Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Indemnisation du chômage, retour à l’emploi et formation Refondation de précarisation ou de sécurisation ?

La bataille sociale et politique sur l'UNEDIC et l'Assurance-chômage avec le Medef, qui s'est engagée au printemps 2000, est de la plus haute importance. Elle se situe à un moment crucial de la crise systémique et des défis de son issue. Il y a d'importantes créations d'emplois, avec la maturation des nouvelles technologies de la révolution informationnelle. Et il y a aussi non seulement leur précarisation accrue et le maintien d'un chômage massif mais encore la précarité de cette croissance elle-même, poussée par les marchés financiers gonflés, tandis que le ralentissement aurait commencé aux Etats-Unis. Ce double aspect : potentiel de croissance nouvelle, d'une part, son caractère refoulé et contrarié, y compris le risque de relance du chômage, d'autre part, peut donner beaucoup de hardiesse aux revendications des travailleurs et des populations.

Dans cette  situation,  on  assiste  à une vaste offensive des forces patronales, capitalistes, en France, en Europe et dans le Monde ainsi qu'au tout début d'une contre-offensive des salariés et des peuples.

Va-t-on voir le patronat,  au nom de l'adaptation aux technologies modernes et aux besoins d’insertion et de formation, non seulement accélérer la déréglementation de tous les marchés et d'abord du marché du travail en démantelant les protections  sociales, mais aussi construire,  face aux poussées d’emplois, une nouvelle organisation de la précarité et des pressions sur  les salaires  (y compris  ceux des travailleurs  les plus  qualifiés), de  la flexibilité de surexploitation  et de sa domination autoritaire  des va et vient entre chômage, formation et retour  à l’emploi ? Cela irait dans  le sens  des propositions   du  social  libéralisme anglo-saxon,   avec   notamment    le « Workfare »  imposant  (sous  prétexte de  réduction   des  dépenses   d’aides « passives »  grandissantes) des  sanctions aux chômeurs  ou aux titulaires de minimas sociaux et des  mises au travail ou en formation forcées et précaires,  tandis  qu'on  nous  promet  le plein  emploi  avec  la domination  du marché financier .

Ou bien va-t-on s'engager dans des transformations de  structure pour une maîtrise des marchés et un début de  leur  dépassement,   par  des  partages,  des  coopérations et  des  pouvoirs de contrôle des travailleurs eux-mêmes ? Et va-t-on donc aller en particulier   au-delà   des   promesses    de retour  au plein emploi (n'éradiquant ni  le  chômage  avec  un  taux  jugé incompressible,   ni  la  sous-qualification, ni la précarité  et les emplois atypiques)  en  direction  d'une  sécurité d'emploi et de formation de progrès de chacune et de chacun ?

I) LA NEGOCIATION ET SES ENJEUX : INDEMNISATION ET  RETOUR A L’EMPLOI

Au début  de  l’an 2000, le  Medef, principal syndicat patronal, a avancé l’objectif de la « refondation sociale ».Cela concerne  l’ensemble des relations dites « paritaires » entre les « partenaires »  sociaux, les régimes de retraite, d’assurance-chômage, les contrats de travail, la médecine du travail, la négociation collective, etc.. Cependant, c’est le régime d’assurance-chômage qui a été la cible principale de ses premières interventions. Dans les négociations engagées en mai avec les autres syndicats patronaux et les syndicats  de salariés,  il a mis en avant un type général de nouveaux contrats  précaires  de dix-huit mois à cinq ans, dits de mission ou de chantier. Mais ses propositions  ont surtout visé l'indemnisation du chômage et ce qui a été appelé le retour  à l'emploi. Cela renvoie, au fond, aux deux besoins ou préoccupations des chômeurs :

– améliorer radicalement l'indemnisation des chômeurs alors que près de 60 % sont  exclus en fait du système d'indemnisation mutualisé;

– promouvoir  effectivement  leur accès et leur bon retour  volontaire à l'emploi stable, y compris par une formation choisie et de qualité.

