Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Marché pétrolier : nouvelle donne

Chaque jour des facteurs modificateurs accélèrent des mutations d'abord en gestation puis de plus en plus agissantes sur le marché pétrolier

1) De nouveaux intervenants

Parmi les facteurs modificateurs, on doit d'abord citer les nouveaux intervenants, comme la Chine par exemple, qui d'acheteur devenu capital s'intéresse maintenant de plus en plus aux zones de production susceptibles de lui assurer une certaine sécurité. Le Soudan est, dans ce domaine, un des exemples les plus frappants. Toutefois la tendance à s'assurer des disponibilités immédiates en recherchant des partenariats ou des associations  dans  des  entreprises  existantes  semble,  parallèlement, se préciser. Citons en premier lieu le récent partenariat de la Chine avec la BP dans la concession obtenue en Irak, au cours des récentes enchères, pour le triplement de la production de l'énorme gisement de Rumalia sans oublier pour autant les démarches de la Chine pour racheter les parts de l'espagnol Repsol dans Y.P.F. producteur argentin. La Chine ne cesse de s'introduire avec les importants moyens dont elle dispose, notamment financiers, dans le jeu pétrolier. Le facteur chinois y devient incontournable.

2) Les bouleversements  prévisibles  ou en cours, dans le domaine de la répartition  des ressources.

Ainsi les bouleversements, apportés par les nouvelles solidarités énergétiques en Amérique latine : (Venezuela, Bolivie, Équateur), ou encore par les ambitions très motivées du Brésil, candidat à être un nouveau grand dans le domaine de la production, et également de l'Argentine ou celles de la Russie dans la conquête du marché du Pacifique grâce à la progression en cours de réseaux d'oléoducs vers l'Est. Les récentes enchères irakiennes laissent penser en outre que les 300 milliards de barils de réserves estimés pourraient apparaître sur le marché pour autant que les réalités militaires et politiques le permettent. Toutefois le nombre limité des candidatures aux récentes enchères laisse supposer qu'il y a des hésitations chez les grands pétroliers en raison des incertitudes de la conjoncture et que ceux-ci rencontrent par ailleurs des négociateurs moins souples qu'ils l'avaient espéré. De nouvelles enchères sont prévues en décembre. Les grandes compagnies internationales seront prises entre leur désir de retrouver au moins en partie les positions du passé et leur appréciation de l'évolution de la demande, de la situation et du rapport des forces. L'équation est loin d'être simple à résoudre.

3) Le développement  des marchés à terme du pétrole.

Cela finit, comme le soulignait récemment Le Monde, par inquiéter les gouvernements occidentaux comme ceux de l'OPEP. La nouvelle  administration démocrate américaine semble vouloir dépasser les modalités actuelles d'autoréglementation. Les spéculateurs amplifient les variations, alimentent la volatilité des cours. Il faut pourtant tenir compte du besoin de stabilité des prix des gros consommateurs industriels ou transporteurs pour lesquels elle est nécessaire et qui la cherchent, faute de mieux, par la couverture sur ces marchés, comme certains producteurs de pétrole d'ailleurs qui eux recherchent une stabilité de leur budget.

On voit combien les grands pétroliers internationaux ont besoin d’une maîtrise du marché pétrolier même s'ils bénéficient financièrement et largement de la hausse des prix. S'ils ont conservé encore une grande puissance sur l'aval c'est-à-dire la distribution, l'amont leur devient aléatoire sinon obscur.

4) Les exigences de la révolution écologique

Ajoutons à leurs préoccupations les problèmes écologiques qu'ils ont ignorés avec plus que du mépris. Ces questions touchent maintenant le grand public, mais aussi les pétroliers en raison de la plus que prévisible disparition progressive des ressources fossiles.

C'est dans cette conjoncture que le 14 juillet EXXON, qui jusqu'à présent ridiculisait  les avancées en matière d'énergies renouvelables et non polluantes, annonce un investissement de 600 millions de dollars pour la production de biocarburants à partir des algues. Jusqu'à présent EXXON considérait les projets en matière de biocarburants comme fantaisiste. Le domaine des algues leur paraîtrait comme le seul raisonnable et commode économiquement. Rappelons que dans le domaine des biocarburants, les recherches qui semblaient les plus rationnelles, jusqu'à ce jour, concernaient l'éthanol cellulosique produit à partir des déchets et non plus à partir des graines de maïs largement liées à l'alimentation. Le directeur des recherches de Greenpeace a déclaré aussitôt : «  Nous avons  dit que les grands pétroliers devraient être partie prenante ; mais le tout est de savoir s'ils veulent seulement  faire semblant de s'intéresser ou s'ils apportent leur poids et leur puissance ». La question est bien posée : l'annonce de EXXON a-t-elle pour origine une prise de conscience de l'affaiblissement relatif des grands pétroliers et des difficultés à pérenniser des orientations rentables sur la base de leur politique, tout comme des besoins de l'humanité qu'ils ne peuvent plus continuer à ignorer ? S'agirait-il alors d'une mutation à ses débuts qui cherche une nouvelle voie rentable mais plus assurée d'avenir et l'ébauche d'une reconversion. Mais un geste poli à l'égard des nouveaux dirigeants américains qui font de la lutte contre la pollution une des bases de leur programme, à la fois poussés par le sentiment général et la conviction que cette orientation peut également résoudre en partie les problèmes du chômage et ceux de la croissance économique en stimulant possiblement l'activité -, n'est pas à exclure.

 

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.