Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Les conditions de travail détruisent la santé et la vie des salariés

 

Dans la dernière période, on a observé une multiplication des suicides liés au travail dans de grandes entreprises (Renault, Peugeot, EDF et autres). Malgré l'absence de dénombrement statistique, le chiffre d'un suicide par jour a été avancé. Sans être contesté. Cette situation tragique de personnes qui ont préféré en finir avec la vie plutôt que de souffrir au travail a légitimement provoqué une vive émotion qui doit alerter sur la dangerosité des conditions de travail. Il ne faut occulter ni son étendue, ni la profondeur de la dégradation.

Si, par conditions de travail on entend un certain nombre de facteurs d'apparence hétérogène (sécurité, rythmes du travail, type d'organisation et d'encadrement,  mais aussi l'environnement des travailleurs : la caractéristique commune de ces éléments est d'avoir des effets sur les travailleurs conduisant souvent à des atteintes à leur intégrité physique et mentale.  Elles se situent à la frontière entre le travail et la santé avec des conséquences sur les risques d'accidents, de maladies.  Elles interviennent puissamment dans la détermination de l'espérance de vie. Le contenu du concept de conditions de travail n'est pas simple.

Pour justifier leur état actuel ses défenseurs clament volontiers : «on n'est plus au temps de Zola !» Certes, les atroces conditions de travail dénoncées au XIXéme   siècle comme facteur de la mortalité ouvrière se sont modifiées. Le plus souvent  grâce à l'action des travailleurs et de leurs organisations. Mais, elles se sont détériorées par l’effet des politiques et gestions patronales.  Elles sont, au total, aujourd'hui,  singulièrement inquiétantes.

Enquêtes et statistiques :

En 2006, la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAMTS) a indemnisé 1,4 million d’accidents  du travail. Près de 700 000 ont donné lieu à un arrêt de travail. Les accidents de trajet sont en augmentation  : 125 000, recensés  en 2006, près de 83 022 ont donné lieu à un arrêt de travail.

La même année, sur environ 47 000 maladies professionnelles reconnues au sein du régime général, 31 000 ont donné lieu à un arrêt de travail (données provisoires). Leur nombre est en croissance très forte depuis 10 ans..

Une des dernières enquêtes a établi que près d’un salarié sur dix a connu un accident du travail. Parmi ces accidents, un sur cinq n’a pas été déclaré. La non déclaration des accidents du travail, plus fréquente dans la petite entreprise, est depuis longtemps un sujet de préoccupation. Le chômage et la menace de perte de l’emploi, favorisent la non déclaration.

De nouvelles maladies ont été officiellement reconnues.  Un nombre important ne l’est pas. Le cas de l’amiante est emblématique des obstacles à la reconnaissance.

Les statistiques et enquêtes officielles périodiques (1) effectuées depuis une vingtaine d'années montrent indiscutablement une aggravation des conditions de travail. Constatations, d’ailleurs confirmées par les organisations syndicales et leurs militants dans les CHSCT Sans  chercher l’exhaustivité, quels informations et enseignements apportentelles ?

Dès 1991, on pouvait constater que les pénibilités et les nuisances  avaient fortement  augmenté depuis mars 1984. Ce constat, que confirment les observations de nombreux Inspecteurs du travail montre depuis la fin des années1980, de fréquents manquements à la législation du travail. On peut les mettre en rapport avec l’intensification du travail qui prend plusieurs formes. Tout d’abord, par le nombre accru des opérations  exigées. Un néo-taylorisme fonctionne largement aujourd’hui y compris dans les services. Mais, l’intensification résulte aussi, de la diminution des effectifs sans diminution parallèle de la production. Elle procède, également, de la pression de l’urgence dans le traitement des incidents ou des dysfonctionnements techniques (pannes, défauts, produits manquants, etc.), de l’accroissement des exigences sur les opérateurs pour la surveillance des installations, notamment dans les industries très automatisées. Les interruptions ont des coûts économiques élevés !  On les réduit par une exploitation accrue.

Fréquemment liées à la concurrence, (2) à la concentration, aux délocalisations, les nouvelles organisations des entreprises (stocks zéro, réactivité à la demande, qualité, etc.) aboutissent à un cumul des contraintes.  Elles se sont multipliées et généralisées à tous les secteurs, mais leur diffusion, épouse les caractéristiques propres à la diversité des secteurs, Dans les enquêtes, les salariés indiquent de plus en plus fréquemment les contraintes de rythmes de travail qui leur sont imposées.

(Voir tableau).

En 1994, la contrainte marchande concernait surtout l’encadrement. En 1998, elle se renforce pour ces catégories et atteint tous les salariés, en particulier les ouvriers. Les jeunes sont particulièrement touchés ainsi que les salariés des PME.

Les transformations récentes du management des entreprises se sont traduites par un accroissement simultané des contraintes, En principe plutôt positive «l’autonomie procédurale», est souvent annulée par les règles édictées par les directions pour l’encadrer, par d’autres exigences produites par l’organisation de l’entreprise (règles strictes, formalisation renforcée). La cyber surveillance des salariés a été introduite dans nombre d’entreprises.

L’intensité excessive actuellement exigée, supprime les moments de connaissance offerts par l’activité et source de l’expérience professionnelle. Ainsi, elle compromet le travail à venir. Elle est un facteur de risques pour les salariés.

