Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

LaTVA sociale : une mesure contre la justice sociale et contre l’efficacité économique

TVA et franchises : construire l'alternative

 

Les plans de réformes de l’équipe Sarkozy visant à déstructurer la protection sociale solidaire, à son éclatement tendant à organiser la montée des mécanismes privés se précipitent. Le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, vient d’annoncer des déficits historiques : 12 milliards d’euros pour le Régime général dont 6 milliards pour la branche maladie. Plus de 4 milliards pour la branche vieillesse. Ceci est le résultat de l’échec des lois Fillon sur les retraites en 2003 et Douste–Blazy sur l’assurance maladie en 2004..Celles-ci prétendaient ramener l’équilibre financier à partir de plans de réduction draconiens des dépenses publiques et sociales de santé et de retraites. Ils visaient à reporter leur financement sur les salariés et les retraités y compris par leur participation personnelle, en condamnant ainsi à une irrésistible montée des assurances privées et des retraites par capitalisation. En ce qui concerne le système de santé deux mesures notamment sont annoncées

: l’instauration de franchises visant à ne plus rembourser une partie des dépenses de santé, et la mise en place d’une «TVA sociale» organisant une fiscalisation  croissante des dépenses de santé reposant sur les seuls ménages . Ces deux mesures voient  se lever l’opposition majoritaire des Français, il est possible de mobiliser et de rassembler pour la défense et la promotion d’un système de santé solidaire et efficace, ce qui implique de mettre en débat les propositions  alternatives.

Nicolas Sarkozy s’était déclaré  lors de sa campagne "convaincu qu'il faut expérimenter le transfert d'une partie des cotisations sociales sur la TVA"(1) , ce qui était passé inaperçu pour une très large majorité de ses électeurs, convaincus de bénéficier  de mesures fiscales avantageuses : défiscalisation des heures supplémentaires, poursuite de la baisse des droits de succession, exonération fiscale d’une partie des intérêts payés par les ménages sur les achats immobiliers,  et pour les plus riches renforcement  du «bouclier fiscal». Mais bien des partisans du candidat de l’UMP devront déchanter cruellement en faisant leurs comptes, car la TVA «sociale» viendra  rogner le pouvoir d’achat des ménages.

Ainsi, Laurent Fabius a-t-il ironisé en estimant que le projet de «TVA antisociale»  visait  à «financer les avantages fiscaux de quelques-uns par une ponction sur l'ensemble de la population». Après que François Fillon ait confirmé une prochaine mise en place d’une «TVA sociale». Ce sont Jean-Louis Borloo  et Éric Besson, secrétaire d’État à la Prospective et de l'Évaluation des politiques publiques, qui ont été chargés d’une mission d’étude sur ce sujet afin de rendre leurs conclusions avant l’automne.

La TVA,  recet te budgétaire miracle pour l’État…

Nicolas Sarkozy a tenté de calmer le jeu en affirmant «qu'il n'acceptera aucune augmentation de la TVA dans sa forme actuelle qui aurait pour effet de réduire le pouvoir d'achat des Français».
Cependant la «TVA sociale» si elle est instituée se substituerait en un premier temps à la faible part des cotisations sociales employeurs pour l’assurance maladie et lesallocations familiales qui subsiste pour les salaires jusqu’à1,6  fois le SMIC, et qui ne représente plus que 2,1% du salaire brut au niveau du SMIC, hypothèse étudiée dès le rapport du Conseil d’orientation  pour l’Emploi (COE) de juin 2006. Pour La Tribune, les organismes de sécurité sociale, concernés au premier chef, travaillent déjà sur cette piste. Dans un document de travail, ils retiennent l'hypothèse  d'une hausse de la TVA de deux points qui s'accompagnerait d'une baisse d'un point des cotisations patronales et d'un point de la CSG pour les salariés. Un schéma qui dégagerait, selon les calculs des experts, un gain de 4 milliards d'euros pour les finances de l'État, sachant que deux points de TVA supplémentaires rapportent environ 12 milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires.  Ces 4 milliards pourraient venir bien opportunément aider au financement des nouveaux allégements de charges envisagés dans le cadre de la réforme des heures supplémentaires, dont le coût serait, justement, de5 milliards  d'euros.

