Nous remercions Catherine Mills et José Caudron de nous avoir autoriser à reproduire la deuxième partie du chapitre 4 consacré à la politique familiale tiré de leur ouvrage « Protection sociale », Economie et politique, débats actuels et réformes, (la première partie de ce chapitre a été publié dans le numéro de novembre-décembre d’Economie et Politique).
Alors que la crise du financement de la protection sociale s’accélère avec la faiblesse de la croissance et la montée du chômage, la politique familiale est amenée à prendre en compte de nouveaux objectifs.
Aux objectifs démographiques et sociaux se sont ajoutés celui de permettre aux femmes de concilier vie familiale et vie professionnelle, puis celui de lutter contre le risque de pauvreté des familles avec le montée du chômage et la déflation salariale.
La politique familiale en France a abouti ainsi à la juxtaposition complexe de dispositifs pour tenter de répondre à la multiplicité des objectifs et aux modifications de la situation des ménages, dont la plus apparente se révèle dans le développement des familles monoparentales très souvent lié à des conditions financières difficiles [Commaille, Strobel, Villac, 2002 ; Lefèvre, Filhon, 2005 ; Godet, Sullerot, 2005 ; de Singly, 2004].
Pourtant, malgré les nouveaux besoins sociaux nés de la situation économique, sociale et démographique, les réformes de la politique familiale vont s’inspirer du principe de limitation des dépenses sociales, en remettant en cause certains des aspects de la politique familiale.
Nous analyserons ici les réformes menées depuis 1995, le Plan Juppé de 1995-1996, les réformes Aubry de 1998 et 1999, puis la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), dispositif né en 2004 après le retour de la droite au pouvoir en avril 2002.
Le Plan Juppé prétend répondre au besoin d’équité, mais en réalité, son objectif premier vise l’équilibre financier en réduisant les dépenses sociales.
Cependant, l’équilibre financier ne sera pas atteint (voir infra chapitre 8). Certains jugeront que les mesures de « rationalisation » et de « simplification » de la politique familiale prévues dans le plan Juppé revenaient à en faire « la vache à lait du plan Juppé » [Bichot, 1996].
Elles organisaient en effet :
Le retour à l’équilibre financier prévu par le Plan Juppé ne va pas se réaliser. Au contraire, les déficits vont avoir tendance à s’aggraver plutôt qu’à se résorber.
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Tableau (19) Déficits et excédents prévus et constatés pour la branche famille de 1995 à 1998
(milliards de francs )
En octobre 1997, lors du débat sur la loi de Financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 1998, Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, déclare que la politique familiale se fonde avant tout sur un objectif de solidarité entre les familles et recommande de réorienter la politique familiale vers les plus modestes au nom de la justice sociale. Elle critique ce qu’elle pense être les « avantages injustifiés » de certaines familles, et donc le caractère insuffisamment redistributif de la politique familiale. Ceci l’amène à proposer la mise sous conditions de ressources des prestations familiales en les ciblant sur les plus pauvres, ce qui leur ferait perdre leur caractère universel.
La LFSS 1998 a ainsi défini un plafond de ressources audessus duquel on n’avait plus droit aux allocations familiales, l’argument utilisé étant qu’au-dessus de ce seuil, les ménages étaient suffisamment privilégiés pour ne pas percevoir ces allocations.
Mais le seuil de ressources fixé, environ 4 fois le SMIC, soit 25 000 francs par mois, pouvait paraître bas. La perte de ressources était assez importante pour les familles situées juste au-dessus de ce seuil et ayant trois enfants, pratiquement 7 % de leurs revenus, et 10 % pour celles ayant quatre enfants. Ainsi, contrairement à ce qui était affirmé, il ne s’agissait pas seulement d’exclure des ménages privilégiés, puisque ce seuil de 25 000 francs mensuels peut correspondre à un ménage dont les deux membres sont enseignants, ou encore à un couple composé d’un ouvrier qualifié et d’une femme employée à temps partiel.
Dans ces cas, la mesure avait aussi l’inconvénient de pénaliser le travail féminin en incitant des femmes à renoncer à l’emploi pour continuer à percevoir les allocations familiales. Plus fondamentalement, il s’agissait d’une rupture avec l’objectif originel d’universalité des allocations familiales.
