Partageant largement la vision que souhaite défendre le Manifeste « Une société pour tous les âges », Marie-George Buffet, réagissant aux questions posées par le manifeste donne sa vision de la révolution démographique et des perspectives qu’elle ouvre, à condition qu’une politique du « vieillissement » dépassant la seule politique de la vieillesse soit mise en œuvre. Cette politique devra, selon elle, faire face aux défis posés par les évolutions démographiques en poursuivant le principe d’une solidarité intergénérationnelle, mais elle impliquera que soient déployés les moyens financiers nécessaires et que soient accordés aux personnes du 3e et du 4e âge les pouvoirs pour faire valoir ce qui constituerait de nouveaux droits.
1. Les âges et les générations, comme les évolutions démographiques, n’ont pas été suffisamment pris en compte par les politiques publiques.
Comment comptez-vous concrètement prendre en compte ces questions au sein des politiques que vous souhaitez mener ? Ne croyez-vous pas qu’une politique du vieillissement devrait remplacer la « politique vieillesse » ?
Il faut prendre en compte les évolutions démographiques et considérer que l’on se situe dans une société de « longue vie ». Mais faire face à cette évolution implique des politiques publiques, nationales, locales, communales, et la remise en cause par les entreprises de leurs politiques de gestion et d’emploi qui tendent à évincer les travailleurs vieillissants.
Cette nouvelle politique doit imposer les financements nécessaires et s’appuyer sur les propositions des associations.
Il est impératif de maintenir et de rénover les principes de la solidarité intergénérationnelle inscrite dans le système des retraites par répartition, pour lequel nous proposons une réforme de progrès.
Une politique familiale dynamique pourrait conforter le relèvement du taux de fécondité en France jusqu’au taux de renouvellement des générations de 2,1 enfants par femme, ce qui participe à la création de la force de travail nécessaire au relèvement du nombre de cotisants afin de financer les départs en retraite qui vont encore s’accélérer, surtout après 2010.
Ce développement quantitatif de la force de travail doit s’accompagner d’un développement qualitatif à travers une politique de formation initiale et de formation continue, afin de favoriser la qualification, la croissance de la productivité du travail et le développement des salaires qui sont la source des cotisations sociales. Ceci nécessite une politique active de créations d’emplois dans les entreprises et les administrations. Il faut aussi spécifiquement développer les emplois dans un nouveau service public de la santé et de l’aide à la dépendance dans les hôpitaux, pour les hébergements en maison de retraite, mais aussi dans l’aide pour le maintien à domicile.
Sécuriser tous les moments de la vie suppose une articulation entre tous les âges de la vie qui fournit la base d’un politique capable de prendre en compte le phénomène de « vieillissement » des sociétés. La sécurisation des parcours de vie doit sortir de la coupure entre les trois âges, formation, travail, retraite. C’est la formation tout au long de la vie qui peut assurer la continuité entre la formation initiale, l’entrée des jeunes dans la vie active, la sécurisation des parcours professionnels et l’âge de la retraite. Cela exige aussi l’action pour améliorer les conditions de travail : prévention de la maladie et des risques professionnels, réduction du temps de travail et développement du temps pour la formation.
C’est ceci qui permettrait de profiter de sa retraite pour une retraite active. Il faut organiser les conditions d’un rôle actif des jeunes retraités , pour l’aide à la dépendance des personnes très âgées et pour la formation des jeunes salariés qui entrent dans la vie active, pour l’aide à la garde et l’aide aux devoirs des jeunes enfants. Les jeunes retraités doivent jouer un rôle actif dans la cité au travers des associations et des collectivités territoriales.
Cette politique du « vieillissement » dépasse la seule politique de la vieillesse. Elle fait face aux défis posés par les évolutions démographiques en poursuivant le principe d’une solidarité intergénérationnelle, mais elle implique que soient déployés les moyens financiers nécessaires et que soient accordés aux personnes du 3e et du 4e âge les pouvoirs pour faire valoir ce qui constituerait de nouveaux droits.