Mais l’architecture de la TVA ne garantit en rien que sa hausse viendrait abonder les budgets sociaux. Cette nouvelle recette pourrait simplement tenter de combler l’aggravation des déficits publics en raison du coût des mesures électoralistes qui atteint près de 60 milliards d’euros par an. Les seuls cadeaux fiscaux pourraient atteindre 15 milliards d’euros, dont 5 pour les heures supplémentaires défiscalisées. Cet ensemble de mesures de politiques économiques, sorte de sous-reaganomics et/ou de catalogue thatchérien attardé exercera des effets désastreux en matière de croissance réelle et d’emplois.

La hausse de la TVA évoquée par François Fillon devait être de 5 points, ce qui correspond aux préconisations de Jean Arthuis qui fut ministre des Finances d’Édouard Balladur de 1993 à 1995. Ainsi, en 2009, la TVA à 19,6 % monterait  à 24,6% pour la majorité des ventes de biens et services, celle appliquée sur les produits alimentaires et sur les biens dits culturels s’élèverait de 5,5% à 10,5% et le taux dit super-réduit de 2,1%, qui ne concerne que très peu de biens (mais notamment les médicaments remboursables et les publications de presse) dépasserait donc 7%…Une «expérimentation» pourrait être menée dès 2008 pour une partie de la hausse de 5 points programmée. Mais les promoteurs de la «TVA sociale», se gardent  bien de rappeler que le taux normal de 19,6% est déjà très élevé, puisqu’il  est de 17% en moyenne pour les pays membres de l'OCDE. Les taux d’autres taxes sur la consommation sont particulièrement élevés en France, notamment celui de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. En outre, il est également prévu de hausser la CSG d’un point très rapidement, alors que cette contribution est elle-même inégalitaire puisque simplement proportionnelle aux revenus et qu’elle frappe exclusivement les ménages (pour 88% les salariés  et les retraités).

Leffet inflationniste, la baisse du pouvoir d’achat et le caractère fondamentalement inégalitaire de la TVA sociale

Ils sont évidemment niés par l’équipe Sarkozy. Mais ils apparaissent inévitables, les conséquences en termes de pouvoir d’achat pour les catégories les moins favorisées financièrement, pour les classes moyennes et surtout  pour les familles nombreuses, pour tous ceux qui sont obligés de consacrer l’essentiel de leurs revenus à la consommation et qui prendraient de plein fouet cette hausse de TVA, seraient catastrophiques.  Actuellement, la TVA payée représente en moyenne  8% du revenu d’un Smicard, mais elle pourrait donc atteindre 13%… Particulièrement anti-redistributive parce que proportionnelle et ne s’appliquant qu’à la consommation, la part du revenu consacrée à la TVA décroît nettement lorsque le revenu augmente, puisque pour  les 10% des français les plus riches, celle-ci ne dépasse pas 4% et moins  encore  pour  les 5% les plus riches compte tenu de leur puissante capacité d’épargne. Parfaitement inégalitaire, la TVA représente pourtant, avec plus de 170 milliards d’euros la moitié des recettes fiscales en France, et chaque point de TVA supplémentaire devrait rapporter bien plus de 6 milliards d’euros, certains experts parlant même de 9 milliards  d’euros.