En un premier temps, les nombreuses oppositions des associations de familles, comme dans les partis de gauche et les syndicats, ont conduit la ministre à remonter le plafond pour le porter, lorsque les deux conjoints travaillent, à 32 000 francs pour les familles avec deux enfants et à 30 000 francs pour les familles avec trois enfants ou plus.
Cette modification ne suffisait pas et un rapport fut commandé pour la Conférence de la famille de 1998. Le rapport Thélot-Villac constituait une critique implicite de la mise sous conditions de ressources des allocations familiales, en montrant que cette disposition tendait, contrairement à ce qui était prétendu, à réduire les effets redistributifs de la politique familiale plutôt que de les renforcer [Thèlot, Villac, 1998]. Comme on l’a vu supra, c’est la préconisation de ce rapport de limiter l’avantage du quotient familial à 11 000 francs qui sera retenue pour la Conférence de la famille.
La mise sous conditions de ressources des allocations familiales n’aura donc été appliquée que quelques mois, et l’effet rétroactif de son annulation entraînera le versement de l’intégralité des prestations aux familles temporairement exclues du dispositif.
Le dispositif de l’AGED avait été créé en 1986 par Philippe Séguin, alors ministre des Affaires sociales. Cette mesure d’aide à la garde d’enfant à domicile était ciblée, mais sur les familles aisées, puisque par sa nature et son coût résiduel pour les familles, elle ne pouvait concerner que des familles de cadres supérieurs, ou de professions libérales, où les deux conjoints travaillaient. Le coût total de cette formule était très élevé pour la collectivité. Sur un coût total d’environ 9 800 francs par mois, la CNAF versait à la famille la moitié, donc 4 900 francs, tandis que l’État prenait totalement en charge les cotisations employeurs.
En outre, la famille bénéficiait d’une réduction d’impôts, ce qui fait qu’en moyenne, le coût pour l’État atteignait 2 600 francs par allocataire et par mois. On pouvait donc estimer que le coût total de 9800 francs se répartissait pour
7 500 francs à la charge de la CNAF et de l’État, la famille ne supportant finalement qu’un coût résiduel de 2 300 francs par mois. La montée en charge de ce dispositif jusqu’à 1994, avait abouti à une charge importante pour laquelle aucun financement spécifique n’avait été prévu, et qui expliquait partiellement les déficits de la CNAF.
Arguant à juste titre de son caractère anti-redistributif, le gouvernement Jospin a procédé à une réforme de l’AGED en 1999 : les cotisations sociales ne seront plus prises en charge que pour 60 %, et même pour 50 % et au-delà d’un plafond de ressources, alors que la réduction d’impôt sera réduite de moitié. L’AGED a disparu en 2004 car elle a fait partie des dispositifs refondus dans le cadre de la PAJE.
C La réforme créant la Prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) en 2003.
Cette réforme, organisée par Christian Jacob, ministre de la Famille du premier gouvernement Raffarin est entrée en vigueur le 1er janvier 2004, en ne s’appliquant que pour les enfants nés après cette date. Contrairement à ce qui avait été annoncé, les autres dispositifs n’ont pas été maintenus jusqu’à extinction des droits pour les familles ayant des enfants n’ayant pas atteint trois ans avant le 1er janvier 2004 et qui bénéficiaient des anciens dispositifs.
L’objectif affiché par la PAJE était de procéder à une harmonisation et une simplification, en réunissant dans une seule prestation l’allocation pour jeune enfant (APJE), l’allocation parentale d’éducation (APE), forme de congé parental, et les deux prestations destinées à la garde d’enfants, l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée (AFEAMA) et l’AGED. La PAJE comprend trois volets :
• La prime à la naissance. Remplaçant l’APJE, cette prime est versée en une seule fois pour un montant de 826 euros en 2006. Elle est soumise à des conditions de ressources beaucoup moins restrictives que l’APJE, ainsi pour un couple avec deux enfants le plafond annuel de ressources est-il de 37 411 euros par an, soit 3 118 euros par mois (20 450 francs) au lieu du plafond de 13 800 francs qui était appliqué pour l’APJE.
Mais comme l’APJE courte était versée pendant 12 mois à raison de 159 euros par mois, l’allocation cumulée représentait 1908 euros au lieu des 826 euros actuels. En raisonnant sur un budget total équivalent, la stratégie menée pour la PAJE consiste ainsi à verser des prestations plus réduites à un nombre de familles plus important.
