Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Sécuriser l’emploi ou soutenir la Bourse ?

La rentrée voit se bousculer les échéances sociales et politiques  dans un contexte économique marqué par la crise financière de l’été et la révision sensible en baisse par l’OCDE des hypothèses de croissance pour  la France pour  2007 .

Dès septembre,  Sarkozy attaque tous azimuts après les 13 milliards d’euros de cadeaux accordés aux plus riches avec le « paquet fiscal » du mois de juillet :

  • lancement de trois conférences tripartites  avec au coeur la « sécurisation des parcours professionnels » et le pouvoir d’achat,
  • pression  sur la négociation syndicats/patronat concernant «la modernisation du marché du travail» pour faciliter les licenciements,
  • projet de privatisation  de GDF fusionné  avec Suez,
  • réduction des services publics, suppression de plus de11 000 postes dans la fonction publique, réforme de l’école, des universités et de la recherche, etc.

Le locataire de l’Élysée veut apparaître comme mettant la force de l’État au service du règlement des problèmes qui assaillent les Français.

L’hyperprésidentialisme et l’hyperactivité, la totale mobilisation des moyens médiatiques cherchent à renvoyer l’image d’une rupture » après 25 ans de désillusion avec Mitterrand et Chirac.

Le Président de la République, de connivence avec le MEDEF lance un défi  au mouvement  syndical  et associatif, à tout le salariat qu’il voudrait intégrer aux exigences de la rentabilité financière.

Il recherche une union sacrée pour la baisse du coût du travail,  le recul des droits sociaux et des libertés à l’entreprise au nom de la compétitivité.

Cette instrumentalisation de l’État vise à ouvrir les voies d’une révolution  conservatrice au service de la domination des capitaux financiers.

Pour l’heure, cette politique peut marquer des points tant la riposte de toutes les composantes de la gauche est demeurée jusqu’ici insignifiante et contradictoire.

Mais avec l’horizon  économique qui se brouille,  les inquiétudes populaires sur les salaires, l’emploi, les retraites, la santé, l’école pourraient reprendre le dessus après « l’état de grâce ».

Il faut absolument relever le défi lancé par Sarkozy à la gauche.

Celle-ci est au pied du mur d’une nécessaire refondation qui appelle un grand effort de novation sur les idées et le projet dans une dynamique de développement et de politisation  de l’intervention  populaire, au lieu de la fuite en avant social-libérale ou protestataire.

Pour faire accepter de nouvelles baisses du « coût du travail », et une accentuation de la précarisation de tous les salariés, Sarkozy n’hésite pas à reprendre l’idée de la « sécurisation des parcours professionnels », chère  aux syndicats.

Mais c’est pour avancer dans le projet de flexisécurité avec lequel il prétend concilier, dans un faux donnantdonnant, flexibilité des entreprises pour la rentabilité et besoin de sécurité de l’emploi des salariés.

Avec ce projet revendiqué aussi par la Commission européenne, Sarkozy promet de faire revenir la France au « plein emploi », c’est-à-dire, non pas l’emploi pour tous, mais le maintien d’un volant de chômage au lieu de son éradication.

Cela signifierait,  avec les technologies informationnelles très économes en travail, une précarisation  accrue de l’emploi et marcherait de pair avec le chantage sur les chômeurs pour qu’ils acceptent n’importe quel emploi ou n’importe quelle activité.

L’idée qu’a défendue le candidat Sarkozy d’un contrat de travail unique généralisant, en fait, les principes du CNE pour faciliter les licenciements, pèse, aujourd’hui qu’il est devenu chef de l’État, sur les négociations concernant la « modernisation du marché du travail ». Sa pression est d’autant plus forte qu’il a menacé de légiférer sur cette question en cas d’échec des négociations.

Cela vaut aussi pour les salaires avec son refus d’augmenter  le SMIC et sa démagogie sur le pouvoir  d’achat sans augmentation  générale des salaires, pensions et retraites, et sans reconnaissance des qualifications

Pour riposter il faut une cohérence alternative  de propositions et de projet.

Il ne s’agit pas seulement, en effet, de mettre en avant les objectifs sociaux hardis, il faut aussi des moyens financiers, des pouvoirs et des institutions permettant de les réaliser.

L’objectif social novateur, c’est l’éradication progressive, mais effective, du chômage par la construction d’un système de sécurité d’emploi ou de formation. Il permettrait une mobilité choisie pour chacun, tout au long de la vie active, dans une sécurité de droits et de revenus relevés faisant disparaître  le risque de passer par la case chômage.

Le processus de conquête de cette nouvelle sécurité appelle la prise en main par les salariés et les citoyens de propositions précises, opérationnelles à l’appui de leurs luttes.

Elles ont fait l’objet  d’une présentation d’ensemble à l’issue des Assises régionales et nationales organisées par le PCF au printemps dernier. Elles ont été formalisées dans une maquette pour une proposition de loi de sécurisation de l’emploi et de la formation publiée par notre revue.

Loin de régresser sur ce premier progrès, il s’agit, au contraire, d’en faire partager le contenu, le plus largement possible, pour le développer à partir des luttes concrètes, de l’entreprise et de la région jusqu’aux niveaux national et européen.

Les circonstances nous invitent à bien relier  les objectifs sociaux nouveaux avec la crise financière  de l’été, à l’exigence d’une autre utilisation de l’argent des entreprises, des banques, de l’État et des collectivités locales, de l’Union européenne.

L’efficacité du système de crédit et de la création monétaire est pointée du doigt.

L’orientation de la BCE est critiquée, alors même qu’elle n’a pas hésité à injecter 250 milliards d’euros de liquidités en deux jours, au mois d’août, pour voler au secours du marché financier.

À l’opposé, il s’agit de développer les propositions pour de nouvelles relations  banque – entreprise  avec un crédit pour l’investissement dont le taux d’intérêt serait d’autant plus abaissé que les entreprises programmeraient plus d’emplois et de formation.

C’est cette nouvelle « sélectivité » pour sécuriser les trajectoires de chacune et chacun, faire reculer l’emprise des marchés de capitaux, qui peut prévaloir  depuis les territoires  jusqu’à une nouvelle orientation de la BCE.

Cela permettrait de faire reculer les prélèvements financiers qui étouffent les entreprises et la croissance réelle pour un essor, au contraire, des prélèvements publics et sociaux nécessaires au financement du développement des capacités humaines avec les services publics.

Il s’agit d’imposer une responsabilisation sociale et territoriale des entreprises. Elle exige des pouvoirs d’intervention des salariés dans les gestions pour les réorienter avec de nouveaux critères d’efficacité sociale à l’appui de leurs luttes  en liaison avec les populations.

Cela est particulièrement  nécessaire dans les entreprises publiques dont il faut stopper la privatisation.

La riposte immédiate à Sarkozy comme le besoin d’une  r efondation  de toute la gauche exigent de poursuivre  avec audace et créativité dans l’effort de novation communiste.

Alain Morin Rédacteur en Chef d’Economie & Politique

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