Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Élargir les marges d'action des élus et des populations sur l'emploi

Les élections du printemps  vont se rouler  dans un contexte de montée des difficultés liées à la profondeur de la crise et aux effets  des « réformes  » régressives passées et en cours. La France est confrontée au retour de l'inflation qui ronge le pouvoir d'achat, à la baisse des créations d'emploi  et à sa précarisation, à la crise bancaire et financière qui rend le crédit plus cher et plus rare pour les entreprises, au déficit extérieur  massif, aux comptes sociaux dans le rouge.

Dans le même temps, le patronat et le pouvoir mettent en place des « réformes » de régression comme la flexisécurité qui assurera la sécurité des profits en facilitant les licenciements, la flexibilité des salariés. Cela à l'opposé des objectifs convergents de la sécurité sociale professionnelle prônée par la CGT ou de la sécurité d'emploi ou de formation préconisée par le PCF.

Dans ces conditions,  l'utilité du vote communiste aux élections cantonales ou pour les listes soutenues par le PCF aux municipales sera reconnue et renforcée si la campagne des candidats traite avec pertinence et avec des propositions concrètes la question centrale et transversale de l'emploi,  sa promotion,  sa sécurisation et son financement.

A la racine des difficultés  majeures vécues par la population (chômage, précarité, pouvoir d'achat rogné, dégradation des conditions de travail, déficits des comptes sociaux, publics, du commerce extérieur, exclusion, insuffisance de l'offre des entreprises comme de la demande qui leur est adressée) il y a la question de l'emploi.

Cela concerne les limites et les contradictions  des dispositifs d'aide aux entreprises existants conformes aux logiques dominantes, leur manque de cohérence, l'insuffisance de leur contrôle et de leur évaluation, l'inexistence de réels pouvoirs d'intervention  des salariés et de leurs représentants dans les institutions de décision, le musellement des pouvoirs  des collectivités territoriales par un étatisme prédominant. Appelées à parer au plus pressé, les collectivités  territoriales sont cantonnées à l'accompagnement des décisions des grands groupes, notamment des dégâts qui découlent de ces choix sur les territoires.

Soumises à une violente  concurrence  entre les territoires, elles sont sollicitées pour assurer aux entreprises une maind'œuvre disponible et bon marché, des infrastructures  et des services, pour financer et organiser la création et la transmission des entreprises.

Un chantage permanent s'exerce sur elles pour concéder de multiples aides financières, fiscales et matérielles.

Reléguées dans un système de relations dominées par l'État et le patronat, elles sont en difficulté pour promouvoir de nouveaux outils efficaces pour responsabiliser les entreprises et les inciter à une gestion visant l'efficacité sociale et territoriale. Les fortes résistances pour mettre en place les Fonds régionaux pour l'emploi et la formation ou pour en dévoyer la conception l'ont emporté ces dernières années.

Les collectivités territoriales  doivent  s'émanciper de ces dominations en s'appuyant sur les populations et les salariés. Les régions, départements, communes, dirigées par la gauche pourraient être à l'initiative pour révolutionner le système actuel avec une confrontation de propositions débouchant sur des expérimentations.  Les élections prochaines sont l'occasion de ce débat.

En premier lieu, il faut mettre en cause l'ensemble du système d'aides, aujourd'hui en crise, qui conditionne l'action des collectivités et limite fortement leurs libertés d'intervention.

1100 euros par habitant  : le prix à payer pour « assister » le patronat

La droite avait cru clore toute discussion sur les aides publiques aux entreprises, avec l'abrogation, fin 2002, de la loi instituant  une commission nationale de contrôle et d'évaluation des aides publiques aux entreprises (loi Hue). Mais elle revient dans l'actualité, avec notamment une proposition du gouvernement faite en décembre dernier, lors de la conférence sur l'emploi et le pouvoir d'achat, d'ouvrir la possibilité de conditionner  les exonérations de cotisations sociales patronales aux négociations de branche. (Voir encart page 23)

La raison en est que le gouvernement  est confronté  à une grave crise d'efficacité, y compris  pour ses propres objectifs, d'un système d'aides publiques  extrêmement coûteux : 65 milliards d’euros (1), de l’ordre de 1100 d’euros par habitant (2), ont été versés aux entreprises pour les « assister » en 2005. Et cette année 500 euros par habitant seront consacrés pour financer les seules exonérations de cotisations  sociales patronales. Des coûts faramineux  pour des résultats sur l'emploi insignifiants, une précarité et des bas salaires qui se généralisent. (Voir encart ci-contre)

Les cercles vicieux du dispositif d'exonération des cotisations sociales patronales.

