Dans cette situation, on assiste à une vaste offensive des forces patronales, capitalistes, en France, en Europe et dans le Monde ainsi qu'au tout début d'une contre-offensive des salariés et des peuples.
Va-t-on voir le patronat, au nom de l'adaptation aux technologies modernes et aux besoins d’insertion et de formation, non seulement accélérer la déréglementation de tous les marchés et d'abord du marché du travail en démantelant les protections sociales, mais aussi construire, face aux poussées d’emplois, une nouvelle organisation de la précarité et des pressions sur les salaires (y compris ceux des travailleurs les plus qualifiés), de la flexibilité de surexploitation et de sa domination autoritaire des va et vient entre chômage, formation et retour à l’emploi ? Cela irait dans le sens des propositions du social libéralisme anglo-saxon, avec notamment le « Workfare » imposant (sous prétexte de réduction des dépenses d’aides « passives » grandissantes) des sanctions aux chômeurs ou aux titulaires de minimas sociaux et des mises au travail ou en formation forcées et précaires, tandis qu'on nous promet le plein emploi avec la domination du marché financier .
Ou bien va-t-on s'engager dans des transformations de structure pour une maîtrise des marchés et un début de leur dépassement, par des partages, des coopérations et des pouvoirs de contrôle des travailleurs eux-mêmes ? Et va-t-on donc aller en particulier au-delà des promesses de retour au plein emploi (n'éradiquant ni le chômage avec un taux jugé incompressible, ni la sous-qualification, ni la précarité et les emplois atypiques) en direction d'une sécurité d'emploi et de formation de progrès de chacune et de chacun ?
Au début de l’an 2000, le Medef, principal syndicat patronal, a avancé l’objectif de la « refondation sociale ».Cela concerne l’ensemble des relations dites « paritaires » entre les « partenaires » sociaux, les régimes de retraite, d’assurance-chômage, les contrats de travail, la médecine du travail, la négociation collective, etc.. Cependant, c’est le régime d’assurance-chômage qui a été la cible principale de ses premières interventions. Dans les négociations engagées en mai avec les autres syndicats patronaux et les syndicats de salariés, il a mis en avant un type général de nouveaux contrats précaires de dix-huit mois à cinq ans, dits de mission ou de chantier. Mais ses propositions ont surtout visé l'indemnisation du chômage et ce qui a été appelé le retour à l'emploi. Cela renvoie, au fond, aux deux besoins ou préoccupations des chômeurs :
– améliorer radicalement l'indemnisation des chômeurs alors que près de 60 % sont exclus en fait du système d'indemnisation mutualisé;
– promouvoir effectivement leur accès et leur bon retour volontaire à l'emploi stable, y compris par une formation choisie et de qualité.
Cependant, le Medef veut utiliser ces deux préoccupations légitimes pour, en réalité, comme il l’a explicitement précisé, faire passer ses options de déréglementation et d’organisation de la précarité, de régression sociale :
– diminuer et même supprimer les indemnisations des chômeurs en les conditionnant à la signature de son contrat dit de plan d’aide au retour à l'emploi, qui serait assorti d'un système de sanctions (suppression, en cas de non signature du contrat, réduction ou suppression en cas de non acceptation des emplois proposés conformes aux modalités définies par le contrat) ;
– obliger à accepter un emploi proposé, dont le type est défini par le contrat et sous contrôle d’une commission dite paritaire. Ce qui ouvre la voie à toutes les dérives et pressions, à l’opposé des garanties publiques de la liberté de choix et du retour volontaire à l'emploi. Et ce qui, en définitive, peut imposer, en fait, des emplois sous-payés et ne correspondant pas à la qualification et aux aspirations des demandeurs d'emploi.
Tout cela s'appuie sur une « contractualisation » isolant chaque chômeur, comme dans des contrats d'assurance, au lieu d'un système de protection mutualisé, des droits égaux à l’indemnisation pour tous les chômeurs appuyés sur les cotisations de tous. Cela s'appuie aussi sur une culpabilisation des privés d'emploi, dont on dénonce la volonté massive de s’installer dans le chômage indemnisé en refusant tout effort de réinsertion.
