Le 9 décembre dernier, l’acte fondateur de la Banque du Sud a été signé à Buenos Aires. Sept pays étaient de la partie : l’Argentine, le Venezuela, le Brésil, l’Uruguay, le Paraguay, la Bolivie et l’Equateur. Les deux premiers furent à l’origine de cette initiative, qui s’est étendue par la suite, avec l’espoir que d’autres pays de la Région (2) puissent s’y associer progressivement. Pour l’instant un délai de 60 jours a été fixé pour établir le texte constitutif permettant le fonctionnement opérationnel de cette nouvelle entité financière pour laquelle il existe encore plusieurs incertitudes. L’idée première est partie de Caracas puis fut reprise par Nestor Kirchner. Il n’est donc pas surprenant que l’acte fondateur ait été souscrit le dernier jour de son mandat à la tête du gouvernement argentin profitant par la même occasion de la présence des autres dirigeants qui assistaient à l’investiture de la nouvelle présidente (3) .
Hugo Chávez a imaginé un ensemble d’initiatives pour l’intégration économique et culturelle de l’Amérique Latine et des Caraïbes. Elles font partie d’un projet de développement alternatif dans la région. Quelques unes fonctionnent déjà avec des résultats mitigés. Entre autres, Telesur, un projet de communication qui ne trouve pas encore suffisamment sa place auprès des partenaires de la région mais qui essaie de s‘implanter. Petroamérica est plus développé dans les Caraïbes que dans le Sud même s’il existe aussi quelques initiatives communes entre la compagnie pétrolière du Venezuela et les entreprises de quelques pays (Brésil, Bolivie, Argentine, Uruguay). C’est dans ce contexte qu’est apparue l’idée d’organiser une banque de développement, un fonds monétaire régional et une utilisation partagée des ressources financières «qui dorment» à la banque transnationale.
Les réserves internationales de l’Amérique Latine et des Caraïbes s’élèvent à 414.362 millions de dollars (4) et celles des sept pays fondateurs de la Banque du Sud atteignent les 249.082 millions de dollars (tableau I).
Une partie importante de ces fonds, déposée à la banque transnationale dont le siège se trouve dans les pays capitalistes développés, alimentent l’accumulation capitaliste globale avec ses conséquences néfastes sur la qualité de vie de la population mondiale.
On recherche une possible utilisation de ces réserves en faveur d’un financement alternatif car c’est un fait que les économies du Sud financent le Nord développé, accumulant ainsi la misère, permettant à ce monde capitaliste développé de fournir investissements et crédits qui aggravent la dépendance et l’exploitation.
tableau I
Réserves Internationales (y compris l’or). En millions de dollars
La présence de 6 des 7 présidents lors de la signature de l’accord a, en elle-même, des répercussions importantes. Tous ces pays, même avec leurs nuances, s’inscrivent dans une dynamique sociale et une politique nationale qui ouvrent des perspectives favorables à des changements à l’opposé de la logique du modèle néolibéral qui jusqu’à présent s’était installé en force en Amérique Latine. On passe d’un ajustement structurel à un discours critique des politiques du Consensus de Washington imposées dans les années 90. Lors de la signature de l’accord pour la Banque du Sud, les discours des présidents avaient un profond contenu critique envers les politiques d’ajustement et de restructuration régressive et se montraient enclins à un horizon souverain indépendant économiquement et financièrement. A cette occasion, une monnaie unique a même été évoquée. Les attentes sont importantes et à court terme nous saurons si ce qui sera établi par les experts et les fonctionnaires chargés de formaliser les modes concrets d’opération de la Banque du Sud conviendra. Au sein du mouvement populaire des craintes fondées existent. Elles se sont manifestées dans une lettre émanant de différents courants et réseaux qui a été remise aux signataires de l’acte de fondation (5).
Chacun de ces pays entre à la Banque du Sud avec ses propres objectifs incluant des nuances liées aux projets de chacune des gestions gouvernementales. La formulation d’une société qui tend vers le «socialisme du 21ème siècle» exposée par le Venezuela, la Bolivie ou l’Equateur n’est pas la même que l’orientation vers un «neodéveloppement» qui semble s’imposer dans la proposition de «reconstruire le capitalisme national» suggérée par l’Argentine et par les politiques favorables à l’initiative privée du reste des pays intégrés dans ce projet financier. Ce n’est pas la même chose de penser et de débattre d’une entité financière dans le marché capitaliste ou d’une banque destinée à la construction du socialisme. De toute façon et au-delà de toutes ces nuances, l’idée principale reste la tentative d’articuler un projet de financement autonome de la région pour une «autre économie» à définir et selon la voie que choisira chaque pays en profitant des fonds propres que les Etats nationaux ont en dépôt à la banque transnationale. L’idée d’une Banque du Sud vise à utiliser tout ou partie de ces ressources financières pour des projets productifs. C’est de là que proviennent les attentes et doutes sur son avenir.
