Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Progrès du droit ou déni de droit ?

La décision du Conseil constitutionnel annulant l’article  107 du volet sur les licenciements de la loi de modernisation sociale, limitant strictement les cas où les licenciements économiques sont admis, est extrêmement grave. Les attendus de la décision, selon lesquelles  les dispositions de l’article 107 seraient « non conformes à la Constitution », sont contradictoires. Ils   sont  aussi contraires  au texte même de la Constitution.

Les attendus du Conseil sont contradictoires et contraires à la Constitution

Le conseil constitutionnel  rappelle « les principes économiques et sociaux ” du  préambule   de  1946 repris   par notre Constitution : “ Le droit de chacun d’obtenir un emploi ” (5ème alinéa), “ le droit pour tout travailleur de participer, par l’intermédiaire de  ses délégués (…) à la gestion des entreprises » (8ème alinéa).

Mais en contradiction  avec ce rappel, son  argument  principal  est  que « Les choix stratégiques de l’entreprise (…) relèvent,  en  vertu de  la  liberté d’entreprendre, du pouvoir de gestion du seul chef d’entreprise  ». De plus ce sont les droits constitutionnels à l’emploi et à la gestion qui sont développés dans les dispositions  législatives censurées.  La notion de « liberté d’entreprendre  », au contraire,  n’apparaît pas dans le préambule de 1946.

La décision du Conseil met en cause la cohérence de la loi de façon partisane

Le Conseil constitutionnel  prétend que l’article 107 « va permettre au juge de s’immiscer dans le contrôle des choix stratégiques de l’entreprise  ». En réalité, le juge aurait du essentiellement avoir un rôle de garant du droit  à  des  solutions  « alternatives »   aux licenciements économiques pouvant être  proposé  par  les  CE, conformément aux articles 101 et 106 de la loi de modernisation sociale.

Le Conseil constitutionnel  a pris position pour une vision partisane de la « liberté d’entreprendre  », contradictoire avec le progrès nécessaire des droits à l’emploi et à la participation à la gestion des travailleurs.

Une gestion alternative d’efficacité sociale par un progrès du droit

Le Conseil constitutionnel  prend parti  pour  une  « compétitivité »  fondée sur la diminution du coût salarial des emplois, encourageant  la fuite en avant, pour les rendements  boursiers au-dessus de tout, dans une flexibilité destructrice qui nuit aux salariés et porte atteinte à l’intérêt général de l’économie nationale et régionale. Au contraire, une gestion alternative est possible, fondée sur l’efficacité sociale, économisant les capitaux et promouvant la qualification, en allant vers une sécurité  d’emploi et de formation. C’est un élargissement  des libertés de l’entreprise.

Pour un nouveau texte législatif et la poursuite de la bataille

Un nouveau texte devrait  être  discuté en urgence par le Parlement pour renforcer les articles 101 et 106 maintenus sur le droit à des propositions alternatives. A l’opposé de simples consultations techniques d’application envisagées par la ministre de l’emploi, ce nouveau texte pourrait faire l’objet d’une concertation  effective entre les élus et les syndicats.

La nouvelle formulation pourrait se limiter, pour couper court à toutes les allégations du Conseil constitutionnel, à conforter les solutions alternatives à celles de baisse des coûts par les licenciements. Les licenciements économiques  ne seraient  admis  que  pour des difficultés avérées, soit de la conjoncture, soit des mutations technologiques, soit des réorganisations, n’ayant pu être surmontées par tout autre moyen que les licenciements. Auquel cas se poseraient  toutes les questions des reclassements.

L’article 107 : de la loi déférée modifiait l’article L. 321-1  du code du travail en remplaçant la définition du licenciement économique issue de la loi n° 89-549  du 2 août 1989  par une nouvelle définition ainsi rédigée  : « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification du contrat de travail, consécutives soit à des difficultés économiques sérieuses n’ayant pu être surmontées par tout autre moyen, soit à des mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l’entreprise, soit à des nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde  de l’activité  de l’entreprise  ».

On pourrait s’opposer à la baisse obsessionnelle du coût salarial de l’emploi. On pourrait,  rechercher,  en élargissant  la liberté  de  mouvement des gestions, contre les dogmes des marchés financiers, des baisses de coûts en capital matériel et financier, avec un nouveau rôle du progrès technique, de la formation des travailleurs, du crédit et des banques, pour  l’efficacité sociale. Dans cet esprit, et quoi qu’il arrive, les travailleurs pourront s’emparer plus que jamais de l’arme des  articles  101 et 106 maintenus  sur les propositions alternatives aux licenciements, avec une autre culture de gestion.

Face aux pressions  réactionnaires du Medef et de la droite, toute  la gauche, le mouvement social, les syndicats, et non seulement les auteurs communistes des amendements censurés, sont interpellés par  tous ces défis. Une large mobilisation pour une contre offensive au plan des idées comme  aux plan  social  et  politique est possible. ·