Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Plans de relance et crise systémique : Pour des alternatives à la hauteur

Face à la gravité des difficultés de la conjoncture, avec les récessions de la croissance qui se généralisent  dans le monde, et la remontée  très sensible du chômage, des plans de relance sont partout mis en place, dont celui organisé en France.

Cependant, si les dirigeants reconnaissent ainsi le besoin d’interventions publiques très nouvelles, le respect persistant des critères capitalistes fondamentaux entraîne les insuffisances et les contradictions cruciales de ces plans, notamment du plan français.

Au contraire, monte l’exigence de réponses pleinement effi caces, face aux difficultés sociales immédiates et à venir, avec la profondeur de la crise systémique.  Cela concerne des plans alternatifs de relance, comme cela est avancé en France, pour leur insertion dans une construction systé mique, cohérente et audacieusement novatrice.

I) Défis extrêmes de la conjoncture, des sou tiens étatiques et des plans de relance

En ce qui concerne la conjoncture immédiate au début de 2009, elle est caractérisée par la généralisation des récessions, leur sévérité plus grande que prévu. Et les perspectives restent très inquiétantes.

Des récessions généralisées  au risque d’une dépression mondiale.

Les difficultés économiques  se sont considérablement ag gravées dans les pays de l’Union européenne et la zone euro où la production industrielle a déjà reculé en 2008. La plupart des pays sont en récession, de l’Allemagne à l’Italie ou l’Espagne, du Royaume-Uni à l’Irlande et à plusieurs pays d’Europe de l’Est, tandis que la France y entre avec un recul de 0,8 % au 4e trimestre 2008, et des reculs d’abord prévus de 0,4 % au 1er trimestre 2009 et de 0,1 % au 2e trimestre, puis des prévisions plus pessimistes.

Alors que le chômage, particulièrement celui des jeunes, re monte nettement dans l’Union européenne, il progresse plus fortement, avec 2,6 à 3 millions d’emplois détruits en 2008, aux États-Unis, qui ont été déjà en récession toute l’année 2008 d’après leurs critères. Mais aussi plusieurs pays émergents sont sérieusement atteints par le recul, tandis que l’affai blissement de la croissance est sensible dès la fin 2008 jus qu’en Inde et en Chine. Cependant, au-delà de la gravité des difficultés immédiates, monte la crainte que les récessions ne se transforment en grande dépression.

Il s’agit de l’éventualité d’un recul de la production encore plus marqué, relativement  durable au-delà de 2009 et à l’échelle mondiale.

Les prévisions dominantes des dirigeants politiques  et de la majorité des experts écartent ce scénario, en escomptant une reprise durable à partir de 2010. Mais loin d’être exclue, une véritable dépression est possible et même probable, éventuellement dès 2010, ou sinon, après une reprise pro visoire, ultérieurement.

Généralisation des plans de relance dans le monde.

Les prévisions d’une reprise en 2010 se fondent notamment sur la multiplication des plans de relance dans de nombreux pays.

L’ampleur de ces plans a été encouragée, précisément contre le risque de dépression mondiale, en particulier par Olivier Blanchard, chef économiste du FMI à la fin de décembre 2008.

La convergence des différents plans nationaux de relance à l’échelle mondiale est certes remarquable. Cela va du principe de relances pour les 27 de l’Union européenne adopté sur pro position de la Commission européenne, de 200 milliards € ou de 1,5 % du PIB de l’Union, et de sa traduction  en plans na tionaux de moindre ampleur, au plan de relance beaucoup plus considérable des États-Unis prévu par Barack Obama de 825 milliards de dollars et jusqu’aux plans de relance chinois (de 450 milliards €) ou indien.

En France, Nicolas Sarkozy a annoncé le 4 décembre 2008 un plan de 26 milliards € pour 2009 et 2010. Quant  à l’Allemagne, après un premier plan de 31 milliards €, elle adopte un second plan plus ample de 50 milliards en janvier 2009, avec un effort budgétaire qui serait sensiblement plus important qu’en France y compris proportionnellement au PIB, toujours pour 2009 et 2010.

En outre, ce sont des centaines de milliards d’euros qui sont prévus dans les deux pays (comme d’ailleurs aux États-Unis) pour tous les soutiens publics aux banques, aux investisse ments et aux entreprises.