Le Medef s'est efforcé de diviser les syndicats en utilisant notamment la démagogie sur le retour à l'emploi. Mais malgré toutes ses manœuvres, face à l'émotion des chômeurs et des syndicalistes, les enjeux ont tendu plutôt à se clarifier et une majorité de syndicats de salariés s'est dégagée dans le bon sens : trois syndicats, CGT, FO et CGC, ont refusé de signer et deux seulement ont accepté l'accord, CFDT et CFTC, sans compter le poids plus important en voix obtenues aux élections prud'homales des syndicats majoritaires. Cela s'est dégagé à travers tous les va-et-vient des organisations syndicales (à part la CGT) et les fluctuations de leur front : du « chiche » de la CFDT, au projet de préambule rédigé avec l'accord de tous les syndicats, à la CGT dite isolée, au retour critique à la négociation, à la signature de trois syndicats, enfin au refus de la CGC. Et ce n'est sans doute pas fini… A la direction du parti communiste, avec l’important article de Robert Hue au titre qui est tout un programme : « Emploi et formation avec les chômeurs et non contre eux », les déclarations d'Yves Dimicoli, la conférence de presse de Nicolas Marchand, nous avons bien posé tous les enjeux, en favorisant le rassemblement contre les positions régressives du Medef.
Le front du refus de ses options de régression sociale est renforcé par l'éclairage de l'opposition entre contractualisation et système de droits et de mutualisation. Il est également renforcé par l'appui aux légitimes revendications de progression, non seulement du système d'indemnisation, mais de la promotion d'une véritable aide au retour volontaire à l'emploi ou à l’insertion professionnelle et à une formation permettant effectivement d'y accéder, avec de vraies dépenses « actives » pour les chômeurs et leurs besoins. Mais pour le Medef, il s'agit de mesures autoritaires et de prétextes à sanctions et à renforcement de la précarisation, pour la réduction des droits et des revenus des privés d'emploi ainsi que des salaires euxmêmes. En outre, au lieu d'utiliser les excédents de l'UNEDIC à améliorer la couverture des chômeurs, à part un petit recul de la période de référence travaillée et de la dégressivité pour ceux qui acceptent le contrat, le Medef a surtout organisé une forte réduction des cotisations.
Prenant la suite des deux textes du 14 juin signés par le Medef, les autres organisations patronales et deux syndicats ( protocole d’accord et convention d’aide au retour à l’emploi) la « Convention du 1er juillet relative à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation du chômage » a été soumise à l’agrément ministériel. Elle porte que dans le cadre de la convention définissant les engagements réciproques du système d’indemnisation et des demandeurs d’emploi, la relation du bénéficiaire et de l’institution « fait l’objet d’une contractualisation ».
Dans le nouveau dispositif « destiné à favoriser le retour à l’emploi et à assurer un revenu de remplacement pendant une durée déterminée », indemnisation et aide au retour à l’emploi sont liées, chaque salarié privé d’emploi étant, à cet égard, engagé dans un plan d’aide au retour à l’emploi (PARE).
A propos des engagements des salariés, concernant notamment l’évaluation et les actions définies en commun, ainsi que le système de sanctions réduisant et supprimant les indemnisations, le règlement d’application fait l’objet d’une annexe à la convention. Le règlement annexé précise: « la signature du plan d’aide au retour à l’emploi ouvre droit au versement des allocations et l’accès aux services facilitant le retour à l’emploi » (article 1er). Il définit le système de sanctions (avertissement, réduction, suspension, suppression de l’allocation ) en cas de refus d’une proposition d’embauche « correspondant au projet d’action personnalisé » défini par le contrat (article 1 ). Et l’appréciation de cette correspondance dépend du groupe « paritaire » de suivi, comprenant les représentants des associations patronales et des syndicats signataires.
D’importantes aides financières aux employeurs sont organisées. Une convention entre l’UNEDIC et l’ANPE concernera notamment les propositions d’offres d’emplois de l’ANPE correspondant aux « capacités professionnelles », mais celles-ci étant définies par le contrat et son projet d’action personnalisé (PAP ) révisable.