2. Les pouvoirs publics ne sont pas les seuls responsables de l’image globalement négative que les médias et le grand public ont du vieillissement et de la vieillesse.
Quels moyens mettrez-vous en œuvre pour veiller à ce que les représentations de l’avancée en âge et de la vieillesse ne se focalisent pas sur des aspects négatifs ?
Ce n’est pas seulement un problème de représentation. Le type de gestion de la main-d’œuvre dans les entreprises intervient, car en tendant à éjecter les travailleurs vieillissants, il les présente comme trop coûteux et pas assez productifs…
Les pouvoirs publics sont aussi responsables d’accréditer le thème de la « guerre entre générations » en faisant apparaître les pensions de retraite comme un prélèvement insupportable sur les revenus des actifs et notamment sur les actifs les plus jeunes. On inverse ainsi la logique car l’accroissement de l’espérance de vie, et plus encore celui de l’espérance de vie sans incapacité devrait être présenté comme une bonne nouvelle !
Or, les réformes entreprises, par les décrets Balladur en 1993 et la loi Fillon en 2003, reposent sur une idéologie selon laquelle les retraités seraient des privilégiés.
En réalité, l’effet de ces mesures à terme sera dramatique. Les pensions de retraite baisseront en moyenne de 40 % avec un problème particulièrement grave pour les basses retraites, notamment pour les femmes, ce qui risque de nous ramener au panorama d’avant les années 70 ou à la situation des retraités au Royaume-Uni.
Sur le plan sanitaire, le scandale des morts de la canicule de 2003 rejaillit aussi sur les pouvoirs publics. Ceci a fait exploser l’insuffisance des moyens dans les établissements pour personnes âgées et à l’hôpital, pourtant dénoncée depuis longtemps auparavant.
Si l’on veut faire avancer les choses et sortir de cette idée de « guerre des générations » afin de restaurer le principe de la solidarité intergénérationnelle, il faut favoriser une représentation plus forte et plus active des jeunes retraités dans la société.
3. À force d’identifier utilité sociale et activité rémunérée, de nombreuses personnes retraitées se voient considérées comme inutiles, surtout si elles refusent de se définir uni-quement par rapport à une activité bénévole ou familiale.
Quelle place proposez-vous pour ces personnes dans la société d’aujourd’hui et de demain ?
Concernant la fin de l’activité salariée, il faudrait revaloriser le rôle de tutorat et de la transmission des savoirs et des compétences entre travailleurs proches de la retraite et jeunes en embauche. Certains dispositifs ont existé en ce sens, notamment l’ARPA aujourd’hui disparue.
Concernant l’activité des personnes déjà en retraite, celleci doit être valorisée dans la société. Il s’agit souvent de formes de bénévolat dont l’utilité sociale est considérable et qui constituent des éléments essentiels de la solidarité intergénérationnelle.
Ainsi avec les enfants en bas âge, les enfants après l’école, pour l’aide aux devoirs, pour les jeunes en difficulté, mais également, dans les communes, dans les cités populaires et dans l’ensemble de la vie associative. La participation des jeunes retraités à l’action solidaire envers les très âgés a déjà été évoquée.
Mais pour que les jeunes retraités puissent jouer un rôle efficace, il faut que la sécurisation de tous les moments de la vie leur ait permis pendant leur période d’activité professionnelle de bénéficier de conditions de travail susceptibles de prévenir la maladie et les risques professionnels. La réduction du temps de travail et le temps libre, la sécurisation du parcours professionnel, les promotions salariales sont autant de garanties pour que les personnes arrivent à l’âge de la retraite pour que celle-ci soit une période vécue comme un épanouissement et non comme une « mort sociale ».
4. On entend de plus en plus de discours opposant les générations, discours menaçant les jeunes de voir des vieux captant les richesses à leur profit, discours menaçant les vieux de voir les jeunes ne plus financer les retraites, etc. Comment comptez-vous éviter que les relations entre les générations ne se dissolvent et que ne l’emportent des intérêts ne permettant plus de maintenir la cohésion sociale ?
