Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Une crise financière sans précédent depuis 1929

Depuis le début de l’automne dernier, la conjoncture mondiale s’est brutalement assombrie.

18 mois de crise financière

La crise des « subprimes » s’est déclenchée  en août 2007 dans une période d’expansion de l’activité, à l’échelle du monde et particulièrement dans les pays «émergents». Tout de suite, elle s’est révélée plus violente et plus universelle que les crises comparables du capitalisme financiarisé (comme le krach boursier  de 1987 ou la crise « asiatique » de 1997-1998). Les pertes ont immédiatement affecté les banques des États-Unis et d’Europe, provoquant une menace de paralysie des marchés monétaires du dollar, de l’euro et de la livre sterling, que les banques centrales ont aussitôt combattue en augmentant fortement le montant de leurs interventions sur le marché interbancaire. Ces mesures énergiques n’ont pas empêché la faillite puis la nationalisation de la banque britannique Northern Rock, puis la reprise, aux États-Unis, de Bear Stearns par JP Morgan  pour le compte de la Réserve fédérale. À ce stade de la crise, le G8 avait instamment demandé aux banques internationales de publier l’état réel de leurs risques. L’aggravation de la crise qui s’est produite à partir de septembre 2008 a confirmé qu’elles n’en avaient rien fait. Se sont succédés en quelques jours la faillite des deux organismes semi-publics de refinancement des crédits hypothécaires américains, Freddie Mac et Fannie Mae (placés le 7 septembre sous tutelle du Trésor américain qui s’engage à reconstituer leur capital jusqu’à hauteur de 200 milliards de dollars), le dépôt de bilan de Lehman Brothers le 15 septembre, le même jour le rachat de Merrill Lynch par Bank of America et le lendemain la nationalisation de facto de la plus grande compagnie d’assurance du monde, AIG dont l’État américain reprend 79,9 % du capital pour 85 milliards de dollars. Le 25 septembre, les dépôts de Washington Mutual, banque mutualiste en faillite, sont repris par JP Morgan.  En Europe, se succèdent les défaillances de HBOS (rachetée par Lloyd  TSB le 18 septembre), de Fortis (dont BNP Paribas prend le contrôle en Belgique et au Luxembourg  le 5 octobre dans le cadre d’une opération financée par les États belge, néerlandais et luxembourgeois),  d’Hypo Real Estate en Allemagne, de Bradford & Bingley au Royaume-Uni, de Dexia dont les gouvernements français et belge assurent le sauvetage en décidant le 30 septembre de souscrire à une augmentation  de capital de 6,4 milliards d’euros.

La gravité des événements et le climat de panique qui commençaient à s’installer dans les milieux économiques et sur les marchés boursiers ont conduit les gouvernements à mettre en place des dispositifs globaux de soutien aux banques, avec deux objectifs affichés : prévenir un effondrement complet du système financier et inciter les banques à continuer à financer les entreprises.

Il faudra attendre le 3 octobre pour que le plan Paulson, prévoyant, dans sa version initiale, une garantie par le Trésor des risques supportés par les banques américaines jusqu’à 700 milliards de dollars, soit adopté par le Congrès. En Europe, c’est le 12 octobre, date d’une réunion du G7 à Paris, qu’une série de plans nationaux sont présentés, prévoyant soit une nationalisation partielle des banques (en Grande-Bretagne) soit une prise en charge de leurs risques (en France et en Allemagne).

Système financier : la crise n’est pas finie

Le marché monétaire n’est plus paralysé mais il n’a pas encore retrouvé des conditions de fonctionnement normales, telles qu’elles prévalaient avant août 2007 : début janvier

2009, les banques de la zone euro désireuses  d’emprunter de l’argent pour trois mois à leurs confrères devaient payer un demi-point d’intérêt au-dessus du taux de l’argent au jour le jour fixé par la Banque centrale, alors que cet écart, en temps normal, ne dépasse pas 0,2 point.

Indicateur des tensions sur le marché monétaire  de l’euro

La chute du financier Madoff – une autorité morale de Wall Street devenu du jour au lendemain un spéculateur honni de tous ! a révélé que la crise continuait ses ravages dans la sphère financière. Le dernier épisode majeur en janvier a été l’annonce de 28 milliards de livres sterlings de pertes par Royal Bank of Scotland, et la réponse du gouvernement britannique sous la forme d’une nouvelle institution dotée de 50 milliards de livres pour absorber les créances compro mises de l’ensemble des banques. Mais, partout dans le monde, l’attention se porte maintenant sur le risque de récession résultant à la fois d’une perte générale de confiance des agents économiques et du durcissement de leurs conditions d’accès au crédit.