Dans son rapport, le conseil d'orientation de l'emploi cautionne l'idée que «les allégements  [de cotisations sociales patronales] instaurées en 1993 constituent désormais l'un des piliers  de la politique en faveur de l'emploi en France. En réduisant le coût du travail au voisinage du SMIC sans abaisser le niveau de rémunération des salariés, les allégements  visent à réduire le chômage des non qualifiés, tout en préservant leur pouvoir  d'achat.... Si les difficultés méthodologiques rencontrées pour évaluer ce dispositif sont réelles, toutes les évaluations disponibles  concluent cependant à un effet positif sur l'emploi. » (14)... Les allégements décidés avant la RTT « auraient créé ou maintenu 250 à 300 000 emplois »... Quant aux allègements  liés à la RTT, « il est plus que probable qu'ils ont permis d'éviter une forte dégradation du chômage des non qualifiés, qui aurait  pu être la conséquence de la hausse  assez rapide  du SMIC horaire ... » (15)

Mais, pour autant, il reconnaît que « les allégements  de cotisations sont  cependant soumis  à deux  types  de critique.  Tout d'abord, en introduisant une progressivité dans le coût du travail, ils sont susceptibles de développer des « trappes à bas salaires » et de dissuader indirectement les employeurs de faire les efforts nécessaires pour accroître la productivité des salariés, notamment  par la formation. Ensuite, le champ très large de l'aide crée un effet d'aubaine potentiellement important pour les entreprises. » (16)

Ces critiques sont fondamentales, mais très sous-estimées par le conseil. En effet les évaluations de l'impact des allégements sur l'emploi ne prennent pas en compte les cercles vicieux, provoqués par ce dispositif, avec les destructions d'emplois et les non créations qu'ils entraînent.

Selon leurs promoteurs  les exonérations sont censées alléger les coûts des salariés qualifiés, dont la productivité est estimée insuffisante pour résister à la concurrence. Les salariés non qualifiés continuent à percevoir un salaire grâce à une prise en charge par l'État d'une partie des cotisations sociales patronales que ce dernier finance à la place de l'entreprise, l'incitant, soi-disant, ainsi à garder ce salarié malgré son insuffisance supposée de productivité.

Mais, en fait, ça ne se passe pas comme cela car l'objectif est tout autre : il s'agit de mettre en œuvre un mécanisme visant à l'abaissement de l'ensemble des salaires afin de booster les profits des entreprises pour répondre aux exigences des marchés financiers.

C'est pourquoi,  les exonérations sont calculées, non pas à partir de la productivité apparente du travail de chacun, mais à partir de son salaire.

Dès lors qu'un salarié est payé au SMIC, l'entreprise bénéficie d'une exonération maximum qui est dégressive jusqu'à un plafond puis elle disparaît.

Ce dispositif pousse ainsi à la substitution ou la création d'emplois payés au salaire minimum. (ainsi le nombre de salariés au SMIC est passé de 8-9 % début  des années 1990 à 17% aujourd’hui ).

- il décourage la formation et la qualification des salariés,

- il disuade l'entreprise de moderniser, investir et se placer sur le créneau de produits à plus forte valeur ajoutée,

- il spécialise la France sur des produits sensibles à la concurrence des pays à bas coûts salariaux, Ainsi il pénalise l'offre des entreprises :

- il freine la montée des salaires au détriment du pouvoir d'achat,

- mais  il encourage, à partir des profits, la relance des placements financiers des entreprises.