Cependant,  le  Medef veut  utiliser ces  deux  préoccupations  légitimes  pour, en réalité, comme il l’a explicitement précisé, faire passer ses options de déréglementation et d’organisation de la précarité, de régression sociale :

– diminuer et même supprimer les indemnisations des chômeurs en les conditionnant à la signature de son contrat  dit de plan d’aide au retour à l'emploi, qui serait assorti d'un système  de  sanctions  (suppression, en cas  de  non  signature   du  contrat, réduction  ou suppression en cas  de non  acceptation  des  emplois  proposés conformes aux modalités définies par le contrat) ;

– obliger à accepter un emploi proposé, dont le type est défini par le contrat et sous contrôle d’une commission dite paritaire. Ce qui ouvre la voie à toutes les dérives et pressions, à l’opposé des garanties publiques de la liberté de choix et du retour volontaire à l'emploi. Et ce qui, en définitive, peut  imposer,  en  fait,  des  emplois sous-payés et ne correspondant pas à la qualification et aux aspirations  des demandeurs d'emploi.

Tout cela s'appuie sur une « contractualisation » isolant chaque chômeur, comme dans des contrats d'assurance, au lieu d'un système de protection mutualisé, des droits égaux à l’indemnisation   pour tous les chômeurs appuyés sur les cotisations de tous. Cela s'appuie  aussi sur une culpabilisation des privés d'emploi, dont on dénonce  la volonté massive de s’installer dans  le chômage indemnisé en refusant tout effort de réinsertion.

Le Medef  s'est efforcé de diviser les syndicats en utilisant notamment la démagogie sur le retour à l'emploi. Mais malgré toutes  ses manœuvres, face à l'émotion des chômeurs  et des syndicalistes, les enjeux ont tendu plutôt à se clarifier et une majorité de syndicats   de  salariés  s'est  dégagée dans  le  bon  sens  : trois  syndicats, CGT, FO et CGC, ont refusé de signer et deux seulement ont accepté l'accord, CFDT et CFTC, sans compter  le poids  plus  important  en  voix obtenues aux élections prud'homales  des syndicats  majoritaires. Cela s'est dégagé à travers  tous  les va-et-vient des  organisations  syndicales  (à part la  CGT) et  les  fluctuations  de  leur front  : du  « chiche »  de  la CFDT,  au projet de préambule rédigé avec l'accord de tous les syndicats,  à la CGT dite isolée, au retour   critique à la négociation,  à  la  signature  de  trois   syndicats, enfin au refus de la CGC. Et ce  n'est  sans  doute  pas  fini… A  la direction du parti communiste, avec l’important article de Robert Hue au titre  qui  est  tout  un  programme  : « Emploi  et  formation  avec  les  chômeurs et non contre eux »,  les déclarations d'Yves Dimicoli, la conférence de presse  de Nicolas Marchand, nous avons bien posé tous les enjeux, en favorisant  le  rassemblement   contre les positions régressives du Medef.

Le front du refus de ses options de régression sociale est renforcé par l'éclairage de l'opposition entre contractualisation et système de droits et de mutualisation. Il est également renforcé par l'appui aux légitimes revendications de progression, non seulement du système d'indemnisation, mais de la promotion d'une véritable aide au retour volontaire à l'emploi ou à l’insertion professionnelle et à une formation   permettant effectivement d'y accéder, avec de vraies  dépenses  « actives »  pour  les chômeurs et leurs besoins. Mais pour le Medef, il s'agit de mesures  autoritaires et de prétextes  à sanctions et à renforcement de la précarisation, pour  la réduction  des  droits  et  des revenus des privés d'emploi ainsi que des salaires euxmêmes. En outre, au lieu d'utiliser les excédents de l'UNEDIC  à  améliorer  la  couverture des chômeurs, à part un petit recul de la période  de référence  travaillée et de la dégressivité pour ceux qui acceptent  le contrat,  le Medef a surtout organisé une forte réduction des cotisations.

