Orléans, le 2 décembre 2008
La crise financière témoigne de l'exacerbation de la crise systémique du capitalisme. Elle révèle le besoin de rompre avec les règles fondamentales de ce système, l'argent pour l'argent, en faisant prévaloir de nouvelles règles.
Alors que montent de toutes parts les interventions publiques et d’État sur des engagements financiers qui laissent pantois les gens à qui on a cessé de répéter, des années durant, que « les caisses sont vides », grandit le besoin d’institutions financières nouvelles. Les institutions qui, enfin, permettraient de traiter le crédit bancaire, la monnaie comme de véritables biens communs au service du développement de l’emploi, des capacités humaines, en réponse aux besoins sociaux.
Avec la récession, les faillites de PME, avec la progression rapide du chômage accentuant la pression sur les taux de salaire, cette exigence peut devenir très forte objectivement. Comment s’en saisir, à l’appui des luttes sociales, pour commencer, en ripostant à Sarkozy, à ouvrir les voies de cette construction nouvelle nécessaire?
J’aborderai deux points :
– les défis de la crise financière et les tentatives de réponse de Sarkozy,
– éléments pour des réponses alternatives autour du pôle financier public.
On sait que cette crise résulte d’un immense gâchis de crédit qui, des années durant, a servi à alimenter des opérations et placements financiers et immobiliers, des investissements orientés contre l’emploi de concert avec la pression sur les salaires et les dépenses publiques et sociales.
Utilisant massivement le levier de l’endettement, des millions d’opérateurs ont fait la course au rendement financier dans un contexte où, grâce aux gains formidables de productivité des nouvelles technologies, d’énormes liquidités ont été rendues disponibles pour la spéculation avec l’incitation permanente de hauts profits du fait des bas coûts salariaux des pays émergents.
La crise financière qui a éclaté, en juillet 2007, à partir de l’étincelle sur les « crédits immobiliers à risque » aux ÉtatsUnis a entraîné une crise bancaire d’une rare violence avec des pertes des banques qui ont accumulé des « actifs pourris » dans leur bilan et ont vu s’effondrer le cours de leurs actions en bourse.
Le système financier s’en est trouvé bloqué, les banques perdant confiance les unes envers les autres, refusant de s’échanger les liquidités pourtant nécessaires à leur fonctionnement journalier.
L’intervention massive et répétitive des banques centrales n’a pu rétablir la confiance et a, au contraire, alimenté un redoublement de la spéculation.
Il en est résulté des difficultés telles pour certaines banques que les États ont été alors obligés, eux-mêmes, de s’impliquer. De fait, de partout remonte l’appel au soutien des États.
Dans les pays anglo-saxons, on est allé jusqu’à des nationalisations, certes ponctuelles et transitoires, mais effectives. En France, il n’y a pas eu véritablement renationalisation, sauf pour Dexia, la banque des collectivités locales, dans un dispositif commun avec les États belges et luxembourgeois. Si, aux États-Unis, le premier plan de soutien aux banques a porté sur une somme de 700 milliards de dollars, on sait qu’en Europe, les différents plans engagés mobilisent au total la somme colossale de 1 700 milliards d’euros. Et déjà, on annonce de nouveaux plans d’aide publique massive censés relancer les économies des pays de l’OCDE entrées en récession.
De partout, les États apportent des fonds propres aux banques dans le but de restaurer la confiance des marchés financiers. Tous les financements publics massifs se font cependant sans critère nouveau et sans qu’aucun pouvoir nouveau ne permette de réorienter et la gestion des banques et la distribution et l’utilisation du crédit.
Un mot, à présent, sur les plans Sarkozy.
