Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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PCF : l’heure des choix fondamentaux

Avertissement pour le lecteur-trice : la rédaction  d'Economie et Politique m'a offert cet espace pour analyser la période que nous venons de vivre et les responsabilités auxquelles les communistes français sont confrontés. Ce point de vue est un début de réflexion. Le temps de la confrontation de cohérences politiques, idéologiques sur l'avenir  de notre combat viendra  nécessairement. Pour le moment,  nous en sommes au temps du débat d'idées. C'est dans ce temps-là que ce point de vue s'inscrit. L'écriture oblige parfois à tenir des propos tranchés. Je ne veux évidemment  pas que le travail d'analyse et de critiques auquel je me livre dans cet article conduise le lecteur à penser que je ne prend pas ma part de responsabilité comme membre de la direction sortante dans l'échec que nous avons vécu. Enfin, je veux dire que le débat que nous avons devant nous ne doit pas selon le mot de Patrick Jarreau du Monde à propos du PS prendre le tour «d'une introspection dépressive aiguë» mais d'un débat sérieux dans le parti, devant le pays et dans le pays.

Une page de l'histoire politique et sociale de la France vient de se tourner.

Un cycle nouveau est ouvert pour la droite comme pour la gauche. Et dans ce cycle nouveau, notre existence comme notre disparition ne tiendra qu'aux choix qui seront les nôtres. Les meilleurs ou les pires.Ce qui vient de se passer dans le pays m'apparaît finalement assez simple. Le point de départ est une formidable aspiration au changement dans le peuple et une volonté nette de rupture avec un système politique  dont les Français se sentaient prisonniers.
Le candidat de la droite a incarné cette aspiration au changement. Il s'est imposé comme le Chef de toutes les droites et a su s'appuyer sur le besoin qui existait dans le pays de réincarner la politique comme volonté face à l'état des choses existant. A l'oreille des Français, son discours économique n'est pas celui d'un «tout-libéral». C'est celui d'un homme décidé à régler les problèmes  avec énergie. Par un tour de passepasse, l'homme qui veut servir au mieux les intérêts en France du capitalisme, s'est mué en «protecteur».
Certes, on pourra objecter que c'est là la surface des choses. Qu'il faudrait analyser et voir plus loin. Et c'est vrai. La stratégie de Nicolas Sarkozy s'est appuyée sur la division, sur les techniques modernes de compréhension et de manipulation des masses. Certes, les grands médias et les groupes financiers qui les soutiennent ont joué un rôle inédit dans cette campagne. Tout cela est vrai et pourtant je crois profondément que le nouveau Président de la République a compris mieux que quiconque l'exaspération des françaises et des français pour l'utiliser à son avantage.
Cette «victoire de la volonté» l'a conduit aussi à opérer des ruptures visibles et bien réelles avec certaines moeurs politiques. Exemple avec l'entrée au gouvernement de représentants de «minorités visibles» qui travaillent le rapport à la crise du «vivre-ensemble» que connaît la société française. Alors que la jeunesse populaire de toutes les couleurs déploie beaucoup d'énergie et émerge dans les domaines de la création d'entreprise, de la recherche scientifique, de la culture, de l'art contemporain, le Président Sarkozy fait d'une certaine manière le pari que les cinq prochaines années verront l'émergence de cette génération des quartiers comme force positive pour le pays. Et il est en train d'en tirer toutes les conséquences. Voyons bien également les conséquences politiques de l'entrée de personnalités socialistes dans le gouvernement et dans divers organismes.

A contrario la victoire de la droite dessine l'ampleur du désastre à gauche dans la compréhension et l'anticipation des besoins et des aspirations de la société. Regarder la vérité en face, c'est reconnaître que nous servons actuellement au peuple français un vieux remake des années 1970. Reconnaître que lorsque des dizaines d'anecdotes rapportent le fait que certains électeurs de gauche et parfois communistes trouvent notre discours «un peu conservateur», c’est-à-dire défendant l’état des choses existant sans projet pour l’avenir.

C'est pour moi notre première faillite.

Avoir sous-estimé à la fois l'ampleur du travail idéologique nécessaire et le rôle que joue le combat d'idée dans la lutte politique.  Que nous le voulions ou pas, la ligne programmatique et de sens issu du débat dans le mouvement anti-libéral n'est pas la bonne. C'est une bonne «compile», avec des anticipations, mais qui ne dégage pas les idées nouvelles qui éclairent sur l'avenir que nous proposons au pays.