Prenant la suite des deux textes du 14 juin signés par le Medef, les autres organisations  patronales  et deux syndicats ( protocole d’accord et convention  d’aide  au  retour  à  l’emploi) la « Convention du 1er juillet relative à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation du chômage » a été soumise  à  l’agrément  ministériel.  Elle porte que dans le cadre de la convention définissant les engagements réciproques  du système  d’indemnisation et des demandeurs  d’emploi, la relation du bénéficiaire et de l’institution « fait  l’objet  d’une  contractualisation ».

Dans le nouveau dispositif « destiné à favoriser  le retour  à l’emploi et  à assurer  un revenu  de  remplacement pendant   une   durée   déterminée », indemnisation et aide au retour à l’emploi sont liées, chaque salarié privé d’emploi étant, à cet égard, engagé dans un plan d’aide au retour  à l’emploi (PARE).

A propos des engagements des salariés, concernant notamment l’évaluation et les actions définies en commun, ainsi que le système de sanctions réduisant et supprimant les indemnisations,  le règlement d’application fait l’objet d’une annexe à la convention. Le règlement annexé précise: « la signature du plan d’aide au retour à l’emploi ouvre droit au versement des allocations et l’accès aux services  facilitant le  retour  à  l’emploi » (article 1er). Il définit le système de sanctions (avertissement, réduction, suspension, suppression de l’allocation ) en cas de refus d’une proposition d’embauche   « correspondant  au projet d’action personnalisé » défini par le contrat (article 1 ). Et l’appréciation de cette correspondance dépend du groupe «  paritaire » de suivi, comprenant les représentants des associations patronales et des syndicats signataires.

D’importantes aides financières aux employeurs   sont   organisées.   Une convention  entre  l’UNEDIC  et l’ANPE  concernera notamment les propositions d’offres d’emplois de l’ANPE correspondant   aux  « capacités   professionnelles »,  mais celles-ci étant  définies par le contrat  et son projet d’action personnalisé (PAP ) révisable.     

Les  protestations  se  sont  multipliées. En général, elle n’ont pas comporté de contre-propositions. Ainsi un  appel tardif, celui de « Mouvements », signé par  de nombreux  intellectuels, tout  en  s’intitulant  «  pour  une  véritable démocratie sociale » est uniquement  critique  et  négatif, en  demandant le refus d’agrément sans propositions sur  le fond et sans  même évoquer le problème du retour à l’emploi.

Au contraire, dès le début des négociations, les multiples prises  de position du PCF, outre  les critiques  portant notamment  sur l’égalité de droit des chômeurs,  ont mis en avant des contre-propositions ne négligeant pas la question des aides au retour à l’emploi. Elles ont  avancé  d’autres  principes : les incitations  à   l'opposé  du système de sanctions et de la culpabilisation ; la protection  du libre choix de l'emploi et aussi   de la formation dont   l’importance  ne  saurait   être négligée ; le volontariat  du  retour  à l'emploi, le contrôle public et des travailleurs, à l'opposé  des  contraintes patronales  ; le progrès de la sécurisation du revenu et de l'accès à l'emploi des privés d'emploi au lieu de leur précarisation accrue ; le besoin, au fond, d'avancer   graduellement   par     des expériences,  des  institutions  et  des droits  nouveaux,  en  direction  d'un Système de sécurité d'emploi et de formation, une sécurité dans la liberté de mouvement,  de progression  pour toutes et tous.

Nous avons  ainsi    cherché à répondre  aux  légitimes  aspirations dévoyées  par  le Medef, en visant au rassemblement  le plus large pour isoler ses positions réactionnaires.

Ecoutons, à ce propos, ce qu'a dit à l'Humanité, le  président   de  la  CGC, Jean-Luc Cazettes après avoir renforcé le front du refus et des contre-propositions à partir des besoins des cadres : « Autant nous sommes (…) partisans de l'activation des dépenses, d'un bilan de compétences,  d'une  formation lourde pour  aider  les  gens  à  retrouver un emploi, autant (…) j'aurais souhaité un caractère volontaire à ce système (…) l'expérimentation. On ne  mesure pas aujourd'hui tous les effets pervers (…) sur la déqualification ou la baisse de gens à consentir, faute de quoi on supprimerait leurs allocations ». Il  a réclamé en outre : «  un véritable pacte social (…) appuyé par une grande majorité de salariés ».

