Le fait le plus significatif au plan économique international c’est la crise financière qui perdure depuis plus d’un an et continue de contaminer de nouveaux compartiments des marchés. On se rappelle que cette crise avait éclaté en juillet 2007 sur le marché des crédits hypothécaires à risque (subprimes) aux Etats-Unis, conduisant très rapidement, à l’accumulation d’importantes pertes bancaires et à des faillites de fonds d’investissements et spéculatifs. Ces pertes initialement chiffrées à quelque 200 milliards de dollars, auraient désormais dépassé 500 milliards de dollars. Ainsi se rapprocherait-on de l’estimation du FMI qui tablait sur une perte totale de l’ordre de 945 milliards de dollars.
Faillites bancaires
Neuf banques ont fait faillite aux Etats-Unis. Et des institutions semi-publiques, comme celles chargées du refinancement des prêts hypothécaires (Fannie Mae et Freddie Mac), qui détiennent ou garantissent plus de 5 000 milliards de dollars de crédits Outre-Atlantique, se retrouvent au bord du gouffre, obligeant à un secours de l’Etat. Des banques sont étatisées. On retrouve ces phénomènes, de façon moins aiguës certes, au Danemark et au Royaume-uni, de même qu’en Allemagne, en Autriche et en Espagne. En France, les pertes bancaires totalisent 16,60 milliards d’euros avec, en tête, des établissements mutualistes comme le Crédit agricole ou Natexis.
La confiance entre banques n’est toujours pas rétablie, car on ne connaît pas l’état réel des pertes existantes et potentielles. Aussi, les taux du marché interbancaire, sur lequel les banques trouvent traditionnellement 80% des ressources qui leur sont nécessaires pour équilibrer leur exploitation quotidienne, demeurent-ils très tendus.
Dans ces conditions, les banques centrales injectent chaque semaine des dizaines de milliards de dollars
de liquidités pour prévenir tout collapsus qui préciiterait un krach généralisé. De « préteurs en dernier ressort », elles sont devenues ainsi des fournisseurs permanents de liquidités aux banques.
Tout cela s’accompagne d’effets pervers graves : D’un côté, les banques durcissent leurs conditions de crédit. Cela impacte bien sûr la croissance : l’activité se ralentit sévèrement à l’échelle du monde entier.
D’un autre côté, comme les banques centrales abreuvent sans arrêt le marché des liquidités qui lui font défaut, les tendances spéculatives ne désarment pas.
Ceux qui ont essuyé des pertes dans des spéculations passées peuvent ainsi chercher à se refaire dans d’autres spéculations.
Certes, le mouvement s’est un peu calmé. En écho à la tendance récente à la hausse du dollar, on a vu reculer les prix de l’énergie et des matières premières, y compris alimentaires qui avaient flambé jusqu’au début de l’été. Mais le recul est encore bien limité et les cours demeurent extrêmement volatiles.
En réalité le décrochage récent des prix du pétrole et des matières premières fait écho au ralentissement de l’activité mondiale et aux reculs des consommations nationales, notamment de carburants (très sensible aux Etats-Unis).
Cependant il n’exprime en aucune façon une résorption des déséquilibres structurels entre offre et demande sur ces marchés. Et comme des masses financières considérables demeurent disponibles, du fait de la création inflationniste de dollars et des perspectives de très hauts profits ouvertes par les technologies de l’information et par les bas salaires des pays émergents, le risque de nouvelles spéculations massives n’est pas conjuré.
La conjoncture mondiale est au ralentissement depuis l’éclatement de la crise des « subprimes ». Les risques de krach immobilier hantent désormais l’Europe après les Etats-Unis, malgré l’intervention des Etats pour sauvegarder l’intérêt des créanciers. Les hausses de prix de l’énergie, des loyers, de l’alimentation se sont conjuguées avec les restrictions du crédit des banques pour freiner la consommation et l’achat de logements des ménages, tandis que les entreprises ajournent des projets d’investissement.
Cependant, de grandes différences existent.Les Etats-Unis ont sévèrement ralenti, mais il semble qu’ils pourraient échapper à la récession technique grâce aux privilèges exorbitants du dollar qui, maintenu bas vis à vis de l’euro avec des taux d’intérêt très abaissés, leur a permis d’accroître fortement leurs exportations, au détriment particulièrement des pays de l’Union européenne, tout en continuant, cependant, d’attirer massivement les capitaux du monde entier. Ils ont ainsi pu faire financer leur plan de relance (168 milliards de dollars en 2 ans) qui est arrivé jusqu’ici, semble-t-il, à prévenir la récession et pourrait leur permettre d’être les premiers à s’engager dans une reprise.
La zone euro, sur injonction d’une BCE obsédée par l’inflation et l’« euro fort » afin d’attirer les capitaux flottants, est confrontée à des taux d’intérêt plus élevés ( ils ont été portés à 4,25% en juillet !), à la camisole de force du pacte de stabilité et à une pression féroce contre les dépenses sociales et salariales.
La croissance en zone euro a reculé de 0,2% au 2ème trimestre 2008 par rapport au premier. C’est la première fois depuis sa création. Et une nouvelle contraction menace pour le troisième trimestre.
Cette discipline antisociale, au service de la domination des marchés financiers, était censée permettre à la zone euro d’échapper aux conséquences du freinage de la croissance américaine.
Au final, non seulement cette zone n’échappe pas au ralentissement de la croissance, mais elle connaît aussi une résurgence de l’inflation. C’est un échec flagrant de l’euro dont le lancement avait été accompagné de bruyantes promesses de félicité pour les Européens.
