Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Le vrai scandale de la Société Générale

« Ça aurait  pu être  pire,  tout  va bien,  nous  continuons ! ». C’est en substance le message que viennent de délivrer les dirigeants de la Société générale (Socgen) à l’occa sion de la publication, le 5 août dernier, des résultats de la banque pour le 2ème  trimestre 2008.

Ils annoncent un bénéfice net (part du groupe) de 644 millions d’euros contre 1,744 milliard il y a un an à la même période (63%) sans s’attarder sur le fait qu’il est du, en partie, à la plusvalue exceptionnelle réalisée sur la vente de la « Bank Muscat » à Oman (259 millions d’euros).

L’engagement massif de la Société Générale sur le très spéculatif  marché des «  subprimes  »  aux EtatsUnis, dont la crise débouche sur la ruine de milliers de familles populaires, aura coûté 4,9 milliards d’euros à la banque française, dont 4,3 milliards d’euros pour la seule banque d’investissement (SG CIB) !

Il n’empêche ! Pour Frédéric Oudéa, le nouveau directeur général (DG) de la banque, « la Socgen  est en forme  », malgré ces quelques « ajustements comptables » dus à des « éléments non  récurrents  »… ça aurait pu être pire et, donc, pas question de changer de stratégie !

C’est pourtant cette stratégie qui, audelà de l’affaire « Kerviel » qu’elle a rendue possible, a plongée la banque dans de telles difficultés  qu’elle a été contrainte  de lever, en février dernier, pour 5,5 milliards  d’euros de capitaux sur les marchés financiers.

Et cela comporte de lourdes contreparties.

1ère  contrepartie : le rationnement du crédit en France

Selon les chiffres donnés par la Générale, le PNB (1) de ses agences françaises a reculé, entre avril et juin dernier, de 2%, à 1,75 milliard  d’euros, tandis que ses réseaux internationaux affichent un PNB de 1,2 milliard  d’euros en hausse de 14,2%.

Autrement dit , la banque française, naguère « dénatio nalisée », a une activité  de prêt beaucoup plus dyna mique à l’étranger qu’en France.

Cela traduit, bien sûr, la faiblesse de la croissance de l’in vestissement, du pouvoir  d’achat et de l’emploi  dans l’Hexagone. Mais c’est aussi le résultat d’une double orientation stratégique de la banque : dans le « document de référence 2008  » il est indiqué que si, l’an dernier, la part des réseaux France dans les encours du groupe était encore de 34% contre 14% pour les réseaux inter nationaux, elle devrait passer à 30% et 16% respective ment en 2010. Simultanément, l’activité directement liée aux opérations sur les marchés financiers ne cesse de progresser.

Malgré tout,  l’activité de la Socgen en France a pu dégager, au premier trimestre 2008, une rentabilité finan cière de 18,8%. Certes, il y a recul sur 2007 (24%) , mais cela demeure élevé. On mesure combien la banque a du être sélective,  au détriment sans doute  de bien des PME, d’artisans  et d’établissements  industriels  ou

commerciaux considérés comme insuffisamment rentables en France.

D’ailleurs, au contraire  de ce qu’affirme  le DG de la Socgen, qui réfute toute hypothèse de « (2) crunch  du crédit dans le pays », la dernière enquête trimestrielle de la Banque de France auprès des banques sur la distri bution  du crédit en France, publiée  en mai dernier, indique une « poursuite  du  resserrement des  critères d’octroi au 1er  trimestre 2008 » et souligne que « pour le 2ème trimestre,  les banques  s’attendent à une nouvelle baisse (...)  de  la demande et prévoient de  durcir encore  leur crédit ».

Mais, peu importe, les besoins de financement du déve loppement  des capacités humaines et du pays ! Ce qui compte c’est de continuer,  même par gros temps, à essayer de faire toujours  plus d’argent pour l’argent, sur les marchés financiers, de matières premières et de changes, comme à l’appui des délocalisations  et de la spéculation dans les pays émergents ! Certes, l’activité du pôle « banque  de  financement et d’investissement » (BFI) qui a permis, des années durant, aux actionnaires de s’empiffrer des rendements énormes dégagés par des opérations sur « produits dérivés  » comme les « subprimes »,  porte  la marque de l’effondrement  du marché et d’une fraude imputée au trader Kerviel …mais qu’importe, on continue : le DG de la Socgen ne s’estil pas félicité de « la bonne  tenue des activités  de trading de la BFI en dépit d’un contexte de marché  difficile » ?

2ème  contrepartie : les rachats de sociétés à l’étranger

Dans la lettre de juin 2008 aux actionnaires de la banque, son président, Daniel Bouton, affirme que « le groupe entend  démontrer que son modèle de développement, privilégiant les zones géographiques et les segments de clientèle à fort potentiel est plus que jamais  à l’ordre du jour ».