Ainsi, il freine la demande aux entreprises tout en relançant les marchés financiers et leur domination sur les entreprises. Résultats de ces choix :

Les produits français ne sont plus compétitifs, le déficit extérieur explose, les entreprises poussent plus loin la logique de baisse des coûts salariaux en délocalisant productions  et services. L'emploi industriel, le plus exposé à la concurrence, n'en finit pas de fondre.

À ce déficit d'emploi industriel, lié à ces choix il faut encore ajouter le manque-à-gagner en termes de création d'emplois, dans les services, notamment pour la formation et la qualification des salariés, qu'un autre type de productivité fondée sur le développement des hommes aurait favorisé.

En fait, ce dispositif coûteux (150 milliards d'euros de 1993 à 2007) est le moteur de cercles vicieux de destructions massives d'emplois et de gâchis financiers ruineux.

Il serait tout à fait improductif  de croire que des contreparties, quelles qu'elles soient, pourraient  d'une manière ou d'une autre inverser une telle logique qui fait système ou en corriger  les effets. En effet au-delà de ce cas, ce sont les politiques dites de « donnant-donnant » telle que la flexisécurité, ou les lois fondées sur cette démarche comme celles sur la RTT qui sont toujours confrontées à ces contradictions.

Cette évaluation de 65 milliards  d'euros qui comprend les subventions, les dépenses fiscales et les exonérations montre que les fonds consacrés à ces interventions sont supérieurs au budget de l'éducation nationale ou aux déficits publics. Équivalent aux recettes cumulées de l'impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle, elle illustre toute l'hypocrisie du discours sur « les entreprises étranglées par les prélèvements publics » ou celui visant à culpabiliser les chômeurs et les RMIstes.

Mais derrière ces chiffres il y a le paradoxe suivant relevé par la mission d'audit : «il y a trop d'aides, et aussi pas assez trop d’aides redondantes, concurrentes ou inefficaces, mais pas assez  d’aides correctement dimensionnées à leur objectif. Il faut comprendre et admettre ce « mal d'aides »… Le mode de régulation actuelle est trop juridique et trop centralisé. » (3)

Cela se traduit  par un premier constat : sur les 65 milliards d'euros, 57 milliards  correspondent  à des dépenses ou des manques à gagner de l'État, contre 6 milliards pour l'ensemble des collectivités  territoriales  dont 2 milliards  pour les communes et les groupements, 1,7 milliard  pour les départements, et 2,4 milliards pour les régions.

Un système institutionnel sous domination  étatique :

Comme le souligne la Cour des Comptes, « sur le plan local, parmi les acteurs de l'action économique, l'État joue un rôle déterminant par l'intermédiaire, tout d'abord, de ses services déconcentrés tels que les préfectures de région ou de département, les directions régionales ou départementales de l'emploi, du travail et de la formation professionnelle, les directions régionales de l'industrie, de la recherche, et de l'environnement, et enfin les directions régionales du commerce et de l'artisanat. (...) l'État, acteur majeur de l'intervention économique, contribue, du fait même de l'action non seulement de ses services déconcentrés mais aussi de ses agences et établissements publics nationaux comme de la multiplication de ses propres régimes d'aide, à accentuer le foisonnement institutionnel et à rendre encore moins lisibles les dispositifs  locaux d'aide au développement économique.» (4)

De leur côté les collectivités territoriales  ne cessent d'accroître leur contribution aux entreprises avec une spécialisation entre elles : aux régions, le développement des entreprises. Aux départements, l'accompagnement des entreprises, l'immobilier d'entreprise. Aux communes et communautés de communes l'aménagement des terrains et la réalisation de bâtiments d'accueil des entreprises. Aux communautés d'agglomération, l'animation de réseaux, la création d'entreprises, l'emploi et la formation, le tourisme et la prospection d'entreprises.

Mais il existe de nombreux enchevêtrements dans l'action de ces collectivités tandis que sont déléguées à une multitude d'organismes périphériques  la gestion et l'instruction  des aides (chambres  consulaires,  CRIT, sociétés de capital-développement, réseaux associatifs, comité d'expansion, agence de développement économique, le comité de bassin, société d'économie mixte, société de reconversion, plates-formes d'initiatives locales, ...).