Persistance des difficultés et possibilités de cercles vicieux dépressifs.

Déjà Olivier Blanchard  a pointé, face à l’effondrement des de mandes globales, de la consommation et des investisse ments, les difficultés persistantes du crédit malgré les aides publiques, ou le formidable retrait par les pays développés de capitaux placés dans les pays émergents.

Au-delà de l’ampleur suffisante de la riposte par les budgets publics et par la création monétaire pour le crédit bancaire, la question cruciale, que l’on devrait rendre populaire, se rap porte aux critères d’utilisation  des fonds.

Face à la gravité exceptionnelle de la situation, il est non seu lement besoin de relever les salaires et la consommation, outre l’investissement, mais de critères radicalement alternatifs pour une efficacité sociale. Sans cela, on aurait  l’insuffisance d’efficacité des interventions et même le risque de leur ca ractère contre-productif, pour l’immédiat et à plus long terme.

Ainsi peut monter,  à terme, le risque (traité, mais à leur façon réactionnaire, par ceux qui préconisent la limitation et la compensation  des nouvelles dépenses publiques  par des pressions sur les dépenses sociales) de cercles vicieux dé pressifs. À ces cercles vicieux contribueraient les interventions massives pour soutenir la rentabilité financière, de la création monétaire et des dépenses publiques, liées aux endettements étatiques plus que jamais accrus.

Dans la mesure, où les critères favorisent  par dessus tout les capitaux et leur rentabilité financière, à l’opposé des dé penses salariales et sociales ainsi que du développement des capacités humaines, non seulement la croissance réelle risque bien d’être insuffisante, mais encore, à plus ou moins long terme, l’ampleur exceptionnelle de la création monétaire et de l’endettement public pourrait mettre en cause le sur endettement de certains États et la confiance en leurs mon naies, jusqu’à ceux des États-Unis.

Les émissions de titres de dette publique se sont multipliées : leur volume mondial atteindrait quelque 3000 milliards de dol lars en 2009, trois fois plus qu’en 2008, selon le Financial Times du 8 janvier. Or, le gonflement exceptionnel de la mas se des titres, d’ailleurs très demandés, pourrait être accom pagné d’une hausse excessive des prix des titres publics, des États-unis aux États européens ou émergents. Et cela pourrait conduire finalement à un retournement, à des pertes de confiance et des chutes sur certains titres publics et cer taines monnaies, et même éventuellement à un krach mondial des obligations publiques.

D’où le risque, à un moment donné, de remontée très grave des taux d’intérêt réels, qui, fixes sur le prix nominal d’émis sion, évoluent en sens contraire des prix de marché des titres publics.  Ces derniers,  après avoir formé d’énormes « bulles », pourraient fortement baisser, entraînant le relève ment des taux d’intérêt contre la croissance et aussi des fuites désordonnées de capitaux ou encore des dévaluations compétitives de monnaie.

Cela pourrait renforcer  des concurrences ravageuses au plan international, tout particulièrement par l’abaissement des salaires et des dépenses sociales, pour se disputer  une demande mondiale dont l’insuffisance très grave est pourtant relancée, ainsi que les domaines de placement des capi taux. De nouvelles pertes considérables de capitaux inter viendraient, particulièrement  dans les institutions finan cières. Et cela se relierait à la mise en cause du dollar, des prises mondiales de bons du trésor américains et de tout le circuit financier  mondial.  Cela contribuerait donc à une dé pression mondiale effective.

On peut envisager la probabilité (non la fatalité) que cette dé pression intervienne, soit éventuellement dès 2010, à l’opposé des prévisions de remontée durable de la croissance à cette date, soit, après des remontées provisoires soutenues à bout de bras, y compris par des rallonges aux premiers plans de relance, par la suite, à un moment indéterminé.

Déjà, suite aux interventions  publiques massives, la livre sterling  a très sensiblement  baissé, tandis qu’on spécule à sa baisse, et le dollar a recommencé à dévisser. Et aussi le pré sident de la Réserve Fédérale des États-Unis a annoncé en dé cembre que la Fed pourrait acquérir des bons du trésor.