La légitimité des orientations et de l’indépendance de la BCE et l’efficacité du pacte de stabilité sont en cause. Pourtant, parce qu’il s’agit de défendre lesprofits et marchés financiers, les dirigeants maintiennent ce cap en cherchant, par-dessus tout, à contenir la protestation sociale et les revendications syndicales.
Ainsi comme le note Holger Schmieding, analyste à Bank of America, cité par l’AFP : « (..) va probablement (se) renforcer l’opinion dominante dans les rangs de la BCE(..) à savoir que la zone a besoin d’une période de croissance plutôt molle et de plus de chômage pour contenir l’inflation liée aux salaires ».
Un parfum désagréable de récession flotte. Et même si la récession technique (2 trimestres consécutifsde croissance négative du PIB) ne se produit pas, tout le monde craint le retour de la « stagflation », c’est à dire d’une situation caractérisée par une croissance gravement anémiée et l’inflation.
La zone euro apparaît bien comme le « dindon de la farce » tragique qui se joue depuis un an avec une responsabilité majeure du consensus droite/sociaux-libéraux autour du traité de Lisbonne son carcan de super austérité (pacte de stabilité), son verrouillage par la BCE du crédit bancaire pour la croissance réelle et l’emploi.
De leur côté, les pays émergents, comme la Chine, l’Inde, le Brésil… continuent d’afficher des taux de croissance élevés, même s’ils ne sont plus à deux chiffres. Leur activité subit, certes, le contre coup du ralentissement dans les pays de l’OCDE, mais elle demeure une locomotive pour le monde entier, ce qui encourage encore plus les exportations de capitaux et les délocalisations vers cette zone. Cependant, cette croissance sous contrainte des multinationales va s’avérer très vite insuffisante vue l’ampleur des populations concernées et de leurs besoins de développement. Du coup, nombre de ces pays, Corée et Chine en tête, envisagent des plans de relance qui, au niveau de la zone « Asie » se conjugueraient avec le plan de relance de 73 milliards d’euros récemment décidé au Japon.
Enfin, les pays en développement non exportateurs de matières premières sont « crucifiés » comme jamais.
Tout cela traduit de très sérieuses difficultés. Il y a une crise de légitimité profonde dans ces circonstances des institutions monétaires et financières internationales (FMI, BM…). Leurs politiques d’ajustement structurel
au service des grands créanciers internationaux et du dollar-roi ont conduit à une crise financière persistante. Les politiques néo-libérales sont en cause. La domination des marchés est de plus en plus contestée et les appels aux interventions publiques se multiplient. Mais, outre que celles-ci demeurent encore très insuffisantes, leur contenu va alimenter les contradictions à l’œuvre au lieu d’aider à les dépasser. En effet, elles ne donnent pas la priorité à la sécurisation et à une expansion générale des capacités humaines, pourtant rendues si nécessaires par la révolution informationnelle et la révolution écologique, mais à la relance de l’accumulation capitaliste.
Aussi, la conjoncture mondiale n’est-elle pas encore à la récession généralisée. Par contre, prenant appui sur les divers plans de relance engagés dans le monde, les tentatives de réponses capitalistes à ces difficultés, avec le recours à de nouvelles générations de technologies informationnelles (« technologies vertes », nanotechnologies, nouveaux composants, biotechnologies…), plus économes en moyens, vont conduire finalement à la récession.
Au service exclusif d’une relance de la rentabilité financière et des dominations, ces nouveaux investissements très coûteux vont accentuer les rejets sociaux et écologiques et les gâchis de capitaux. Ils vont augmenter les pénuries de main d’œuvre qualifiée et le manque de débouchés avec l’insuffisance accrue des dépenses de formation et de salaire. Ils pousseront ainsi encore plus à la suraccumulation des capitaux, y compris dans les pays émergents, jusqu’à son éclatement dans une nouvelle récession mondiale, vers 2010-2012, après un « boom » de fin de cycle conjoncturel en 2009-2010 ou 2011.
C’est dire le besoin d’intervention sur les enjeux européens et mondiaux pour faire grandir l’exigence de nouvelles logiques. Il ne s’agit pas de se contenter de quelques « régulations » ou « moralisations » des marchés, faisant se résigner à leur logique devenue folle qui révèle l’immoralité profonde de tout le système. Il faut viser des réformes ambitieuses permettant un essor considérable des dépenses nécessaires au développement de toutes les capacités humaines, dans chaque pays, en Europe et à l’échelle internationale, avec une promotion systématique de nouveaux services et entreprises publics et des
« biens communs » à toute l’humanité. Et cela, avec le recours à une monnaie mondiale de coopération faisant reculer le rôle du dollar et le poids des marchés financiers, pour un nouveau crédit partagé.
La responsabilité de l’Europe n’a jamais été aussi importante, avec la perspective qu’elle contribue gravement à la suraccumulation mondiale et se trouve très fragilisée quand celle-ci éclatera. C’est dire l’importance des batailles nationales et européennes pour une réorientation fondamentale de cette construction, à partir des « non » français, néerlandais et irlandais au projet de traité de Lisbonne. L’enjeu d’une tout autre politique monétaire de la BCE, d’un changement fondamental de ses missions et de son rapport aux parlements européen et nationaux, afin de sécuriser et promouvoir l’emploi et tous les moments de la vie de chacun-e, de même que celuid’une promotion commune des services et entreprises publics seront décisifs.
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