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Taux d'intérêt - Chronique de Pierre Ivorra

C’est avec plaisir que nous publions quelques chroniques de Pierre Ivorra, que nos lecteurs connaissent bien, sur la crise. Celles-ci sont parues dans le journal L’Humanité que nous remercions pour son autorisation de reproduction. La Rédaction

La crise financière, démarrée à l’été 2007 avec l’écroulement du marché des crédits hypothécaires dans l’immobilier américain, qui a pris des aspects paroxystiques à la fin septembre  2008 avec la défaillance  de grands établissements bancaires et financiers aux États-Unis et en Europe, débouche dans les pays capitalistes développés sur une récession qui pourrait s’avérer plus longue que prévu etdurer jusqu’à la fin 2009.

C’est dans ce contexte qu’est intervenue la décision de la banque centrale des États-Unis d’une baisse historique de ses taux d’intérêt ramenés pratiquement à zéro. Cette réduction majeure du loyer de l’argent est en fait une mesure préventive. Les autorités monétaires américaines ont même indiqué être disposées à aller encore plus loin afin de prévenir la catastrophe.

Si la contraction de l’activité aux États-Unis et en Europe est importante mais n’est pas encore aussi forte et brutale que lors de la crise de 1929 c’est dû au fait que l’intervention publique est aujourd’hui d’un tout autre niveau : 1 700 milliards d’euros mobilisés en Europe, 1 000 milliards aux ÉtatsUnis, c’est sans précédent ! Pour autant, les autorités américaines restent confrontées à un risque évoqué dans notre précédente chronique, qui était devenue réalité lors de cette grande crise de l’avant seconde guerre mondiale  : la déflation, c’est-à-dire la baisse quasi générale de l’activité et des prix des biens et des services sur plusieurs mois.

Rien n’est encore tout à fait joué. Cela d’autant qu’un constat s’impose : en dépit des concours apportés aux banques le crédit à l’activité a du mal à repartir, les prêteurs se méfient des emprunteurs tandis que les ménages américains surendettés réduisent leurs achats. De là vient la crainte que la baisse de prix des actifs boursiers et immobiliers  ne s’étende à toute l’économie.

Si pour l’instant, le spectre de la déflation n’est pas aussi menaçant en Europe, la situation continue d’être inquiétante. La Banque centrale  européenne elle-même signale dans un rapport que si les risques planant sur la zone euro ont diminué depuis le pic de la crise financière, ils demeurent néanmoins extrêmement  élevés. Contrairement  à ce que pensent certains, la crise financière n’est pas derrière nous, elle se poursuit, elle contamine les autres marchés et se nourrit de leur propre crise.

En France et en Europe, en dépit des baisses successives des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE), la progression du crédit immobilier aux ménages et de celui aux entreprises non financières persiste à ralentir, les taux d’intérêts pratiqués in fine par les banques restent supérieurs à ce qu’ils étaient cet été. Nombre d’établissements tentent de récupérer les marges perdues dans des opérations spéculatives en durcissant les conditions des prêts à leur clientèle.

Cette situation souligne que l’issue à la crise ne dépend pas que du niveau des taux d’intérêt et de la quantité d’argent injectée par les États et les banques centrales dans les rouages de la finance et de l’économie. L’intervention publique tous azimuts, opérée sans discernement,  sans sélectivité  peut certes permettre de réduire l’incendie, de relancer l’activité d’ici quelques mois, mais elle risque de relancer aussi la spéculation et la croissance financière et de déboucher en 2011 sur une nouvelle  crise plus forte et plus large.

La question de la qualité de l’intervention publique doit être posée avec force. À quelles fins aider les banques, pourquoi baisser le coût de la liquidité si c’est pour refaire ce qui nous a conduit à la crise. L’argent des banques doit permettre de développer la richesse créée, l’emploi, les capacités humaines. En dehors de cela point de salut !

 

 

 

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