Outre la CGT, FO demande aussi une autre négociation sur les conditions d'indemnisation et sur un dispositif de libre retour  à l'emploi, donc basé sur le volontariat. Les associassions  de chômeurs, AC, APEIS, CGT chômeurs, MNCP ont manifesté leur opposition résolue et appelé à soutenir leur demande d’une amélioration radicale de la couverture du chômage.

Le gouvernement  s'est exprimé dans le débat, à juste titre, contre un « système  à  deux  vitesses »   (entre signataires du contrat et non signataires).

Quant au PCF, il a souligné que le gouvernement et aussi la majorité de gauche plurielle sont fondés à intervenir légitimement dans le débat, étant donnés les besoins d'agrément d'un  accord  paritaire  et  aussi  parce que le système dépend largement d'une loi, sans compter les compléments financiers de l'Etat et de la solidarité nationale ainsi que le rôle du service public de l'emploi.

Tandis que les partis de droite ont pavoisé, tous les partis de gauche ont protesté, chacun à sa façon, contre les  exigences inadmissibles du Medef : les Verts, le Parti socialiste, le MDC, le Parti radical de gauche, la LCR... Toutefois, Jean Le Garrec, au nom du PS a ajouté, de façon quelque peu ambiguë mais révélatrice du terrain à occuper : « la position de refus ou d'acceptation totale ne me paraît pas correspondre à la nature des problèmes ».

II – POUR LA RENEGOCIATION ET UNE SECURISATION DES REVENUS, DE LA FORMATION ET DE L’ACCES A L’EMPLOI DES PRIVES D’EMPLOI

Le Medef prétend  imposer  le texte qu'il a fait signer au nom du droit à la négociation paritaire. En fait, si une majorité syndicale est contre, ce n'est plus la parité. Le Medef fait du chantage en prétendant refuser toute modification  et  en  menaçant  de  quitter toute  institution  paritaire,  alors  qu'il ne peut empêcher  le fonctionnement légal de ces institutions. Au contraire, l'Etat républicain garant du droit social démocratique  est fondé à refuser toute institution s'opposant à l'égalité de droit  des  chômeurs  ainsi que la confiscation des cotisations de tous.

Le gouvernement doit refuser l’agrément et demander de renégocier, mais aussi se mêler du cadrage du débat ainsi que les élus du suffrage universel. Et les associations  de chômeurs devraient  également  intervenir  dans la négociation.

Martine Aubry, ministre de l'Emploi et  de  la solidarité,  est  intervenue  à l'Assemblée nationale  en rejetant  un système à deux vitesses et la politique du tout ou rien du Medef. Elle a pris un  décret, publié le 1er juillet, prorogeant la  convention  existante  d’assurance chômage qui expirait au 30 juin, « tant qu’une nouvelle convention n’aura pas été conclue et agrée  ». La réunion  du Conseil supérieur  de  l’emploi du  19 juillet devrait voir les syndicats majoritaires confirmer leur opposition, tandis  que  la Ministre refuserait  l’agrément.

Ainsi, une  phase  de  relance  de  la négociation     peut     être     ouverte, incluant la concertation  avec le gouvernement,   devant   lui-même  tenir compte  des  partis  de la majorité  de gauche plurielle. Il convient de rester vigilants pendant les congés d’été et le débat de fond doit pouvoir être popularisé.  Il  serait  souhaitable   que  la mobilisation  des  salariés,  des  chômeurs, des démocrates  s’amplifie sur ces questions dans tout le pays.

Les trois  syndicats  non signataires ont  d’ailleurs présenté  le 28 juin un « projet  de  socle  du  régime  d’assurance  chômage »,  distinguant,  à côté du « pôle d’indemnisation » du régime d’assurance-chômage  le « pôle d’aide à  la  formation-reclassement ».  Et ils ont réclamé de nouvelles négociations en septembre  (voir encadré).