Les protestations se sont multipliées. En général, elle n’ont pas comporté de contre-propositions. Ainsi un appel tardif, celui de « Mouvements », signé par de nombreux intellectuels, tout en s’intitulant « pour une véritable démocratie sociale » est uniquement critique et négatif, en demandant le refus d’agrément sans propositions sur le fond et sans même évoquer le problème du retour à l’emploi.
Au contraire, dès le début des négociations, les multiples prises de position du PCF, outre les critiques portant notamment sur l’égalité de droit des chômeurs, ont mis en avant des contre-propositions ne négligeant pas la question des aides au retour à l’emploi. Elles ont avancé d’autres principes : les incitations à l'opposé du système de sanctions et de la culpabilisation ; la protection du libre choix de l'emploi et aussi de la formation dont l’importance ne saurait être négligée ; le volontariat du retour à l'emploi, le contrôle public et des travailleurs, à l'opposé des contraintes patronales ; le progrès de la sécurisation du revenu et de l'accès à l'emploi des privés d'emploi au lieu de leur précarisation accrue ; le besoin, au fond, d'avancer graduellement par des expériences, des institutions et des droits nouveaux, en direction d'un Système de sécurité d'emploi et de formation, une sécurité dans la liberté de mouvement, de progression pour toutes et tous.
Nous avons ainsi cherché à répondre aux légitimes aspirations dévoyées par le Medef, en visant au rassemblement le plus large pour isoler ses positions réactionnaires.
Ecoutons, à ce propos, ce qu'a dit à l'Humanité, le président de la CGC, Jean-Luc Cazettes après avoir renforcé le front du refus et des contre-propositions à partir des besoins des cadres : « Autant nous sommes (…) partisans de l'activation des dépenses, d'un bilan de compétences, d'une formation lourde pour aider les gens à retrouver un emploi, autant (…) j'aurais souhaité un caractère volontaire à ce système (…) l'expérimentation. On ne mesure pas aujourd'hui tous les effets pervers (…) sur la déqualification ou la baisse de gens à consentir, faute de quoi on supprimerait leurs allocations ». Il a réclamé en outre : « un véritable pacte social (…) appuyé par une grande majorité de salariés ».
Outre la CGT, FO demande aussi une autre négociation sur les conditions d'indemnisation et sur un dispositif de libre retour à l'emploi, donc basé sur le volontariat. Les associassions de chômeurs, AC, APEIS, CGT chômeurs, MNCP ont manifesté leur opposition résolue et appelé à soutenir leur demande d’une amélioration radicale de la couverture du chômage.
Le gouvernement s'est exprimé dans le débat, à juste titre, contre un « système à deux vitesses » (entre signataires du contrat et non signataires).
Quant au PCF, il a souligné que le gouvernement et aussi la majorité de gauche plurielle sont fondés à intervenir légitimement dans le débat, étant donnés les besoins d'agrément d'un accord paritaire et aussi parce que le système dépend largement d'une loi, sans compter les compléments financiers de l'Etat et de la solidarité nationale ainsi que le rôle du service public de l'emploi.
Tandis que les partis de droite ont pavoisé, tous les partis de gauche ont protesté, chacun à sa façon, contre les exigences inadmissibles du Medef : les Verts, le Parti socialiste, le MDC, le Parti radical de gauche, la LCR... Toutefois, Jean Le Garrec, au nom du PS a ajouté, de façon quelque peu ambiguë mais révélatrice du terrain à occuper : « la position de refus ou d'acceptation totale ne me paraît pas correspondre à la nature des problèmes ».
Le Medef prétend imposer le texte qu'il a fait signer au nom du droit à la négociation paritaire. En fait, si une majorité syndicale est contre, ce n'est plus la parité. Le Medef fait du chantage en prétendant refuser toute modification et en menaçant de quitter toute institution paritaire, alors qu'il ne peut empêcher le fonctionnement légal de ces institutions. Au contraire, l'Etat républicain garant du droit social démocratique est fondé à refuser toute institution s'opposant à l'égalité de droit des chômeurs ainsi que la confiscation des cotisations de tous.
