Avec le projet de loi de finances pour 2009 (PLF), le gouvernement entre dans le dur de sa politique de remodelage général des finances publiques et des services publics. La gravité du budget 2008 tenait en deux points : d’une part, l’accentuation de la baisse des prélèvements publics et sociaux et le rationnement des dépenses nécessaires au développement des services publics, de l’autre, l’engagement dans un cycle de réformes des plus réactionnaires des missions de l’Etat.
La dangerosité du budget 2009 provient du fait que son exercice va consister, en s’inscrivant dans le cadre issu de telles réformes, à en matérialiser l’application et donc à accroître la part des prélèvements sur la richesse créé en faveur des profits financiers au détriment des dépenses socialement utiles alors que se dessine une conjoncture en forte dégradation.
A cet effet, il convient de souligner que 2009 est la première des trois années du plan de programmation triennale des dépenses de l’Etat
décidé par MM. Sarkozy et Fillon. Ce budget pluriannuel (2009-2001) constitue pour l’Elysée comme pour Matignon le cadre indispensable à la mise en œuvre des réformes structurelles engagées notamment depuis mai 2007 afin de pouvoir dégager les économies escomptées. Il s’agit notamment de pouvoir intégrer et de traduire dans les faits les quelque 330 décisions du Comité de modernisation des politiques publiques, cerveau de la RGPP, qui engagent un mouvement de régression sans précédent de l’action de l’Etat.
C’est donc dans un contexte par ticulièrement contraint que va s’appliquer le credo ultralibéral de la maîtrise des dépenses publiques. Une maîtrise d’un niveau inégalé puisque la progression des dépenses devra être nulle en volume. Tout juste est-il consenti une légère évolution pour compenser le taux de l’inflation estimé à 2% en 2009 ; projection qui en elle-même constitue une véritable gageure. En intégrant le fait que depuis le PLF de 2008, l’effort de maîtrise porte sur un périmètre élargi comprenant désormais non seulement les dépenses du budget général mais également les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne, la réalisation du « zéro volume » revient à ne consentir hors inflation, aucune augmentation des dépenses des Ministères, soit en réalité à une baisse de leurs crédits. Avec des charges de la dette qui vont s’accroître sous le double effet de la remontée des taux d’intérêt et de l’inflation auxquelles il faut ajouter un milliard d’euros de progression des prélèvements sur recettes pour l’Union européenne et un autre milliard d’euros de prélèvements, sur recettes pour les collectivités territoriales (compensation de l’inflation), la cure d’austérité pour 2009 s’annonce sévère. Le PLF 2009 nous fait entrer dans une ère de disette budgétaire.
Les effectifs de la Fonction publique vont à nouveau payer un lourd tribut. Le PLF 2009 ne prévoit pas moins de 30 600 suppressions. Le seuil 2008 déjà catastrophique de 22 900 suppressions est ainsi large ment dépassé. Cette décision permet une mise en conformité parfaite avec le non-remplacement du départ d’un fonctionnaire sur deux à la retraite.
Les premiers résultats ainsi que les premières projections économiques sérieuses qui commencent à s’afficher pour 2008 montrent à quel point les choix gouvernementaux ont contribué à fragiliser notre économie et l’ensemble de notre pays face à la situation de dégradation internationale.
Avec un PIB en régression de 0,3% au deuxième trimestre et une croissance globale qui devrait se situer au final, proche de 1%, avec un déficit du commerce extérieur de 24,4 milliards d’euros au premier semestre, la France non seulement suit le processus de ralentissement mondial de l’activité, à partir des Etats-Unis, mais contribue elle-même à l’accentuer par une aggravation de ses propres difficultés (précarité et chômage massifs, faiblesse du pouvoir d’achat, hausse des prix et inefficacité des productions nationales gangrenées par le cancer financier).
Comme cela était prévisible, une telle orientation contribue à réduire les investissements socialement utiles ainsi qu’à une insatisfaction de plus en plus grande en termes de réponses aux besoins sociaux se traduisant au final par un freinage de la demande. Une des conséquences est la diminution des recettes qui elle-même pousse à de nouvelles réductions de dépenses utiles ou au recours à l’emprunt et donc à une aggravation de l’endettement.
Telle est la voie dans laquelle nous enlisent particulièrement les lois de finances depuis 2007 et qui s’incarne dans trois dispositifs particuliers. Le paquet fiscal, bouclier fiscal compris, qui a déjà coûté 7 milliards d’Euros et qui à plein régime représentera un manque à gagner de 15 milliards d’Euros. Les allègements de charges sociales sur les bas salaires qui ont atteint 31,3 milliards d’euros en 2007. La loi TEPA (travail, emploi, pouvoir d’achat) qui a contribué à faire augmenter de 5,4% les exonérations de charges sociales sur les heures supplémentaires au cours du premier semestre, qui contribue à une moindre création d’emplois et l’enrichissement des plus riches par divers procédés d’exonérations sur les droits de mutation ou en matière d’impôt sur la fortune (ISF).
