Bonnes feuilles de l’ouvrage de Catherine Mills, avec la participation de José Caudron, Protection sociale. Économie et politique. Débats actuels et réformes. [mai 2009] L’extenso – éditions, Gualino ed.
Les pays d’Europe occidentale ont institué au cours du XXe siècle des systèmes de retraite majoritaire- ment organisés sur un principe de répartition, donc sur un principe de solidarité intergénérationnelle complété par un principe de solidarité interprofessionnelle. Toutefois, le Royaume-Uni et l’Irlande constituent une exception, puisque leurs systèmes se sont depuis la fin des années 70 appuyés essentiellement sur des règles de capitalisation selon le modèle de l’économie libérale.
- Au-delà de cette première divergence, on constate bien d’autres disparités dans la logique de répartition suivie. Si un grand noyau dit « bismarckien » s’est fondé sur une « répartition pure » (Allemagne, France, Italie, Benelux, Autriche…), d’autres pays, et notamment les pays scandinaves, ont dès la fin de la Seconde Guerre mondiale appuyé leurs systèmes spécifiques de répartition sur des formes de capita- lisation en titres d’État et d’entreprises publiques. Si le principe d’une retraite « à plusieurs étages » apparaît généralisé, leur conception originelle révèle une ligne de clivage nette. Les pays où les systèmes sont financés par cotisations sociales emploient la conjonction entre une retraite de base et une retraite complémentaire, parfois obligatoire comme en France, mais le plus souvent définie comme facultative. En revanche, dans les systèmes financés par l’impôt, le principe d’universalité se traduit par une pension de vieillesse qui ne dépend aucunement de l’activité professionnelle antérieure. Cette pension peut être élevée (cas des pays scandinaves) ou particulière- ment basse, comme au Royaume-Uni et en Irlande. Dans le cas d’une pension publique universelle, les droits acquis dans le travail le sont alors d’office pour une retraite que l’on doit qualifier de « complé- mentaire ». Par ailleurs, certains systèmes favorisent directement un « troisième étage » privé par capitali- sation en plafonnant assez bas le montant de la retraite professionnelle.
Une autre ligne de clivage nette se situe dans l’exis- tence ou l’absence de modalités spécifiques selon les statuts professionnels, notamment concernant la fonction publique, les entreprises publiques et, plus généralement, pour les non-salariés. Si ce panorama européen apparaît donc particulièrement disparate, l’ensemble des systèmes de retraite se retrouve pourtant confronté à des problèmes similaires, en premier lieu en raison du vieillissement démographique qui dégrade l’équilibre financier des systèmes, avec un pic de difficultés prévisible entre 2020 et 2050. Mais d’autres causes affectent ce financement, en premier lieu un chômage élevé en Europe, ce qui joue sur la masse des recettes apportées par les cotisations, y compris concernant les fonds de pension par capi- talisation. Cette crise déjà présente, mais aiguë dans le futur, entraîne des réformes, pour la plupart non achevées à l’heure actuelle dans un contexte souvent passionné, autant dans le conflit entre répartition et capitalisation que dans la question de l’équité devant la retraite en fonction du statut professionnel.
Les réformes peuvent être globalement classées en deux grandes catégories : des réformes dites para- métriques, qui modifient un ou plusieurs paramètres utilisés pour le calcul des pensions (âge de la retraite, durée de cotisation, salaire de référence…) ou des réformes dites structurelles dans la mesure où elles amènent une transformation radicale du système antérieur des retraites, comme notamment en Suède.