Cette méthode sera très discutée : si globalement les associations familiales vont se féliciter de l’augmentation du nombre de familles bénéficiaires, beaucoup vont critiquer le fait que la PAJE se traduise pour des familles peu favorisées par une diminution des prestations.
• L’allocation de base. D’un montant de 168 euros par mois, celle-ci est versée de la naissance à l’enfant jusqu’à son troisième anniversaire. Une famille peut cumuler plusieurs allocations de base s’il y a plusieurs enfants de moins de 3 ans au foyer, comme c’était le cas pour l’APJE longue. Les conditions de ressources ne sont pas les mêmes que pour la prime à la naissance… ce qui rend très discutable l’affirmation selon laquelle la PAJE aurait simplifié la mosaïque de prestations qu’elle a remplacées.
Pour bénéficier de l’allocation de base, un couple biactif avec deux enfants ne doit pas dépasser 38 692 euros de ressources annuelles, soit 3 224 euros par mois ; pour un couple avec un seul actif, le plafond est de 30 516 euros par an, donc 2 543 euros par mois. L’effet de seuil joue à plein, ce qui aurait pu être évité par une allocation de base dégressive selon les revenus.
La différence entre les plafonds selon que le couple est biactif ou monoactif s’affiche comme une volonté d’encourager le travail des femmes, mais cette déclaration d’intention peut être amplement discutée, ne serait-ce que parce que l’allocation de libre choix, le troisième volet de la PAJE, tend on le verra au contraire à pousser au retrait du marché du travail les femmes peu qualifiées [Périvier, 2003].
• Le complément de libre choix. Celui-ci est destiné à permettre à l’un des parents de cesser temporairement son activité professionnelle jusqu’aux trois ans de l’enfant, ou de la maintenir en percevant une aide dite complément de libre choix de mode de garde, qui peut être perçue quant à elle jusqu’aux six ans de l’enfant.
Ce sont donc ici l’ancienne allocation parentale d’éducation (APE), ainsi que les dispositifs de l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée (AFEAMA) et de l’AGED qui sont remplacés. Pour pouvoir bénéficier du complément de libre choix, il faut qu’au moins l’un des conjoints exerce une activité professionnelle. L’aide dégressive varie en fonction du mode de garde choisi et des revenus du ménage : lorsque celui-ci est inférieur à 2,15 SMIC, le complément peut s’élever à 361 euros par mois.
Il atteint 258 euros pour un revenu entre 2,15 SMIC et 4,5 SMIC et 155 euros par mois pour un revenu supérieur à 4,5 SMIC. L’allocation est réduite de moitié pour les enfants entre trois et six ans, la PAJE s’éteignant définitivement aux 6 ans de l’enfant.
Le CLC comprend aussi la prise en compte des cotisations sociales, totale pour une assistante maternelle et à hauteur de 50 % pour une garde à domicile. Mais le système de réduction d’impôt de l’AGED est maintenu, si bien que le risque d’une prestation anti-redistributive n’est pas écarté : les couples bi-actifs à hauts revenus ne font face en définitive qu’à un reste à charge résiduel faible par rapport à leurs revenus, de l’ordre de 500 euros par mois pour une garde à domicile.
• Le complément de libre choix d’activité (CLCA) a remplacé l’allocation parentale d’éducation (APE). On reprochait à cette dernière de constituer une incitation pour les femmes percevant de bas salaires à se retirer de l’activité professionnelle, d’autant que l’APE était accessible dès le deuxième enfant, alors que l’ancien congé parental ne l’était qu’à partir du troisième [Bihr, Pfefferkorn, 2002 ; Majnoni d’Intignano, 1999 ; Maruani, 1998 ; Mills, 2002].
En réalité, le complément de libre choix d’activité aggrave ce défaut, puisqu’il peut être versé dès le premier enfant pendant six mois. Il n’est pas soumis à conditions de ressources et peut se prolonger jusqu’aux trois ans de l’enfant s’il s’agit au moins du deuxième enfant. La condition d’éligibilité consiste à avoir travaillé au moins deux ans pendant les quatre dernières années, s’il s’agit du deuxième enfant, et deux ans dans les cinq dernières années si l’enfant est au moins de rang 3.