Par ailleurs, les couronnes norvégiennes et suédoises ont chu té. Quant à la zone euro, pas de dévaluation à cause de la mon naie commune, ni en Irlande, ni en Grèce, en Espagne, en Ita lie ou en France. Toutefois, les écarts entre les taux d’intérêt des titres d’emprunts publics des États de la zone euro se sont sensiblement accrus.

Dès le 9 janvier  2009, le taux de l’emprunt allemand à 10 ans s’établissait à 3,1 % contre 3,5 pour son équivalent français, alors que l’écart était seulement  de 0,05 entre la France et l’Al lemagne au début de 2007. Au même moment, le taux analogue italien est de 4,3 et le grec de 5,2. Le 13 janvier,  l’agence de no tation Standard & Poor’s a placé l’Espagne, l’Irlande et le Portugal sous surveillance négative, le 14 elle a déclassé la det te publique de la Grèce, le 19 celle à moyen terme de l’Es pagne, le 21 celles du Portugal.

Pourtant, malgré les très forts abaissements des taux de re financement des Banques centrales, depuis la Fed ramenant ses taux entre 0,25 et zéro, à la Banque d’Angleterre à 1,50, jus qu’à la BCE à 2 %, et malgré tous les soutiens publics consi dérables des banques, le crédit aux entreprises reste très in suffisant. Le Monde du 21 janvier doit poser la question : « les plans de sauvetage des banques ont-ils échoué ? »

En fait, le soutien des capitaux bancaires, sans imposer d’autres critères des crédits, semble bien entraîner la priorité à la reconstitution  des profits et des capitaux bancaires, la crainte des crédits massifs aux entreprises, sans compter  les titres pourris encore détenus ou les tentations de nouveaux placements spéculatifs, y compris par la prise de titres d’em prunts publics.

Tout cela interpelle les insuffisances des plans de relance ac tuels dans le monde. Il s’agit des différentes ampleurs de ces plans, mais surtout de leurs contenus, comme pour le Plan français. D’où l’exigence de plans de relance alternatifs et co ordonnés. Il s’agirait de plans suffisamment novateurs et cohérents, qui pourraient être branchés sur des transfor mations proprement systémiques, face à la radicalité du dé fi de la maturation de la crise systémique du capitalisme mon dialisé dans les conditions des révolutions informationnelle, monétaire, écologique.

II) Dispositions, mise en œuvre et critiques du plan de relance Sarkozy

Dans son discours de Douai du 4 décembre  2008, sur le plan de relance, Nicolas Sarkozy a multiplié les effets d’an nonce face à ce qu’il a appelé une crise structurelle. Il a pré tendu répondre aux besoins d’ambition, d’imagination et d’audace. Mais en réalité, il n’a pas rompu fondamentalement avec les logiques dominantes exacerbées de l’économie capitaliste, qui ont conduit à la crise systémique et à la gravité des perspectives

Encourager certains investissements et non les salaires, l’emploi, les services publics.

Si sont mises en avant d’importantes  sommes publiques,

26 milliards € sur deux ans, elles pourraient  être bien plus grandes. Mais surtout, c’est toujours la même logique fon damentale privilégiant les capitaux et leur rentabilité financière par les nouvelles incitations. Le plan fait prédominer des mesures voulant favoriser les investissements. Cela s’oppo se à la promotion prioritaire, non seulement des travailleurs, des salaires et de la consommation, mais aussi des emplois, de la formation  continue, des capacités humaines et des êtres humains, avec une expansion des services publics. Et cela, avec d’autres critères des fonds et d’autres pouvoirs des travailleurs et des populations.

Le plan dit : « notre réponse à la crise, c’est l’investissement ». Mais, tout d’abord, il propose surtout d’« accélérer les in vestissements publics (déjà) programmés pour les années à venir », dans des infrastructures matérielles et des bâtiments. Ou d’inciter à une telle accélération pour les entreprises pu bliques et les collectivités locales. Mais, il maintient la politique de réduction des emplois publics et des services publics, de l’hôpital à l’éducation et à la recherche. Cela va jusqu’à la ca ricature, quand il dit qu’il faudra accélérer « les  investisse ments dans les bâtiments et les équipements de la recherche et de l’université », alors que sont programmées par ailleurs des compressions de personnel !

