Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Élection présidentielle : résolument une autre logique(1)

Le chiffrage sur les objectifs suppose une ampleur des moyens financiers largement sousestimée parce qu’on ne veut pas mettre en cause la domination actuelle des grands groupes et oser poser la nécessité d’une tout autre utilisation de l’argent. Sans rupture, sans choix antilibéraux, sans moyens financiers nouveaux, sans pouvoirs pour les salariés, leurs organisations, les citoyens et leurs associations, on ne pourra pas changer. Il y a besoin absolument de rompre pour une autre logique que celle dominant actuellement.

Augmenter ou diminuer les prélèvements

Il y a deux logiques en ce domaine.

La logique dominant actuellement :
N. Sarkozy dit vouloir baisser sensiblement les prélèvements obligatoires, prétendant que cela va inciter les entreprises à produire plus et les gens à consommer plus. S. Royal, quant à elle dit ne pas vouloir baisser les prélèvements. Cependant, elle compte maintenir le principe de baisses des cotisations sociales patronales (conditionnées à des créations d’emploi, ce qui est contradictoire). Elle ajoute vouloir mieux redistribuer.

Ces deux démarches, en dépit de leurs différences, accentueraient l’irresponsabilité sociale des entreprises, la fuite vers les marchés financiers et la domination des actionnaires. Elles convergeraient aussi sur une surexploitation accrue avec les incitations aux bas salaires, comme, par exemple, avec les baisses de cotisations sociales patronales. D’ailleurs, la question n’est pas seulement de redistribuer  mieux mais de produire mieux et autrement pour pouvoir redistribuer plus et mieux.

N. Sarkozy, comme S. Royal, parient sur une croissance annuelle moyenne de 2-2,5% de 2007 à 2012. Mais on peut penser que cette hypothèse ne se réalisera pas, car elle n’est pas fondée sur une construction de développement de toutes les capacités humaines et de mobilisation des moyens financiers pour une croissance réelle nouvelle et pour l’emploi.

Une autre logique :
Pour nous, «travailler plus» cela signifie une croissance régulière soutenue de l’emploi, des salaires, des qualifications avec la formation, l’éradication graduelle du chômage et de la précarité. Cela renvoie à la perspective d’une nouvelle croissance d’efficacité sociale, fondée sur le développement  des hommes et qui, par cela même, serait pérenne, en liaison avec une autre utilisation de l’argent.

Premier élément fondamental :  l’utilisation des aides publiques aux entreprises

Il s’agit de mettre en cause résolument et sans compromission la logique actuelle de distribution d’aides publiques aux entreprises. Celles-ci atteignent au total 65 milliards d’euros (chiffre 2005) dont 23 milliards d’euros d’exonérations de cotisations

sociales patronales. Cela conduit à un soutien direct des profits et à la pression à la baisse des salaires. C’est vrai, y compris pour les baisses de cotisations sociales patronales conditionnées à des créations d’emploi (proposition de S. Royal) : Les emplois ainsi créés, à charges sociales abaissées, entreraient en concurrence avec les emplois à charges sociales non abaissées, poussant à la destruction de ces derniers. Au total, cela plomberait la croissance par insuffisance de progression de la demande (pression à la baisse des salaires) et par insuffisance des qualifications (encouragement à la multiplication des emplois à faible productivité). Et les profits supplémentaires ainsi réalisés seraient délocalisés ou serviraient à faire des placements financiers.

 

Un autre logique :