Aussi, les dirigeants de la banque s’engagentils à ne pas relâcher l’effort en matière de rachats d’entreprises  à l’étranger.  Au contraire,  ils se félicitent,  pour  le 1er semestre 2008, de la prise de contrôle de la banque russe

« Rosbank » pour 1,7 milliard  d’euros, du rachat d’Ikar Bank en Ukraine, de PEMA en Allemagne, d’ABNAmro à Gibraltar.  Ils s’enorgueillissent  de l’achat de 37% du capital de la holding de la famille Rockefeller aux Etats Unis (Rockefeller & Co. Inc.) pour « aller à la conquête du marché  des  grandes  fortunes  » (sic)  en Amérique du nord, après avoir racheté CWM au Canada. Et le 5 août dernier  encore ils annonçaient  le rachat de 15% du capital  de la South east Asia Bank (SeABank) au Vietnam…

3ème  contrepartie : Toujours plus pour les dividendes et moins pour les salaires

Autre contrepartie à cette stratégie, la promesse du maintien d’un haut niveau de rendement pour les action naires, même par gros temps. Jusqu’à l’an dernier,  la banque affichait un taux de distribution des bénéfices de plus de 45%.

Malgré les difficultés récentes, les dirigeants ont décidé de maintenir le versement d’un coupon en juin dernier de 0,90 euro par action. Et ils promettent un prompt retour à meilleure fortune pour les actionnaires en s’en gageant à réaliser un « plan d’efficacité opération nelle » pour  « gagner 1 milliard  d’euros de résultat brut d’exploitation d’ici à 2010 »….

Et pour parer à tout risque d’effondrement du rendement du titre (3) , ils font racheter massivement ses propres actions par le groupe.

Ainsi, la « déclaration mensuelle des  transactions sur actions propres » de la Générale du 6 août dernier fait état du rachat, en juillet, de 109 153 actions Socgen pour la somme de 5,83 millions  d’euros.  Celle du 2 juillet mentionne  l’achat de 249 090 titre pour 14,47 millions d’euros pour le mois de juin. Et celle du 2 juin fait état

3ème  contrepartie : Toujours plus pour les dividendes et moins pour les salaires

Autre contrepartie à cette stratégie, la promesse du maintien d’un haut niveau de rendement pour les action naires, même par gros temps. Jusqu’à l’an dernier,  la banque affichait un taux de distribution des bénéfices de plus de 45%.

Malgré les difficultés récentes, les dirigeants ont décidé de maintenir le versement d’un coupon en juin dernier de 0,90 euro par action. Et ils promettent un prompt retour à meilleure fortune pour les actionnaires en s’en gageant à réaliser un « plan d’efficacité opération nelle » pour  « gagner 1 milliard  d’euros de résultat brut d’exploitation d’ici à 2010 »….

Et pour parer à tout risque d’effondrement du rendement du titre (3) , ils font racheter massivement ses propres actions par le groupe.

Ainsi, la « déclaration mensuelle des  transactions sur actions propres » de la Générale du 6 août dernier fait état du rachat, en juillet, de 109 153 actions Socgen pour la somme de 5,83 millions  d’euros.  Celle du 2 juillet mentionne  l’achat de 249 090 titre pour 14,47 millions d’euros pour le mois de juin. Et celle du 2 juin fait état du  rachat  de  484  000  titres  pour  33,54  millionsd’euros…Et cela après avoir dépensé au total pour 1,2 milliard d’euros en 2007, notamment après l’éclatement de la crise des « subprimes »…

Et on continue ! Car, il s’agit, coûte que coûte, de tenir sur une option  qui a permis à « un  actionnaire ayant détenu  un  portefeuille d’actions  Société  générale  du 31/12/02 au 31/12/07 » d’enregistrer « une  rentabilité totale cumulée de 125% sur la période  ou de 17,6% par an en moyenne ».

C’est la claire promesse de maintenir, quoi qu’il arrive, un tel cap, y compris en pariant sur la neutralisation de la majorité des salariés du groupe au nom, illusoire, de leur statut d’actionnaires maison, que les dirigeants de la Socgen ont réussi à garder la confiance de la Bourse : le 5 août, le titre a gagné 10%. Un cap dont il faut rappeler qu’il aura amené la Société Générale à gâcher 2,2 milliards d’euros en pures opérations financières l’an dernier : 1,2 milliard en rachats de ses propres actions, 400 millions en dividendes et 600 millions en rachats d’entreprises à l’étranger !

Il est urgent de chercher à rompre avec de tels choix dans le sens proposé par l’appel lancé par le PCF, le 15 mai dernier,  à l’issue d’une rencontre nationale orga nisée par sa commission  économique  sur «  la crise financière, sa portée et les propositions des commu nistes »  (cf. voir  l’appel du 15 mai n° maijuin 2008, Economie et Politique).

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(1) Produit net bancaire, c’est, pour une banque, l’équivalent de la

valeur ajoutée pour une entreprise.

(2) C’est à dire de rationnement de la distribution du crédit par les banques.

(3) Dividende par action.

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