- Des conditions historiques et des logiques spécifiques à chaque pays ont présidé à l’institution de systèmes de retraite dès la fin du XIXe siècle ans certains pays, pour se généraliser lors du XXe siècle, notamment après la fin de la Seconde Guerre mondiale. On peut distinguer :
• des systèmes dits bismarckiens, où les droits à retraite s’acquièrent à travers des cotisations assises sur le salaire, l’Allemagne, la France, la Belgique, l’Autriche notamment. Ce schéma bismarckien fondé sur l’assurance sociale s’est ensuite complété par des « minimum-vieillesse » répondant au principe d’assistance pour les personnes ayant peu de droits à retraite par le travail, voire pas de droits du tout. • des systèmes dits beveridgiens, parce que financés essentiellement à l’origine par l’impôt, garantissant une pension de vieillesse « universelle », donc non liée à l’activité professionnelle. Dans ces systèmes, les cotisations assises sur le travail instituent de fait des droits à des retraites complémentaires, puisque la retraite « de base » est assurée par la pension universelle. Grosso modo, il existe deux variantes de systèmes beveridgiens :
- d’une part, des systèmes historiquement « généreux » (notamment la Suède, le Danemark, les Pays- Bas) où la pension universelle apparaît élevée comparativement à la moyenne, mais ceci est en train de changer en raison du durcissement des politiques sociales ;
- d’autre part, des systèmes beveridgiens « minimalistes » (on dit aussi résiduels) dont la Grande- Bretagne fournit le prototype, particulièrement depuis le gouvernement de Margaret Thatcher. La pension de vieillesse universelle y est basse et les systèmes de retraite complémentaires, financés par des cotisa- tions sur salaires, sont à une très forte majorité versées à des systèmes de capitalisation, des fonds de pension gérés par les entreprises ou des institutions financières.
Ces différentes conceptions de la protection sociale ont caractérisé la structure originelle des systèmes de retraite. Mais dans le même temps, leurs mises en place ont répondu à deux principes différents : des systèmes dits à prestations définies et des systèmes dits à cotisations définies...
- Dans un système à prestations définies les cotisa- tions donnent droit à un pourcentage d’un salaire de référence. La personne en activité peut être en mesure dans ces systèmes de calculer par anticipation ce que sera sans pension de retraite en fonction des paramètres appliqués
Dans un système à « cotisations définies », ou bien il s’agit d’acheter des « points de retraite » et c’est l’équilibre financier entre cotisations et prestations à verser qui détermine la valeur du point (c’est le cas de nos retraites complémentaires), ou bien ce sont des fonds de capitalisation qui placent sur les marchés financiers les contributions encaissées afin de verser au retraité une rente viagère qui dépendra du rendement obtenu.
- Un financement soit - à partir de cotisations assises sur les salaires, obligatoires ou facultatives (d’em- ployeurs et de salariés) ;
- soit un financement par l’impôt (en soulignant ici que toutes les formes de financement dites de contribution sociale généralisée sont classées dans les dispositifs fiscaux) ;
soit un financement par des placements financiers individuels ou collectifs et des rentes viagères calcu- lées en fonction des rendements de cette capitalisation. La sortie en capital, même partielle, est extrê- mement rare, au moins pour les systèmes de capitalisation dans les fonds de pension, voire pour les systèmes d’épargne véritablement individuelle. De la même manière, la possible transmission des avoirs à des héritiers ou ayants-droit ne constitue pas la règle courante.
Certes la retraite de base en France est dite à « pres- tations définies », mais les lois de 1993, de 2003 (comme les modalités qui se dégageront du point d’étape des réformes en 2008) modifient très sensiblement le calcul de la pension à travers les règles d’acquisition des droits et la définition du salaire de référence. Une personne ayant commencé à travailler avant 1993 et travaillant encore en 2020 aura vu ainsi passer la durée de cotisation pour une retraite de base à taux plein de 37,5 ans à 42 ans et le calcul de salaire de référence de 10 ans à 25 ans, si bien que la notion de « prestations définies » prend ici un sens relative- ment théorique, d’autant que la règle d’indexation des pensions a elle-même changé ;
- Certains systèmes par capitalisation ont fonctionné en réalité, pendant une période assez longue, comme un système de pensions publiques à « prestations définies ». Les Pays-Bas étaient typiques de ce cas : en tenant compte de la pension universelle de vieillesse de type beveridgien, la plupart des retraités néerlan- dais cotisaient pour une complémentaire à un fonds de pension en se voyant garantir une pension totale (pension universelle + complémentaire) calculée comme un pourcentage du salaire moyen de leur carrière. Mais l’importance des fonds de pension aux Pays-Bas les rend très sensibles aux marchés finan- ciers, si bien que désormais les nouveaux entrants dans ces fonds pension se voient appliqué de nouvelles règles assimilables au principe de « cotisations définies ».
L’importance des formes de capitalisation est très variable suivant les pays.
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