Le durcissement des conditions de crédit contribue à la transmission de la criseà l’ensemble de l’économie mondiale

Des deux côtés de l’Atlantique, les banques durcissent bel et bien les conditions auxquelles elles accordent leurs crédits à leur clientèle.

Voir graphique : France : conditions d’octroi des crédits des banques aux entreprises

Cela se traduit concrètement par une remontée des taux d’intérêt.

Voir graphique : France : taux des crédits aux entreprises

Mais plus significative encore est la remontée récente des taux d’intérêt «réels» (taux d’intérêt corrigés de la hausse des prix) sous l’effet du reflux de la hausse des prix à la consommation. Un des cercles vicieux de la crise est que nous rentrons dans un cycle de taux réels supérieurs au taux de croissance: les créanciers des entreprises (banques, compagnies d’as surance, fonds de placement, opérateurs de LBO...) prélèvent chaque année une part croissante des richesses créées.

Voir graphiques :

  • France : taux d’intérêt «réel» des obligations d’État comparé au taux de croissance du PIB
  • États-Unis : taux d’intérêt  « réel » des obligations  d’État comparé au taux de croissance du PIB
  • Allemagne  : taux d’intérêt  « réel » des obligations  d’État comparé au taux de croissance du PIB

Le résultat est bien une accentuation des difficultés du crédit, ciblée sur les PME.

La récession arrive

Jusqu’en octobre, l’économie « réelle » (hors les secteurs comme l’automobile directement handicapés par la hausse du pétrole enregistrée jusqu’à l’été dernier) donnait l’im pression de résister plutôt bien à la dégradation du contexte financier telle qu’elle s’est manifestée depuis la mi-2007. Cela se comprenait : le cycle d’accumulation  entamé au sortir de la précédente récession (2002-2003) n’était pas encore arrivé à maturité. D’ailleurs, en 2008, les groupes du CAC40 auront réalisé 94 milliards d’euros de profits, à peine moins qu’en 2007 qui était une année record, et les performances financières de la plupart d’entre eux devraient rester excellentes en 2009.

Mais pour ce qui concerne l’économie dans son ensemble, depuis l’automne chaque nouvelle prévision vient corriger à la baisse les précédentes. Une récession est certaine entre la mi-2008 et la fin 2009 dans tous les pays développés ; seul l’élan en partie conservé de la croissance dans les pays émergents préserverait l’économie mondiale d’un recul de l’activité en 2009. Les prévisions les plus récentes à la date d’écriture de cet article, celles de la Commission euro péennes, sont particulièrement noires ; elles évoquent une récession mondiale.

Croissance annuelle du PIB : Prévisions du FMI au 6 novembre 2008, de l’OFCE au 23 décembre 2008 (avec prise en compte des plans de relance connus à cette date) et de la Commission européenne au 19 janvier 2009

  2007 2008 2009
    FMI OFCE UE FMI OFCE UE
- Mond

4,9

3,7 3,4 3,3 2,2 1,6 0,5
- Etats-Unis 2,0 1,4 1,2 1,2 -0,7 -0,6 -1,6
- Chine 11,9 9,7 9,8   8,5 7,8 6,2
- Zone Euro 2,5 1,2 0,9 0,9 -0,5 -0,5 -1,9
- Allemagne 2,6 1,7 1,3 1,3 -0,8 -0,4 -2,3
- France 2,1 0,8 0,9 0,7 -0,5 -0,4 -1,8

 

Aux Etats-Unis

Les États-Unis sont officiellement  déclarés en récession depuis  le début  2008. Ce diagnostic semble cohérent avec la dégradation rapide de l’emploi et la remontée du chômagequ’on observe en effet depuis un an.

voir Graphique : 1  États-Unis : emploi  total dans les secteurs non agricoles

Le plan de soutien au pouvoir d’achat mis en place par l’administration Bush dès janvier  2008 pour un montant de 140 milliards de dollars (1 % du PIB) a effectivement soutenu l’activité mais trois facteurs vont concourir à la réduire dans les prochains mois : les  « effets de richesse négatifs » consécutifs à la baisse des prix immobiliers et des marchés financiers, la hausse du chômage et la contraction de la demande extérieure.

La crise immobilière  est loin d’être terminée. De nouveaux ménages vont continuer de devoir vendre leur logement. Plus globalement, on assiste au retournement des effets de richesse qui avaient soutenu la consommation et l’investis sement des ménages depuis dix ans. Cet effet, modéré en Europe continentale, est maximal dans les pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni où toute une dynamique écono mique s’était construite sur l’accès des couches moyennes aux marchés boursiers et au crédit gagé par les gains espérés sur le prix de leur logement.