Le gouvernement doit refuser l’agrément et demander de renégocier, mais aussi se mêler du cadrage du débat ainsi que les élus du suffrage universel. Et les associations de chômeurs devraient également intervenir dans la négociation.
Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la solidarité, est intervenue à l'Assemblée nationale en rejetant un système à deux vitesses et la politique du tout ou rien du Medef. Elle a pris un décret, publié le 1er juillet, prorogeant la convention existante d’assurance chômage qui expirait au 30 juin, « tant qu’une nouvelle convention n’aura pas été conclue et agrée ». La réunion du Conseil supérieur de l’emploi du 19 juillet devrait voir les syndicats majoritaires confirmer leur opposition, tandis que la Ministre refuserait l’agrément.
Ainsi, une phase de relance de la négociation peut être ouverte, incluant la concertation avec le gouvernement, devant lui-même tenir compte des partis de la majorité de gauche plurielle. Il convient de rester vigilants pendant les congés d’été et le débat de fond doit pouvoir être popularisé. Il serait souhaitable que la mobilisation des salariés, des chômeurs, des démocrates s’amplifie sur ces questions dans tout le pays.
Les trois syndicats non signataires ont d’ailleurs présenté le 28 juin un « projet de socle du régime d’assurance chômage », distinguant, à côté du « pôle d’indemnisation » du régime d’assurance-chômage le « pôle d’aide à la formation-reclassement ». Et ils ont réclamé de nouvelles négociations en septembre (voir encadré).
Cependant, au delà de certains principes admis par les partis de la gauche plurielle, du PS au PCF, il y a tout un espace de débats de fond à investir pour avancer.
Ainsi, M. Aubry dans son intervention à l’Assemblée nationale, après avoir déclaré que le gouvernement partage les intentions en faveur du retour à l’emploi, pour une utilisation plus active des fonds et qu’il est prêt à mobiliser le service public de l’emploi dans ce sens a, certes, affirmé le principe selon lequel chaque demandeur d’emploi doit avoir accès au services d’aide au retour à l’emploi dans les mêmes conditions, à l’opposé d’un système à deux vitesses. Et elle a ajouté qu’il ne saurait être question de contraindre les demandeurs d’emplois à accepter n’importe quel emploi.
Cependant, à propos des sanctions, elle en a reconnu la légitimité sans réserve en cas de refus d’emploi correspondant aux « compétences », en mettant seulement en avant la nécessité d’un jugement « impartial » dépendant de la « responsabilité de l’Etat » avec des « voies de recours » permettant aux chômeurs de s’expliquer.
Cela pointe deux exigences du débat. Il s’agit, d’une part, d’investir le terrain de la construction sociale nouvelle concernant, au-delà de l’indemnisation, l’activation des dépenses sociales et le retour à l’emploi, au lieu de l’abandonner au Medef et à des positions éventuellement conciliatrices avec lui sous prétexte de pure critique. Par ailleurs, la réclamation d’un revenu universel minimum sans aucune relation avec des mesures favorisant le retour à l’emploi, y compris par la formation, installerait l’exclusion ou la marginalisation d’un grand nombre de demandeurs potentiels et favoriserait toutes les pressions à la baisse de ce revenu dit « passif ». Il faudrait pouvoir arracher des compromis institutionnels permettant des progrès fondamentaux des salariés et d’insertion ou de réinsertion dans des emplois stables de tous les actifs potentiels : femmes, jeunes, travailleurs âgés, etc.