Pour permettre aux banques de se refinancer, l’État a décidé de donner sa garantie à une société de financement (la société française de refinancement de l’économie). Elle pourra emprunter de l’argent sur le marché financier avec la garantie de l’État jusqu’à hauteur de 320 milliards d’euros. Elle leur re-prêtera en fait cet argent « au prix du marché » aux banques, jusqu’à cinq ans. En contrepartie, les banques apporteraient à cette société de refinancement des actifs qui sont à leur bilan. Alors, on peut penser que cette société sera contrôlée par l’État. Pas du tout ! Ce sont les banques elles-mêmes qui la contrôleront à 66 %, alors qu’elles sont cependant responsables de la crise actuelle !
D’autre part, pour renforcer le capital des banques, l’État a décidé d’accorder sa garantie à une autre société, la société des prises de participation de l’État, contrôlée par lui à 100 %, cette fois. Elle se financera en empruntant, elle aussi, sur le marché financier avec la garantie de l’État jusqu’à 40 milliards d’euros.
Et, pour renforcer les fonds propres des banques, elle souscrira non pas à l’émission d’actions mais à des « titres de dette subordonnée ». Ceux-ci ont le goût et la couleur des actions, mais cependant n’en sont pas : leurs détenteurs, certes, supportent le même risque financier que l’actionnaire, mais ils n’ont pas le droit de siéger au conseil d’administration de la banque, ni d’exercer un quelconque droit sur la gestion. Et ces titres ont cependant la particularité d’être comptabilisés comme les fonds propres.
Une première tranche de 10,5 milliards d’euros a été injectée dans les fonds propres de six grandes banques : Banques Populaires, BNP – Paribas, Caisses d’Épargne, Crédit Agricole, Crédit Mutuel, la Société Générale.
Et cela, alors même que nombre de dirigeants de ces banques proclamaient haut et fort, il y a peu, qu’ils n’auraient aucunement besoin de l’argent public.
Le gouvernement assure que ce plan n’aura aucune incidence sur les contribuables, car ces garanties sont facturées. La belle affaire ! Outre que cette facturation incitera encore plus les banques ainsi aidées à être plus rentables financièrement, la dette de l’État augmentera. Or Sarkozy maintient son objectif d’une limitation à 60 % du PIB de la dette publique en 2012. Si ce n’est donc que dans l’immédiat, l’appel au contribuable aura lieu demain, surtout si, après une relance limitée, le monde entier tombe en récession vers la fin de 2010
– 2011. Mais, tout de suite, le rationnement des dépenses publiques et sociales va redoubler avec, notamment, la suppression pour 2009 de 30 000 emplois publics en France !
Il leur est demandé d’abord, d’adopter un « code de bonne conduite » qui a été rédigé, tenez-vous bien, par le MEDEF ! C’est la dimension éthique...
Et les banques se sont engagées aussi à augmenter de 3 à 4 % le montant total des crédits accordés aux entreprises et particuliers. Et on nous assure haut et fort que «l’État y veillera !». Oui, oui ! Il fera publier les flux de crédits aux PME sous l’œil vigilant des préfets et TPG ! Il réclamera le « respect des usages de préavis » afin, promet-on, d’empêcher toute « annonce brutale de rupture de crédit ». Il a même été nommé un médiateur, lequel déjà croule sous les appels des PME confrontées au rationnement du crédit et au retrait des assureurs crédits. Comme le révélait L’Humanité, la file d’attente aboutit à des répondeurs téléphoniques !
En réalité, les contreparties demandées aux banques sont d’une faiblesse insigne et donnent lieu à une formidable démagogie populiste de Sarkozy qui n’a pas hésité à déclarer aux Français à la télé : « l’argent des banques c’est votre argent ! ». Le crédit ainsi maintenu sera tout entier conditionné par les exigences de rentabilité financière. Dans un contexte de récession
,sa sélectivité anti-PME, anti-emploi, anti-salaire et pro-finance va être accrue. On peut toujours ensuite faire de la démagogie !
Il sera doté de 20 milliards d’euros. Son but, selon Sarkozy : «stabiliser des entreprises qui pourraient être des proies pour des prédateurs » et prendre des participations dans des entreprises stratégiques, moyennes ou grandes.