Ainsi, le nombre d'intervenants  est toujours  supérieur à 60, voire  100 dans une même région. La Cour des comptes estime que « la valeur ajoutée générale d'un tel maillage n'est pas établie »... et que cela « contribue à l'opacité des dispositifs d'aides au développement économique » (5).

Un besoin de mise en cohérence et d'évaluation.

« La complexité du dispositif avec l'empilement de mécanismes voisins, de multiples redondances, voire de franches contradictions  entre les mécanismes d'aide et l'inadaptation de nombreuses aides aux besoins réels » (6) caractérise le dispositif des aides. L'estimation du nombre d'aides varie entre 5000 et 6000 au niveau national  et entre 300 et 450 par région.

De multiples  aides se recouvrent  (157 pour la création et la transmission d'entreprise).

L'opacité et la rétention de l'information sont justifiées et même encouragées au nom de la concurrence.

Pourtant, comme le souligne le rapport de la mission, « le défaut de vue d'ensemble, d'une mise en cohérence de ces aides publiques, et plus encore l'absence d'évaluation régulière des aides publiques n'est pas d'abord une question de systèmes d'information ou de recensement ....Le développement d'un système d'information ..., le système AGAPE (7) (aides à la gestion des aides publiques aux entreprises), a été abandonné en octobre 2003, officiellement en raison du projet de loi relative aux responsabilités locales et aux mesures attendues de décentralisation en matière d'aide économique...Le législateur n'a à ce jour jamais pris une disposition simple d'obligation de déclaration des aides reçues pour chaque entreprise bénéficiaire. Si l'on voulait réellement une connaissance exhaustive des dispositifs, nul doute que ce dernier s'avérerait efficace. » (8)

LA POLITIQUE  D'AIDE AUX ENTREPRISES DE L'ÉTAT CLARIFIER  LES OBJECTIFS, LE CIBLAGE, LES INSTRUMENTS  D'INTERVENTION

Un travail utile de la mission permet de distinguer les différents aspects des politiques d'aide aux entreprises de l'Etat.

Un classement par coût budgétaire  décroissant montre  que les dispositifs les plus coûteux en termes budgétaires ont pesé

35,9 milliards  d'euros  en 2005, soit 63 % du total des aides financées par l'État. Elles ont visé, pour l'essentiel, à relever les profits (taux réduit de TVA, avoir fiscal, taxation réduite de plusvalues à long terme, réduction  de l'impôt  sur les sociétés). Quant aux exonérations sociales leur prise en charge s'élève à 31,7 milliards dans le budget 2008, près de la moitié  de toutes les aides. Son poids massif structure en profondeur le choix de la compétitivité  à la baisse des coûts salariaux et la domination des marchés financiers. C'est pourquoi,  en premier lieu il est nécessaire de promouvoir des dispositifs aux objectifs et aux logiques financières radicalement opposés pour viser le développement des travailleurs et faire reculer la domination des marchés sur les entreprises.

La ventilation par finalité

Si la finalité première proclamée est celle de l'emploi, le moyen de l'atteindre requis, selon la pensée libérale est celle de la compétitivité  coût (baisse des charges des entreprises) qui mobilise 70 % du total, contre 30 % seulement pour la compétitivité sur la valeur ajoutée (dépenses d'avenir). L'audit estime qu'une politique  visant à inverser ces ordres de grandeur dégagerait ainsi plus de 20 milliards d'euros pour l'investissement dans l'avenir.  De même, les aides liées à la connaissance (recherche et développement, innovation, savoir) sont nombreuses  en affichage : près de 30 % du nombre total des dispositifs. Mais elles sont pourtant marginales en volume : à peine plus de 5 % du total.

