Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Transformations et actualité de la lutte des classes

le 18 November 2005

Ce premier exposé aborde la question de la lutte des classes, qui traverse et fonde toutes les périodes de l'histoire de l'humanité. C'est au travers de cette lutte fondamentale qu'émerge et est rendue possible toute lutte politique pour transformer la société. L'exposé suivant traite du capitalisme comme la réalité de la lutte des classes aujourd'hui.

Sommaire Introduction 1) La lutte des classes (...) 2) Transformations et actualit Introduction

Dans notre société, nous constatons tous les jours que les individus ne sont pas égaux, que les enfants des uns ont peu de chance d'entrer à l'université alors que les autres semblent devenir cadres supérieurs « naturellement ». Ces inégalités et ces différences se répercutent sur les votes, l'attitude face à l'école, à la culture etc... Les illusions répandues sur l'idée du « self-made-men » aident la majorité dominée et exploitée à prendre son mal en patience, en rêvant de richesse, alors que le système capitaliste est conçu pour qu'une poignée seulement de personnes en profitent.

Le PCF a été fondé pour lutter contre ces injustices, pour que les hommes ne soient pas égaux qu'en droit, mais aussi dans les faits. Pour que son action soit efficace, il doit partir de l'état de la société, et connaître sa composition, son évolution : construire une société alternative va de pair avec l'utilisation de concepts permettant de penser autrement la société, de dévoiler ce que masque l'idéologie capitaliste. Ceci ne se fait pas sans contradictions. Quels groupes prendre en compte dans l'action du Parti ? Les nombreuses professions et catégories sociales définies par l'INSEE (ouvriers, cadres moyens, employés, commerçants, agriculteurs...) ? Ou trois grands groupes seulement (couches populaires, couches moyennes, couches supérieures) qui désignent dans les discussions courantes une hiérarchie sociale comme si elle était « naturelle » ? Dans tous les cas, comment définir une politique visant en priorité les catégories populaires, celles qui ont le plus besoin d'un changement de société, tout en évitant les divisions, car il faut aussi unir le plus de monde possible pour obtenir des résultats concrets ?

Une notion est née le XIXè siècle dans ce but : celle de lutte des classes.

Elle garde sa pertinence aujourd'hui, à condition de s'en servir pour analyser le présent. Comment définir les classes sociales ? Un texte de Lénine permet de répondre (1) :

« On appelle classes de vastes groupes d'hommes qui se distinguent par la place qu'ils occupent dans un système historiquement défini de production sociale, par leur rapport (la plupart du temps fixé et consacré par les lois) vis-à-vis des moyens de production, par leur rôle dans l'organisation sociale du travail, donc, par les modes d'obtention et l'importance de la part de richesses sociales dont ils disposent. Les classes sont des groupes d'hommes dont l'un peut s'approprier le travail de l'autre, à cause de la place différente qu'il occupe dans une structure déterminée, l'économie sociale. Il est clair que, pour supprimer entièrement les classes, il faut non seulement renverser les exploiteurs, les grands propriétaires fonciers et les capitalistes, non seulement abolir leur propriété : il faut encore abolir toute propriété des moyens de production ; il faut effacer aussi bien la différence entre la ville et la campagne que celle entre les travailleurs manuels et intellectuels ».

Les classes sont donc des groupes sociaux en conflit les uns avec les autres. Leur définition repose non seulement sur des aspects économiques (un ouvrier est un travailleur qui ne possède que sa force de travail, un bourgeois possède les moyens de production, et exploite le travail de l'ouvrier), mais aussi sur des aspects sociologiques qui en découlent (conditions et modes de vie identiques dans le groupe, relations entre les membres du groupe et conscience ou non du groupe d'avoir des éléments et des intérêts en commun). Le grand apport de ce concept est qu'il montre que les riches sont riches parce qu'ils profitent du travail des pauvres, les deux réalités étant indissociablement liées.