Le capital initial atteindrait les 7 milliards de dollars souscrits par les membres fondateurs. Il reste à connaître avec exactitude les montants assignés à chacun d’eux ; tout semble cependant confirmer un vote égalitaire indépendamment de l’importance du versement initial. Il est vrai qu’il existe beaucoup de différences entre les pays fondateurs intéressés, entre ceux qui se distinguent par une plus grande capacité financière et productive et ceux qui ont de fortes limitations financières. Certains comme le Brésil ont une expérience de l’utilisation des fonds publics pour le développement et d’autres, comme l’Argentine, ont démantelé la banque publique d’investissement et réduit au minimum l’intervention de la banque de développement économique en privatisant une bonne partie des entités financières officielles et en limitant l’action des coopératives de crédit qui avaient une grande tradition d’efficacité dans le pays. L’Equateur ajoute à cette complexité la dollarisation de son économie.
De fait, il n’y a pas que la Banque du Sud mais également le contexte du fonctionnement de l’économie et des finances de chacun des pays participants. Il s’agit d’adapter la législation et les politiques économiques et financières afin de rendre possibles les grands projets imaginés par la Banque du Sud et d’autres initiatives associées.
Les réserves internationales ont augmenté de façon très importante dans les principaux pays de l’Amérique Latine. L’Argentine, le Brésil et le Venezuela représentent à eux seuls 230.milliards de dollars (tableau I). Ces ressources sont déposées à la Banque transnationale et constituent la source de financement du capital transnational quitte à pérenniser le récurrent déficit public des États-Unis via l’acquisition de bons du Trésor américains. Ce pays dépense plus qu’il ne perçoit et il a réussi à obtenir un financement international du monde entier. La Chine est à la tête des principaux détenteurs de bons du Trésor américains, mais l’achat croissant de devises, essentiellement des dollars, par les pays les moins développés, afin de se protéger de l’instabilité économique internationale, continue à financer l'immense déficit du puissant empire du Nord.
Il est paradoxal de constater que le Sud du monde veut à tout prix réduire le déficit public et fiscal de ses Etats nationaux en développant des politiques d’austérité et d’ajustement qui entraînent une détérioration de la qualité de vie de sa population. A l'opposé, le pays le plus puissant du monde dépense de façon irrationnelle en «pompant» l’excédent financier du reste du monde et tout particulièrement de celui des pays du Sud appauvris. L’accumulation des réserves internationales est le fruit de gigantesques soldes favorables des balances commerciales des pays et de la tendance croissante à faire de l’excédent budgétaire pour les Etats nationaux. L’idée d'instituer une Banque du Sud peut servir les volontés d’autonomie et de libération si tout ou partie des ressources fiscales sont utilisés pour des projets productifs qui répondent aux besoins économiques et sociaux jusqu’alors insatisfaits.
Le développement alternatif requiert un financement autonome et c’est de cela que discute l’Amérique Latine en ce moment. L’ALCA a été mis en échec par l’action combinée du mouvement populaire et des gouvernements du Mercosur et du Venezuela (6) et c’est dans cette action que l'idée d’une intégration alternative a émergé. Ce projet alternatif d’intégration commence à se matérialiser au sein de l’Alternative bolivarienne pour les Amériques, ALBA, qui aujourd’hui compte quatre pays, Cuba, le Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua, avec le désir d’y inclure rapidement l’Equateur et d’autres pays de la région. Il s’agit d’un projet qui dépasse l’accord entre les Etats nationaux puisqu’il appelle les provinces et municipalités à y participer, de la même façon qu’il cherche à intégrer en son sein des initiatives associées à des mouvements populaires. On peut considérer comme faisant partie de l’ALBA des initiatives économiques qui dépassent le cadre de ces quatre pays. C’est le cas de l’expérience d’intégration de la politique énergétique régionale soutenue par les abondantes ressources en pétrole et en gaz connues dans la région. Il existe des projets de coopération énergétique qui profitent des avantages comparatifs existant dans ces pays, tout comme dans le domaine industriel, essentiellement dans la production d’aliments. Ce sont les objectifs visés par les institutions dans la définition d'un projet alternatif, dans lequel la production et la reproduction supposeront la construction d’une société qui éliminera la pauvreté et les inégalités, le chômage, l’exploitation des travailleurs, et qui utilisera les matières premières et les ressources naturelles pour satisfaire les besoins de la plus grande partie de la population.