Compétitivité et mirage de la TVA  sociale. Avant tout réduire le coût du travail et les cotisations des employeurs

La «TVA sociale» viserait à bouleverser et à réduire le financement de la protection sociale. Pour les employeurs, la mesure se traduirait par une baisse des cotisations patronales et du coût du travail. On prétend qu’elle induirait une baisse des coûts de production,  donc celle des prix horstaxe. Ses promoteurs  affirment  que nous bénéficierions de gains de compétitivité-prix pour les produits vendus à l'étranger.  À côté de Jean Arthuis, cette idée est défendue depuis début 2006 par le Medef, la FNSEA, la CGPME, bref par l’ensemble des organisations patronales.

Mais cette baisse des prix intérieurs hors taxe suppose que les entreprises répercutent intégralement la baisse des coûts salariaux accordée, ce qui est irréaliste,. Ainsi, les exonérations  de charges ne se sont-elles traduites  jusqu’à présent ni par des baisses de prix, ni par des créations d’emploi. En revanche, toutes les analyses convergent pour démontrer que la hausse de la TVA de 1993 à 1995 (de 19,6% à 21,6%), lorsque justement  Jean Arthuis était ministre des Finances, s’était pour au moins 70% répercutée sur les prix, contribuant ainsi à environ  1,4 point d’inflation par an sur la période.

Les prix à la consommation risquent donc de hausser de manière considérable au moins trois points pour les produits intérieurs. Quant au prix des produits importés, ils hausseraient immédiatement de l’équivalent de la hausse de TVA, soit de 5%.

Le risque d’un effet dépressif sur la consommation et donc sur la croissance réelle et sur l’emploi est énorme, lié à des problèmes accrus pour les revenus modestes et moyens, ce que soulignent d’ailleurs des économistes se situant eux-mêmes dans la ligne libérale(2). En outre, le rapport du COE dirigé  en 2006 par Raymond Soubie n’envisageait comme hypothèse haute que… 25 000 emplois créés sur trois ans grâce à une «TVA sociale» de 3 points.

Le leurre de la taxation des produits importés ou de la prétendue taxe antidélocalisation

Pour faire taire les inquiétudes on a prétendu  «faire participer à notre protection sociale le travail fait à l’étranger» la «TVA sociale» repose en réalité sur un mécanisme espéré de dévaluation compétitive, elle a même été rebaptisée par François Fillon «TVA anti-délocalisations».  Comme lesproduits vendus à l’étranger le sont hors taxes, si les entreprises baissent leur prix en répercutant les baisses de charges, cela équivaudrait  normalement à une baisse des prix à l’exportation. Conjointement, comme la nouvelle TVA serait applicable aux produits importés, cela les renchérirait d’autant pour le consommateur français, d’où cette expression miraculeuse des promoteurs de cette proposition de «faire payer les importations», sachant tout de même que la TVA n’est finalement supportée que par le consommateur final. Ceci donc jouera à plein pour tous les produits importés : téléviseurs, appareils photo, ordinateurs, tout cela augmentera de 5%…

En contrepartie,  le faisceau de conséquences «bénéfiques» imaginé paraît extrêmement hypothétique, même si l’application d’une TVA sociale depuis janvier 2007 en Allemagne semble coexister avec quelques résultats favorables en terme de commerce extérieur. En réalité ceux-ci sont liés à la compétitivité des produits allemands sur les hautes technologies, à la qualification de la main d’œuvre, aux investissements dans la recherche et la formation, qui font de l’Allemagne un pays fondamentalement mieux orienté à l’exportation que ne l’est actuellement la France. Mais surtout cela traduit , l’agressivité du capitalisme allemand et du gouvernement libéral en Europe, contre tous les peuples; Cela impliquerait de construire tout autrement l’union européenne en misant sur la coopération et non la domination.