Dans ces conditions,  une des priorités que je vois à notre travail est la mobilisation des forces intellectuelles du parti et bien au delà, pour penser le capitalisme contemporain et dégager le sens et les propositions pour l'avenir.  Cela fait maintenant trop longtemps que nous avons le sentiment «d'être courts». Au fond, il faut avoir comme obsession d'écrire avec ambition et pragmatisme les «fondamentaux» de demain. Ce travail doit avoir lieu sans tabou. Personnellement, je ne crois pas que la question de la France, de la Nation soit à ranger définitivement du côté des antiquités. Nous devons l’articuler de manière nouvelle à la question de l'internationalisme qui a besoin de trouver une nouvelle  modernité.  Je crois qu'il faut retravailler profondément sur le travail, sur le rapport individu-collectif, sur la réalité de ce que vivent les salarié-es dans leur entreprise, sur l'Etat ou encore sur le moyen de la maîtrise sociale dans les conditions d'aujourd'hui des grands moyens de production et d'échange. Nous avons aussi avec la période nouvelle qui s'ouvre une réflexion à réengager sur le rapport mobilisation politique, mobilisations syndicales et sociales.
Il y a devant nous un immense travail intellectuel pour élaborer un véritable projet politique capable de convaincre et à vocation majoritaire. C'est une énorme responsabilité du parti communiste d'aujourd'hui.  Ce qui ne veut pas dire l'écrire seul, bien au contraire. Nous avons besoin de l'apport du meilleur de la pensée critique d'aujourd'hui, d'où qu'elle vienne.  Ce qui veut pas dire non plus que cela rend secondaire l'immense question du rassemblement et de l'union.
Ce travail doit aussi avoir lieu sans tabou du point de vue de la méthode. Nous avons beaucoup de potentiel et nous sommes pourtant souvent assez inefficaces collectivement. Nous traînons notamment dans le travail de la direction, de vieilles pratiques et des lourdeurs qui sont des boulets pour notre avenir. Alors, il faut que cela change pour gagner non seulement en efficacité mais aussi en capacité de mobiliser les forces vives du parti communiste et de la société.

Le deuxième échec collectif a été not re incapacité à incarner la possibilité d'un changement.

C'est la question du rassemblement et des alliances. La période écoulée a donné l'image d'un intense bazar à gauche et finalement d'une confrontation assez stérile. Dans ce chapitre, je ne reviendrais pas volontairement sur l'analyse de la défaite de Ségolène Royal. Beaucoup l'ont déjà faite mieux que je ne pourrais le faire. Concentrons nous sur nos responsabilités.
Du point de vue de ce que nous avons vécu, la dernière année est, pour moi, une année de dérive relative avec les choix que nous avions fait au Congrès. Entre parenthèses : c'est toujours facile de le dire après ! En votant  le 32e Congrès, j'ai voté pour le parti, le rassemblement et une ambition majoritaire. Et c'est je crois le cas d'une majorité  de communistes. Or, le rétrécissement du rassemblement après la synthèse du Congrès socialiste du Mans, le positionnement du PS et de sa candidate ont conduit à ce que notre rassemblement soit vécu, amalgamé à «l'extrême-gauche» et au final participant de l'absence d'espoir à gauche. Le 21 juin, la décision d'Olivier  Besancenot de se présenter a fait le reste.
La dialectique  des «deux gauches» d'Olivier Besancenot a marqué plus de points que nous l'imaginons. Au fond, alors que nous voulions dépasser la logique des deux blocs à gauche en créant les conditions du changement par une modification des rapports de forces idéologique et politiques interne à l'ensemble de la gauche, nous sommes apparus selon les cas, soit dans l'un, soit dans l'autre.
Pour l'avenir, le rapport aux alliances et aux rassemblements nécessaires doit être retravaillé avec peut-être plus de pragmatisme.

Sur le Parti socialiste. Le rapport au Parti socialiste continuera à faire couler beaucoup d'encre. Je crois  que l'alliance au premier ou au second tour selon les types de scrutin et les situations n'est pas la question décisive. La question décisive pour moi est comment faire avancer et grandir les idées que nous défendons  ? Et comment permettre des avancées sociales ? Avant. Pendant. Et surtout après l'élection.

Sur le rassemblement. Tel qu'issu du mouvement des collectifs, il est derrière nous. On ne fera pas revivre ce qui a échoué. Pour autant, en tirer comme conclusion que tout est mort me semblerait être une impasse. Tout nos partenaires n'avaient pas le même point de vue sur l'avenir et sur la gauche. Nous avons vécu dans la dernière période les régionales, les européennes, le «NON» et la Présidentielles. Chacune de ces expériences a eu lieu au nom du même principe, le rassemblement,  avec des formes différentes. Sachons voir ce qui a échoué, ce qui a réussit et en tirer les conséquences.