Cependant, au delà de certains principes admis par les partis de la gauche plurielle, du PS au PCF, il y a tout un espace de débats de fond à investir pour avancer.

Ainsi, M. Aubry dans son intervention  à  l’Assemblée nationale,  après avoir  déclaré  que  le  gouvernement partage  les  intentions  en  faveur  du retour à l’emploi, pour une utilisation plus active des fonds et qu’il est prêt à mobiliser le service public de l’emploi dans ce sens a, certes, affirmé le principe selon lequel chaque  demandeur d’emploi doit avoir accès au services d’aide au retour  à l’emploi dans  les mêmes  conditions,  à  l’opposé  d’un système  à  deux  vitesses.  Et  elle  a ajouté qu’il ne saurait être question de contraindre   les  demandeurs   d’emplois   à   accepter    n’importe   quel emploi.

Cependant, à propos des sanctions, elle en a reconnu la légitimité sans réserve en cas de refus d’emploi correspondant aux « compétences », en mettant seulement en avant la nécessité d’un jugement « impartial » dépendant  de la « responsabilité de l’Etat » avec des « voies de recours  » permettant aux chômeurs de s’expliquer.

Cela  pointe   deux   exigences   du  débat. Il s’agit, d’une part, d’investir le terrain de la construction  sociale nouvelle concernant, au-delà de l’indemnisation,   l’activation   des   dépenses sociales et le retour à l’emploi, au lieu de  l’abandonner  au  Medef et  à  des positions   éventuellement   conciliatrices avec lui sous prétexte   de pure critique.  Par  ailleurs,  la réclamation d’un revenu universel minimum sans aucune  relation  avec  des  mesures favorisant le retour à l’emploi, y compris par la formation, installerait l’exclusion  ou  la  marginalisation  d’un grand nombre de demandeurs  potentiels  et  favoriserait  toutes  les  pressions à la baisse de ce revenu dit « passif ». Il  faudrait pouvoir arracher  des compromis institutionnels permettant des  progrès  fondamentaux  des  salariés  et  d’insertion  ou de  réinsertion dans des emplois stables  de tous les actifs potentiels : femmes, jeunes, travailleurs âgés, etc.

Il s’agit, d’autre part,  de mettre  en avant  des  principes  plus rigoureusement adaptés aux pressions effectives du patronat et aux aspirations des travailleurs  ou  des  privés  d’emploi, à l’opposé  d’un  traitement   apparemment  égal  de  parties  inégales.  Cela concernerait :

– la non subordination de l’indemnisation à la signature d’un contrat pour un plan  d’aide au retour  à l’emploi, pour l’égalité de droit effective de tous les chômeurs ;

– le refus  du  principe  de  l’emploi imposé, même si l’on prétend  qu’il correspond  aux compétences,  en mettant en avant le droit de refus pour motif légitime, pour la liberté de choix de l’emploi et aussi de la formation ;

– le refus de la définition des « capacités professionnelles » par le contrat et le projet qu’il prévoit avec de nouvelles « mises  au point »  en fonction des difficultés de retour à l’emploi et, au  contraire,   l’appréciation   de  la conformité des emplois à la « qualification » et à la « spécialité » par un service public avec la participation  des intéressés  ;

– dans le cadre du respect  des obligations légales de recherche  d’emploi et  de  motif  légitime  pour  un  refus d’emploi correspondant à la « qualification » et à la « spécialité » à « un taux de salaire normalement pratiqué », ou  de formation, un système d’incitations (primes, validation de la qualification, aide au logement et à la nouvelle installation, etc.) et non un système  de sanctions avec des pressions  grandissantes. Ces  obligations   légales  de    1991, peuvent  d’ailleurs être  améliorées ;

– le rejet d’un nouveau contrat  précaire  étendu   et  la  dissuasion   des contrats précaires ;

– la responsabilisation  sociale  des employeurs, avec incitation et pénalisation ;

– des      pouvoirs       nouveaux     de contrôle  des  travailleurs   intéressés eux-mêmes dans des partenariats nouveaux entre services publics de l’emploi ou de la formation et institutions paritaires comme l’UNEDIC.