Il s’agit, d’autre part, de mettre en avant des principes plus rigoureusement adaptés aux pressions effectives du patronat et aux aspirations des travailleurs ou des privés d’emploi, à l’opposé d’un traitement apparemment égal de parties inégales. Cela concernerait :
– la non subordination de l’indemnisation à la signature d’un contrat pour un plan d’aide au retour à l’emploi, pour l’égalité de droit effective de tous les chômeurs ;
– le refus du principe de l’emploi imposé, même si l’on prétend qu’il correspond aux compétences, en mettant en avant le droit de refus pour motif légitime, pour la liberté de choix de l’emploi et aussi de la formation ;
– le refus de la définition des « capacités professionnelles » par le contrat et le projet qu’il prévoit avec de nouvelles « mises au point » en fonction des difficultés de retour à l’emploi et, au contraire, l’appréciation de la conformité des emplois à la « qualification » et à la « spécialité » par un service public avec la participation des intéressés ;
– dans le cadre du respect des obligations légales de recherche d’emploi et de motif légitime pour un refus d’emploi correspondant à la « qualification » et à la « spécialité » à « un taux de salaire normalement pratiqué », ou de formation, un système d’incitations (primes, validation de la qualification, aide au logement et à la nouvelle installation, etc.) et non un système de sanctions avec des pressions grandissantes. Ces obligations légales de 1991, peuvent d’ailleurs être améliorées ;
– le rejet d’un nouveau contrat précaire étendu et la dissuasion des contrats précaires ;
– la responsabilisation sociale des employeurs, avec incitation et pénalisation ;
– des pouvoirs nouveaux de contrôle des travailleurs intéressés eux-mêmes dans des partenariats nouveaux entre services publics de l’emploi ou de la formation et institutions paritaires comme l’UNEDIC.
Au-delà du refus de l’agrément de la convention du1er juillet et de l’exigence d’une nouvelle négociation avec une participation du gouvernement et aussi des associations de chômeurs, il convient plus précisément d’avancer des propositions de progrès à débattre sur les deux enjeux : l’indemnisation du chômage et le retour à l’emploi. Elles pourraient concerner une nouvelle convention et aussi des propositions de loi élaborées en concertation.
En ce qui concerne, tout d’abord, une amélioration radicale de l’indemnisation de tous les chômeurs, elle comporterait :
– l’élargissement de la couverture, avec en particulier la réduction plus sensible de la durée d’emploi de référence ouvrant droit à l’indemnisation, ainsi que des dispositions pour les jeunes, les chômeurs de longue durée, les précaires;
– la suppression effective de la dégressivité des droits pour tous ;
– la dissuasion des licenciements, en renforçant les exigences de reclassement et des dispositifs de bonus/malus des cotisations de chômage employeurs à partir d’un plancher, outre l’opposition à l’utilisation des excédents de l’UNEDIC pour réduire les cotisations.
Il s’agirait aussi de combattre la tendance au rejet des chômeurs vers le système d’aide de la solidarité nationale et les divers minima sociaux comme le RMI. Et une entente avec l’Etat devrait permettre la prise en charge des « primo-demandeurs ».
En ce qui concerne, ensuite, l’instauration d’un système d’aide au retour volontaire à l’emploi, y compris par la formation choisie, il s’agit de développer une sécurisation de l’insertion dans l’emploi et de l’accompagnement avec la formation, à l’opposé d’un système de précarisation et de sanctions. On pourrait organiser la complémentarité et même le passage graduel du système d’indemnisation chômage en direction d’un système d’aide véritable au retour à l’emploi stable, allant des dépenses passives vers des dépenses actives mais en prenant en compte les diverses difficultés effectives des chômeurs au lieu de les culpabiliser.
A cette fin, il ne faudrait pas baisser les charges sociales patronales, qu’il s’agisse des cotisations actuelles pour l’indemnisation-chômage, ou d’éventuelles prises en charges de cotisations sociales de la sécurité sociale, ou des prélèvements actuels pour la formation. Il ne faudrait pas non plus comme il est prévu dans la convention du 1er juillet, utiliser le système d’assurance pour des aides de prise en charge d’une partie des salaires. A l’opposé, on pourrait envisager une baisse incitative des charges financières dans une logique de baisse des charges capitalistes et non des coûts salariaux, mais pas à la charge du système de cotisations. On pourrait au contraire accroître considérablement les dépenses pour la formation continue, leur efficacité et les mesures la favorisant, pour aider les demandeurs d’emplois par des bilans, des suivis, des aides à l’insertion professionnelle, etc., qui soient incitatifs et encourageants et non dissuasifs et excluants.