Le Mercosur n’incluait pas dans ses projets l’apparition de nouvelles initiatives comme celle de la Banque du Sud même si les pays qui l’intègrent ont finalement signé l’accord. C’est une initiative qui s’est négociée en dehors du Mercosur car celui-ci tend plutôt vers la libéralisation des marchés tandis que la stratégie de la Banque du Sud s’inscrit dans une construction institutionnelle nouvelle pour l'utilisation souveraine des finances de la région. La Banque du Sud peut favoriser des projets concrets d’intégration et ainsi en modifier le contenu.. Ce qui prouverait que la proposition des mouvements populaires pour une autre intégration est possible. Ce sont des orientations qui vont à contre courant de la libéralisation des négociations entre le Mercosur et l’Union européenne ou des Etats Unis. Dans tous les cas, des initiatives comme celle de la Banque du Sud provoquent une crise dans la conception libérale des institutions d’une autre époque (néo-libérale) comme celle du Mercosur avec ses négociations en faveur de la libre circulation des marchandises, des services et capitaux au sein de l’OMC, notamment avec l’Union européenne, les Etats Unis, et y compris récemment entre le Mercosur et Israël (7).
La carte de l’intégration latino-américaine et caribéenne est en pleine transformation et la Banque du Sud fait partie de ce phénomène qui engendre l’espoir d’un changement de cap dans l’ordre libéral impulsé au cours des récentes années 90.
L’ALBA suppose la possibilité d’une articulation production-culture qui requiert un financement propre et autonome. C’est dans ce sens que l’initiative de la Banque du Sud pourrait s’insérer. Le crédit est un levier pour l’activité économique et c’est pour cela qu’il faudrait une banque finançant des projets renforçant les organisations économiques du mouvement populaire comme les entreprises «récupérées» par les travailleurs, les coopératives de travailleurs, les petits producteurs de la campagne et les secteurs sociaux sans défense face au système capitaliste. Ce sont des secteurs qui s’assument pleinement dans la construction d’une autre économie, avec des valeurs qui mettent l’accent sur la satisfaction des besoins sociaux face à la soi-disant rentabilité de l’économie de profit. Des ressources sont également nécessaires pour le développement de secteurs économiques et sociaux dont un bon nombre ont été récemment privatisés, c'est le cas extrême de l’Argentine avec la vente d’entreprises publiques de l’énergie, des communications, des transports et des services publics entre autres. Il s’agit de récupérer une capacité financière pour un développement intégral autonome qui définisse un nouveau mode de développement de l’économie.
Comme chacun sait, les principaux problèmes pour n’importe quelle entreprise populaire (petite ou grande) passe par l’insuffisance des ressources en capital permettant l’achat de matières premières, de matériaux et des biens pour l’activité de production et de distribution.
Le développement autonome du mouvement populaire dans l’économie a besoin des ressources publiques qui aujourd’hui contribuent au financement du cycle du capital au profit des capitaux dominants. Affecter des fonds publics à une banque de développement suppose une réorientation financière pour l’appui de ces projets alternatifs. Récupérer des entreprises privatisées et/ou développer des initiatives dans des secteurs stratégiques requiert un financement adéquat.
Les investissements nécessaires au développement d’infrastructures, à la préservation de l’environnement et aux conditions de travail, comme l’encouragement d’investissements productifs au service du développement local, national et de l’intégration régionale nécessitent un financement suffisant.
La discussion porte aussi sur le type d’institutions à promouvoir. Il ne s’agit pas de créer une nouvelle banque semblable aux organismes internationaux existants, comme la Banque mondiale, la BID, ou le FMI qui sont entre les mains de bureaucraties élitistes, de professionnels soumis à la pensée hégémonique néo-libérale et aux pouvoirs économiques des transnationales. Nous avons besoin d’institutions où les décisions restent entre les mains de ceux qui doivent en être les bénéficiaires directs. C’est pour cela que nous devons mettre en place une gestion participative avec représentation des mouvements populaires de la région au sein même de la direction de la banque. Les politiques de financement doivent être le produit d’un débat généralisé entre les populations et les mouvements des pays participant à la naissance de la Banque du Sud.