Les nouvelles technologies, dont la durée d’utilisation a nettement augmenté dans les dernières années, sont utilisées pour accroître l’exploitation et l’étendre des grandes aux petites entreprises. En 1998, la proportion des salariés utilisant l’informatique était de 50% (67 % dans les grandes entreprises), quasiment le double de ce qu’elle était en 1987. Les durées d’utilisation ont fortement été accrues, surtout dans les fonctions d’études ou d’administration.

Il ne s’agit pas d’incriminer les « dégâts du progrès », mais l’usage que le capitaliste en fait, trop souvent escamoté dans bien des analyses.

Le stress professionnel apparaît depuis une dizaine d'années comme l'un des nouveaux risques  majeurs. Il s'agit d'un risque professionnel. Des études scientifiques ont mis en évidence des liens entre des situations de travail stressantes et l'apparition de problèmes de santé mineurs ou de maladies plus sérieuses, et il est probable que le stress contribue à la survenue de certains accidents du travail. La consommation  de psychotropes n’est sans doute pas sans relations avec cette situation. On sait que notre pays consomme de deux à quatre fois plus d’anxiolytiques, hypnotiques, antidépresseurs et autres neuroleptiques que n’importe quel autre pays européen.

Les salariés sont, de plus, fragilisés par le chômage, le développement de situations de précarité et par les effets de la sous-traitance. On voit augmenter les nouvelles pathologies (Troubles musculo squelettiques [TMS], troubles psychologiques dus au harcèlement...) liées à l'intensification du travail et à l'accroissement des exigences impliquées par les nouvelles organisations visant à abaisser les coûts salariaux.

La Fonction publique concernée.

La plupart des enquêtes ont été menées sur les salariés occupés dans le secteur privé. Une d’elles concerne le personnel de la fonction publique. D'une façon générale, les conditions de travail dans la fonction publique ne sont guères meilleures. Les écarts observés se situent au niveau des métiers. Ainsi, les personnels de la santé, sont astreints à de fortes contraintes horaires (emplois du temps irréguliers, travail le samedi, le dimanche et la nuit), pénibilités physiques non négligeables et tensions avec le public aux "urgences", par exemple, mais aussi avec l'encadrement. Le personnel de la santé de la fonction publique porte la charge du service public hospitalier, de sa dégradation faute de moyens et d'effectifs.  Au total, les conditions de travail y sont plus dures. Le personnel des services publics subit, très fortement les conséquences de l'insuffisance des effectifs à travers la pression du public avec lequel il est en contact. Les pompiers apparaissent, l’une des catégories cumulant de très fortes contraintes (Intensité du Travail, risques élevés, horaires atypiques, etc.).

Les conditions de travail, ainsi que le niveau de vie induisant des modes d'existence différents sont indiscutablement des facteurs explicatifs de l'inégalité dans les écarts de mortalité entre catégories socioprofessionnelles, dont on a observé, s'agissant des hommes, qu'ils se sont accrus au fil du temps. Le tableau  fait apparaître leur importance actuelle. Les différences sociales devant la mort sont certainement les plus odieuses des inégalités sociales. Elles sont pour une part importantes  le produit des mauvaises conditions qui marquent les vies de travail. La vie des salariés est à la fois plus courte et moins bonne. Certes, l’espérance de vie n’est pas conditionnée par les seules conditions de travail. Des facteurs comme le logement, la fatigue des trajets, sont d’ailleurs générateurs  d’accidents, (en 2005 : 125000 accidents,  dont 83 000 avec arrêt de travail) l’alimentation, qui renvoient aux rémunérations, l’insuffisance des soins, etc. se cumulent avec l’inquiétante situation des conditions de travail qui mérite attention et action.

En France, le discours dominant concernant la santé est trop souvent restreint à l'individu en occultant le travail, comme d'ailleurs le chômage, et les facteurs sociaux liés à l’exploitation capitaliste.

Espérance de vie des hommes et des femmes à trente-cinq ans pour la période 1991-1999, paar catégorie sociale

Globalement, la responsabilité patronale dans l’état délabré des conditions de travail est patente, comme elle l’est dans les carences de son action en matière de prévention. C’est pourtant de vagues promesses d’actions de prévention que le MEDEF met, aujourd’hui, en avant dans les discussions avec les syndicats pour rejeter des mesures de réparation notamment des anticipations en matière d’âge de la retraite pour les travailleurs qui ont subi des années  durant  l’effet de mauvaises conditions de travail, conduisant à une usure prématurée.

La loi de Fillon de 2003 aurait pu traiter des pénibilités du travail. Il a préféré les renvoyer à la «négociation». Le MEDEF n’a toutefois accepté de discuter que 18 mois après. Les réunions paritaires qui ont eu lieu n’ont pas abouties et traduisent la résistance et les procédés dilatoires d’un patronat qui campe sur ses positions rétrogrades, malgré la vitrine d’ouverture sociale périodiquement exposée dans les discours de sa présidente.

N. Sarkozy a chargé le Ministre du travail de «veiller au succès des négociations». Incantations sans portée. Misère de la communication présidentielle !

Après deux annulations, dues au MEDEF, la dernière séance, tenue le 11 décembre, a décidé de nouvelles réunions entre le 4 janvier et le 25 mars 2008.

La situation des conditions de travail pose avec acuité celles des droits des salariés dans l’entreprise au niveau des CHSCT, mais aussi de sa gestion. Plus que jamais, la mobilisation et l’intervention des salariés sont indispensables.

 

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Par Magniadas Jean , le 01 December 2007

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