Comment s'opère la liaison entre les aspects économiques et idéologiques ? Le philosophe Louis Althusser rappelle que Marx critiquait déjà l'illusion économiste bourgeoise (2) « qui sépare soigneusement d'un côté l'activité : la production et l'échange (économie), et de l'autre les classes sociales, les luttes politiques, etc... » En effet, « toutes les conditions de la production, de la circulation et de la distribution capitalistes (...) sont dominées et pénétrées par l'existence des classes sociales et de la lutte des classes ». Cette conviction fonde l'action globale du PCF, qui ne réclame pas seulement des mesures sociales, mais exige des transformations économiques profondes, dans une perspective de révolution politique (cf cours sur le capitalisme, le communisme et la stratégie).

Avec la mondialisation et la révolution informationnelle, nous assistons à un double mouvement : l'accroissement du nombre d'ouvriers dans le monde et son recul en France d'une part ; la montée de groupes sociaux intermédiaires, salariés (donc dépendants de l'employeur et exploités par celui-ci), mais dont la qualification plus importante permet d'avoir un niveau de vie plus élevé d'autre part. En conséquence, une question se pose : comment tenir compte de ces modifications essentielles dans la stratégie d'un Parti qui s'est longtemps présenté comme « le parti de la classe ouvrière » ?

1) La lutte des classes chez Karl Marx

a) la lutte des classes dans l'histoire

Lorsque la force de travail (les travailleurs) met en œuvre les moyens de production (outils, machines) pour transformer une matière première, ce n'est pas un simple processus technique. Les forces productives (force de travail + moyens de production) s'exercent sous la domination de rapports de production, qui sont des rapports d'exploitation.

S'il y a des ouvriers, c'est qu'ils sont salariés, donc exploités ; s'il y a des salariés, qui ne possèdent que leur force de travail et sont contraints de la vendre, c'est qu'il y a des capitalistes, qui possèdent les moyens de production et achètent la force de travail pour l'exploiter - en tirer de la plus-value ou survaleur. L'existence des classes antagonistes est donc inscrite au cœur de la production elle-même. On parle d'antagonisme parce que les positions des exploiteurs et des exploités sont inconciliables. Dans cette optique, il est illusoire de croire à l'existence d'un intérêt général qui serait commun à toutes les classes de la société et servirait de guide à l'action de l'Etat.

La lutte entre ces classes traverse toute l'histoire. Karl Marx n'a nullement inventé cette notion déjà présente dans les écrits des historiens libéraux (Thierry, Guizot, Thiers), qui n'assimilent pas le conflit social à un dysfonctionnement pathologique, mais en font le mode normal de vie d'une société. Marx et Engels montrent que, quelles que soient les périodes étudiées de l'histoire de l'humanité, un antagonisme de classes existe : c'est le cas lors de la période esclavagiste (les esclaves contre les plébéiens et les patriciens), de la période féodale (les serfs contre les seigneurs) et enfin de la période capitaliste (les prolétaires contre les capitalistes ou bourgeois). Pour eux, la lutte des classes est le moteur de l'histoire : « L'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire des luttes de classes »(3).

C'est dans les contradictions même de la société capitaliste que se trouve la possibilité d'un ordre des choses différent de celui qui existe et non dans une quelconque utopie.

Marx fait le pari que la lutte des classes conduira à la domination du prolétariat - elle-même transition vers une société sans classe - c'est à dire une société régie par des relations sociales libérées de l'exploitation et de la domination menée par une classe sur une autre.

b) Évolutions et permanences dans les approches de Marx et d'Engels

La lutte des classes n'est pas toujours traitée de la même façon chez Marx, qui résout différemment selon les périodes de sa vie plusieurs problèmes difficiles : combien de classes compte-t-on ? Une classe existe-t-elle si ses membres n'ont pas conscience de leurs points communs ? La victoire du prolétariat est-elle inéluctable ?