Nous l’avons dit, il faut combattre cette idéologie de la « guerre des générations » qui nous vient des néo-libéraux aux États-Unis et qui s’est propagée.
Les réformes en France se fondent sur l’idée que les retraités seraient des privilégiés à la charge des jeunes actifs qui devraient en avoir assez de « payer pour les vieux », que ce que l’on octroie aux retraites est pris sur l’emploi et la formation des jeunes.
L’optique néo-libérale est de convaincre les jeunes qu’ils cotisent à un système qui ne sera pas en mesure de financer demain leurs futures retraites, ceci étant lié aux intérêts des institutions financières de voir se développer des retraites par capitalisation individualisées.
De la même manière, on oppose politique familiale et financement des retraites alors que celles-ci sont complémentaires, car le financement des retraites s’appuie sur le développement de la politique familiale qui permet pour demain une population active nombreuse et en bonne santé.
Tout ceci participe à une politique de sécurisation de tous les moments de la vie qui est une base essentielle de la cohésion sociale qui doit être sauvegardée.
5. Les discriminations par l’âge, dans l’accès à la for mation, à l’emploi, aux aides, aux soins, risquent de devenir la première for me de discrimination en France.
Comment comptez-vous, dans chacun de ces domaines, mettre fin à ces formes de ségrégation et d’exclusion ?
Toutes les discriminations sont insupportables et nous voulons y mettre fin. Et, conjointement à l’objectif de justice sociale, il existe une volonté d’efficacité tant la diversité et la stimulation constituent des facteurs de dynamisme et de cohésion économique et sociale.
Il s’agit donc de s’attaquer aux discriminations par rapport au genre, par rapport à l’origine ethnique, par rapport à l’âge, ce qui touche les jeunes, mais aussi les seniors évincés précocement du marché du travail.
Å ceci vient s’ajouter les inégalités devant l’accès aux soins qui vont se développer avec les réformes libérales en cours et d’autres prévues.
6. Les politiques d’aménagement du territoire ne veillent pas suffisamment à un égal accès aux services publics, aux lieux culturels, aux lieux de soins, et ne veillent pas à éviter que des territoires deviennent, pour un âge ou un autre, inaccessibles ou facteurs d’isolement. Comment envisagez-vous le rattrapage des retards importants pris dans ces domaines ? Quelles villes et quelles campagnes imaginez-vous pour que puissent y vivre ensemble, sans isolement et sans discrimination culturelle ou sanitaire, des personnes de tous âges et de tout état de fragilité ?
Quels modes d’intervention comptez-vous développer pour répondre à l’état d’urgence de la situation de l’habitat (carences, inadaptation, faible croissance des logements sociaux…) ?
Actuellement les inégalités régionales se cumulent aux inégalités sociales. Ceci est flagrant dans les indicateurs de santé, par exemple dans l’écart d’espérance de vie entre les professions et catégories socioprofessionnelles qui se traduit par une surmortalité masculine précoce chez les ouvriers.
Tout ceci est aggravé par le dépérissement organisé des services publics, les inégalités et l’insuffisance de l’implantation des médecins, les fermetures d’hôpitaux, de services, de lits, les compressions de personnel hospitalier…
Concernant spécifiquement les personnes âgées, ceci se traduit par l’insuffisance criante en équipements, en personnels, l’insuffisance de places en établissements de long séjour, en maisons de retraite, mais aussi l’insuffisance des emplois pour les aides à domicile. Les inégalités face aux problèmes liés à l’âge apparaissent du coup très graves.
L’objectif prioritaire est d’organiser un plan de rattrapage qui devra s’attaquer à tous ces aspects, système éducatif, système de santé, systèmes d’aides pour une véritable politique du vieillissement. Cela exige les moyens nécessaires en financement, en équipements et dans la formation des personnels, notamment pour l’aide aux personnes âgées dépendantes.
