Un projet de loi prétendument en faveur des revenus du travail va être examiné en urgence dès le mois de septembre. A la fois concret et idéologique, il cherche à intégrer le plus largement la société sur des objectifs régressifs.
Ce sont 5 articles pour :
Derrière cette agitation il s'agit d'endiguer l'exigence massive d'une augmentation des salaires qui terrorise tant le patronat et obsède la Banque centrale européenne.
La mobilisation du 27 septembre pour les salaires, à l'initiative du PCF, sera aussi une riposte à ce dangereux projet de loi.
Avec ce projet de loi discuté dans l'urgence dès la rentrée, ce sont les gadgets de l'intéressement et de la participation aux résultats des entreprises qui vont être agités pour tenter de freiner la mobilisation des salariés pour la revalorisation des salaires et du pouvoir d'achat. Au nom de la promotion de l'intéressement et de sa diffusion dans les PME, le premier article du projet de loi institue une nouvelle aide aux entreprises les incitant à mettre en place un dispositif d'intéressement des salariés aux résultats de l'entreprise. Il s'agit d'un crédit d'impôt correspondant au cinquième du montant des primes d'intéressement supplémentaires versées aux salariés quand le dispositif existe déjà ou du montant des primes totales quand le dispositif est instauré.
Ce nouveau cadeau aux patrons conduirait à un manque à gagner pour l'État. Mais par contre c'est un cadeau empoisonné pour les salariés puisque le ralentissement de la croissance va plomber les résultats des entreprises, et donc l'intéressement, tandis que le patronat ne manquerait pas d'agiter ce gadget pour renforcer l'exploitation et l'intensification du travail.
La seconde mesure de cet article 1 permettrait à une entreprise qui signe un accord d'intéressement, ou un avenant à un accord existant, de verser avant le 30 septembre 2009 une prime exceptionnelle (plafonnée à 1 500 euros par salarié).
Bien évidemment, cette mesure est une tentative de parade pour riposter à l'exigence majoritaire d'augmentation des salaires. Mais cette prime exceptionnelle ne répondra pas à la hausse des prix (3,6 % en moyenne sur un an) qui, elle, est irréversible, ni à la perte de pouvoir d'achat liée au freinage du Smic et des salaires. Par ailleurs, alors que les risques de récession et les coûts croissants du crédit, des matières premières, ... relancent plus que jamais l'obsession à la baisse des dépenses salariales, combien de salariés seraient concernés par cette mesure quand aujourd'hui ils sont 90 % des salariés des entreprises de 10 à 50 salariés à en être exclus et 97 % pour les moins de 10 salariés.
Enfin, l'exonération de cotisations de sécurité sociale de cette prime exceptionnelle impliquerait aussi un manque à gagner pour les caisses de sécu, tout comme pour l'État puisque cette somme entrerait aussi dans la base du calcul du crédit d'impôt.
En fait, avec ces 2 articles, il s'agit d'une tentative de diversion pour diviser les salariés qui aujourd'hui voudraient pouvoir disposer d'un rapport de forces pour faire reculer le patronat sur cette question. Par contre, la manifestation du 27 septembre à l'initiative du PCF contribuera au renforcement de celui-ci, tout comme le rassemblement syndical du 7 octobre prochain à l'appel de la confédération syndicale internationale (CSI) pour le travail décent, pour lequel la CGT propose d'ajouter la revalorisation du SMIC à 1 500 euros brut tout de suite et la répercussion de cette augmentation à l'ensemble des salaires
L'article 3 est présenté comme une modernisation de la procédure pour favoriser une « évolution du SMIC davantage en phase avec les conditions économiques et le r ythme des négociations salariales et en assurant une juste rétribution du travail ».
Il s'agit en fait de commencer à appliquer les très dangereuses recommandations du rapport du Conseil d'analyse économique (CAE), intitulé « le salaire minimum et les bas revenus : comment concilier justice sociale et efficacité économique ? » Rapport consensuel rédigé par Gilbert Cette, ancien chargé de mission de Martine Aubry, et les économistes sociaux-libéraux Pierre Cahuc et André Zylberberg.
Pour justifier la réforme de la fixation du SMIC, ces derniers considèrent que le SMIC couvre une proportion trop importante de salariés,que son niveau élevé comme aujourd'hui « comprime la distribution des salaires et mobilise d'importantes ressources publiques, sous forme d'allégements de charges sociales ciblées sur les bas salaires ».
Ils proposent donc de réduire le niveau du SMIC pour élargir par le bas l'éventail des salaires. Ainsi on réduirait le nombre de salariés rémunérés au SMIC. Il serait ainsi possible de réduire les crédits pour financer les exonérations et de récupérer des ressources publiques pour des prestations, conditionnées à l'activité, mieux adaptées à la lutte contre les inégalités.