Toutes ces opérations seraient assorties d’un contrôle public démocratique et des intéressés eux-mêmes. Il s’agirait d’un progrès de la mutualisation et de la liberté de mouvement de chacun garantie par elle, et non d’un isolement contractuel.
Il conviendrait d’organiser de nouvelles relations de partenariat entre l’UNEDIC et les services publics de l’ANPE, de l’AFPA, etc., avec une démocratisation profonde de leur fonctionnement avec l’intervention des privés d’emplois eux-mêmes, des syndicats, des associations de chômeurs, des élus de terrain, au lieu de leur domination par les syndicats patronaux.
Il faudrait en particulier promouvoir des droits d’investigation, de proposition, de négociation et de recours des syndicats, des associassions de chômeurs, des élus du suffrage universel sur les emplois et les formations, depuis les bassins d’emploi.
Un négociateur de la CFDT a déclaré qu’à l’opposé du « volontariat », le contrat du plan d’aide au retour à l’emploi permet une « généralisation » pour engager tous les chômeurs dans la formation et le retour à l’emploi.
Mais en réalité, c’est le contrat qui ouvre une inégalité entre les chômeurs, entrant ou non dans le système d’aides au retour à l’emploi. Et l’obligation d’offrir des services de formation ou d’accompagnement et des emplois valables à tous les chômeurs, sans condition de contrat, devrait porter sur les institutions paritaires, les services publics concernés et les entreprises, pour une véritable généralisation des aides à la formation et au retour à l’emploi.
Enfin, des dispositifs complémentaires devraient pouvoir être expérimentés et institués. Il s’agirait, d’une part, de contribuer à la sécurisation des revenus des privés d’emploi ou des demandeurs en formation, et de l’accès à l’emploi et à la formation, tout particulièrement par des avancées en matière de contrôle de l’utilisation des fonds. Il s’agirait, d’autre part, de compléter le système d’aide au retour volontaire à l’emploi stable y compris par la formation choisie -, par des mesures réglementaires et législatives pour relever toutes les situations de privation d’emploi et de précarité d’emploi, en reliant les améliorations entre elles afin d’aller en direction d’un système de sécurité d’emploi et de formation pour chacune et chacun.
Au-delà même de la réduction graduelle du chômage allant jusqu’à sa suppression, il conviendrait aussi de relever fortement le taux d’emploi (à l’opposé des rejets hors de la position de demandeur d’emploi, notamment de femmes ou de travailleurs âgés) alors que le « taux d’emploi » (nombre d’employés par tête de population et non par tête de demandeurs d’emploi comme pour le « taux de chômage ») est nettement plus bas qu’aux Etats-Unis bénéficiant notamment d’autres conditions de financement, mais aussi de formation et d’attraction des salaires.
Cela concernerait, d’abord, des dispositifs, droits et institutions pour contrôler l’efficacité de l’utilisation des fonds du point de vue de la formation qualifiante et de l’emploi stable :
– institution d’une commission nationale et décentralisée de contrôle de l’utilisation des fonds publics versés aux entreprises au nom de l’emploi et de la formation : c’est l’objet de la proposition de loi communiste adoptée en 2ème lecture à l’Assemblée nationale après le refus par la droite au Sénat ;
– instauration en alternative aux allègements de cotisations sociales patronales au nom de l’emploi, d’une baisse sélective des charges financières des crédits aux entreprises pour leurs investissements, réduisant d’autant plus les taux d’intérêt que leurs engagements seront importants en matière d’emploi et de formation pour l’emploi ;
– dissuasion des placements financiers, avec la contribution des revenus financiers des entreprises et institutions financières sous forme d’une cotisation additionnelle pouvant contribuer notamment à la formation permanente et à son accompagnement ;
– incitation à des relations des banques et des entreprises abaissant les taux d’intérêt en faveur de l’emploi, avec notamment des bonifications d’intérêt à partir des fonds publics régionaux ;
– organisation des interventions des travailleurs dans les gestions des entreprises, avec des critères d’efficacité sociale, dans le secteur privé et à plus forte raison dans les entreprises mixtes et publiques. On devrait expérimenter de nouveaux pouvoirs des travailleurs, de leurs organisations et des élus de terrain sur le contrôle des fonds, depuis les bassins d’emploi.