Ensuite, sont avancées des mesures pour améliorer la tré sorerie des entreprises, en accélérant le paiement de ce qui leur est dû par l’État. Le crédit d’impôt recherche sera rem boursé par anticipation (4 milliards € en 2009), ce que l’État doit aux entreprises pour la TVA sera remboursé immédiatement (3 milliards € en 2009), les excédents d’impôt sur les sociétés seront restitués plus rapidement (4 milliards €), et les factures en retard pour les PME de la Défense seront payées (0,5 milliards  €), etc.

Toutefois, ces sommes importantes non seulement ne sont pas des dépenses nouvelles, mais aussi leur déboursé ne garantit en rien leur utilisation pour la croissance réelle et l’emploi.

Cette lacune fondamentale rejoint d’ailleurs l’effort public considérable pour les banques, tandis que les critères du cré dit ne sont pas du tout transformés.

ar ailleurs, les sommes nouvelles expressément consacrées aux chômeurs partiels et aux licenciés, ou par anticipation aux exclus, sont dérisoires par rapport aux besoins. Ainsi pour les « victimes de licenciements », l’extension de contrats de tran sition professionnelle et le suivi pour la formation de tous les « demandeurs d’emploi », coûtent seulement  500 millions d’euros, alors qu’il faudrait une explosion de la formation continue. Ensuite, une prime exceptionnelle de 200 €, versée « par anticipation » aux futurs bénéficiaires du revenu de so lidarité active, atteindrait 760 millions

En outre, l’exonération des cotisations sociales patronales dans les petites entreprises, totale au niveau du SMIC et dé gressive  jusqu’à  1,6 SMIC, renforcerait de 700 millions  d’eu ros les fonds publics déjà gâchés pour faire pression sur les coûts salariaux et la concurrence à la baisse des salaires.

Mesures sur le logement et l’industrie  automobile  : aides sans changement  fondamental

Ce qui est programmé  pour ces deux secteurs sinistrés confir me que de l’argent public est avancé mais pas pour des ré orientations fondamentales et pour l’efficacité sociale. Ou ne met pas en cause la domination de la rentabilité financière et son irresponsabilité sociale.

Pour le logement, tandis que Nicolas Sarkozy a dû recon naître la gravité de l’écart grandissant entre la construction et les besoins, seulement 1,8 milliard d’euros de plus y sont consacrés pour 2009 et 2010. Et même, on pourrait dire qu’une bonne partie reprendrait une logique largement ana logue à celle qui a conduit à la crise des « subprimes ».

En effet, le prêt à taux zéro sera doublé pour faciliter les cré dits à l’achat des logements. Mais resteront les charges de remboursement des crédits, face aux exigences accrues des banques, avec les risques de la baisse des revenus des em prunteurs, du fait de la croissance du chômage et de la pres sion sur les salaires, et donc des surendettements. Même les professionnels du secteur ont regretté que le logement loca tif n’ait pas été encouragé.

Un programme supplémentaire de seulement  70 000 loge ments sera lancé sur deux ans, dont la moitié en logement so cial. En réalité les financements restent très insuffisants pour le logement social et l’aide aux collectivités locales, alors que les disponibilités des Caisses d’Épargne ont été sollicitées pour contribuer  au soutien des banques.

Pour l’automobile, dont l’industrie emploie directement ou in directement 10 % de la population active,c’est d’abord encore le soutien du crédit  à l’achat, avec l’ouverture par l’État d’une ligne de refinancement d’un milliard d’euros pour les orga nismes de crédit des constructeurs.  C’est aussi la création d’une prime à la casse, dont l’effet serait très insuffisant se lon les professionnels concernés.

Enfin, alors que la crise extrêmement profonde et mondiale de cette industrie  emblématique de notre société, exige une refonte sans précédent du secteur, il est bien créé un « fonds de restructuration  de la filière automobile ». Mais les finan cements prévus ne se sont pas du tout à la hauteur. D’abord en quantité : le capital du Fonds, prévu pour investir en fonds propres,  serait de 300 millions  d’euros alimenté pour 200 millions par des constructeurs et 100 millions par l’État. Puis en qualité, pour les critères des fonds, et la hardiesse des objectifs, tandis que l’exigence de non délocalisation pour être aidé n’est pas concrétisée.