Au-delà du refus de l’agrément de la convention du1er juillet et de l’exigence d’une nouvelle négociation avec une participation du gouvernement et aussi des associations de chômeurs, il convient plus précisément d’avancer des  propositions  de  progrès  à débattre  sur les deux enjeux : l’indemnisation du chômage et le retour à l’emploi. Elles pourraient  concerner une nouvelle convention et aussi des propositions  de loi élaborées en concertation.

En ce qui concerne,  tout  d’abord, une amélioration radicale de l’indemnisation de tous les chômeurs, elle comporterait :

– l’élargissement  de  la couverture, avec en particulier  la réduction  plus  sensible de la durée d’emploi de référence ouvrant droit à l’indemnisation, ainsi  que  des  dispositions   pour  les jeunes, les chômeurs de longue durée, les précaires;

– la  suppression  effective  de  la dégressivité des droits pour tous ;

– la dissuasion des licenciements, en renforçant les exigences de reclassement et des dispositifs de bonus/malus des cotisations de chômage employeurs à partir d’un plancher, outre l’opposition à l’utilisation des excédents  de  l’UNEDIC  pour  réduire les cotisations.

Il s’agirait aussi de combattre la tendance au rejet des chômeurs vers le système  d’aide de la solidarité  nationale et les divers minima sociaux comme le RMI. Et une entente avec l’Etat devrait permettre  la prise en charge des «  primo-demandeurs ».

En ce qui concerne,  ensuite,  l’instauration d’un système d’aide au retour volontaire à l’emploi, y compris par la formation choisie, il s’agit de développer une sécurisation de l’insertion dans l’emploi et de l’accompagnement avec la formation, à l’opposé d’un système de précarisation et de sanctions. On pourrait organiser la complémentarité  et même le passage graduel du système d’indemnisation chômage en direction d’un système d’aide véritable au retour à l’emploi stable, allant des dépenses passives  vers  des  dépenses   actives mais en prenant  en compte  les diverses difficultés effectives des chômeurs au lieu de les culpabiliser.

A cette fin, il ne faudrait pas baisser les charges sociales patronales, qu’il s’agisse des cotisations actuelles pour l’indemnisation-chômage, ou d’éventuelles  prises  en  charges  de  cotisations  sociales  de la sécurité  sociale, ou des prélèvements actuels pour la formation. Il ne faudrait pas non plus comme il est prévu dans la convention du 1er juillet, utiliser le système d’assurance pour des aides de prise en charge d’une partie des salaires. A l’opposé, on pourrait envisager une baisse incitative des charges financières dans une logique de baisse des charges capitalistes et non des coûts salariaux, mais pas à la charge du système de cotisations. On pourrait au contraire accroître considérablement les dépenses  pour la formation continue, leur efficacité et les mesures  la favorisant, pour aider les demandeurs d’emplois par  des  bilans, des  suivis, des aides à l’insertion professionnelle, etc., qui soient incitatifs et encourageants et non dissuasifs et excluants.

Toutes ces opérations seraient assorties  d’un contrôle  public démocratique et des intéressés  eux-mêmes. Il s’agirait d’un progrès de la mutualisation et de la liberté de mouvement de  chacun  garantie  par  elle, et  non d’un isolement contractuel.

Il  conviendrait  d’organiser de nouvelles  relations  de  partenariat   entre l’UNEDIC  et  les  services  publics  de l’ANPE, de  l’AFPA,   etc.,  avec  une démocratisation  profonde   de  leur fonctionnement   avec  l’intervention des privés d’emplois eux-mêmes, des syndicats,  des  associations   de  chômeurs, des élus de terrain, au lieu de leur  domination  par  les  syndicats patronaux.

Il faudrait en particulier promouvoir des droits d’investigation, de proposition, de négociation et de recours des syndicats, des associassions de chômeurs, des élus du suffrage universel sur les emplois et les formations, depuis les bassins d’emploi.