Toutes les aides publiques feront l’objet d’une évaluation démocratique de leur efficacité pour l’emploi et seront réaffectées, si celle-ci n’est pas établie ou parait insuffisante. Nous demandons de revenir sur l’abrogation par la droite de la loi portant création d’une Commission nationale de contrôle des aides publiques versées aux entreprises.
Surtout, les 23 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales patronales seront converties en un Fonds national et régionalisé de sécurisation de l’emploi et de la formation. Ce Fonds prendra en charge une partie d’autant plus importante des intérêts versés aux banques par les entreprises sur les crédits pour leurs investissements matériels et de recherche que ces derniers programmeraient plus d’emplois et de formations. Ainsi, on en finirait avec ce mécanisme central d’incitation aux bas salaires que constituent les exonérations de cotisations sociales patronales et l’investissement serait fortement soutenu en France, mais de conserve avec les emplois, les formations et les salaires, et non contre eux. Le développement d’un nouveau crédit sélectif à bas taux d’intérêt conduirait les entreprises à recourir de moins en moins au marché financier. Ces 23 milliards d’euros ainsi réutilisés pourraient, par effet de levier, servir à mobiliser jusqu’à 400 milliards d’euros de crédits nouveaux à taux zéro pour l’investissement des entreprises,  si l’on part d’un taux moyen pratiqué actuellement sur le marché de l’ordre de 5%. La masse d’investissements réels pourrait ainsi être doublée. La croissance réelle pourrait s’accélérer et s’entretenir, tandis que les exportations de capitaux et les placements financiers reculeraient. De plus, nous voulons changer le sens des incitations fiscales. Nous proposons, par exemple, de moduler le taux de l’impôt sur les sociétés selon le réemploi que les entreprises font de leurs bénéfices. Ce taux serait d’autant plus abaissé que les bénéfices des entreprises serviraient à développer l’emploi et les qualifications avec l’investissement, il serait rehaussé si les bénéfices servent à investir contre l’emploi, ou à placer sur le marché financier. De même, nous proposons  d’élargir la base de la taxe professionnelle aux actifs financiers des entreprises  et des banques et de les soumettre au taux de 0,5%. Cela rapporterait quelque 20 milliards d’euros supplémentaires aux collectivités territoriales, après péréquation.

Second élément fondamental : la question du soutien de l’investissement réel favorable à l’emploi, à la formation et à un autre développement
Actuellement, l’investissement réel des entreprises va de 170 milliards d’euros à 220 milliards d’euros maximum par an (il est de l’ordre de 55 milliards d’euros pour le public).
Il est possible de doubler cet effort, pour une croissance riche en emplois, en qualifications et utilisant pleinement la recherche, parce qu’il y a, actuellement, d’énormes fuites vers les exportations de capitaux et les placements financiers que l’on peut faire reculer. Mais cela exige, bien sûr, une très grande bataille. Et c’est aussi pour cela que nous proposons, dès la première année de législature, l’adoption d’une loi de sécurisation de l’emploi et de la formation. Certes, nous ne pouvons pas garantir que nous arriverons à créer, dès la première année, un doublement de l’effort d’investissement – ce serait de la démagogie – mais le gouvernement estimera ce qui peut être fait avec :

  • Une Conférence nationale et des conférences régionales de sécurisation de l’emploi et de la formation ;
  • Une mobilisation des institutions.

Sur ces enjeux, il y a en effet deux logiques possibles.

La logique actuelle :
Si on continue dans une logique de sécurisation et de promotion du marché financier et de la rentabilité financière, la France devra se plier toujours plus à la dictature des actionnaires. Il ne faudra pas espérer  alors réaliser, en moyenne, plus de 170 à 220 milliards d’investissements des entreprises chaque année. Et cela s’accompagnera nécessairement de très importantes  fuites vers les placements financiers et les exportations de capitaux.

Une autre logique :
Si, comme nous le proposons, on mobilise le crédit bancaire, de façon sélective, pour faire croître ensemble emplois, formations, recherche  et investissements  matériels, avec plus de pouvoirs pour les salariés et les citoyens, alors l’emprise du marché financier reculera par substitution de ce nouveau type de financement. La question n’est pas seulement de mesurer combien on peut déplacer de milliards d’euros pour unemeilleure répartition , mais comment changer l’utilisation des financements, pour de meilleurs salaires, pour un essor de la formation et de la recherche, pour un autre type d’investissement réel et développer une nouvelle croissance.

Besoins et engagements

Le choix que nous faisons d’objectifs sociaux audacieux constitue un point d’appui fondamental pour une nouvelle croissance. En cherchant  à répondre toujours mieux aux besoins sociaux et culturels de développement, on va créer sans cesse de meilleures conditions pour répondre à ces besoins.