D’ailleurs, les incitations à l’achat peuvent très bien favoriser des importations de productions, automobiles ou éléments, déjà largement délocalisés par les groupes français.

Après les annonces de décembre, la gravité exceptionnelle de la crise sectorielle a conduit le 20 janvier  2009 aux « États gé néraux de l’automobile», pour aller un peu plus loin. L’État en visage un montant d’aide de 5 à 6 milliards d’euros aux en treprises du secteur, constructeurs et sous-traitants. Mais il s’est agi essentiellement de négociations entre gouvernement et patronat, tandis que les syndicats ne sont pas écoutés.

Cependant, d’une part, la production et l’emploi sont déjà lar gement minés par les délocalisations. D’autre part, les diffé rents domaines d’intervention publique font l’objet d’enjeux opposés entre les pressions de la rentabilité financière et les exigences d’une tout autre organisation d’efficacité sociale.

Ainsi, Renault produit de façon majoritaire à l’étranger depuis 2005 et PSA depuis  2007, d’où le solde commercial devenu déficitaire en 2008. Et la valeur ajoutée a bien plus reculé en France que le volume des véhicules, avec l’importation de composants eux aussi produits dans des pays à bas coûts sa lariaux, Tchéquie, Slovaquie, Roumanie, Turquie, Inde, etc. Aussi, pour l’intervention publique tardive, l’enjeu, au-delà des débouchés ou de l’arrêt des délocalisations,  est celui de l’avancée d’une autre industrialisation  en France.

D’un côté, les dirigeants des constructeurs  automobiles sou lignent les baisses de production et d’emploi. Ils deman dent des aides importantes  en faisant valoir les risques, si non les menaces, non seulement de chômage partiel, mais de suppressions d’emplois beaucoup plus fortes, en raison de la crise mondialisée.

De l’autre,  face à la montée de la protestation et des revendi cations des salariés, des syndicats et des élus de gauche, le gouvernement en invoquant la « responsabilité » des  entre prises et même le besoin de « refondation » du secteur, reste soumis à la logique prédominante de la rentabilité financière, sans répondre à l’exigence d’une transformation  radicale.

Il a dû admettre l’importance considérable des besoins, non seulement à court terme, mais pour l’avenir de l’in dustrie automobile.  Mais les enjeux se situent bien au-delà des demandes des dirigeants des entreprises  et des pro positions du gouvernement, tandis qu’on doit répondre aux exigences des salariés.

Bien au-delà d’un certain refinancement des filiales de crédit d’achat des constructeurs,  il s’agirait d’autres critères du crédit des banques pour abaisser les taux d’intérêt pour les investissements matériels et de recherche jusqu’à zéro et d’au tant plus que des emplois et des formations sont programmés.

Au-delà des aides publiques  de 5 à 6 milliards d’euros, il s’agirait aussi de la participation publique au capital des deux grands constructeurs  et de son accroissement pour peser sur les décisions et faire avancer des critères d’effica cité sociale, avec des pouvoirs de propositions alternatives des travailleurs.  Au-delà des petites aides pour le chômage technique et la sous-activité, il s’agirait d’un développement massif de la formation continue rémunérée.

Au-delà d’un petit Fonds de restructuration  de la filière et de la promesse de sa refondation, il s’agirait d’une nouvelle industrialisation et d’une relocalisation,  avec une refonte très hardie et des recherches pour produire en France des véhicules à bas coût et répondant audacieusement aux exigences écologiques, avec également d’autres coopéra tions internationales. Il s’agirait aussi de la recherche har die de diversifications sur d’autres productions apparentées novatrices, etc.

Mise en œuvre administrative, non participative, et effets envisagés contradictoires.

La mise en œuvre du plan est autoritaire, gouvernementale et principalement administrative, tout en négociant avec les « professionnels » du privé. Et cela, au lieu d’être systémati quement ouverte aux interventions et contre-propositions des populations,  des salariés et de leurs organisations, tandis que les élus locaux, dans la mesure où ils sont impliqués, y sont encadrés par l’appareil d’État.

Patrick Devedjian a été nommé ministre auprès du Premier Mi nistre, chargé de la mise en œuvre du plan de relance, en fait « super-ministre », avec autorité  sur 15 directions d’adminis tration centrales de plusieurs ministères.