En 1848, le Manifeste du Parti communiste présente la victoire de la lutte ouvrière comme « inévitable » : le prolétariat est ainsi dégagé de tous « les préjugés bourgeois » : une classe quasiment révolutionnaire par essence.

Schématiquement, Marx distingue deux classes fondamentales : le prolétariat et la bourgeoisie, incarnant les rapports entre le travail et le capital. A cela, il ajoute des classes résiduelles (traces de l'ancien mode de production) comme le capital foncier (propriétaires terriens) et des couches sociales « non productives » (administration, police, justice, employés du commerce, intellectuels etc.) ou des « petits bourgeois », couches qui dérivent entre les deux pôles (travail et capital) pour se fixer le plus souvent autour du capital dont elles sont les serviteurs.

Dans les travaux suivants de Marx, la question du prolétariat évolue.

Dans Les Luttes de classes en France, il en compte 8 ou 9. Ainsi dans Le Capital, l'existence ou pas d'une perspective révolutionnaire n'existe que par l'intervention consciente des révolutionnaires eux-mêmes et leur capacité à conquérir l'hégémonie au sein des classes dominées. Elle est le résultat d'un processus et d'une pratique politique à construire et non d'une essence (supposée) révolutionnaire du prolétariat : « la libération des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes » d'où la nécessité « pour la classe la plus nombreuse de se constituer en force autonome, en agent de sa propre émancipation ».

Ces différentes définitions reflètent la complexité des questions à résoudre, questions qui retentissent sur la traduction concrète du principe de la lutte des classes, notamment dans l'action politique. Ainsi, la dualité - prolétariat/ bourgeoisie - tout en éclairant le lieu nodal de la contradiction ne rend pas compte de la complexité de la société et de la lutte des classes. Cette limite a pu conduire à nier le principe de la lutte des classes (réformisme social-démocrate) tandis que le principe lui-même peut glisser vers un dogmatisme fatal à la lutte elle-même, dans les faits comme dans la conceptualisation (stalinisme, gauchisme).

En résumé, malgré les évolutions dans sa conception des classes sociales, Marx développe deux points qui ne changent pas :

1) Les classes sociales se définissent à travers leurs rapports. La classe ouvrière n'existe que parce que la bourgeoisie capitaliste existe et vice versa. Si le dénombrement des classes varie avec des catégories intermédiaires, les classes sociales s'organisent autour de deux pôles antagonistes définis par le système de production : celui des exploiteurs et de leurs alliés objectifs d'une part ; celui des exploités (parmi lesquels « les ouvriers » jouent un rôle central) d'autre part. La place dans le système productif définit les conditions de travail et d'existence communes aux membres de la classe.

2) L'existence objective d'une classe (la « classe en soi ») ne suffit pas à en faire une « classe pour soi », consciente d'elle-même et mobilisée dans le conflit social. Pour Marx, cela peut se produire du fait que les conditions existent dans le capitalisme d'une lutte des classes poussée « jusqu'au bout », allant jusqu'à la disparition des classes elles-mêmes.

La classe ouvrière est « révolutionnaire », écrivait-il, parce qu'elle n'a « rien d'autre à perdre que ses chaînes » et qu'en se libérant, elle libère toutes les autres. Mais les individus ne forment une classe que parce qu'ils ont conscience d'une lutte à mener. Or, ceci ne va pas de soi, comme en témoigne l'étude du cas des petits paysans par Marx. Ces paysans, exploités par les fermiers qui leur louent les terres agricoles, sont géographiquement éloignés les uns des autres, et ne peuvent développer leur unité. S'ils forment objectivement une classe sociale, ils n'en sont guère conscients. Il est nécessaire que les individus prennent conscience de la similarité de leurs conditions de vie, de leurs intérêts de classe, ce qui va de pair avec la création d'organisations chargées de défendre ces intérêts communs. L'enjeu essentiel est donc bien de créer les moyens de l'action collective et de la « conscience de classe ».