Un négociateur de la CFDT a déclaré qu’à  l’opposé  du  « volontariat »,  le contrat   du  plan  d’aide  au  retour  à l’emploi permet une « généralisation » pour engager tous les chômeurs dans la formation  et  le retour  à l’emploi.

Mais en  réalité,  c’est  le contrat  qui ouvre  une  inégalité  entre  les  chômeurs,  entrant  ou  non  dans  le système d’aides au retour  à l’emploi. Et l’obligation d’offrir des  services  de formation  ou  d’accompagnement  et des  emplois valables à tous  les chômeurs,  sans  condition  de  contrat, devrait porter sur les institutions paritaires, les services publics concernés et les entreprises,  pour une véritable généralisation des aides à la formation et au retour à l’emploi.

Enfin, des  dispositifs  complémentaires  devraient  pouvoir  être  expérimentés  et institués.  Il s’agirait, d’une part,  de contribuer  à la sécurisation des  revenus  des  privés  d’emploi ou  des  demandeurs  en formation, et de l’accès à l’emploi et  à la formation,  tout  particulièrement   par  des  avancées en matière de contrôle de l’utilisation  des  fonds. Il  s’agirait, d’autre part, de compléter  le système  d’aide au retour volontaire à l’emploi stable y compris par la formation choisie -, par  des  mesures   réglementaires   et législatives  pour  relever  toutes   les situations de privation d’emploi et de précarité  d’emploi, en reliant les améliorations entre elles afin d’aller en direction d’un système de sécurité d’emploi et de formation pour chacune et chacun.

Au-delà même de la réduction  graduelle du chômage  allant jusqu’à sa suppression,  il conviendrait  aussi de relever fortement le taux d’emploi (à l’opposé des rejets hors de la position de  demandeur  d’emploi, notamment de  femmes ou  de  travailleurs  âgés)  alors que le « taux d’emploi » (nombre d’employés par tête de population  et non par tête de demandeurs  d’emploi comme pour  le « taux de chômage ») est  nettement  plus bas qu’aux Etats-Unis bénéficiant notamment  d’autres conditions de financement, mais aussi de   formation   et   d’attraction   des salaires.

Cela concernerait,  d’abord, des dispositifs,  droits  et  institutions   pour contrôler l’efficacité de  l’utilisation des fonds du point de vue de la formation   qualifiante   et   de   l’emploi stable :

– institution      d’une     commission nationale et décentralisée  de contrôle de l’utilisation des fonds publics versés  aux entreprises  au nom de l’emploi et de la formation : c’est l’objet de la  proposition   de  loi  communiste adoptée      en     2ème     lecture     à  l’Assemblée nationale  après  le refus par la droite au Sénat ;

– instauration   en  alternative   aux allègements  de  cotisations   sociales patronales  au nom de l’emploi, d’une baisse  sélective  des  charges  financières  des  crédits   aux  entreprises pour leurs investissements,  réduisant d’autant  plus  les  taux  d’intérêt  que leurs engagements seront  importants en matière  d’emploi et de formation pour l’emploi ;

– dissuasion  des  placements  financiers, avec la contribution des revenus financiers des entreprises et institutions financières sous forme d’une cotisation additionnelle pouvant contribuer  notamment  à la formation permanente et à son       accompagnement ;

– incitation   à  des   relations   des banques  et des entreprises  abaissant les taux d’intérêt en faveur de l’emploi, avec notamment des bonifications d’intérêt à partir des fonds publics régionaux ;

– organisation des interventions des travailleurs   dans   les  gestions   des entreprises,  avec des critères d’efficacité sociale, dans le secteur privé et à plus forte raison dans les entreprises mixtes et publiques. On devrait expérimenter  de  nouveaux  pouvoirs  des travailleurs, de leurs organisations  et des élus de terrain sur le contrôle des fonds, depuis les bassins d’emploi.

Il s’agirait ensuite de mesures allant dans  le  sens  d’une  continuité  de droits  et  de  revenus  améliorés  et relevés des privés d’emploi, titulaires de minima sociaux, salariés employés.