Pour l'avenir, je pense qu'il vaut mieux de ce point de vue tenter un peu, réussir un peu, plutôt que tenter beaucoup et échouer beaucoup. Le cadre multilatéral avec une multitude d'organisations et de personnalités est porteur de trop lourdes contradictions. Pour autant, il me semble que sur la séquence des régionales, européennes et législatives de 2012, il est possible de construire une «coalition durable» avec des personnalités, des forces socialistes, syndicalistes, populaires qui partage avec nous une certaine idée de l'avenir du pays et de la gauche.

Sur la Présidentielle, je n'ai pas achevé ma réflexion. L'idée que je m'en fait est qu'il est à la fois impossible de ne pas présenter de candidature car le débat sur la présidentielle structure aussi le débat sur les législatives et occupe une place démesurée dans la vie du pays. C'est un fait. Deuxièmement, il me semble très difficile de parvenir à un accord large vu le type d'élection.
Ainsi, il est probable que la solution pour 2012 est d'assumer devant l'opinion publique et le peuple la difficulté de l'élection, présenter une candidature du parti et construire bien en amont un rassemblement sur les législatives.
Au fond, je reste attaché au choix du 32e Congrès : alliance du rôle et de l'apport spécifique du parti, d'une ambition transformatrice majoritaire et d'un rassemblement qui porte cette ambition.

Je veux conclure enfin sur la question du parti et de notre combat.

Je le dis d'emblée, je pense que le choix que nous avons fait de la forme parti et du communisme est un choix d'avenir. Dans le mouvement de celles et ceux qui luttent pour un espoir face au capitalisme, la tendance de fond est la recherche d'unité politique et idéologique alternative. Nous avons beaucoup à apprendre de tout ce qui travaille en profondeur la société française et le monde. Nous avons à apprendre de tout le monde. Et dans le même temps, la forme parti est une forme profondément moderne. Elle n'est certes pas parfaite. Nous devons réfléchir sur tous nos archaïsmes mais en prenant l'offensive sur la question des partis.

Faut-il un nouveau parti ? Le débat est ouvert, librement. Pour ma part, je pense que le pays et la gauche ont besoin d’un parti communiste. Fondamentalement, nous avons deux boulots :

  • Un, travailler à construire le projet, les idées, les forces qui permettront de construire une société libérée de toutes les formes de domination.  Le courant communiste n'a pas le monopole de la pensée de l'émancipation humaine, je pense aux féministes ou à l'écologie en particulier, mais il est le courant de pensée mondial qui, depuis Marx, incarne la recherche d'une cohérence d'ensemble.
  • Deux, travailler aux avancées immédiates avec les luttes et la réalité de l'époque. Je ne développe pas. Nous aurons de grands débats de fond et tactiques sur le communisme et le poids de ce mot au regard de l'histoire. Je crois pour ma partqu'une de nos raisons d'être est d'incarner et de travailler à l'espérance anthropologique d'un au-delà du capitalisme. Dans ce cadre, tous les actes qui permettront de signifier notre volonté d'être une force pour l'avenir me semblent bons à prendre. Des actes de sens et non pas des gadgets qui contournent l'obstacle.

Evidemment les réflexions sur rassemblement et parti se chevauchent. Pour ma part, je ne crois pas que les divisions actuelles seront éternelles. Les héritages liés à l'histoire se dissiperont. Cependant ces divisions existent. Plutôt que de chercher la voie d'une organisation unique alors même que nos différences sur le fond sont importantes, trouvons les moyens d'unir et de rapprocher ce qui peut l'être sans nier les identités. C'est le rôle d'une politique de «rassemblement».

Je veux conclure enfin sur le fonctionnement du parti et de son appareil de direction. D'abord pour dire que la place et le rôle qu'a joué Marie-George Buffet sont déterminants à

mes yeux. Par son honnêteté, son rapport aux militants, les choix qu'elle a fait malgré nos erreurs collectives,  malgré nos divisions, elle nous permet de continuer à avancer collectivement dans le respect de chacune et de chacun et surtout de la souveraineté des communistes.

Sur le parti et le fonctionnement  des directions, je pense qu'il faudra aussi examiner les conditions pratiques dans lesquelles sont mis en oeuvre nos choix. Il y a une insatisfaction dans et hors le Conseil national sur la situation actuelle à la fois du point de vue du travail, du rôle des instances, de leur nombre et du respect des décisions prises. Je ne crois pas que la solution réside dans une «table-rase» ou un «jeunisme» hors de propos. Cependant la souveraineté des communistes ne doit pas s'arrêter aux portes du fonctionnement de la direction nationale. A chaque Congrès nous promettons  que cela va changer. A chaque Congrès, c'est très dur. De ce point  de vue aussi, le Congrès extraordinaire  devra donner mandat au Congrès ordinaire.

 

 

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