 

1 - L’accroissement du pouvoir d’achat :

Cela permet aux gens de vivre mieux, mais cela permet aussi un accroissement  de la demande et, donc, une meilleure croissance. On va produire plus, et donc on va pouvoir distribuer plus.

2 - L’augmentation de l’effort de formation :

Cela fera plus de demande (avec les emplois de formateurs, mais aussi les revenus de formations et l’essor des qualifications et, donc, des salaires), plus d’emplois, contre le chômage. Mais cela permettra simultanément d’accroître la productivité, donc l’efficacité des productions, en utilisant pleinement les recherches dont le financement, notamment le financement public, doit être considérablement accru.

3 -Deux logiques de l’emploi  : La logique dominant actuellement :

N. Sarkozy et S. Royal affirment vouloir atteindre  en 2012 le «plein emploi», promettant ainsi une situation qu’ils considèrent comme idéale, avec un taux de chômage officiel de 5% de la population active en 2012 soit, tout de même, plus de 1,2 million de chômeurs recensés. Comme nous sommes, aujourd’hui, à un taux de chômage officiel de 8,5%, cela signifie qu’ils prétendent faire disparaître  quelque 800 000 chômeurs sur cinq ans. Et cela, d’ailleurs, en postulant que la baisse de la population active (fin du baby-boom) s’accompagnerait automatiquement d’une diminution du besoin d’emplois et, donc, d’une diminution du chômage. C’est très illusoire, en fait, car la baisse de la population active aura un effet dépressif, avec une perte de dynamisme qui aura pour conséquence  une augmentation du chômage. Ajoutons à cela que l’obligation de reprendre n’importe quel emploi mal payé au risque de ne plus pouvoir toucher d’indemnisation du chômage (workfare) fait diminuer les statistiques officielles du chômage mais pas le sous-emploi réel.

Une autre logique :

Nous visons, nous, une éradication graduelle du chômage, jusqu’à un taux de chômage zéro, et non le «plein emploi», c’est à dire le maintien d’un taux de chômage au niveau prétendument « idéal » de 5%.
Nous voulons faire reculer beaucoup  plus le nombre de chômeurs sur la législature, la formation augmentant très fortement (2). D’ailleurs, la diminution du chômage s’accompagne toujours, dans un premier temps, d’une augmentation du nombre de personnes  se déclarant  au chômage car elles étaient, jusqu’alors, découragées de chercher un emploi.
Nous visons, au moins, 400 000 chômeurs en moins par an sur 5 ans. Déjà, en faisant bien moins et moins bien que ce qu’il aurait fallu faire dans une conjoncture internationale plus porteuse, de 1997 à 2002, les gouvernements de « gauche plurielle » ont contribué à créer environ 2 millions d’emplois. On peut faire beaucoup si on fait ce qu’il faut et nous ne nous arrêterons pas, nous, à 5 % de chômeurs. Nous continuerons de faire reculer le chômage jusqu’à 0%, en transformant toutes les situations de privation d’emploi en activités bien rémunérées avec de bonnes formations.
Cette politique continue et conséquente d’éradication graduelle du chômage par la création de nouveaux emplois efficaces en nombre et par l’essor très important de la formation fera reculer la précarité et les bas salaires par l’augmentation de la masse des salaires. Cela aura un impact très positif sur la croissance réelle et fera diminuer les déficits publics et sociaux. En effet, 1% de masse salariale en plus c’est 2,5 milliards d’euros de rentrée de cotisations sociales supplémentaires ; 1% de PIB en plus c’est 2,5 milliards d’euros de rentrée de cotisations sociales supplémentaires ; 100 000 emplois en plus et c’est 1,3 milliard d’euros de rentrée de cotisations sociales supplémentaires.

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#1(1) Ont contribué à la réalisation de cet article : Paul Boccara, Frédéric Boccara, Denis Durand, Yves Dimicoli, Fabien Maury.

(2) Il y a 23 millions de salariés en France. Si, en permanence, 10 % de l’effectif est en formation (ce qui renvoie à la revendication de 10 % du temps de travail accordés à la formation) cela signifierait alors qu’il y aurait l’équivalent de 230 000 personnes, pas les mêmes bien sûr, en permanence en formation.

 

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