Il s’agirait ensuite de mesures allant dans le sens d’une continuité de droits et de revenus améliorés et relevés des privés d’emploi, titulaires de minima sociaux, salariés employés.
Cette continuité s’opposerait aux chutes de niveaux et à la précarisation, en favorisant tout particulièrement la formation permanente et l’insertion dans l’emploi stable.
On pourrait, à ce propos, entreprendre des discussions sur les perspectives et des mesures de réformes profondes avec d'autres recherches et propositions allant dans le sens d'une continuité de droits et de revenus relevés des privés d'emploi et des salariés, comme par exemple celles du Rapport Belorgey, pour des avancées de sécurisation. Il s'agirait de confronter leurs propositions avec un processus de progression en direction d'un système de sécurité d'emploi et de formation, en mettant en forme des propositions réglementaires et législatives pour de nouveaux droits, de nouveaux statuts, de nouvelles institutions.
On pourrait enfin organiser des rassemblements des diverses catégories d’emplois précaires et atypiques (CDD, temps partiels, intérims, emplois-jeunes, etc..) et des gens en formation, afin d’élaborer des revendications pour l’amélioration de leur sort et de leur statut en direction de la stabilité de l’emploi et d’une formation débouchant sur de bons emplois, choisis librement.
A l’opposé des illusions dogmatiques néo-libérales favorisant les inégalités et l’instabilité, et au-delà de leur simple correction étatique, monte le besoin de nouvelles régulations de coopération, de mutualisation, d’intervention. Cependant, l’intervention des travailleurs et de leurs organisations doit pouvoir s’appuyer sur des règles, tout particulièrement législatives, tenant compte des inégalités de fait avec les chefs d’entreprise.
S’il convient de refuser un système de précarisation et d’orientation autoritaire sous domination patronale, et s’il ne s’agit pas non plus de verser dans l’assistance, il faudrait, au lieu de faire prédominer les contrats individuels dans une logique d’assurance privée, développer la liberté de choix personnel dans un système de mutualisation appuyé sur les services publics. On irait ainsi vers un système de sécurité d’emploi et de formation e mobilité promotionnelle, un peu comme la sécurité sociale mutualisée et appuyée sur les services publics avait remplacé en son temps les assurances sociales.
L’audace de créativité de nouvelles règles et institutions comme cadre d’action des acteurs sociaux, afin de maîtriser et commencer à dépasser le marché du travail, est possible avec les potentiels et les enjeux de la révolution informationnelle. Elles se situeraient dans le cadre de la promotion d’un modèle social européen hardi, pour contribuer à un monde de coopération et non de domination. A cette fin, la culture sociale des repères et des enjeux institutionnels devrait pouvoir passer du simple soutien des acquis, ou de leur mise en cause sous prétexte de modernisation, à leur développement créateur. ■
Ce projet indique « trois voies principales :
1) Amélioration du taux de couverture de l’indemnisation ;
2) Responsabilité des entreprises en amont de la rupture du contrat de travail ;
3) Aide à l’insertion ou à la réinsertion professionnelle ».
Il demande la suppression de la dégressivité, une meilleure prise en compte des précaires, des dispositions en concertation avec l’Etat pour les primo-demandeurs d’emplois.
Il insiste sur le droit à la formation et sur le besoin de corriger tout ce qui ne va pas dans les formations actuelles, y compris par l’implication accrue des partenaires sociaux. Il réaffirme l’importance de la garantie de reclassement en cas de licenciement. Pour le « retour à l’emploi stable », il précise la deuxième « mission » nouvelle du régime d’assurance-chômage de l’UNEDIC avec, à côté du « pôle indemnisation », « le pôle d’aide à la formation reclassement »
Et il souligne la responsabilité du service public de l’emploi ANPE, en partenariat avec l’UNEDIC et l’AFPA pour la mise en place d’un « dispositif d’accès à l’emploi ». ■
Le 10 juillet 2000