Il organise les mesures réglementaires et législatives, ainsi qu’un collectif budgétaire avec une mission budgétaire de deux ans. Auprès de chacun des 22 préfets de régions, un sous préfet, le plus souvent le secrétaire général de l’administra tion régionale, est le correspondant du plan de relance, tan dis que les préfets départementaux sont aussi mobilisés.

Mais surtout, la mise en œuvre participe au développement d’options contradictoires et même antagonistes du gouver nement. Ainsi, d’un côté, est mise en avant l’ampleur des fonds publics avancés et promis. Ce sont 26 milliards d’euros du plan de relance, que son ministre ajoute aux 360 milliards de pri se de participation et d’aides pour les banques, aux 22 mil liards au crédit pour les PME, etc., pour afficher  428 mil liards qui pourraient être injectés dans l’économie.

Mais, d’un autre côté, le communiqué du conseil des mi nistres sur le plan de relance du 19 décembre  2008 souligne que le déficit prévu pour 2012 serait moindre que celui dé jà envisagé, et que « le retour à l’équilibre des finances pu bliques n’est pas remis en cause. L’incidence budgétaire du plan de relance est concentrée sur l’année 2009...  Il est... composé, soit de dépenses temporaires, qui n’ont plus d’ef fet à partir de 2011, soit de l’anticipation des dépenses qui étaient programmées et qui n’auront pas à être effectuées » par la suite.

Ainsi la somme véritablement additionnelle du plan de re lance lui-même est bien plus limitée  que les 26 milliards. Et pour ces derniers, le ministre précise que 75 % seront  en gagés en 2009. Il déclare essayer de les multiplier par des dé penses d’accompagnement  de 3 € pour un euro public, qui viendraient des entreprises et des collectivités  locales, en visant 100 milliards d’impact économique. Mais contre ces multiplications seulement souhaitées pèsent, entre autres, les difficultés du crédit. Malgré les soutiens aux banques, on assiste à la persistance des difficultés  du crédit, quoique le ministre intervienne auprès du « médiateur du crédit » nom mé pour les PME.

Le gouvernement  évalue à 0,6 point de PIB l’impact sur la croissance, alors que les prévisions de l’INSEE pour le premier trimestre et celle de la Commission européenne, pour l’année 2009 en France, annoncent  des reculs marqués.

Et surtout, tandis que Devedjian déclare s’attendre à 150 000 emplois créés en 2009 par le plan, alors que Christine Lagarde en attendait 100000, sont maintenus les importantes sup pressions de postes de fonctionnaires, y compris le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la re traite, car « nous devrons rendre l’administration plus productive » a déclaré le ministre de la relance.

Enfin, Patrick Devedjian persiste sur le refus de soutien direct substantiel de la consommation, outre l’investissement. Alors que, comme on peut le voir avec l’analyse des contre plans de relance à gauche, non seulement, il convient de mettre en avant la consommation et les salaires aux côtés de l’investissement mais aussi, il faudrait une expansion extra ordinaire de la formation continue et de tous les services publics aux personnes, afin de répondre aux difficultés immé diates et ultérieures,  en s’engageant dans une autre construction systémique.

III) Les plans de relance à gauche. Pour l’en gagement dans une autre construction systé mique et des luttes nouvelles.

Au-delà des diverses critiques du plan Sarkozy, des contre-pro positions ont été avancées par des partis de gauche, avec d’autres plans, et aussi par les organisations syndicales, ou dans la société civile.

Nous allons considérer, de façon succincte, le plan d’urgen ce du PCF et le contre-plan du PS. Nous évoquerons les cri tiques et leurs comparaisons. La cohérence et l’audace d’un plan alternatif, permettraient d’articuler un plan immédiat à une tout autre construction systémique et à l’organisation de luttes nouvelles.

 

Le plan d’urgence du PCF du 12/01/09

En présentant  « Un plan d’urgence pour combattre la crise », la direction du PCF a commencé par critiquer le plan de relance Sarkozy et la politique  gouvernementale, face à la gravité de la crise pour la croissance, les entreprises, l’emploi, les services publics. On n’a pas seulement souligné la grave lacune du plan officiel concernant le pouvoir d’achat et la consommation. On a insisté sur deux autres ensembles de critiques : le soutien public des banques mais sans changer les critères du crédit en faveur de l’emploi, la poursuite des réformes de réduction des moyens et des emplois pour les services publics, comme dans l’hôpital public.