La Caisse de Dépôts et Consignations sera l’actionnaire majoritaire du Fonds, à côté de l’État minoritaire. Après un premier apport de 6 milliards d’euros par les deux, la Caisse de dépôts apportera au FSI (Fonds Stratégiques d’Investissement) toutes ses participations stratégiques dont elle sera ainsi dépouillée.
L’État apportera, lui, les participations qu’il détient par exemple, dans Air France, Renault ou les chantiers de l’Atlantique.
Attention ! Ce fonds n’a aucune vocation à garder toutes ses participations. Cherchant la rentabilité financière, il devra «faire tourner son portefeuille » comme l’indique le site web du premier ministre.
Le gouvernement a mobilisé 22 milliards d’euros au titre du financement des PME, cela concerne deux types de mesures :
– le renforcement des moyens d’intervention d’Oséo (4 milliards d’euros)
– le détournement vers le crédit aux PME des excédents de collectes des livrets réglementés d’épargne : 18 milliards d’euros.
La protestation générale ayant empêché de faire main basse sur le livret « A ».
Simultanément la BEI apporte 30 milliards d’euros supplémentaires aux banques pour le financement des PME en Europe.
On ajoutera à ce dispositif, l’exonération immédiate et totale de la taxe professionnelle sur les nouveaux investissements réalisés entre le 23 octobre 2008 et le 31 décembre 2009.
Cela entraînera une perte de recettes d’un milliard d’euros en année pleine pour les collectivités locales, censées être compensées par l’État, à un moment où nombre de collectivités voient se resserrer le nœud coulant de leur dette bancaire.
L’État va organiser l’achat à un prix décoté de 30 000 logements en vente « en l’état futur d’achèvement », comme on dit joliment ; c’est-à-dire dont les travaux n’ont pas été lancés faute de certitude sur la rentabilité des ventes.
Une fois de plus la Caisse des dépôts est mise à l’œuvre. Sa filiale, la société nationale immobilière, s’est d’ores et déjà engagée à acquérir 10 000 logements.
Tandis que des mesures supplémentaires sont prévues pour pousser les Français les plus modestes à devenir propriétaires de leur maison ou de leur appartement, le logement social est rationné et le livret « A », centralisé par la CDC, chargé de le financer, est banalisé, toutes les banques ayant le droit de le distribuer et, ainsi, de s’en servir comme produit d’appel vers d’autres produits financiers.
On peut faire les comptes ! Ce sont des masses colossales de fonds qui ainsi sont rendus disponibles par ses différents plans de soutien public et d’État.
Pourtant ! Que n’avons-nous pas entendu des mois durant : les caisses sont vides ! L’État est en quasi-faillite ! Il n’y a plus de marge de manœuvre pour l’emploi, les salaires, les retraites, la Sécu !
En réalité, on voit que l’on peut mobiliser par intervention publique des fonds considérables. Tout le problème est alors de savoir pourquoi faire, dans quels buts sociaux, avec quels critères précis pour réaliser ces buts et avec quels pouvoirs ? En réalité les deux grands manques des plans Sarkozy, qui éclairent en fait sur ses objectifs de classe, c’est les pouvoirs et les critères à partir de ces immenses moyens financiers.
Et ce n’est pas fini. Le 4 décembre, Sarkozy, s’inscrivant dans une option européenne, a présenté un plan censé soutenir l’activité économique par l’aide à deux grands secteurs en difficulté : l’automobile et le bâtiment.
On parle d’un dispositif de l’ordre de vingt milliards d’euros, quelques 1 % du PIB.
Et tout cela est en quelque sorte accompagné par une politique accentuée de flexibilisation – précarisation des emplois, de facilitation des licenciements avec le contrat de transition professionnelle, l’abaissement des cotisations sociales patronales tirant vers le bas tous les salaires. Sans parler des tentatives sur le travail du dimanche et l’augmentation de la durée du travail hebdomadaire, annuelle et tout au long de la vie.