Pourtant cela n’empêche pas le PLF 2009 de se situer dans le même profil avec l’obligation de réussir les économies promises par la RGPP pour ramener le déficit public dans les clous du pacte de stabilité européen que la commission de Bruxelles a fixé à 2% pour 2009, le tout, sur fond de récession. Exercice difficile s’il en est puisqu’un des effets du faible niveau de croissance de 2008 sur le budget 2009 sera une très fragile progression de l’activité en 2009. Sur la base de
1% de croissance en 2008, l’acquis pour 2009 serait en effet nul ce qui augure d’une très faible dynamique fiscale. Des rentrées fiscales d’autant plus à prévoir en demi-teinte que les réformes fiscales envisagées vont continuer à épargner le capital, la fortune et les entreprises pour ponctionner à nouveau les ménages.
La poursuite des cadeaux fiscaux pour les riches… La principale caractéristique fiscale du PLF 2009 est la confirmation des dispositions engagées depuis 2007. Le paquet fiscal n’est pas remis en cause, le bouclier fiscal qui en est le bras armé est, bien entendu, confirmé. Les projets qui pourraient voir le jour sont de la même veine et ne risquent pas de rétablir ne serait-ce qu’un semblant de justice sociale ou d’incitation à une autre maîtrise et utilisation de l’argent et du crédit.
En effet, le serpent de mer des niches fiscales (486 au total, tous impôts confondus) auquel le gouvernement jure de s’attaquer ne semble pas devoir faire l’objet de remises en cause prochaines. Elles représentent pourtant un montant de 73 milliards d’Euros (3,8% du PIB). Mais au lieu de les réduire, par exemple en s’attaquant aux réductions d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile ou au crédit d’impôt sur revenus de capitaux mobiliers (ex-avoir fiscal), le gouvernement par le truchement de la loi Tepa, en a créé de nouvelles. Quid également d’une imposition minimum pour les plus riches qui du fait du bénéfice de divers crédits d’impôts et limitation d’imposition se retrouvent à ne quasiment rien payer ?
De même, la savante cacophonie gouvernementale organisée autour de l’ISF ne laisse rien augurer de très positif pour le devenir de cet impôt. Non satisfaits d’avoir trouvé par le biais du bouclier fiscal, le moyen de rembourser cet impôt à ses assujettis les plus impor tants, Mme Lagarde et consor ts voudraient maintenant à l’instar de nos voisins espagnols à gouvernement pourtant socialiste, tirer un trait définitif.
Par contre à grand renfort médiatique le gouvernement est en train d’instaurer de nouveaux prélèvements sur les ménages modestes et sur les revenus moyens. Il s’agit tout d’abord d’une taxation du capital de 1% pour financer le RAS (revenu de solidarité active). Nouvel encouragement aux temps partiels, et aux bas salaires, le RSA, sorte de subvention au temps partiel, relève comme l’écrit le journal Libération dans son édition du 2 septembre 2008, de l’imposture. Non seulement on est en droit de se demander à qui vient en aide le RAS, les pauvres ou les employeurs, mais il s’agit aussi de modérer les ardeurs de ceux qui voient dans le mode de financement du RSA le retour à une politique de taxation du capital. Il serait d’ailleurs plus judicieux de parler de taxation du patrimoine qui touchera indifféremment les grands propriétaires fonciers et les gros détenteurs de capitaux comme le propriétaire d’une assurance vie ou d’un studio mis en location.
Enfin le clou fiscal du PLF 2009 risque d’être la «fiscalité verte». Qui peut naturellement nier l’exigence de nouvelles productions et de nouveau produits respectueux de l’environnement ? Mais de là à vouloir à la faveur de la loi « une économie écologique » pour suivre l’empilement des mesures fiscales et régle mentaires par l’élargissement à plus de 20 produits d’un bonus/malus, il y a des limites. Un rappel : la fiscalité relevant du domaine environnemental permet de faire rentrer quelque 48 milliards d’Euros dans les caisses de l’Etat (TIPP, redevances diverses pour l’eau, l’assainissement). Il faut y ajouter la taxe d’enlève ment des ordures ménagères qui rapporte 5 milliards d’euros. Créer de nouveaux prélèvements indirects indifféremment prélevés sur chaque citoyen sans tenir compte de sa faculté contributive relève d’une conception libérale qui consiste en premier lieu à taxer les salariés actifs et retraités. Consommateurs captifs ils n’auront d’autre solution que de subir de nouvelles amputations de leur pouvoir d’achat. Il serait sans doute plus judicieux de commencer à réfléchir à l’instauration d’un mode de taxation incitatif des entre prises voire à la modulation de la TVA.
Le projet de loi de finances pour 2009 constitue un acte violent de remise en cause des services publics et des conditions de vie des salariés et assimilés. Les politiques salariales régressives vont contribuer à mettre à mal la consommation des ménages. La France risque de s’enfoncer dans une grave récession. Le projet de budget 2009 ne fait en cette rentrée, qu’exacerber les contradictions entre les besoins sociaux et populaires et la politique de Sarkozy aux services du patronat et de la finance.
L’engagement d’une profonde réforme de la fiscalité et du crédit permettant de mettre en cause le dogme du pacte de stabilité et la toute puissance de la BCE est une nécessité. Monte aujourd’hui l’exigence d’une relance urgente des dépenses publiques utiles sous contrôle des citoyens et de leurs élus. En choisissant une telle voie La France jouerait un rôle moteur dans la relance d’une croissance réelle sur son territoire mais au-delà dans l’ensemble de l’Union européenne.
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