Plus généralement, cela débouche aussi sur la nécessité d’un grand service public et social de l’habitat conçu dans un esprit de solidarité entre générations afin que l’on affronte en amont les inégalités régionales et sociales.
7. Politique du handicap, politique de la vieillesse, politique de santé sont discriminantes et conduisent à des besoins constants de mise en cohérence et de passerelles ».
Quelles propositions faites-vous pour décloisonner ce système peu lisible pour le citoyen et qui engendre de profondes inégalités ?
Il faut effectivement travailler au décloisonnement entre l’ensemble des services médico-sociaux dont la mise en réseau est nécessaire pour aller vers une prise en charge la plus globale qui soit, donc entre les hôpitaux, la médecine de ville, les services de soins infirmiers à domicile, les services d’aide sociale…
Mais ceci implique en amont que l’on organise la formation des personnels, leur statut, leurs revenus et que l’on organise la coordination des moyens, du financement, comme l’évaluation, le contrôle par les citoyens avec une participation des usagers aux décisions.
8. La décentralisation, qui était censée placer le pouvoir décisionnel au plus près du citoyen, a pour conséquences la création de nouvelles inégalités, pour les citoyens, entre départements, ainsi qu’une politique nationale qui a de plus en plus de difficultés à s’imposer.
Quelles articulations concevez-vous pour permettre à l’État d’être le garant d’un droit égal et d’un dispositif national cohérent ?
Le type de décentralisation entrepris tend à renforcer les inégalités entre territoires. Il est fondé sur des critères de rentabilité financière qui aboutit à priver les citoyens de pouvoirs et favorise un individualisme qui vient à son tour renforcer les inégalités et l’isolement.
Ainsi, la décentralisation vers les départements de charges liées à des besoins sociaux, notamment l’APA, ou encore le RMI, a renforcé les difficultés d’accès à ces dispositifs, puisque les transferts financiers entre États et départements ne sont pas à la mesure de la croissance du nombre de bénéficiaires.
Les péréquations sont insuffisantes pour aider les départements les plus pauvres qui sont souvent aussi les plus vieillissants.
L’État doit redevenir le garant d’un droit égal à des dispositifs, dont les montants et les conditions d’éligibilité doivent rester fixés au niveau national. Conjointement, il faudrait développer au niveau territorial des pouvoirs nouveaux des usagers et des populations, des coopérations.
9. Environ un million de personnes de plus de 60 ans, dont une majorité de femmes, vivent actuellement sous le seuil de pauvreté, avec de dramatiques conséquences en termes de salubrité du logement, de qualité de l’alimentation, d’accès aux soins, etc.
Comment comptez-vous pr endr e en compte les nombreux rapports qui indiquent que les réformes des retraites à venir risquent de multiplier les vieillesses pauvres ? Quels moyens comptez-vous adopter pour mettre fin aux actuelles situations de misère et éviter qu’elles ne s’accroissent dans le futur ?
La pauvreté chez les personnes âgées, qui avait considérablement baissé tend désormais déjà à remonter.
Deux raisons à ceci, l’incidence de plus en plus forte des carrières hachées par des périodes de chômage et les conséquences des mesures de 1993 et 2003 concernant les retraites dont nous avons déjà parlée. Les propositions du COR pour la réunion de 2008 sur les retraites laissent augurer du pire.
Nous avons prévu de remettre en question les mesures de Balladur et de Fillon : sur la méthode de revalorisation actuellement indexée sur l’indice des prix de l’INSEE, sur le système de décote qui pénalise en particulier les femmes qui n’ont pas la totalité des trimestres de cotisation requis.
Nous sommes persuadés que l’on peut revenir à 37,5 ans de cotisations pour tous, secteur privé comme secteur public, qu’il faut hausser les pensions de réversion jusqu’à 60 % de la pension du conjoint décédé et que les basses retraites doivent être revalorisées sinon l’on se dirigera vers un taux de pauvreté chez les personnes âgées qui pourrait se situer à 40 % en 2020, a fortiori en 2040.