C’est dire l’enjeu d’une bataille d’alternatives articulant à l’exigence de nouveaux financements, de nouvelles institutions financières, les réclamations d’augmentation des salaires, de sécurisation de l’emploi et de la formation, de défense et de promotion des services publics.
Alors qu’est-ce que c’est ce pôle financier public dont nous parlons au PCF depuis 1997 et pourquoi serait-il constitué ? Nous proposons de mettre en réseau, sous contrôle public et social (c’est-à-dire avec des pouvoirs de saisine et d’intervention sur la gestion des salariés, des citoyens, des élus et de leurs organisations) : la CDC, les Caisses d’Épargne, l’établissement public Oséo, la Banque Postale (au lieu de la privatisation de la Poste)... Bref, toutes ces institutions financières publiques et semi-publiques assurent le périmètre auquel Sarkozy, lui-même, articule plus ou moins ses différents plans. S’y ajouteraient :
– des banques en difficulté renationalisées comme Dexia ;
– d’autres banques en difficulté à nationaliser comme Natixis ;
– les banques mutualistes dont la gestion financière ne cesse de trahir les principes de la Mutualité et qui, s’étant mis à « miner » les banques privées, se sont largement embourbées dans la crise des subprimes, à l’image du Crédit Agricole qui y a perdu 5 milliards d’euros.
– on ajouterait aussi des banques privées revêtant un caractère stratégique comme BNP – Paribas, désormais en partie contrôlée par l’État belge, et qu’il faudrait renationaliser.
– enfin on intégrerait au pôle financier public l’ensemble qui vient d’être constitué avec la société de financement de l’économie (SFE), la société de prise de participation de l’État (SPE) et le fonds stratégique d’investissement (FSI). Cet ensemble serait, bien sûr, refondu, démocratisé et sa gestion guidée par de nouveaux critères d’efficacité sociale.
Ce pôle financier public aurait une très grosse force de frappe. Pouvant être saisi par les salariés et les organisations, il serait le bras financier d’une nouvelle politique industrielle et de services visant la sécurisation de l’emploi, de la formation, des revenus.
Bien sûr, les modalités pratiques de cette mise en réseau, doivent faire l’objet d’une élaboration collective avec des experts, des représentants des syndicats, et du mouvement associatif, des associations d’élus et des partis politiques.
Une question fondamentale, sur laquelle je reviendrai, concerne les critères d’allocations de l’argent par ce pôle financier public, avec l’enjeu si décisif du changement de la sélectivité du crédit de façon à encourager d’autant plus les investissements des entreprises qui programment de façon contrôlable des emplois et des formations, tandis qu’il dissuaderait, en liaison avec une nouvelle fiscalité, les placements financiers. Je veux auparavant insister sur le fait que ce pôle aurait une triple prise institutionnelle, poussant l’ensemble des banques et institutions, avec lesquelles il serait en relation, à changer progressivement la sélectivité de leur financement, en liaison avec les luttes.
– une prise locale,
– une prise nationale,
– une prise européenne.
A) une prise locale :
Nous avançons dans l’idée de mettre en place des fonds publics régionaux alimentés par une dotation budgétaire de chaque Conseil régional. Ils prendraient en charge tout ou partie des intérêts des crédits des entreprises (des PME) pour leurs investissements réels avec des taux d’intérêt d’autant plus abaissés qu’ils programmeraient de bons emplois, bien rémunérés, avec de bonnes formations.
Ces fonds publics régionaux pourraient être saisis par les comités d’entreprise, les délégués du personnel, les syndicats, le mouvement associatif, les élus locaux et les simples citoyens pour avancer dans la réalisation de projets d’emploi et de formation ou la crédibilisation de contre-propositions face au plan de licenciement.
On peut engager tout de suite cette bataille, sans avoir au préalable à virer Sarkozy et changer le traité européen.
Car il existe des majorités possibles sur une telle proposition dans 20 régions de France dirigées par la gauche.
B) une prise nationale.