Le plan s’articule autour de quatre grandes urgences.

La première urgence, «Sécuriser l’emploi», renvoie aussi à une autre gestion des entreprises et d’autres pouvoirs.

En effet, cela commence par la « suspension immédiate » des projets de suppression d’emplois, mais pour des tables rondes quadripartites : directions d’entreprises, État, élus, syndicats, afin d’examiner «des solutions alternatives», y compris pour le chômage technique.

Et cela s’articule à plusieurs propositions sur les fonds à la dis position des entreprises : interventions des banques en faveur de l’emploi en fonction de leurs soutiens publics, mise à contribution des profits et des dividendes,  crédit  à taux zéro pour les trésoreries des PME contre des non-suppressions d’emplois, taxation et conditionnement des aides contre les délocalisations.

La seconde urgence vise à « relever fortement le pouvoir d’achat populaire » et donc la « consommation ». Cela  concer ne le SMIC, les salaires, les retraites, les minimas sociaux. Et cela renvoie à une baisse de la TVA sur les produits de première nécessité. C’est ensuite l’exigence d’une Conférence nationale sur la revalorisation des salaires, du pouvoir d’achat, des qualifications. Il s’agirait donc aussi de l’importance de la formation.

La troisième urgence est « relancer l’investissement », « l’in vestissement public en premier lieu », avec l’ensemble « des dépenses publiques et sociales » et le budget. Il s’agit des in frastructures notamment pour le transport. C’est aussi non seulement l’annulation des suppressions d’emplois publics et du rationnement des services publics, comme dans l’éducation et la santé, mais au contraire la priorité de leur progression C’est l’abandon du pacte de stabilité européen et la renégociation d’un pacte pour l’emploi et la croissance.

Cela vise des plans ambitieux pour les transports, la re cherche, ou les logements sociaux, ainsi que des aides ex ceptionnelles aux collectivités locales. C’est l’annulation du paquet fiscal de 2007, la modulation de l’impôt sur les sociétés contre les placements financiers, pour le réel et l’emploi, la ré forme de la taxe professionnelle taxant les actifs financiers.

Pour l’investissement privé et des entreprises dans l’industrie et les services, sont mis en avant une mobilisation nationale pour la filière automobile, pour la filière de la construction et du bâtiment, pour les PME.

La quatrième urgence concerne le crédit. Il s’agit du contrô le et de la réorientation des soutiens publics des banques et de la constitution d’un pôle public du crédit, dont la composition  est détaillée, avec des pouvoirs d’intervention des salariés, des syndicats, des élus et des populations et de nouveaux critères d’utilisation  des crédits. Mais c’est aus si une refondation des missions et du rôle de la Banque Cen trale Européenne.

Enfin, pour la mise en œuvre du plan, mais aussi l’action im médiate l’anticipant, sont prévus l’ouverture du débat public et des rencontres avec les formations politiques de gauche, les syndicats et les associations. Sont également décidées des journées de mobilisation pour l’action.

Ce sont encore la création de «cellules de crise», avec les élus et les syndicats, dans les bassins d’emplois et les départe ments, ainsi que des interventions,  notamment auprès des préfets ou du médiateur du crédit, en particulier sur les cri tères d’utilisation de l’argent du plan de relance gouverne mental lui-même.

Le contre-plan du PS du 21/01/09,  comparaison avec celui du PCF et critiques

Le contre-plan du PS part, lui aussi, des critiques du plan de relance Sarkozy. Cela concerne surtout la mise en cause du soutien très prédominant de l’investissement, et de la gran de insuffisance de la consommation, en déclarant vouloir marcher sur les deux jambes : investissement et consom mation. Cela se rapporte aussi à l’ampleur affichée du plan, en opposant aux 26 milliards du plan gouvernemental, 50 mil liards, dont environ la moitié pour l’investissement et la moi tié pour la consommation.

Toutefois, il ne met pas autant l’accent que le PCF sur les trois autres éléments sur lesquels ce dernier insiste, outre, lui aus si, l’addition de la consommation à l’investissement : un autre crédit avec d’autres critères, une autre gestion des entreprises et les droits des travailleurs,  l’expansion des services publics.