« Ce tableau sur les instruments financiers d'intervention de l'État livre un enseignement intéressant : la forme la plus traditionnelle d’aide – la subvention – apparaît comme une modalité secondaire (11%) d’attribution des aides aux entreprises. Les formes les plus utilisées sont aussi les moins visibles : baisse des charges sociales et aides fiscales (pour plus de 50%).Le tableau montre également que certains instruments économiquement contestés comme la sous-taxation de la vente (TVA à taux réduit par exemple) et plus généralement les aides à la vente sont présents à un niveau significatif (12%).
Enfin, les instruments à fort effet de levier (garanties notamment de type OSEO) représentent un volume négligeable, ce qui n’est pas du meilleur impact. »
(9)

Il faudrait aussi ajouter à ces remarques de la mission la sous-utilisation des crédits bonifiés qui sont aussi des instruments à fort effet de levier, mais sont totalement négligés.

L'exigence d'une conversion massive de fonds publics dans un Fonds national pour l'emploi et la formation.

Ainsi, on constate que d'importants crédits de l'État pourraient être réorientés pour financer une autre politique de l'emploi dont il faudrait à la fois clarifier  les objectifs et surtout engager un débat sur le type d'instruments financiers à mettre en oeuvre pour les atteindre. La conversion de telles ressources vers un Fonds national décentralisé pour la sécurisation de l'emploi et de la formation permettrait « la prise en charge de tout ou partie des intérêts des emprunts contractés par une entreprise et destinée à des investissements d'intérêt  national générant des créations d'emplois durables ou au financement d'actions de formation professionnelle qualifiante  ayant pour objectif de transformer structurellement le niveau de qualification du personnel. Il opère au niveau national  et aussi au niveau régional par des dotations aux Fonds régionaux  et des opérations  conjointes avec ces Fonds. » (10)

Concernant le contrôle et l'évaluation des aides, là aussi une révolution  est nécessaire : si la reprise du système d'information  «Agape» et son développement  sont un enjeu de batailles, la mise à la disposition des élus, des salariés et des représentants, de ces informations afin de les croiser avec les connaissances de terrain,  tout comme le pouvoir  de ces acteurs d'intervenir et de peser dans les institutions où se prennent  les décisions de financement sont décisifs.

LES AIDES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AUX ENTREPRISES

Selon la Cour des Comptesla multitude d'aides et d'acteurs rend extrêmement complexe la gestion de ce système. Une trop grande diversité des procédures d'évaluation. Il existe une trop grande diversité des procédures d'évaluation. L'absence d'un dispositif  général institutionnalisé est préjudiciable, car elle prive les acteurs d'informations essentielles au pilotage de leur intervention et accroît le poids financier de l'évaluation.

Trop souvent les élus sont cantonnés dans un champ d'investigation étroit, qui ne recouvre qu'une partie des dispositifs mis en œuvre.

De plus souvent ce sont des organismes financés par les collectivités qui doivent évaluer les actions de celles-ci.

Des dispositifs d'évaluation  inadaptés, trop partiels et de faible portée

Les objectifs fixés des actions ne sont pas suffisamment précis, voire inexistants, ni quantifiés, ni planifiés dans le temps.

Elle constate qu'en dessous de 200 000 habitants,  peu d'évaluations sont réalisées par les collectivités territoriales (par exemple nombre de régions ignorent le nombre d'emplois créés par leur dispositif visant cet objectif). Souvent on s'en tient aux déclarations des bénéficiaires sans croiser avec d'autres sources d'information.

Quand les moyens d'évaluation existent ils ne sont pas suffisants. Et donc ne permettent pas d'ajuster les programmes, ni même de piloter l'action économique.

Des évaluations au contenu insuffisant

Les acteurs manquent d'indicateurs  quantifiables et mesurables sur les ressources, les réalisations, l'impact, les résultats pour mesurer, expliquer les écarts entre les objectifs et les réalisations et ainsi apporter une base fiable pour proposer des corrections.

Par ailleurs des divergences d'analyse, d'interprétation ou même de comptabilisation empêchent le plus souvent une juste perception de l'effet réel de l'aide économique. Dans un exemple cité : L'étude de l'impact d'une zone franche urbaine sur les créations d'entreprises et d'emploi a été confrontée aux difficultés d'harmonisation entre les bases statistiques fournies par l'URSSAF, les services fiscaux, la chambre de commerce et d'industrie, la direction du travail.