Chaque Fonds régional gagné constituerait un élément de fondation pour la création, le jour venu de nouvelles conditions politiques en France, d’un Fonds public national. Celui-ci prendrait aussi en charge une partie des intérêts payés aux banques par les entreprises sur leurs crédits à long terme pour leurs investissements, selon les mêmes principes que pour les Fonds régionaux.
Il inciterait toutes les banques, au-delà de celles mises en réseau avec la CDC, à développer de nouveaux mécanismes de crédit. Il permettrait d’organiser une véritable politique industrielle et de services avec la promotion des filières, de leur emploi, de leur qualification avec la formation, des recherches et des investissements matériels nécessaires, dans de grands pôles de coopération.
On alimenterait ce Fonds National par l’argent public dévolu aujourd’hui aux exonérations de cotisations sociales patronales prises en charge par l’État : 27 milliards d’euros au budget 2008 (pour 33 milliards d’euros d’exonérations totales).
Tout de suite, à l’appui de ces propositions, on peut mener bataille là-dessus à partir de l’exigence d’un ressaisissement de l’industrie automobile contre les licenciements et le chômage technique !
C) Une prise sur la BCE :
Les crédits ainsi encouragés par le pôle financier public et les Fonds régionaux seront alors en partie présentés au guichet du refinancement de la BCE. Celle-ci serait donc sollicitée pour soutenir des crédits dont la finalité et la sélectivité seraient favorables à l’emploi.
Ainsi serait introduit par le bas, au plan local et national, à partir des luttes sociales et politiques, un « virus pour l’emploi et la croissance réelle dans toute une machinerie qui, conduit à exacerber croissance financière et spéculation. Cela irait de pair avec la bataille pour de nouveaux traités européens et un changement de statut, de mission et de politique monétaire de la BCE.
Cet engagement pour un pôle financier public peut beaucoup rassembler. L’idée est largement émise à la CGT, à ATTAC aussi. Elle est reprise désormais dans le futur parti de gauche fondé par Mélenchon. La gauche du PS aussi le met en avant.
Il faut donc y aller en confrontant les idées au contact des luttes qui vont se développer dans les mois qui viennent. La confrontation d’idées est nécessaire, car les enjeux de contenu sont à clarifier.
Il ne s’agit pas en effet de renationaliser sans toucher aux critères de crédit. En 1982, toutes les banques ont été nationalisées, mais elles ont continué à accentuer la sélectivité de leurs crédits contre l’emploi et au service des placements financiers, dans un but de rentabilité financière.
Développer un nouveau crédit :
Il faut absolument sortir des généralités. Tout le monde après tout, y compris Sarkozy, dit aujourd’hui qu’il faut que le crédit bancaire soit « utile pour le social », « utile pour l’économie réelle ». Ces propos trop vagues permettent la confusion et favorisent finalement la recherche d’une union sacrée par Sarkozy autour de ces différents plans.
De même, on ne saurait se contenter de demander de baisser uniformément les taux d’intérêt. D’ailleurs la BCE a commencé à le faire sans que rien ne change dans l’orientation de sa politique monétaire.
Et puis, on a vu dans le passé récent comment des taux d’intérêt relativement abaissés ont en réalité servi de levier pour une course au rendement financier et la spéculation.
Baisser les taux d’intérêt, oui bien sûr ! Mais pas pour encourager la croissance financière des capitaux et les investissements réels contre l’emploi et les masses salariales.
Alors précisément quel type de crédit serait chargé de développer le pôle financier public ?
Il faut à ce propos rentrer un minimum dans la technique pour pouvoir être crédible dans le travail de rassemblement à l’appui des luttes. Les gens savent bien que ce n’est pas avec des fourches et des lance-pierres que l’on va pouvoir renverser la dictature des marchés financiers.
Alors qu’elle est précisément notre proposition ?