En ce qui concerne les échanges mondiaux  et la lutte contre les délocalisations, le différentiel de compétitivité-prix obtenu ne resterait que très marginal, il équivaudrait à une baisse relative du coût du travail de 2,1% pour les salaires  au niveau  du SMIC. Quant au renchérissement des produits importés, il serait inopérant pour les produits manufacturés avec une hausse de 5%, notamment pour ce qui nous vient des pays émergents, comme l’Inde et la Chine. Le différentiel  sur le coût du travail étant considérable, pratiquement  encore dans un rapport de 1 à 20, voire de 1 à 30. il est même de 1 à 10 par rapport à la Bulgarie et la Roumanie… Va-t-on hausser la TVA de 150%, voire de 300% pour lutter contre les délocalisations ?... En revanche, la hausse de prix des produits agricoles et alimentaires importés en France pourrait amplifier encore les problèmes des pays du sud, ce qui va à l’encontre  des objectifs mis en avant dans les échanges internationaux, et notamment les perspectives de co-développement tant vanté par le nouveau Président, son ministre des Affaires étrangères et Brice Heurtefeux au nouveau ministère de l’Immigration, de l’Identité nationale et du Co-développement.

Les leçons des expériences étrangères ?

Éric Besson serait chargé d’examiner les résultats de la «TVA sociale»  à travers les exemples étrangers. Il lui reviendra donc de se pencher spécifiquement sur l’Allemagne et le Danemark.

L’Allemagne est beaucoup citée, puisque depuis janvier 2007, une hausse de TVA de trois points a été décidée par le gouvernement Merkel, mais beaucoup trop récemment pour que l’on puisse en conclure grand chose.

En premier  lieu, la TVA était basse en Allemagne, et elle n’est passée que de 16% à 19%, ce qui s’est accompagné d’une baisse de un point des cotisations  patronales. Les deux points restants ont été directement affectés à la réduction de la dette publique et non aux budgets sociaux. Contrairement à ce qu’affirme le gouvernement nommé par Nicolas Sarkozy, les prix des produits de base, notamment dans l’alimentaire augmentent bien en Allemagne de l’équivalent de la hausse de TVA, même si cette hausse est souvent déguisée par les ficelles connues, changements des conditionnements et réduction des quantités pour un même prix, phénomène auquel on avait assisté lors de la mis en place de l’euro. Cette augmentation est d’autant plus sensible pour les Allemands aux revenus modestes et aux classes moyennes qui voient leurs revenus bloqués par une stabilité des salaires nets, ce qui réduit à néant l’idée qu’une baisse des cotisations pourrait s’accompagner d’une hausse des salaires nets(3).

En revanche pour les produits exportés, les industriels allemands  ont «joué le jeu» et la «TVA sociale» n’apparaît que pour ce qu’elle est : une forme de dévaluation compétitive, la seule possible puisque la monnaie unique ne permet plus d’agir sur le taux de change. Mais le drame est que nous pâtissons de la «TVA sociale» allemande,, comme tous les pays qui lui sont géographiquement  proches, l'Espagne ou encore l'Italie, dont les coûts sont structurellement  assez semblables. Bref, si chacun en fait autant, les effets prétendus positifs s'annuleront au fur et à mesure des «créations de TVA sociale», et intensifieront la concurrence intra européenne. Mais par rapport aux exportations extraeuropéennes, le gain en Allemagne apparaît quasi nul, pour les raisons déjà évoquées des limites d’une baisse du coût du travail de deux points compte tenu des très bas salaires dans certaines zones. Pire encore, lorsque l’automobile allemande tend à mieux se porter sur les marchés internationaux en raison d’une baisse des coûts, nous en sommes ici les premières victimes… Ce n’est pas à coups de «TVA sociale» que nous rétablirons une possibilité de développement européen harmonieux, qui ne pourrait venir notamment que du rétablissement de la préférence communautaire, du tarif extérieur commun et de la fin des dumpings socio-fiscaux.