L’emploi décline depuis le début de l’année, et de plus en plus vite, après un essor moins marqué que lors des cycles précé dents. 2,6 millions d’emplois ont été détruits en 2008 dans le secteur non agricole. Le taux de chômage est déjà supérieur au niveau qu’il avait atteint au plus fort de la précédente récession, au début de la décennie.

Voir graphique : États-Unis  : le taux de chômage se rapproche  du niveau atteint dans la zone euro

Enfin, la contraction de la demande extérieure pourrait peser également sur la conjoncture, à moins que le dollar ne connaisse un nouveau recul par rapport à l’euro (ce qui n’a rien d’invraisemblable), voire aux monnaies asiatiques (ce qui paraît peu probable). La situation  désespérée des trois grands groupes de l’automobile témoigne de la violence de la dépression qui menace.À l’heure où ces lignes sont écrites, on ne connaît pas encore le contenu précis du plan de relance de Barack Obama. Le nouveau président insiste surtout, et on comprend pourquoi, sur l’objectif d’une création de 3 à 4 millions d’emplois, probablement à l’aide de subventions fiscales aux ménages – en plus des mesures déjà décidées pour les banques et pour l’automobile.

Au Japon

Jamais complètement remis de la déflation des années 90, le Japon est clairement aujourd’hui  en récession. Le PIB recule depuis le deuxième trimestre 2008 et devrait continuer  à le faire au moins jusqu’à la mi-2009. Les deux facteurs qui avaient soutenu l’activité ces dernières années – la vigueur de la demande extérieure (notamment américaine et chinoise) en biens d’équipement et la faiblesse du yen – se sont retournés avec, entre autres facteurs, le débouclage des positions spéculatives (dites de yen carry trade) qui avaient longtemps consisté à emprunter des yens à un taux proche de 0 % sur le marché japonais pour les placer sur des marchés pratiquant des taux plus rémunérateurs : États-Unis ou grands pays émergents.

Dans les pays émergents

Depuis le début de la décennie, les pays émergents tiraient vers le haut la croissance mondiale.

Les pays émergents  « tirent vers le haut » la croissance mondiale

Voir graphique : Évolution annuelle du PIB à prix constants, en %

Économies avancées : États-Unis, Canada, Australie, Nouvelle Zélande, Japon, Corée du Sud, Hong Kong, Singapour, Taïwan, Union européenne à 15, Chypre, Malte, Islande, Slovénie, Norvège, Israël.

Économies émergentes et en développement :  le reste du monde.

Les effets de la crise ne les ont pas atteints tout de suite mais en 2009 ils frappent d’autant plus fort que ces pays sont fragiles. Les différentes zones se situent de façon très différente face aux soubresauts de la conjoncture.

Les pays producteurs  de pétrole

La chute des cours du pétrole et de la plupart des autres matières premières depuis l’été dernier a été encore plus brutale que leur hausse ne l’avait été depuis la crise des « subprimes ». Il faut y voir à la fois le reflux de la spéculation (mais où s’est-elle reportée ?) mais aussi une sensibilité de cette donnée économique à la conjoncture, qui promet de nouvelles flambées de prix en cas de reprise mondiale, même temporaire.

Voir graphiques : Cours du pétrole et des matières premières importées

La chute des cours du brut explique la brutalité extrême de la crise en Russie, dont la monnaie a perdu 15 % de sa valeur depuis l’été 2008 bien que la Banque de Russie ait dépensé le quart de ses énormes réserves de change (600 milliards  de dollars, trois fois plus que toute la zone euro) en l’espace de 4 mois.

Les nouveaux  pays industrialisés  d’Asie

Après la « crise asiatique » de 1997,  ces pays  ont réduit leur endettement et se sont trouvés moins exposés aux entrées de capitaux spéculatives en provenance des pays développés. Les conséquences directes de la crise des « subprimes » y ont donc été limitées mais ils souffrent maintenant très intensé ment du freinage de la demande mondiale (l’OFCE prévoit que la demande mondiale ralentisse de 4,4 % en 2008 à 0,6 % en2009). La récession est déjà engagée dans des économies aussi significatives que Singapour et Hong Kong.

L’Amérique latine

Aux effets du commerce international s’ajoutent dans cette zone des pressions des marchés de capitaux internationaux qui ont fait baisser leurs monnaies de 20 à 30 %, elles mena cent l’Argentine  et ont obligé l’Équateur à déclarer un mora toire de sa dette extérieure.

