Certains observateurs ont pu caractériser le «paquet fiscal» adopté avec la loi TEPA comme un soutien de la croissance devenue plus hésitante. On a parlé de «relance fiscale». Les baisses d’impôts sur les ménages bénéficieraient d’un revenu disponible accru pour consommer et investir, tandis que les baisses de prélèvements (impôts et cotisations) sur les entreprises aideraient à relancer leurs investissements matériels. Tout cela, conclut-on, se résoudra en augmentation de l’emploi.
En réalité, le PLF 2008, qui inclut les dispositions de la loi TEPA, se présente, avant tout, sous le sceau d’un nouvel effort de contraction de la dépense publique, en écho à la baisse des prélèvements obligatoires et pour répondre aux contraintes de réduction du déficit et de la dette publics imposées par le Pacte de stabilité européen.
Avec ce projet, tout se passe comme si de nouveaux sacrifices devaient être imposés au système scolaire, au système de santé, au logement social, à la culture… pour pouvoir respecter les normes de déficit et de dette, tout en finançant des allègements fiscaux et sociaux massifs privant de plusieurs milliards d’euros le PLF2008, avant même qu’il ait été conçu.
Ces allègements sont concentrés tant sur l’encouragement de la dépense et des placements financiers des plus nantis que sur l’aide au profit des entreprises, y compris par l’incitation du recours aux heures supplémentaires pour les patrons, au lieu d’embaucher et de former. Ces dispositifs ne sauraient en aucun cas être confondus avec une politique de relance de la demande et de consolidation de l’offre nationale. En réalité, le PLF 2008 constitue une transition vers une réforme de l’organisation et de l’intervention de l’État pour le placer tout entier au service de la domination du marché financier.
Dans le PLF 2008, la progression spontanée des recettes est consacrée pour les 2/3 à la baisse des prélèvements au profit des plus riches et des grands capitaux et pour 1/3 seulement à l’accroissement des dépenses, strictement limité à l’inflation anticipée (1,6 %).
Les recettes fiscales escomptées totalisent 272,1 milliards d’euros (+6,3 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale 2007). Cela résulte de :
À cela s’ajoutent des recettes non fiscales pour 28 milliards d’euros (+0,6 milliards par rapport à la loi de finances initiales 2007).
Quant aux dépenses, elles sont «stabilisées» en volume, soit donc une croissance zéro en valeur, après défalcation de la hausse des prix prévue (1,6 %). Rien de neuf en cela par rapport à la loi de finances initiale 2007. Ce qui est nouveau, par contre, c’est que cette norme « zéro volume » porte, dans le PLF 2008, sur un périmètre élargi aux prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales et de l’Union européenne, ainsi qu’aux affectations de recettes à d’autres acteurs publics que l’État.
Si la norme de dépense portait, en loi de finances initiale 2007, sur un périmètre de 335 milliards d’euros, avec le PLF 2008, elle porte sur un périmètre de 340,5 milliards d’euros. Si la norme avait porté sur le même périmètre auparavant, la croissance en volume de la dépense, nulle dans le PLF 2008, aurait été de 0,2 % en loi de finances initiale 2007 et de 1,1 % en moyenne sur la période 1999-2006.
Cette norme d’évolution de la dépense ne permet qu’une progression de 5,5 milliards d’euros de la dépense pour 2008. Or, près de 30 % de cette marge sont absorbés par les charges d’intérêt de la dette (1,6 milliards d’euros). Les dépenses de pensions (2 milliards d’euros) et celle afférentes à divers dispositifs «sociaux» (minima, aides logement, aide médicale, exonérations ciblées de cotisations sociales patronales), qui sont des dépenses obligatoires, en absorbent plus de 58 %.
Aussi, toutes les autres dépenses étant maintenues au niveau du budget 2007, les rares priorités sont financées essentiellement par « redéploiement », c’est-à-dire au détriment d’autres postes de dépenses pourtant tout aussi essentielles.
C’est le cas avec « l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation» qui se voit doté d’une enveloppe supplémentaire de 1,8 milliards d’euros en accompagnement, notamment, de la réforme réactionnaire des universités adoptée par le Parlement cet été, tandis que, par exemple, recule le budget « Travail et Emploi» (-320 millions d’euros en crédits de paiement).
Avec le PLF 2008, l’État se présente comme le plus grand fauteur de sous-emploi, ce qui confirme ce que recouvre le « plein emploi » promis. Ce sont, au total, 22 791 postes qui ne devraient pas être pourvus en 2008, leur titulaire partant en retraite. L’Éducation est frappée de plein fouet (11 200), mais c’est aussi la Défense (6 000), Bercy (2 625), l’Intérieur (2 300)...
Le gouvernement se félicite : « L’évolution des effectifs en 2008 marque une forte accélération dans la mobilisation des efforts de productivité au sein de la fonction publique d’État. Ainsi un doublement du nombre de suppressions de postes (ETP) est réalisé en 2008 par rapport à l’année précédente et un triplement par rapport à 2005 ».
En réalité, ces dispositions ne préjugent pas de ce qui sera effectivement décidé dans chaque ministère et chaque service. En effet, depuis l’entrée en vigueur de la loi organique des lois de finances (LOLF) toute administration peut réaffecter les économies réalisées en frais de personnel à d’autres dépenses, ce qui encourage à faire du zèle sur les suppressions de postes, a fortiori, si c’est le seul moyen qui reste pour pouvoir accéder à de nouveaux équipements. Ainsi, alors que le PLF 2006 prévoyait une réduction des effectifs de l’État de 5 318 postes, ce sont 9 865 qui ont été finalement supprimés. C’est tout un système d’encouragement à la suppression d’emploi dans la fonction publique qui commence ainsi à être mis en œuvre de façon systématique avec le PLF 2008, en écho à un engagement de N. Sarkozy.
Un « intéressement » aux gains de productivité par diminution d’emploi est prévu. Une économie de 458 millions d’euros est attendue, en effet, en 2008 du non-remplacement des
22 791 postes de fonctionnaires et 716 millions à plein régime. Le PLF envisage de faire « bénéficier » de cette économie les fonctionnaires restant en poste, à hauteur de 50 % (225 millions d’euros).
On peut mesurer la dégradation du climat de travail et de l’esprit de service public qu’un tel système va entraîner, dans le seul but de réduire les prélèvements publics et sociaux nécessaires au financement la dépense publique d’éducation, de santé, de recherche, de culture, de logement social... pourtant si nécessaire au développement des capacités humaines et à l’avènement d’un nouveau type de croissance réelle avec les nouvelles technologies informationnelles.
Le PLF 2008 inaugure donc une nouvelle étape dans la destruction de l’emploi public, marchant de pair avec le rationnement systématique de la dépense publique et la marchandisationprivatisation de l’offre de services publics, sous le contrôle d’une bureaucratie beaucoup plus tutélaire encore. Il annonce une attaque majeure contre le statut de la fonction publique, au lieu de sa rénovation profonde.
Il anticipe sur toute une réforme réactionnaire de l’organisation et de l’intervention de l’État, pour le mettre plus étroitement au service de la domination des grands groupes et des marchés financiers, sous prétexte de productivité et d’efficacité, une réforme marchant d’un même pas avec l’hyper présidentialisation de la Ve République qu’entend constitutionnaliser N. Sarkozy
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