2) Transformations et actualité de la lutte des classes

Pendant longtemps, le PCF s'est pensé comme le parti de la classe ouvrière, qui devait conduire la révolution au moyen d'une alliance de classe entre ouvriers, paysans et petite bourgeoisie (commerçants, intellectuels, fonctionnaires...). Depuis, la société a beaucoup changé.

a) l'actualité de la lutte des classes

Aujourd'hui encore, les classes existent et s'affrontent. Sur l'ensemble de la planète, le nombre d'ouvriers augmente puisqu'il s'accroît sensiblement dans les pays récemment industrialisés. En France, les ouvriers sont moins nombreux qu'auparavant. Mais, alors qu'ils sont objectivement les principales victimes des plans de licenciements et qu'on dit souvent qu'il n'y a plus d'ouvriers, ils continuent à composer une part importante de la population active : 28% en 2000 contre 31% en 1984 et 39% en 1962 (le maximum historique en France). Rappelons que le chiffre actuel est supérieur à la proportion d'ouvriers dans les années trente, période où la classe ouvrière s'est rendue particulièrement visible en France et a gagné des acquis importants (Front populaire...). C'est surtout la conscience de classe, d'appartenir au groupe ouvrier qui s'est affaiblie dans les pays occidentaux. La seule classe sociale à avoir pleinement conscience de son existence et de ses intérêts collectifs, à être une « classe pour soi » est la bourgeoisie (4). Elle a réussi à faire reculer la conscience de classe, ce qui est un des facteurs de la perte d'influence des syndicats et du PCF.

Les employés sont à peine plus nombreux (30%) que les ouvriers. Si autrefois les employés ne produisaient pas directement des richesses concrètes, leurs conditions de travail maintenant sont de plus en plus proches de celles des ouvriers et les services se rapprochent de la production. Avec les technologies modernes, les outils intègrent désormais des fonctions de calcul et de conception. De ce fait, l'intervention des hommes change de nature ; elle se déplace vers des travaux d'organisation de la production, provoquant le développement des fonctions de service, et élargissant les frontières de l'acte productif.

Employés et ouvriers, représentent ensemble 58% de la population active et constituent les catégories les plus exploitées par le système économique capitaliste. Plus généralement, des conditions communes existent entre la masse des travailleurs, puisque le salariat est la réalité de 90% de la population active. Le capitalisme s'exerce sur l'ensemble de ceux qui vivent de leur salaire. Population à laquelle il faut ajouter les exclus de l'emploi (chômeurs, etc..) et encore les jeunes, les retraités, etc... Les salariés sont devenus nombreux à ne pas produire directement, mais ils remplissent alors des fonctions qui préparent à la production (enseignants...) ou l'accompagnent (agents d'entretien, ingénieurs informaticiens...)

L'évolution du capitalisme amène à des différenciations internes au prolétariat. Les délocalisations, les sous-traitances et la mise en concurrence des entreprises, le fractionnement en leur sein en statuts concurrentiels, en équipes successives, ont contribué à mettre en concurrence les travailleurs, à affaiblir la visibilité du groupe ouvrier et la conscience d'avoir des intérêts communs. La lutte des classes évolue avec le système de production ainsi qu'avec l'expansion des rapports capitalistiques à l'ensemble des activités sociales.

La montée de l'individuation (le souci d'être un individu singulier) depuis plus de trente ans s'est faite selon la logique libérale en mettant en avant l'idée que l'appartenance à une classe pouvait être un obstacle au développement individuel. Au contraire, l'individu s'enrichit du social, des formes historiques (Sève) qui lui permettent de se développer : l'appartenance de classe ne s'apparente pas à un carcan mais au contraire elle permet à l'individu de s'émanciper, grâce à ce qu'il ne peut conquérir que collectivement.