Cette abolition de la réforme libérale doit bien sûr s’accompagner d’une refonte en profondeur du financement qui est la pierre d’angle d’une politique des retraites susceptible d’éviter la paupérisation des personnes âgées.
Sur le plan des aides spécifiques, il faut revaloriser l’APA et assouplir les conditions de son obtention, en créant conjointement les emplois qualifiés nécessaires pour l’aide à la dépendance à domicile, en créant des maisons de retraite accessibles dans des conditions décentes, en créant des maisons réellement médicalisées pour ceux qui le nécessitent. Ceci renvoie aussi à une politique du logement adaptée pour éviter l’isolement aux personnes âgées.
10. Le choix du lieu de vie et du mode de vie est aujourd’hui très dépendant des ressources, même avec l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
Comment pensez-vous garantir la liberté de choix des personnes ?
Nous l’avons dit une revalorisation suffisante de l’APA peut contribuer à garantir une liberté de choix entre les modes de résidence et le maintien à domicile.
Mais ce n’est pas seulement une question de liberté, car ce choix dépend aussi de l’état de santé, du niveau de ressources, de l’accessibilité aux logements, de leur qualité, des aspects quantitatif et qualitatif des emplois et des services pour le maintien à domicile…
11. Les manques de personnels, les lacunes de formation, la vétusté de certains établissements d’hébergement, etc., sont les conséquences les plus visibles de la faiblesse des moyens alloués à l’accompagnement et au prendre-soin des vieilles personnes malades ou handicapées, que ce soit à domicile ou en établissement.
Comment comptez-vous remédier à cette situation que les personnes, leurs proches et les professionnels dénoncent comme incompatible avec les valeurs de notre société ?
Comment comptez-vous répondre à ces demandes et éviter que se multiplient des situations de maltraitance sociale et institutionnelle ?
Quelles politiques imaginez-vous pour soutenir la qualification et l’attractivité des métiers de l’aide ou du prendre-soin auprès des personnes malades ou handicapées de tous âges ?
Votre question rappelle d’abord la très grande souffrance qui est le lot d’un nombre croissant de personnes âgées, et en même temps de leurs proches.
Non seulement le manque de personnels est criant, ce qui exacerbe les situations de solitude et peur aller quelquefois jusqu’à des situations de maltraitance, du fait de personnes voire d’institutions elles-mêmes.
Les établissements de long séjour sont parfois délabrés et sans personnel suffisant alors qu’ils sont souvent très coûteux et très peu médicalisés. Ceci est devenu un marché juteux pour des investisseurs, en premier lieu les compagnies d’assurance.
Quant au maintien à domicile, il implique la présence régulière de la famille, une chambre équipée, une chambre pour l’hébergement de l’aidant. Au bout d’un moment, en raison de l’état de santé de la personne dépendante, la présence du personnel doit être permanente, ainsi pour prévenir les risques de chute. Le nombre de personnes concernées doit « exploser » dans les prochaines décennies pour des raisons démographiques et il s’agit de prévoir les mesures nécessaires.
Ces mesures doivent permettre de créer les emplois nécessaires, en quantité et en qualité, ce que nous avons déjà évoqué (médecins, kiné, infirmières, aides à domicile…). Mais le statut et le revenu des professions dévolues à l’aide à la dépendance doivent être suffisamment sécurisants.
12. Comme l’indiquent tous les rapports consacrés à ces questions, les besoins de financement vont croître dans les années à venir pour répondre à la nécessité de permettre à tous les citoyens, quel que soit leur âge, d’être convenablement aidés, accompagnés, pris en soin, quand ils en ont besoin.
Quelle évaluation faites-vous des montants financiers à dégager pour répondre à ces besoins ? Comment comptez-vous les financer : nouveau risque Sécurité sociale, CSG, TVA sociale, assurances individuelles, autres ?
En réalité, ce « nouveau risque » existe avec la création de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) en 2005… Mais l’avatar du financement par la fin du lundi de Pentecôte férié a complètement brouillé les choses sur ce point.