Cette   continuité   s’opposerait   aux chutes  de niveaux et à la précarisation,  en  favorisant  tout  particulièrement la formation permanente  et l’insertion dans l’emploi stable.

On  pourrait,   à  ce  propos,   entreprendre  des discussions  sur les perspectives et des mesures  de réformes profondes avec d'autres recherches et propositions  allant dans le sens d'une continuité de droits et de revenus relevés des  privés  d'emploi  et  des  salariés,  comme  par  exemple  celles  du Rapport Belorgey, pour des avancées de sécurisation. Il s'agirait de confronter leurs propositions  avec un processus de progression  en direction  d'un système de sécurité d'emploi et de formation, en mettant en forme des propositions   réglementaires   et  législatives pour de nouveaux droits, de nouveaux statuts, de nouvelles institutions.

On pourrait enfin organiser des rassemblements des diverses catégories d’emplois précaires et atypiques (CDD, temps  partiels,  intérims,  emplois-jeunes, etc..) et des gens en formation, afin d’élaborer des revendications  pour l’amélioration de leur sort et de leur statut  en direction de la stabilité de l’emploi et d’une formation débouchant sur de bons emplois, choisis librement.

*            *

*

A  l’opposé  des  illusions  dogmatiques   néo-libérales  favorisant   les inégalités et l’instabilité, et au-delà de leur simple correction étatique, monte le besoin de nouvelles régulations de coopération, de mutualisation, d’intervention. Cependant, l’intervention des travailleurs  et de leurs organisations doit pouvoir s’appuyer sur des règles, tout   particulièrement    législatives, tenant  compte  des  inégalités de  fait avec les chefs d’entreprise. 

S’il convient de refuser un système de précarisation et d’orientation autoritaire  sous  domination  patronale,  et s’il ne s’agit pas  non plus de verser dans l’assistance, il faudrait, au lieu de faire prédominer  les contrats  individuels  dans  une  logique d’assurance privée, développer la liberté de choix personnel dans un système  de mutualisation   appuyé   sur   les   services publics. On irait ainsi vers un système de sécurité  d’emploi et de formation e  mobilité  promotionnelle,  un  peu comme la sécurité sociale mutualisée et  appuyée  sur  les  services  publics avait remplacé en son temps les assurances sociales.

L’audace de créativité de nouvelles règles  et  institutions   comme  cadre d’action des acteurs  sociaux, afin de maîtriser et commencer à dépasser  le marché  du travail, est  possible  avec les potentiels et les enjeux de la révolution informationnelle. Elles se situeraient dans le cadre de la promotion d’un  modèle  social  européen  hardi, pour contribuer à un monde de coopération et non de domination. A cette fin, la culture  sociale  des  repères  et des enjeux institutionnels devrait pouvoir  passer   du  simple  soutien  des acquis, ou de leur mise en cause sous prétexte de modernisation, à leur développement créateur. ■

Analyse du Projet de socle du régime d’assurance chômage des syndicats CFE-CGC, CGT, FO

Ce  projet  indique  « trois voies principales :

1) Amélioration du taux de couverture de l’indemnisation ;

2) Responsabilité des entreprises en amont de la rupture du contrat de travail ;

3) Aide à l’insertion ou à la réinsertion professionnelle ».

Il demande la suppression  de la dégressivité, une meilleure prise en compte des précaires, des dispositions en concertation avec l’Etat pour les primo-demandeurs d’emplois.

Il insiste sur le droit à la formation et sur le besoin de corriger tout ce qui ne va pas dans les formations actuelles, y compris par l’implication accrue des partenaires sociaux. Il réaffirme l’importance de la garantie de reclassement en cas de licenciement. Pour le « retour à l’emploi stable », il précise la deuxième « mission  » nouvelle du régime d’assurance-chômage de l’UNEDIC avec, à côté du « pôle indemnisation », « le pôle d’aide à la formation reclassement  »

Et il souligne  la responsabilité  du service public  de l’emploi  ANPE, en partenariat  avec l’UNEDIC et l’AFPA pour la mise en place d’un « dispositif d’accès à l’emploi ». ■

Le 10 juillet 2000