Pour avancer dans ce sens, ces auteurs préconisent rien moins que le dynamitage du mode de calcul du SMIC. On ne garderait que les règles permettant de réajuster le SMIC en cas d'un dépassement supérieur à 2 % de l'inflation depuis sa dernière revalorisation. Mais on supprimerait les deux autres modalités actuelles de revalorisation du salaire minimum : celle, automatique, correspondant à la moitié des gains du pouvoir d'achat du salaire horaire ouvrier et celle, facultative, par les coups de pouces du gouvernement qui depuis les années 1970 ont représenté 60 % de la hausse du pouvoir d'achat du SMIC.
Ils préconisent, par ailleurs, de modifier la date de fixation du SMIC pour que les revalorisations soient intégrées à la loi de finances afin que « l'évolution du salaire minimum[soit]cohérente avec des préoccupations de moyen et long terme et avec l'ensemble de la politique fiscale ».
Ainsi il reviendrait au Parlement qui bénéficierait de «l'avis des partenaires sociaux » de fixer le SMIC conjointement aux minima sociaux,
Enfin les rapporteurs préconisent la mise en place d'une commission d'experts indépendants pour « éclairer les avis de la commission nationale de négociations collectives et les débats de la représentation nationale ».
Une telle réforme du SMIC déstabiliserait l'ensemble du modèle social où le calcul des minima sociaux, de branches, des prestations sociales sont réalisés sur la base de son barème. Elle constituerait une régression sociale historique.
Pour l'essentiel, le projet de loi reprend, certes de manière moins crue, les recommandations de ce rapport. Ainsi, celui-ci propose de créer une « commission d'experts indépendante à caractère consultatif, la commission du SMIC » dont le rôle serait de « faire prendre en compte dans la détermination du SMIC des considérations relevant «d'analyses économiques d'ensemble ». Le projet ne va pas jusqu'à formellement supprimer les critères légaux de fixation du SMIC, comme le préconisent les rapporteurs du CAE, chargé d'éclairer le gouvernement, mais il engage un processus allant dans ce sens, notamment en déresponsabilisant le gouvernement dans sa fixation, prélude à une extinction totale du coup de pouce.
Le projet reprend également une autre préconisation du rapport en proposant que la date de revalorisation annuelle soit avancée du 1er juillet au 1er janvier.
Avec ce changement, le Smic serait amené à jouer un tout autre rôle :
Il donnerait « une lisibilité accrue aux partenaires sociaux, dans les branches pour relever les grilles de minima conventionnels, et dans les entreprises pour négocier des augmentations salariales ». Ainsi le SMIC aurait pour rôle de fixer le cap aux négociations de branches et d'entreprises. Mais cela, à partir d'un freinage de son évolution qui s'est d'ailleurs déjà concrétisé avec le refus, depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, de tout coup de pouce du gouvernement.
En mettant en avant les négociations de branche et d'entreprises, on cherche à mettre en place un système de détermination des salaires plus éclaté, par branche et par entreprise, conformément aux dogmes libéraux et aux recommandation du rapport du CAE. Dans la foulée, on chercherait à réduire la portée du SMIC et la responsabilité politique du gouvernement dans sa revalorisation. Cette démarche pourrait aboutir à des salaires minima de branche très variables selon les activités, ou des accords au rabais d'entreprise permettant d'embaucher du personnel non qualifié à des salaires rabaissés. Cela permettrait par ailleurs de maintenir les coûts salariaux très bas, à moindre frais pour l'État. Celui-ci pourrait ainsi freiner ses dépenses devenues insupportables d'exonération des cotisations sociales patronales.
Mais cela risquerait aussi de multiplier le nombre déjà si préoccupant de salariés pauvres qui a explosé ces dernières années.
Il s'agit donc d'une première étape pour une attaque frontale contre le SMIC s'inscrivant dans le prolongement de l'agenda du sommet de Lisbonne sur lequel un large consensus libéral et social-libéral s'était réalisé pour freiner l'évolution du coût du travail tout en protégeant les gâchis du capital et de la finance au nom de l'efficacité du l'économie de marché.
Plus que jamais il est nécessaire de préserver la norme sociale du SMIC, la responsabilité politique du gouvernement de sa revalorisation, et son lien avec l'évolution des salaires. C'est, au moment où les risques de récession se précisent que sa revalorisation (1 500 euros brut actualisé en fonction de l'inflation) pourrait contribuer à la relance de la croissance.