La sociologie française s'est particulièrement intéressée à ce qu'on a appelé « la décomposition du groupe ouvrier » et aux « nouvelles alliances ». Voici ce qu'en écrit Jean Lojkine : « On a voulu voir dans la décomposition du groupe ouvrier et de ses repères idéologiques et institutionnels le symptôme de la « fin de la lutte des classes » et de l'émergence d'un groupe central majoritaire de « classes moyennes », depuis les ouvriers qualifiés à statut jusqu'aux cadres et professions libérales qui constitueraient la nouvelle classe emblématique, le nouveau pôle d'attraction de la société « post-industrielle », avec à sa marge une minorité d' « exclus » (depuis les ouvriers sans statut, les intérimaires, jusqu'aux chômeurs de longue durée, aux Rmistes et aux SDF). (...) Depuis 1982 (...) le taux de profit des entreprises a triplé en France, tandis que l'efficacité du capital (le rapport entre la valeur ajoutée créée et le capital avancé) chutait, et avec elle, la part du produit qui revient aux salaires. D'où une conséquence majeure sur la répartition des revenus : le « dégonflement du vaste centre des couches moyennes », la majorité des professions intermédiaires et même une partie des cadres commençant à subir la précarisation de leur statut (...). La disparition dans les luttes actuelles d'un acteur central, d'un groupe inducteur, hégémonique, (...) la « classe ouvrière » et de ses institutions représentatives (...), ne signifie donc pas pour autant la fin de toute « lutte des classes ». La diversité des acteurs sociaux, le caractère parfois composite de « coalitions » multipolaires n'empêchent pas l'émergence d'un salariat diversifié, allié parfois à certaines professions libérales (artistes, médecins, petits entrepreneurs), qui tentent aujourd'hui, chacun à sa façon, de s'opposer aux fractions dominantes du capitalisme financier et de la technocratie d'État. »(5)

La configuration sociale se trouve bouleversée par la généralisation du salariat, par une nouvelle division du travail (l'incorporation directe de couches nouvelles - cadres, employés, chercheurs etc. - dans le processus de production) et par l'extension de la marchandisation à des sphères nouvelles (loisirs, culture, voire santé et formation). Dès lors, une question prend un sens plus complexe : quelle « conscience de soi », non plus d'une classe composée d'un seul groupe, mais d'une classe émergeant de groupes qui ont des intérêts anticapitalistes communs ?

Cela conduit l'économiste Paul Boccara (6) à penser qu'il faut s'appuyer sur les convergences qui émergent dans les luttes pour aider à la prise de conscience de l'existence d'une « classe salariale ». Ces convergences existent également dans les autres secteurs où s'exerce la domination (logement, éducation...), en lien avec le système économique, sans en faire directement partie.

Il n'y a donc pas disparition de la lutte des classes mais transformation de celle-ci avec l'évolution du système de production et des classes sociales. Ces constats ont des implications stratégiques pour le PCF.

b) le PCF et la lutte des classes au XXI° siècle

Pour qu'il y ait lutte des classes, il faut que les classes sociales se constituent en groupes politiques, syndicats, associations, etc. Selon Marx, ces organisations, durables et motivées sont le fer de lance des rébellions éventuelles et donc la condition nécessaire du changement, car elles permettent de réfléchir et d'agir.

On a coutume de distinguer une lutte de classe économique d'une lutte de classe politique, voire idéologique. La première lutte est celle que les travailleurs mènent dans la résistance à l'exploitation (salaires, durée et conditions du travail). La seconde a pour objet la conquête du pouvoir : c'est « la révolution sociale ». A chacune de ces luttes correspond un mode d'organisation : syndicats et associations professionnelles pour l'une, partis politiques, pour l'autre. Selon les pays et les époques, ces modes d'organisation - ou la relation entre ces deux modes - varient : le parti ouvrier précède le syndicat en Allemagne, il en va autrement en Angleterre ; la relation est plus complexe et plus conflictuelle en France.