Les discussions entre fonctionnaires qui ont eu lieu jusqu’alors ne sont pas suffisantes, malgré la meilleure volonté du monde. Les mouvements populaires, ont fait eux-mêmes, par leur développement historique propre, le diagnostic des besoins non satisfaits et ils disposent du potentiel créatif du travail de leurs communautés. Ils ont établi un bilan en vue du développement alternatif qui doit trouver sa place, régionalement, dans la perspective d’une intégration différente. Le chômage, le sous-emploi, la surexploitation sont des caractéristiques structurelles qui s’ajoutent à l’insuffisance des revenus de la plupart des habitants de notre Amérique. On connaît aussi l’intérêt du capital extérieur pour cette force de travail bon marché et pour les importantes ressources naturelles en eau, pétrole et biodiversité. Le défi passe par l’articulation de ce bilan d’insatisfaction sociale avec les ressources publiques existantes pour favoriser un autre type de développement économique et social.
Cette question tend à modifier l’équation historique entre les privilégiés et les populations privées des moyens suffisants pour assurer leur vie quotidienne. Un ensemble de réseaux et d’organisations de mouvements populaires qui se sont mobilisés contre le fléau de la dette publique illégitime (8) et diverses déclinaisons du programme de libéralisation comme l’ALCA ou les injonctions de l’OMC ou des organismes financiers internationaux ont fait part aux signataires de l’acte de fondation de la Banque du Sud, d’un ensemble de critiques et de propositions qui valent la peine d’être prises en compte (9). Parmi les premières critiques, ils font ressortir «la forme peu transparente et non participative» des négociations préalables réalisées sans concertation populaire suscitant des interrogations sur les résultats de cette nouvelle institution.
Ces acteurs craignent la reproduction des mécanismes «opaques, régressifs et discrédités des organismes multilatéraux, comme la Banque mondiale, la CAF, la BID et le FMI.».
Parmi les propositions, ils demandent à la Banque du Sud «un nouveau type de développement fondé sur la «souveraineté» populaire, l’autodétermination de politiques économiques et socioenvironnementales et ayant comme «objectif supérieur, le développement humain et social». Ils proposent à la Banque du Sudde contribuer à résoudre, avec des objectifs concrets, «le plein emploi dans la dignité, la garantie du droit à l’alimentation, à la santé et au logement», l’éducation de base pour tous, la redistribution des richesses, et la lutte contre les injustices parmi lesquelles ils incluent «les inégalité hommes-femmes et d'origines ethniques».
Ce sont des propositions faites dans le cadre d’une demande pour «une nouvelle architecture financière» régionale qui inclurait un Fonds du Sud à la manière de la Banque Centrale continentale avec la capacité d’articuler des politiques communes pour un développement technologique autogéré et la possibilité d’avancer dans les échanges entre les monnaies nationales vers une intégration monétaire. On tendrait ainsi à réduire les asymétries régionales. La participation populaire des intéressés eux mêmes dans la gestion financière et économique de la Banque du Sud est donc indispensable. Cela s’inscrit dans la revendication de l’égalité des pays dans la gestion de la banque, indépendamment des fonds apportés . Une question clé est celle de l’utilisation des réserves internationales des pays fondateurs pour la capitalisation de la nouvelle entité financière qui ne doit pas inclure en son sein des apports de capitaux d’autres organismes internationaux et d’Etats qui n'en seraient pas membres. C’est une proposition qui tend vers l’utilisation souveraine des propres ressources de la région.
La transparence dans la gestion exige le contrôle de la structure administrative de la Banque du Sud, par la participation populaire et la possibilité de remaniement de son personnel. Est aussi essentielle la mise en oeuvre d'un crédit, pour le financement de projets d’investissements publics qui serviraient au développement local, aux petits et moyens producteurs, aux employeurs de la campagne et de la ville, aux coopératives, à l’économie solidaire, aux communautés indigènes et traditionnelles et aux formes variées d’organisations économiques populaires. Il s’agit de promouvoir «la souveraineté alimentaire et énergétique» et d’encourager la recherche et la technologie appropriée aux conditions régionales, le développement des médicaments génériques et la récupération des savoirs ancestraux de nos peuples. Pour toutes ces raisons, au-delà des propositions économiques, ces mouvements réclament une articulation entre la dimension institutionnelle de la nouvelle institution et un système complexe de critique sociale et de recherches de nouveaux horizons civilisateurs incluant la création d’une Université du Sud et d’une justice environnementale. La question est de ne pas reproduire un modèle productif existant, au service des super profits du capital, qui affecte tant les populations et agresse l’environnement.