Quant au Danemark souvent cité, effectivement une fraction de la TVA, qui atteint un niveau élevé (25% au total) finance depuis 1987 une part assez large de la protection sociale. Mais on oublie de nous dire que l’ensemble des prélèvements obligatoires est très important au Danemark, pratiquement 53% du PIB. Or, les tenants  de la «TVA sociale» en France sont les mêmes que ceux qui prétendent que les prélèvements  obligatoires,  44% d’après  l’OCDE, y sont insupportables. On omet aussi de rappeler que le coût total du travail est beaucoup plus élevé au Danemark qu’en France, pratiquement  1,4 fois plus, que donc les salaires sont très hauts en comparaison (alors que la durée de travail est équivalente…).

Dans ce système à l’origine très beveridgien, le financement de la protection sociale s’est instauré selon des normes très différentes des nôtres, avec notamment une très forte puissance des syndicats de travailleurs dans les négociations collectives. Comme cela avait été le cas lors des réflexions avortées du gouvernement de Dominique de Villepin sur la flexisécurité danoise, il apparaît alors totalement illusoire et dangereux de vouloir copier ce système, sauf à accepter de monter de dix points les prélèvements obligatoires, alors que la promesse de leur baisse reste un axe privilégié de l’UMP dans ses campagnes électorales.

Une voie aventureuse qui sert des intentions inavouées

S’il s’agit de rétablir la compétitivité-prix, la «TVA sociale» risque donc de décevoir. Mais est-ce au bout du compte l’effet recherché ? Quant au changement de financement de la protection sociale prétendant faire contribuer plus équitablement les revenus autres que ceux du travail, il s’agit en réalité fondamentalement de réduire voire supprimer les cotisations patronales. L’objectif est bien de viser la réduction du coût du travail, de bouleverser et de limiter le financement de la protection  sociale, en accélérant la fiscalisation, la déresponsabilisation des employeurs et le rationnement de la protection sociale solidaire.

D’une part, y aurait-il une affectation de la hausse de TVA aux budgets sociaux ? On, peut en douter surtout que l’une des premières mesures du gouvernement Raffarin en 2002 avait été de supprimer le Fonds de recouvrement des exonérations de charges (le Forec) qui présentait au moins l’avantage de pouvoir retracer les affectations des taxes créées au départ pour la Sécurité sociale (sur les tabacs, alcools, assurances automobiles).  La situation  est maintenant totalement illisible et les contributions publiques au financement de la protection sociale sont en réalité discrétionnaires. La « TVA sociale» risque alors de ne servir qu’à combler une part du déficit de l’État. D’ailleurs, l’empressement de François Fillon de parler de «TVA anti-délocalisations» plutôt que de «TVA sociale» peut sembler  révélateur.

D’autre part, les français sont en train de comprendre que l’on va leur reprendre d’une main ce que l’on a fait semblant de leur donner de l’autre… Ainsi, pour un ménage au revenu médian avec deux enfants, soit environ  2900 euros de revenu disponible, et qui va décider d’acheter un bien immobilier, le solde de la déduction pendant cinq ans des intérêts immobiliers par rapport à la hausse de TVA (qui va représenter pour ce ménage 100 euros par mois) et aux futures franchises sur l’assurance maladie, se traduira par une baisse de revenu si l’on intègre le fait que les mesures sur l’immobilier ont fait repartir la spéculation de plus belle…  Ce sera pire, pour les ménages situés jusqu’au huitième ou neuvième décile forcément imposables sur le revenu, et le gouvernement Sarkozy ne fait que confirmer son intention voilée de faire une «politique de riches faite pour les riches»(4).

Le paradoxe de la contribution sur la valeur ajoutée dans la législation européenne

La «TVA sociale» peut être mise en place sans contrainte juridique européenne, ce qui est confirmé depuis le 27 novembre 1987 par la Cour de Justice des Communautés Européennes estimant qu’une taxe, dès lors qu’elle se déclare pour objet de financer un organisme social, échappe aux interdictions  de la 6e directive. Cette directive précise en revanche, dans son article 33, que les taxes sur la valeur ajoutée pouvant être considérées comme entrant dans «les droits et taxes ayant le caractère de taxes sur le chiffre d’affaires» sont interdites.