En ce qui concerne, tout d’abord, le pouvoir d’achat et la consommation,  cela concerne une certaine hausse du SMIC et des retraites ainsi qu’une prime pour ceux qui perçoivent les minimas sociaux. Mais aussi est prévu un chèque de 500 € aux bénéficiaires de la Prime pour l’emploi, cette der nière étant pourtant critiquée, notamment par le PCF, parce qu’elle incite aux bas salaires versés par les patrons aux re preneurs d’emploi.

C’est encore la conditionnalité d’un accord salarial pour les allégements de charges sociales patronales, allègements eux aussi critiqués par ailleurs à gauche, car poussant aux baisses des coûts salariaux,outre les gâchis de cadeaux publics au pa tronat. C’est également une baisse de la TVA mais générale.

Pour l’investissement, il ferait l’objet de 26,8 milliards d’euros sur les 50 du plan global. Cependant, sur ces 50 milliards, financés notamment par la suppression du «paquet fiscal», tan dis que le déficit budgétaire ne serait creusé que de 5 mil liards,seulement 40 accroîtraient les dépenses budgétaires et10 seraient pour l’apport en capital aux banques.

Pour l’investissement public et social, il s’agit de conserver les mesures du plan gouvernemental pour les réseaux et in frastructures, puis de mesures de soutien aux collectivités territoriales, notamment pour accélérer leurs programmes, ainsi que d’un programme de logements sociaux.

Pour les dépenses publiques sur l’emploi, elles portent sur des « emplois aidés » supplémentaires et sur « le gel » des  sup pressions de postes dans la fonction publique, à la différence, non seulement de la non-suppression mais de la promotion de l’emploi dans les services publics pour le PCF.

À propos de l’investissement privé, et du financement des entreprises, il est prévu de faciliter l’accès au crédit, tandis que les apports publics aux capitaux des banques doivent être transformés en prise de participation  de l’État. Cepen dant, même si des Fonds régionaux sont évoqués, on ne trai te pas la question d’un pôle public et d’autres critères du cré dit. Et on ne traite pas de la question cruciale de la BCE, à l’opposé du PCF.

Des mesures sectorielles portent sur le bâtiment, l’industrie automobile, la recherche et l’environnement.

Enfin, pour les licenciements, il s’agirait de reprendre la dis position de la loi de modernisation sociale du gouvernement Jospin. Elle permettrait à la direction départementale du Travail, sous l’autorité  du juge, d’imposer à l’employeur des obligations de reclassement à proportion des moyens de l’entreprise, ce qui renchérit le coût des licenciements. Cela ne va pas jusqu’aux avancées du PCF concernant les sus pensions des licenciements et les tables-rondes sur des contre-propositions, s’appuyant sur d’autres utilisations des fonds dont peut disposer l’entreprise.

Pour une autre construction systémique et pour des luttes très nouvelles.

Pour finir, il convient d’évoquer le besoin d’articulation d’un plan de relance alternatif avec les luttes et mouve ments sociaux, ainsi qu’avec les propositions syndicales. Cela renvoie notamment aux propositions  communes dé taillées des CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT, FO, FSU, Solidaires, UNSA, du 5 janvier 2009 et à la mobilisation syndicale uni taire du 29 janvier.

Il s’agit, d’un autre côté, de l’articulation avec les exigences d’une tout autre construction systémique d’ensemble, au plan économique et anthroponomique. Et on devrait aussi consi dérer, sur ces bases, les nécessités d’organisations très nou velles, pour les luttes, y compris par la formation des militants.

Mais il s’agirait d’un tout autre travail. Soulignons seulement l’exigence cruciale d’une expansion formidable de la for mation continue, rémunérée et de qualité, des travailleurs et des citoyens. Elle fournirait un débouché aux produc tions, au-delà de celui des investissements, mais aussi des salaires ou autres revenus sociaux, et également des activités. Elle favoriserait la productivité, au côté des re cherches et les interventions  des travailleurs et des usagers dans les entreprises et les services publics. Cela se rattache à la montée décisive de l’ensemble des services publics, du local au national, au zonal et au mondial, jusqu’à l’instau ration de services et biens communs de l’humanité et à la construction d’une autre civilisation

 

 

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