Seules l'URSSAF et la direction du travail avaient les bases correspondantes mais leurs chiffres étaient éloignés.

Pour la Cour des Comptes, l'enseignement essentiel est que faute d'objectifs clairs, précis, quantifiés et mesurables selon une périodicité permanente, l'action économique n'est ni corrigée dans ses applications,  ni adaptée dans sa stratégie.

Un suivi insuffisant des aides.

La Cour des Comptes constate un système de contrôle insuffisant. En effet un système efficace supposerait  la mise en place de procédures de contrôle adaptées et des mesures de remboursement des fonds indûment reçus.

Dans les contrôles on va rarement jusqu'à la vérification des conditions économiques de l'aide.  Ce contrôle n'est pas homogène

Les dispositifs de contrôle sont trop lacunaires. Les contrôles trop tardifs voire insuffisants. Elle constate que le recouvrement des fonds indus constitue un des éléments clés d'une politique d'intervention,  mais les collectivités

territoriales sont peu engagées dans cette démarche.  D'autant plus que lorsque l'action économique est disséminée dans des réseaux d'opérateurs (ou déléguée à des associations) il est difficile de prévoir la mise en oeuvre de procédures de recouvrement des aides. Beaucoup d'abandons de créances d'un montant souvent élevé, excédant plus du million d'euros. Même quand elles sont initiées, les procédures de restitution aboutissent assez rarement  et se sont engagées avec de tels retards que le processus de recouvrement peut devenir inopérant.

Au final, selon la mission d'audit, « ce sont  les  entreprises  elles-mêmes qui jouent de fait le rôle de régulateur des différentes  politiques publiques, leurs décisions venant ainsi se substituer à l'énoncé des priorités de politique publique, voire à l'impératif de contrôle d'efficience... ». (11)

Les aides de portée limitée

La Cour des Comptes constate surtout qu'il y a peu d'effets significatifs liés aux aides qu'il s'agisse de création d'entreprises ou d'emploi durable.

En premier lieu, parce que ces aides ne s'adressent pas à suffisamment d'entreprises et surtout parce que « les dispositifs d'aide des collectivités territoriales paraissent trop dispersés et trop lourds pour pouvoir atteindre les objectifs  recherchés,  en prenant  plus la forme de mesures d'accompagnement que de réelle incitation à investir. (12)»

De même Nadine Levratto,  chargée de recherche au CNRS, explique que le système actuel des aides « aboutit à un surnombre d'entreprises microlocales, presque  totalement exonérées du paiement des cotisations sociales, or cette stratégie fiscale  est contre  performante d'un point de vue économique...  Si ces microgroupes permettent  une optimisation fiscale,  ils ne bénéficient  pas des mêmes avantages (ressources humaines, recherche et développement, accès  à l'international...) qu'une entreprise de taille identique,  mais monobloc ». À l'opposé de ces orientations  elle estime qu'il faudrait plutôt concentrer et réorienter l'aide publique vers « l'embauche de salariés et l'investissement pour corriger cette situation.  Sinon, les coûts  économiques et sociaux  de la stratégie actuelle  risquent de se révéler  lourds  et durables ». (13)

La campagne des élections municipales  et cantonales, pourrait permettre de mettre en avant des propositions favorisant une désétatisation, une véritable coordination régionale et une simplification du système, notamment par le remplacement d'une multitude de dispositifs inefficaces par la création de Fonds régionaux pour l'emploi et la formation.

Dans leurs actions les collectivités locales pourraient s'appuyer sur ces Fonds qui seraient mis en place par les régions. Leur mission serait d'abaisser les taux d'intérêt des crédits à long terme aux investissements matériels et de recherche d'autant plus que seraient programmés des emplois et des formations rémunérées. Et une garantie des crédits en question serait organisée.