• Dans le cas d’une cessation complète d’activité, le CLCA s’élève à 347 euros par mois si l’allocation de base est perçue, et dans le cas contraire à 512 euros ; en cas de cessation partielle d’activité, le montant est de 124 euros par mois si le temps de travail se situe entre 50 % et 80 % d’un temps plein et de 216 euros par mois si le temps de travail est égal ou inférieur à un mi-temps.
Ces montants forfaitaires restent faibles et sont acceptés, pour une énorme majorité, par des femmes exerçant des métiers peu qualifiés, ce qui peut à l’évidence contribuer à les sortir du marché du travail. Pour mémoire, nous rappellerons que dans les pays scandinaves, les congés parentaux sont de dix-huit mois, cumulables pour la mère et le père soit trois ans au total, tandis que le montant de la prestation atteint 90 % du salaire dans la limite de 2 500 euros par mois, ce qui explique qu’une très forte proportion des congés parentaux, plus de 40 %, soient demandés par les pères comme en Suède et en Norvège.
Au final, la réforme de la PAJE s’est faite sans effort financier réel, si bien que sous l’habillage d’une plus grande universalité, elle a abouti à un saupoudrage et, dans certaines situations, à des prestations familiales plus basses pour des familles aux revenus très modestes.
En 2004, des familles monoparentales, qui percevaient auparavant l’allocation de parent isolé (API) se sont vues touchées par la règle de non cumul entre l’API et la PAJE, alors qu’auparavant l’API et l’APJE pouvaient être cumulées. Comme cette modification apportée par la loi Jacob risquait de se traduire dans ce cas par une perte de prestations de plus de 150 euros par mois, cette mesure de non-cumul a été reportée.
D’autres critiques portent sur le complément mode de garde. La PAJE privilégie les offres de gardes privées et ne répond pas aux besoins de développement des modes de garde collectifs publics, (crèches, haltes-garderie…) qui sont les structures les plus demandées par les familles modestes. Dans le même temps, le gouvernement souhaite la multiplication des crèches en entreprises, structures privées qui bénéficieraient d’un financement public.
La démographie reste dynamique en France par comparaison aux autres pays de l’Union européenne, mais le taux de renouvellement des générations est à peine atteint. La descendance finale des Françaises nées en 1960 est de 2,09 enfants, soit quasiment le chiffre de 2,1 considéré comme le seuil de renouvellement des générations.
Mais l’indice conjoncturel de fécondité reste en deçà, même s’il se situe depuis 2000 aux environs de 1,9. Il s’agirait donc de promouvoir une politique familiale dynamique, notamment auprès des jeunes ménages, puisque l’âge de la mère à la naissance du premier enfant ne cesse d’augmenter.
La durée des études n’est pas seule en cause, puisque s’y ajoutent les incertitudes liées aux conditions actuelles du marché du travail et le renchérissement très sensible des loyers depuis 2000. Cela impliquerait des mesures adaptées, telles qu’une aide aux jeunes ménages, notamment aux ménages étudiants, et parallèlement une allocation d’autonomie formation pour l’ensemble des étudiants.
En abaissant l’âge de la mère à la naissance du premier enfant, c’est le calendrier des naissances qui serait décalé, afin de permettre aux couples d’avoir le nombre d’enfants désirés, puisque actuellement, le nombre d’enfants souhaités se situe en moyenne entre 2,3 et 2,4, donc nettement audessus de l’indice conjoncturel de fécondité et de la descendance finale des femmes [Lefèvre, ]. Cette politique familiale nécessiterait aussi des aides au logement plus efficaces, des créations d’emploi, une aide véritable à l’insertion dans un emploi qualifié et bien rémunéré, avec une formation réussie pour tous, notamment les plus en difficultés. En amont, cela implique des moyens nouveaux pour l’école et une véritable politique du logement.
Les mesures pour concilier la vie professionnelle et la vie familiale sont insuffisantes. Celles-ci ne concernent pas seulement les femmes et elles ne doivent pas s’effectuer au détriment de leur taux d’activité. Ceci constitue un point décisif de la réalisation de l’égalité hommes-femmes. En particulier, on devrait viser des mesures efficaces pour résorber les inégalités par rapport à l’emploi, au salaire et à la promotion des femmes, ce qui contribuerait à relever la part relative de femmes dans la population active occupée.
Permettre aux femmes d’avoir des enfants et de travailler dans des conditions normales de salaire et d’évolution de carrière est un objectif décisif pour faire face au vieillissement démographique et aux besoins de relance économique et de financement de la protection sociale.