C’est ainsi que la cotisation sur la valeur ajoutée dite impôt régional sur les activités productives  (IRAP), instituée en 1998 en Italie et assise sur la valeur ajoutée est prohibée par la Commission européenne, si bien qu’elle devra progressivement disparaître. L’Italie poursuivait deux objectifs : permettre aux régions de financer leurs dépenses de santé en progression rapide et répondre aux effets prétendus négatifs liés au niveau élevé des taux de cotisations pesant sur la masse salariale. Assis sur la valeur ajoutée des entreprises au taux de 4,25%, cet impôt s’était substitué aux cotisations maladie des employeurs et apportait 30 milliards d’euros de ressources par an.

Cette 6e directive est en elle-même inique, puisqu’elle vise à empêcher dans les conditions actuelles toute réforme qui envisagerait sérieusement une nouvelle assiette des cotisations patronales  En définitive ces interdits aboutissent, comme pour le projet de constitution européenne (même dans sa future version simplifiée) à statufier le néo-libéralisme comme voie inexpugnable du fonctionnement économique.

En France, le mécanisme de la «TVA sociale» renforcerait dangereusement une fiscalisation reposant sur les seuls ménages, en déresponsabilisant plus encore les entreprises. L’objectif fondamental est d’organiser la baisse du coût du travail en allant vers la diminution voire la suppression des cotisations patronales.On substituerait un financement par l’impôt reposant sur les seuls ménages à un financement par des cotisations sur les salaires, lié à l’entreprise On se priverait du lien entre protection sociale et croissance, ce qui serait contre-productif par rapport à la croissance réelle et anti-redistributif. Cela mènerait à l’étatisation du système de protection sociale et à son éclatement, entre assistance et assurance. On assisterait à la fois à de nouveaux rétrécissements de la prise en charge des risques sociaux, et conjointement à l’accélération de la montée du privé pour les retraites et l’assurance maladie, mais ceci est aussi un objectif des libéraux qui prônent la «TVA sociale».

Pour notre part nous voulons contribuer au développement des résistances aux plans de l’hyper-libéralisme en France et dans l’Union Européenne. Cela implique d’être capables de monter des alternatives et des propositions crédibles ,avec les acteurs sociaux. Nous voulons défendre et réformer le financement des nouveaux besoins sociaux, d’un système de protection sociale solidaire et efficace, ce qui exige de rompre véritablement avec les réformes libérales et d’élaborer une autre réforme, en particulier pour dégager des moyens de financement efficaces pour la protection sociale. Aussi proposons nous une nouvelle assiette des cotisations patronales. Celle-ci pourrait  prendre en compte le rapport entre la masse salariale et la valeur ajoutée afin d’accroître la part des salaires dans la valeur ajoutée en visant à modifier le type de production et de répartition des richesses tout en assurant le financement des besoins sociaux ■

--------------------------------

(1) Extrait de l’ouvrage de Nicolas Sarkozy, «Ensemble», paru en avril 2006.

(2) Voir ainsi, Marc Touati sur le site de l’Association pour la Connaissance et le Dynamisme Economique (ACDE, «La TVA sociale, une vraie fausse bonne idée») http://www.cfo-news.com/Marc-Touati-A-CHAUD-du-12-juin-2007-La-TVA-sociale,- une-vraie-fausse-bonne-idee_a2170.html

(3) On pourra lire avec le plus grand intérêt «TVA sociale : pour l'Europe, ce serait le chacun pour soi», entretien avec Eric Heyer de l’OFCE dans Libération du 10 avril

2007.

(4)  Un autre lièvre sera bientôt à soulever, celui de la diminution mécanique de la

«prime pour l’emploi», voire sa disparition, au fur et à mesure d’une hausse de revenus en raison d’heures supplémentaires afin de «travailler plus pour gagner plus». Affaire à suivre…

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.