Ce nouveau crédit serait un crédit sélectif et à long terme
– pour les investissements matériels et de recherche des entreprises,
– avec un taux d’intérêt qui pourrait être abaissé jusqu’à devenir nul, voire négatif (diminution des remboursements),
– il serait d’autant plus abaissé pour l’entreprise emprunteuse que son investissement programmerait, de façon contrôlable, plus d’emplois durables, de qualité, bien rémunérés et plus de formations efficaces.
Ce type de crédit inciterait à de nouvelle gestion des entreprises, en liaison avec les luttes sociales. Il s’agirait particulièrement, de baisser les coûts de l’entreprise, de chercher à diminuer les coûts en capital matériel et financier, comme les intérêts payés aux banques ou les dividendes versés aux actionnaires, plutôt que les « coûts salariaux » (salaires et « charges sociales patronales»). On chercherait ainsi à renverser les termes du débat sur la compétitivité.
Il aurait de quoi faire : en 2007, les « charges sociales patronales », c’est-à-dire les cotisations payées par les entreprises pour la protection sociale ont totalisé 142,1 milliard d’euros. Mais les charges financières des intérêts payés aux banques et les dividendes versés aux actionnaires ont totalisé 314 milliards d’euros ! (Source : Comptes de la nation 2007).
Je veux terminer en indiquant combien cette bataille locale, nationale et européenne sur le pôle financier public est en prise sur une partie mondiale et des enjeux de la nouvelle civilisation de toute l’humanité.
Il faut en effet absolument entrer dans la bagarre de la refonte des institutions internationales, à commencer par les institutions monétaires.
On ne saurait laisser à Sarkozy l’exigence d’un « nouveau Bretton-Woods », ni à Dominique Strauss-Kahn l’ambition d’apparaître comme capable d’une profonde transformation du FMI alors que, somme toute, les uns et les autres ne visent qu’un replâtrage avec, pour Sarkozy, l’ambition clairement assurée de « refonder le capitalisme ».
De partout dans le monde, les peuples cherchent à s’émanciper de la domination du dollar. Celui-ci est devenu une monnaie commune mondiale de fait depuis 1971. Cela offre aux ÉtatsUnis un « privilège exorbitant », comme disait De Gaulle : celui de s’endetter dans leur monnaie nationale et, lorsque ces dettes arrivent à échéance, d’émettre de nouveaux dollars.
L’inflation du dollar est à l’épicentre de l’explosion des marchés financiers et des graves turbulences actuelles.
Comment se rapprocher de toutes ces luttes et recherches, comme par exemple en Amérique du Sud où a été lancée la Banque du Sud contre le FMI ?
Comment arriver à faire force pour casser cette domination du dollar et des États-Unis sans prendre à bras le corps l’enjeu si décisif d’une réorientation de la construction européenne pour avancer dans une nouvelle grande alliance avec les pays émergents et en développement. La France, seule, ne pourra pas avancer dans cette voie.
Portons avec hardiesse l’idée de monnaie commune mondiale de coopération dont le besoin objectif et subjectif progresse fortement avec la crise actuelle.
Cette monnaie commune mondiale permettrait une émancipation du dollar, à partir de l’embryon déjà existant des droits de tirages spéciaux (DTS). Cet instrument qui est, en quelque sorte, la monnaie du FMI a toujours été refoulé par les Américains.
Cela irait de pair avec l’exigence d’une transformation radicale du FMI où serait cassé le droit de veto dont y disposent les États-Unis, tandis que y serait pleinement reconnu le pouvoir de pays émergents et en développement, avec une démocratisation très profonde de cette institution qui deviendrait alors la Banque des Banques centrales.
Cette bataille pourrait se conjuguer à celles conduites de toute part pour la conquête de biens communs à toute l’humanité, de l’eau à la culture et à la santé, de l’énergie aux communications, de l’alimentation au crédit dans la visée d’une nouvelle civilisation de toute l’humanité avec non pas « la refondation du capitalisme », mais « son dépassement effectif »
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(1) Texte présenté en introduction à la rencontre d’Orléans.
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