Le taux d’activité des femmes peut en effet être relevé. Il est beaucoup plus élevé dans les pays scandinaves qu’en France et beaucoup plus proche de celui des hommes.
Avant les réformes de l’allocation parentale d’éducation (APE), désormais remplacée par le complément de libre choix d’activité de la PAJE, le taux d’activité des mères de deux enfants atteignait 70 %, soit un accroissement très fort par rapport par rapport à la période allant jusqu’à la fin des années 60.
Mais la création de l’APE en 1986 et sa réforme en 1994 ont incité les femmes à se retirer du marché du travail. Le taux d’activité des mères de deux enfants est tombé à 50 %, ce qui tend à accroître l’écart entre le taux d’activité des femmes et celui des hommes. Bien évidemment, cela pose aussi les questions de l’augmentation des taux d’emploi et de la lutte contre le chômage des femmes.
Le relèvement du taux d’activité des femmes passe par la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, qui implique un développement des formules de garde et un nouveau partage du temps consacré aux activités domestiques [Barrère-Maurisson, 2001 ; ]. Ceci est crucial pour assurer le remplacement des générations et l’accroissement de la population active occupée.
1) La situation des plus démunis exprime le besoin criant d’une aide prioritaire au logement pour les plus modestes, ce qui implique un énorme effort en matière de logement social, mais cela pose aussi la question de l’emploi, de la formation et du revenu.
2) De la familialisation des dispositifs à une plus grande individualisation. La familialisation aboutit au versement des minima sociaux en fonction des ressources de l’ensemble des revenus du ménage. Dans ces conditions, la reprise d’un emploi par l’un des membres du couple peut se traduire par la perte des prestations correspondant à l’autre personne du couple.
De même, la liaison entre prestations familiales et minima sociaux revêt parfois un caractère injuste et incohérent. Comme on l’a vu des prestations de Rmi sont versées au titre de l’enfant de rang 1, alors que celui-ci n’ouvre pas droit à des allocations familiales universelles.
Ceci apparaît désincitatif à la prise ou la reprise d’emploi dans certaines situations, comme celle d’un Rmiste vivant seul avec un enfant à charge.
Certes, l’APJE, et la PAJE depuis 2004, compensent l’absence d’allocations familiales pour l’enfant de rang 1 jusqu’à trois ans, mais sans avoir répondu fondamentalement au besoin d’une allocation dès le 1er enfant qui constitue une demande sociale récurrente.
3) Le problème des jeunes. La politique familiale doit être liée à une politique de formation et il apparaît donc décisif de développer l’aide à la formation, par l’accroissement du nombre et du montant des bourses pour les enfants de familles modestes afin qu’ils réussissent leurs études. La création d’une allocation autonomie-formation pour la jeunesse est indispensable.
Pour faire face aux problèmes des jeunes les plus en difficultés, on pourrait instituer une véritable allocation d’insertion dans l’emploi, en créant les conditions pour qu’ils puissent être formés et accéder à des emplois qualifiés.
On devrait viser la création de nouvelles institutions pour l’insertion dans l’emploi des moins de 25 ans. Ainsi, une
« allocation jeune isolé » qui s’élèverait au moins à 80 % du RMI pourrait être envisagée, les jeunes concernés bénéficiant d’un accompagnement social et d’un tutorat.
Le développement du financement de la politique familiale reste la question décisive. La fiscalisation n’est pas, selon nous, une bonne solution, car elle tend à permettre la réduction des dépenses sociales et à faire reposer le financement sur les seuls revenus des ménages.
À l’inverse, le financement par des cotisations sociales maintient le lien à l’entreprise, le lieu où se créent les richesses. Grâce à la politique familiale, l’entreprise bénéficie d’une force de travail accrue et qualifiée, de même que l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages à travers les prestations familiales relance la demande effective en assurant des débouchés sur le marché intérieur.
La politique familiale s’inscrit dans une articulation de l’ensemble des politiques sociales. Associée à une politique de formation et à une politique d’emploi, elle permet d’anticiper le financement des retraites de demain.
Mais le mode de calcul des cotisations d’employeurs doit être réformé et davantage branché sur le développement de l’emploi, de la formation, des salaires et de la croissance réelle, ce qui accroîtrait en retour la masse des cotisations pour le financement d’une politique familiale efficace (voir infra chapitre 8).
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