblements de protestations et même l’avancée de proposi- tion alternatives, d’une ampleur sans précédent. Alors que continuent à s’opposer, dans une certaine mesure, réforme d’orientation  réactionnaire  récusant  la possibilité d’une alternative  et sous-estimation, du côté de la résistance salariale et populaire, de la profondeur  des transforma- tions nécessaires, le défi d’une réforme alternative profonde reste posé.

A son propos, nous avons avancé au moins trois ensembles de propositions. Il s’agit d’autres modalités des financements et des cotisations du système de répartition, de l’appui sur une sécurisation de l’emploi et de la forma- tion, et de diverses  modalités concrètes  d’amélioration des conditions des pensions, sans parler des questions de pénibilité du travail ou de l’emploi des salariés âgés. Dans l’immédiat, ce sont précisément les luttes sur les modalités des retraites  et du travail concernant  la pénibilité et les risques, sur les retraites complémentaires, ou encore sur les conditions d’emploi et aussi de transition vers les retraites des travailleurs âgés, qui peuvent sans doute se déve- lopper avec les négociations prévues.

D’un autre côté, les enjeux de transformation profonde des retraites et des conditions de vie des personnes âgées rejoignent tous les enjeux de mise en cause et de transformation des institutions concernant les différents moments de la vie sociale des populations. Cela va de l’enfance et de la formation initiale jusqu’à la maturité et la vieillesse, en passant  par l’emploi et la formation continue, tout en se rapportant aussi à la maladie ou encore à la culture.

Sur toutes les institutions visées pèsent de nos jours de graves pressions et des défis de transformation analogues.

Les réformes d’adaptation  aux nouveaux problèmes  par réduction  des dépenses  sociales et par des difficultés accrues  pour les activités lancent les défis de réformes alternatives pour des transformations radicales des objec- tifs sociaux, des moyens financiers et des pouvoirs.

Avec la révolution informationnelle, c’est surtout le rôle de la formation tout le long de la vie qui devrait pouvoir connaître un développement sans précédent, dans le cadre d’une sécurisation et d’une promotion de tous les moments de la vie sociale, en passant par la sécurisation de l’emploi et de la formation avec une mobilité de progression  de chacune et de chacun.

Aux prélèvements financiers qu’il convient de faire fortement reculer, il s’agit d’opposer  un développement  des prélèvements  sociaux et de leur mutualisation,  soutenu par un nouveau crédit. En mettant en cause la domination des pouvoirs de appareils d’État et des services techno- bureaucratiques, ou même des institutions et négociations dites paritaires entre « partenaires sociaux » dominées par le patronat, devraient progresser des pouvoirs d’interven- tion, de propositions  et de contrôle des intéressés eux- mêmes et de leurs organisations, syndicats et associations, de façon décentralisée et concertée.

Les luttes sur les retraites et sur les conditions des salariés âgés et des retraités peuvent ainsi converger avec les luttes sur les autres moments sociaux, pour des améliorations immédiates ainsi qu’en direction d’un autre projet de société. D’une part, au-delà de simples corrections  plus ou moins amples du système économique et social existant par les conquêtes des droits sociaux, mis en cause profondément face aux nouveaux besoins, c’est la progression de la mutualisation  pour maintenir et même commencer à dépasser les marchés qui est possible. Cela se relierait à la maîtrise et au début de dépassement du marché du travail lui-même et du salariat par l’instauration d’une sécurité d’emploi ou de formation. D’autre part, ces objectifs de transformations  sociales de tous les moments  de la vie sociale des populations  peuvent  fournir la base d’une construction  sociale et politique alternative en France comme dans l’Union européenne. Les rapprochements des luttes et des propositions dans les différents pays européens comme au niveau de toute l’Union sont, à cet égard, de la plus haute importance.

A propos des retraites et des personnes âgées tout particulièrement, l’avancée de propositions  alternatives novatrices  et cohérentes,  devrait permettre  de faire grandir  encore les rassemblements, leur force et leur efficacité politique, alors qu’en étant sans doute déjà majoritaires dans le pays, les mouvements  contre  la réforme Fillon- Raffarin ont dû accepter la loi de la majorité politique issue des dernières élections législatives.

Il s’agit de dépasser  l’opposition entre prise en compte des nouveaux problèmes par des réformes d’adaptation de régression sociale et résistance populaire commençant à se saisir de nouvelles propositions, mais insistant encore sur la conservation du système antérieur, par la mise en avant de propositions  alternatives  de progrès  et leur développement créateur. Cela favoriserait sans doute des rassemblements encore plus vastes, le discrédit  des arguments réactionnaires,  la réduction de la division poussée par les syndicats minoritaires ralliés à la réforme de régression.

Outre les conditions des cotisations, du travail des salariés âgés et des pensions, l’accent mis sur les problèmes de formation et de contenu des activités pour les personnes âgées, dans l’emploi, la transition entre emploi et retraite et pendant la vie de retraite, peut ccontribuer à développer les motivations des luttes et les mobilisations.

Soutenues par des perspectives  à la fois audacieuses et crédibles, les luttes immédiates pourraient  commencer à arracher des améliorations et des reculs sur les modalités d’application de la réforme de 2003. Elles pourraient aller de pair avec la poursuite de la contestation de cette réforme jusqu’à arriver à la mettre en cause et parvenir à instituer une réforme alternative, en relation avec de nouvelles avancées d’ensemble sociales et politiques  en France et en Europe. ■