Des élus représentant  les bassins d'emploi  ainsi que les représentants  des organisations syndicales, les associations de chômeurs, participeraient  à la gestion de ce fonds.

Le Fonds régional pourrait être saisi par les comités d'entreprise (ou délégués du personnel) des entreprises candidates à une intervention du Fonds.

Par ailleurs, un pôle public  serait institué.  Sa mission serait de favoriser le développement économique national et l'emploi par l'accession de ses membres  au moyen  :

- des  prises  en charge de taux d'intérêt  pour les investissements matériels et de recherche dans la mesure où ils programment de l'emploi et de la formation,

 - l'attribution  de prêts visant au financement d'investissements créateurs d'emplois,  avec une modernisation d'efficacité sociale,

- la prise de participation à long terme dans des sociétés dont les choix stratégiques correspondent aux objectifs mentionnés  ci-dessus.

Le COE relance le débat sur l'efficacité des aides publiques

Pour tenter de réformer le système d’aides publiques aux entreprises et de répondre aux critiques, le gouvernement a demandé au

Conseil d'orientation  de l'emploi (COE) d'examiner deux pistes :

  • « la contrepartie des aides publiques sous toutes leurs formes en termes d'emplois et d'investissement »...
  • « d'éventuelles contreparties additionnelles à tout ou partie des nouveaux allégements de cotisations... ». (17)

Il ne s'agit aucunement de remise en cause radicale de ces dispositifs,  tout au plus s'agit-il de proposer des contreparties ou des conditions censées corriger  leurs effets les plus insupportables.

La réponse à cette demande dans son rapport relatif aux aides publiques publiées en février 2006 est ambivalente.

Si dans son rapport le COE cautionne le dispositif d'exonération de cotisations sociales patronales en lui donnant des vertus sur l'emploi qu'il n'a pas (voir encart sur les cercles vicieux des exonérations de cotisations sociales), il reconnaît la perversité de ses effets d'aubaine et de trappe à bas salaires.

D'où, la mise à l'étude d'une proposition  de contreparties : « Afin de limiter le potentiel effet négatif des allégements sur les carrières salariales (trappes à bas salaires), il pourrait être envisagé de les conditionner à l'ouverture d'une négociation sur les salaires, tant au niveau des branches que des entreprises, et à l'existence d'un dialogue social sur la gestion des compétences et de la formation professionnelle des salariés les moins qualifiés. Au cours des travaux du conseil a également été évoquée la possibilité de conditionner les futurs allégements à l'existence de minima conventionnels au moins égaux au SMIC». (18) C'est sur cette idée que le gouvernement aujourd'hui se cale pour avancer ses propositions de contreparties aux exonérations de cotisations sociales patronales qu'il redouble par ailleurs en y consacrant 31,7 milliards d'euros, dont 27 milliards  compensés par l'État en 2008 (+ 26 % sur 2007).

Quant aux autres dispositifs mobilisés tant par les collectivités territoriales  que par l'État, le COE avance une proposition assez dérisoire pour en accroître l'efficacité, celle d'élargir le principe du remboursement, déjà existant dans de nombreux cas, mais très peu appliqué, aux aides à l'investissement, notamment dans le cas de cessation totale de l'activité subventionnée.

Mais d'un autre  côté, le COE estime qu'avant de décider l'éventualité d'examiner les contreparties, il faut répondre à « une difficulté de principe : Il est malaisé de proposer de nouvelles conditions et contreparties aux aides publiques sans connaître au préalable l'étendue du champ concerné, sa cohérence d'ensemble, si les dispositifs d'aide existants sont aujourd'hui efficaces au regard des objectifs poursuivis et si de nouvelles conditions seraient susceptibles d'en améliorer l'efficacité » . (19)

Le COE ajoute  : « la priorité, et elle présente un caractère d'urgence, est de recenser les aides existantes au niveau national et territorial, de s'assurer de leur cohérence et de lancer un travail systématique d'évaluation, ex ante comme ex post, pour ne conserver que les dispositifs ayant fait la preuve de leur efficacité. » (20)

Cela amène le Conseil à confier un travail  de recensement à une mission conjointe  de corps d'inspection de différents ministères. Cette mission d'audit rend ses analyses et conclusions   en janvier 2007.