Nous ne pensons pas qu’il faille créer un « nouveau risque» car plus on va vers une conception éclatée de la protection sociale, plus on tend à désolidariser un système qui était fondé sur une volonté d’universalité et d’unicité.
Une politique du vieillissement est liée à la politique familiale, au système de santé, au système de retraites, aux politiques d’emploi, alors pourquoi créer une « nouvelle branche » qui risque de stigmatiser plus encore le coût collectif de la dépendance ?
Pour autant, il faut impérativement trouver la possibilité de dégager un financement spécifique au problème de la dépendance. L’ensemble des pistes que vous citez, hausse de la CSG, TVA sociale, développement des assurances individuelles ne répondent pas à notre sens à la question de financer la dépendance des personnes âgées dans la solidarité : ou bien elles vont creuser les inégalités, dans le cas des assurances individuelles, ou bien elles vont peser uniquement sur les ménages.
Une hausse de la CSG, alors que celle-ci frappe en priorité les revenus du travail aurait un nouvel effet dépressif sur le pouvoir d’achat des ménages. La TVA sociale serait tout autant risquée puisque la TVA est l’impôt le plus inégalitaire qui soit. Bref, il faudrait s’attendre à un ensemble d’effets négatifs sur la croissance réelle et le renforcement des inégalités.
Nous sommes attachés au principe de la cotisation sociale en fonction des salaires versés dans l’entreprise qui est le lieu où les salariés créent les richesses. Mais une réforme de fond des cotisations patronales doit être branchée sur le développement de l’emploi des salaires, de la formation et de la qualification, en enclenchant un nouveau type de croissance fondé sur le développement des ressources humaines, y compris dans les conditions de travail et la prévention des maladies et risques professionnels.
Nous proposons de corriger les effets pervers de l’assiette actuelle : plus une entreprise embauche et développe les salaires, plus elle paie de cotisations sociales, alors qu’à l’inverse les entreprises qui licencient, économisent sur les salaires et fuient dans les placements financiers contribuent moins au financement des risques sociaux, si bien que le système de financement actuel joue contre l’emploi.
Il faudrait inverser cette logique en modulant les taux de cotisation. Les entreprises qui développent l’emploi et relèvent la part des salaires dans la valeur ajoutée, en faisant rentrer de ce fait plus de cotisations sociales, se verraient appliquer un taux de cotisation relativement plus faible. Inversement, il faudrait augmenter le taux de cotisation des entreprises qui licencient et qui baissent la part des salaires dans la valeur ajoutée.
L’objectif est de dégager des rentrées de cotisations nouvelles en lien avec le développement des emplois et des salaires, de la formation et de la qualification. Cette modulation se ferait en fonction de la politique d’emploi des entreprises observée à partir de l’évolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée.
Si ce ratio est élevé, le taux de cotisation pourrait être relativement abaissé par rapport à un taux moyen et, au contraire, si le ratio est bas, le taux de cotisation s’élèverait. L’objectif est d’assurer des rentrées de cotisations sociales par l’incitation par le développement de l’emploi et le relèvement de la part des salaires dans la valeur ajoutée.
Nous proposons de créer une cotisation sur les revenus financiers des entreprises, en moyenne 80 milliards par an. Et de les appeler à un taux de contribution identique aux prélèvements sur les salaires pour les retraites obligatoires (base et complémentaires), soit 15 %.
Cela permettrait de dégager environ 12 milliards d’euros de ressources par an. Les revenus financiers des banques et des autres institutions financières, qui échappent à toute contribution à la protection sociale, devraient être soumis au même prélèvement. Cette nouvelle cotisation pourrait notamment, en partie, financer la solidarité pour la prise en charge des personnes âgées dépendantes.
Il faut également prévoir les financements publics pour le développement des équipements, maisons de long séjour, maisons médicalisées, etc. et le développement des emplois en établissement et à domicile qui nécessite un vaste plan emploi-formation.
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