Il existe une nouvelle réalité en Amérique qui s’exprime en matière économique par le retrait récemment annoncé de plusieurs pays du CIADI (Centre international de règlement relatif aux investissements) qui dépend de la Banque mondiale ou qui se manifeste par la perte des capacités d’actions du FMI lui-même dans la région. C’est dans ce cadre que l’on peut comprendre les constants «sermons» d’une bonne partie des gouvernements de la région contre les organismes financiers. L’Equateur organise un audit sur sa dette extérieure et une consultation du mouvement populaire, faut-il ou non payer ces dettes illicites qui ont transformé ces pays en créanciers nets à cause des versements récurrents et considérables réalisés. La Bolivie a avancé dans la nationalisation de ses hydrocarbures. Ces pays et le Venezuela tentent des changements constitutionnels afin de donner une portée juridique à leur changement économique.
La Banque du Sud peut faire figure de rupture dans la mesure où son destin s’associe aux propositions des mouvements populaires et à la croissante radicalisation des peuples qui se manifeste dans la recherche
de nouveaux rapports sociaux. Cela ne pourra être possible que si elle s’accompagne d’une stratégie de contrôle des mouvements de capitaux internationaux, car l’Amérique Latine est en train de battre tous les records de transferts de devises à l’étranger, résultat d’énormes profits dérobés aux richesses produites dans ces pays. Il s’agit de freiner la fuite des capitaux depuis nos pays afin d’inverser la spirale de la faim, de la pauvreté et de l’exploitation avec une perspective de développement intégré visant à satisfaire les besoins populaires.
C’est un processus complexe qui cherche à harmoniser les richesses produites collectivement dans la région. Ces derniers temps, les processus de dollarisation ont progressé, notamment avec les expériences de l’Equateur et de l’Argentine. Avec les envois de devises des émigrants, une bonne partie des secteurs les plus pauvres construisent leur avenir à partir de cet argent provenant de l’extérieur. Ces pays ne peuvent plus continuer à subordonner leur souveraineté économique au destin du dollar ou de l’euro et ils ont besoin d’être maître de leurs politiques monétaires. L’Argentine et le Brésil expérimentent en ce moment un échange commercial dans leur propre monnaie avec des compensations comptables. C’est une expérience en cours sur la voie d’une possible coopération monétaire. Les instruments financiers en discussion feront sans doute partie d’une stratégie visant à une harmonisation productive, commerciale, financière et y compris monétaire. Mais en réalité, c’est plus une question politique qu’économique, liée à la puissance souveraine des peuples et des gouvernements qui subissent la pression des grands capitaux et des Etats les plus puissants du monde, pour accepter une intégration subordonnée à l’ordre mondial impérialiste.
----------------------------
* Traduction Béatrice David et Marie-Christine Delacroix.
(1) Professeur d’Economie Politique de l’Université Nationale de Rosario, Argentine. Président de la Fondation pour les Recherches Sociales et Politiques, FISYP. Membre du Comité de direction du Conseil Latino-américain des Sciences Sociales, CLACSO.
(2) La Colombie avait manifesté sa volonté d’intégration mais celleci n’a pas encore été officiellement sollicitée.
(3) Le 10/12/07, Cristina Fernández est devenue Présidente de la République d’Argentine.
(4) Cepal, III trimestre 2007.
(5) Deuxième lettre ouverte aux présidents de l’Argentine, de la Bolivie, du Brésil, de l’Equateur, du Paraguay , de l’Uruguay et du Venezuela datée du 3/12/07. Peut être lue en intégralité sur le site du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde, CADTM : http//www.cadtm.org/spip.php?article2967
(6) L’entrée du Venezuela dans le Mercosur est toujours entravée par les parlements du Brésil et du Paraguay.
(7) Une semaine après la signature de l’acte fondateur de la Banque du Sud, le Mercosur a passé un accord de libre échange avec Israël. Cet accord comme ceux qui continuent à être passés entre le Mercosur, les Etats Unis ou l’Union européenne interrogent sur la voie alternative de l’intégration et de son institutionnalisation.
(8) D’après la Cepal, la dette publique de l’Amérique Latine et des Caraïbes pour le III trimestre 2007 s’élève à 676.696 millions de dollars.
(9) Voir le deuxième lettre adressée aux présidents…commentée auparavant.
Il y a actuellement 0 réactions
Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.