Cependant, très tôt, confronté aux anarchistes (Proudhon, Bakounine) qui nient la lutte politique, Marx insiste sur le caractère politique de toute lutte de classes : « Ne dites pas que le mouvement social exclut le mouvement politique. Il n'y a jamais de mouvement politique qui ne soit social en même temps » (7).

Depuis les années 1960, de nouveaux mouvements sociaux prennent de l'ampleur : étudiants, féministes, sans-papiers, chômeurs,... Certaines catégories de la population sont victimes des modes de domination extérieurs ou périphériques au système productif. De plus, les acteurs des combats d'aujourd'hui agissent en ordre dispersé, ils peinent à (re)trouver de nouvelles solidarités et une « conscience », c'est-à-dire aussi une théorie de l'émancipation. La fragmentation de l'action, des classes, et ces nouveaux mouvements sociaux posent la question d'une pratique anticapitaliste nouvelle et du rassemblement de toutes les forces de transformation sociale.

C'est bien l'ensemble de notre peuple qu'il nous faut aujourd'hui rassembler. Libérer la société implique aujourd'hui de ne pas privilégier les seuls intérêts d'une classe particulière, mais d'agir pour rassembler en vue de cet objectif toutes celles et tous ceux qui subissent l'exploitation capitaliste, qu'elle qu'en soit la forme. Cela veut dire renoncer à toute approche qui se limiterait à une alliance entre catégories sociales pensées de façon cloisonnées. Il faut aujourd'hui chercher les convergences, les intérêts de classe communs à différentes catégories de salariés.

Conclusion

Paradoxalement, jamais la lutte des classes n'a été autant d'actualité et jamais la notion d'intérêt commun et de conscience de classe n'a été si difficile à construire.

Si d'un côté, les nouveaux mouvements sociaux « doivent aujourd'hui démontrer leur capacité à durer et à infléchir notablement le processus de décisions publiques » (8) , de l'autre, les outils manquent encore pour comprendre et saisir les attentes nouvelles dont ces mobilisations sont porteuses. Et cela d'autant plus que le communisme (comme organisation et comme théorie) est en crise, même s'il demeure vivant comme mouvement puisque le capitalisme continue d'en développer les prémices : la lutte des classes. Mais ceci est une autre histoire....

Renvois :

(1) LENINE, La grande initiative, 1919, œuvre, T. 29, p 425. (2) ALTHUSSER Louis, Pour Marx, Maspéro, 1965 (3) Marx Karl et ENGELS Friedrich, Manifeste du Parti communiste, 1848, multiples rééd (4) PINCON Michel et PINCON-CHARLOT Monique, Sociologie de la bourgeoisie, Paris, La Découverte, 2000 (5) LOJKINE Jean, Classes sociales, retour ou renouveau ?, actes d'un colloque d'Espaces Marx, éditions Syllepse, Paris 2003 (6) Boccara Paul, « Défis identitaires de classe des salariés. Des divisions et rapprochements affectant les travailleurs et la classe ouvrière à la montée de l'identité de l'ensemble salarial », Économie et politique, n° 588-589, juillet-août 2003. (7) Marx Karl, Misère de la philosophie, 1867, rééd : éditions sociales (8) SOMMIER Isabelle, Le renouveau des mouvements contestataires à l'heure de la mondialisation, Flammarion 2001

Références bibliographiques.

BALIBAR Etienne, article « Classe » et « lutte de classes » in LABICA G., Dictionnaire critique du marxisme, Paris, PUF, 1985. Bouffartigue Paul (dir.), Le retour des classes sociales. Inégalités, dominations, conflits, Paris, La Dispute, 2004. KOUVELAKIS Eustache, article Nouvel Observateur Hors série, octobre/novembre 2003, Karl Marx Marx Karl, Les Luttes de classes en France, 1850, multiples rééd. Marx Karl, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, 1869, multiples rééd. MARX Karl, Le Capital, 1872-1875, rééd. : éditions sociales. Sève Lucien, Marxisme et théorie de la personnalité, Paris : éditions sociales, 4e édition 197