Par ailleurs, en septembre dernier, la Cour des Comptes publie un rapport sur les aides des collectivités territoriales  au développement économique.

Dans ces études très complémentaires, deux volets importants ont été traités :

  • le volet institutionnel traitant, après 25 ans de politique dite de décentralisation, de l'action des multiples intervenants nationaux et locaux aux prérogatives mal définies et soumises à la pression de la concurrence et aux injonctions de l'Europe et de l'État.
  • le volet financier avec une crise d'un système d'aides aux entreprises dominé par le dogme de la baisse des coûts salariaux et de soutien aux profits accompagnant les gestions antisociales patronales, entretenant l'irresponsabilité  des entreprises et du secteur financier

(1) Rapport sur les aides publiques aux entreprises de la mission d'audit de modernisation. Page 2. Janvier 2007.

(2) Déjà en 2004, l'Etat à dépensé 949 euros/habitant, les collectivités 112 euros et l'Europe à peine 6 euros selon la mission d'audit. Page 26

(3) Rapport sur les aides publiques aux entreprises de la mission d'audit de modernisation.  Page 9. Janvier 2007.

(4) Rapport sur les aides des collectivités territoriales au développement économique. Page 15. Cour des Comptes. Septembre 2007

(5) Idem  Page 15. Cour des Comptes. Septembre 2007.

(6) Rapport sur les aides publiques aux entreprises de la mission d'audit de modernisation. Page 2. Janvier 2007.

(7) Ce projet [AGAPE], conçu à partir de 1999 et qui en était en octobre 2003 à la rédaction d'un cahier des charges, visait à la fois à offrir une instruction dématérialisée des aides aux entreprises (approche utilisateur) et un recensement le plus exhaustif possible, en vue d'une évaluation (approche régulateur). Les travaux prolongés de concertation menés par la direction générale de la comptabilité publique avaient notamment permis d'envisager les interfaces avec les données de l'ACOSS, (allégement des charges sociales), de la DGI (exonérations fiscales) et avec le logiciel PRESAGE (utilisé pour toutes les opérations cofinancées par les fonds structurels européens). Si ce projet était allé à son terme, la question du recensement et l'évaluation des dépenses publiques aux entreprises se poserait aujourd'hui en des termes bien différents.

Un autre argument pour abandonner le projet AGAPE a été l'abrogation en 2002 de la CNAPE (commission nationale des aides publiques aux entreprises) l'année suivant sa création. La logique du rapport annuel, devant être remis au Parlement puis rendu public (article 3bis de la loi du 4 janvier 2001 relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises dite loi Hue) a sans doute été perçue comme soulevant trop de difficultés.

La mission a également eu connaissance de nombreux travaux approfondis conduits par les différentes administrations centrales concernées, sa diffusion se voit périodiquement reportée au motif d'imprécisions méthodologiques appelées en renfort d'une décision en réalité politique de non diffusion, ou bien encore par souci de préserver un champ de compétence.

(8) Idem page 6

(9) Idem page 29

(10) Pour une le loi de sécurisation sociale de l'emploi et de la formation. Economie et Politique spécial. Page 31

(11) Rapport sur les aides publiques aux entreprises de la mission d'audit de modernisation.  Page 32. Janvier 2007.

(12) Rapport  sur les aides des collectivités territoriales au développement économique. Page 47. Cour des Comptes. Septembre 2007

(13) Comment expliquer que les faibles performances des PME françaises ? Le Monde de l'économie p VI. Mardi 15 janvier 2008

(14) Rapport au Premier ministre relatif aux aides publiques. Page 3. Conseil d’orientation pour l’emploi. Février 2006.

(15) Idem page 3.

(16) Idem page 3.

(17) Idem page 1.

(18) Idem page 5.

(19) Idem page 2.

(20) Idem page 4.

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.

 

Par Morin Alain, le 01 December 2007

A voir aussi