Ce qui impliquerait aussi de s'attaquer au gâchis du capital matériel et financier, notamment par l'accès à un tout autre crédit pour les entreprises favorisant les dépenses pour l'emploi, la formation et les salaires. Comme pour la crise de 1993 où des mesures exceptionnelles de bonification du crédit avait été décidées en Europe pour les PME créatrices d'emplois (1), la mise en place de Fonds régionaux pour un nouveau crédit est aujourd'hui d'actualité.
Les articles 4 et 5 visent « à relancer les négociations salariales par la mise sous condition des allégements généraux de cotisations sociales patronales ».
Sachant qu'aujourd'hui 25 % des entreprises refusent d'ouvrir une négociation annuelle obligatoire, l'article 4 du projet prévoit un dispositif de conditionnalité pour les inciter à s'y soumettre. « Le non-respect de cette obligation donnera lieu à une réduction de 10 % du montant des allégements de cotisations patronales perçues au titre du revenu de l'année ».
Outre le fait que cette procédure risque de faire prédominer les négociations d'entreprises par rapport aux autres niveaux de négociation, c'est la tenue de négociations sans obligation de résultat qui est encouragée et non pas la conclusion d'un accord.
C'est aussi une manière pour le gouvernement de se défausser de ses responsabilités dans la détermination du salaire minimum en renvoyant ces questions à des négociations de branche et d'entreprises. Or ces négociations seront encore moins favorables aux salariés et les augmentations de salaires encore plus difficiles à obtenir avec le retournement de la conjoncture économique et le redémarrage du chômage.
Enfin, avec cette mesure de conditionnalité des exonérations de cotisations sociales patronales, c'est le refus de remettre en cause le principe même d'exonération de cotisations salariales patronales dont les cercles vicieux s'opposent à la croissance, à l'emploi qualifié, et poussent à la baisse de tous les salaires. Le pouvoir espère même recevoir la caution des syndicats à cette politique de l'emploi.
Au contraire, il faut rompre avec la politique d'exonération de cotisations sociales patronales, véritable trappe à bas salaires, pour promouvoir une politique visant le développement des hommes avec la formation favorisant l'emploi qualifié, l'accélération de l'utilisation des nouvelles technologies et un autre type de productivité globale des facteurs de production.
L'article 5, quant à lui, modifie le calcul du barème de réduction générale des cotisations patronales. Il ne sera plus calculé uniquement sur le SMIC, mais sur le premier niveau de grilles salariales de branche, dès lors que celui-ci est en dessous du SMIC, et cela jusqu'à un plafond fixé au SMIC.
C'est la porte ouverte à un SMIC de branche. Les branches ne seraient plus obligées de relever leurs minima de branche, mais pourraient le maintenir en dessous du SMIC dès lors qu'elles accepteraient une sorte de malus constitué par une diminution de leurs exonérations. Cela serait de nature à remettre en cause le Smic lui-même.
Cela va dans le sens des recommandations du rapport du CAE : « En France, un salaire minimum légal qui redeviendrait un salaire plancher et associé a des minima salariaux plus décentralisés, résultant de la négociation collective, pourrait permettre d’obtenir des niveaux de salaire plus adaptés aux contraintes propres à chaque branche d’activité et à chaque entreprise (...) Il est essentiel de modifier cette situation et d’augmenter le champ d’exercice effectif de la négociation collective afin que le droit conventionnel prenne une place plus grande au dépend d’un droit réglementaire dont l’homogénéité néglige la diversité des besoins des entreprises et des attentes des individus, en emploi ou non».
Le nouveau mode de calcul des exonérations sociales introduit dans le projet de loi constitue un piège favorisant la mort du SMIC et l'éclatement du salariat dont les conditions salariales seraient des facteurs de division et d'opposition.
Au contraire, il serait nécessaire de favoriser des rapprochements entre les salariés de catégories ou de secteurs différents à partir des aspirations à une revalorisation immédiate et significative du SMIC répercuté sur tous les niveaux de salaires et une sécurisation et une promotion d'emplois qualifiés .
Au nom d'intentions qui se présentent comme vertueuses (diffusion dans les PME de l'intéressement des salariés, maîtrise des revenus de la participation, incitation aux négociations dans les entreprises et à la réduction des écarts entre les minima conventionnels et le SMIC) le gouvernement veut mettre en place une série de mesures qui, non seulement ne contrecarrent nullement les facteurs essentiels de la crise, mais les aggravent.
D'où l'exigence d'une riposte avec des propositions et les initiatives visant à favoriser les luttes et les rassemblements nécessaires pour mettre en échec ces réformes ultralibérales.
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(1) Un mécanisme a été envisagé au Conseil européen de Copenhague des 21 22 juin 1993, au plus profond de la récession. C'est le Conseil du 19 avril 1994 qui adopte la base juridique permettant l'octroi de bonification par la communauté. Il est décidé que les bonifications devaient :
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