Toutefois, la plupart de ces pays partent de finances publiques excédentaires (hors intérêts de la dette) ce qui leur a permis de présenter des plans de relance (16 milliards de dollars en Argentine, 4 milliards de dollars d’allégements fiscaux au Brésil).

Le reflux de l’inflation consécutif à la baisse des cours des matières premières est de nature à favoriser la mise en œuvre de ces politiques  de relance.

La Chine

L’évolution de la situation en Chine est une des grandes inconnues de la conjoncture, pour ses répercussions, potentiellement incalculables, à la fois sur la situation sociale et poli tique intérieure et sur la conjoncture mondiale. Il est certain qu’un ralentissement est en cours. Les autorités  s’en inquiè tent et ont décidé un plan de relance représentant 5 % du PIB. La politique monétaire a été assouplie. Les fermetures d’usines dans les industries du jouet, du textile, de la sidérurgie et de la construction ont déjà poussé des millions de migrants vers les campagnes. Un facteur positif (comme en Amérique latine) est le reflux de la hausse des prix à la consommation. Mais il subsiste un facteur d’inquiétude peu souvent évoqué : avec les difficultés  de leurs concurrentes occidentales, les banques chinoises sont devenues les plus grosses du monde mais que deviendrait la qualité de leurs bilans en cas de retournement de conjoncture (passer de 11 % à 6 % de crois sance en serait un) facteur d’inquiétude.

Les pays d’Europe  de l’Est

Contrairement à d’autres  économies  émergentes, ces pays ne semblent pas disposer de marges de manœuvre pour soutenir la conjoncture. L’Ukraine est une catastrophe économique à elle toute seule. Quant aux nouveaux pays membres de l’UE,

« pris en tenaille entre un risque de change et un risque d’ef fondrement de leur demande intérieure, les nouveaux pays membres de l’UE semblent avoir fait le choix d’écarter un plan de relance massif qui pousserait les déficits publics au-delà du seuil de 3 %, repoussant ainsi la date d’adhésion à la zone euro», estime l’OFCE. Pour l’instant, ils n’ont donc pas les avan tages de l’euro, mais ils ont tous les inconvénients de la construction  monétaire européenne actuelle.

La zone euro

À court terme,

ce qui frappe le plus, c’est la brutalité du coup de frein au quatrième trimestre.

 

Voir graphique : Zone euro : indicateur synthétique dans l’industrie manufacturière

Cet indicateur résume la tonalité des enquêtes européennes de conjoncture :plus il est haut, les industriels considèrent que la conjoncture est favorable

La confiance des chefs d’entreprises est à son plus bas histo rique et le phénomène touche tous les pays. La confiance des ménages également.

Voir Graphique : Zone euro : indicateur  de confiance des ménages

Rien n’annonce une amélioration  sur ce front : la détériora tion de l’emploi devrait entraîner une baisse du pouvoir d’achat malgré le recul de l’inflation.

L’INSEE s’attend à un recul particulièrement prononcé de l’in vestissement au quatrième trimestre (-2,3 % sur la zone),  en raison à la fois du freinage de la demande et du durcissement des contraintes de financement.

À moyen terme,

les handicaps de la zone reflètent les faiblesses structurelles de la construction européenne actuelle, sacrifiant l’emploi et les salaires à la construction d’un espace financier attrayant pour les capitaux à la recherche de rentabilité.

Voir graphique : Cours de l’euro en dollars

De ce point de vue, le cours toujours élevé de l’euro constitue un facteur de difficultés supplémentaires, tandis que le Pacte de stabilité – même si ses modalités sont assouplies comme il convient en temps de crise – limite les marges de manœuvre en matière de relance budgétaire.

Le décollage des spreads (écarts entre les taux des obligations d’État des différents pays de la zone euro et les taux de la dette publique allemande) témoigne des doutes qui commencent à naître sur les marchés sur la cohésion même de la zone euro.

Voir graphique : Obligations d’État à dix ans – écart avec le taux allemand

La France

Bien sûr, l’hypothèse officielle la plus récente d’une croissance comprise entre 0,2 et 0,5 % en 2009 n’a plus aucune vraisemblance et Devedjian – ministre de la «relance» – a reconnu qu’il faudra la réviser. La note de conjoncture de l’INSEE arrêtée au 11 décembre s’intitule «Récessions ». Elle prévoit un recul du PIB de 0,8 % au quatrième trimestre et de 0,4 % au premier trimestre 2009.

Les dernières données conjoncturelles confirment, en France comme dans la zone euro, un coup de frein brutal de l’activité au quatrième trimestre.

Voir graphique : France : production  industrielle

Les prochains mois devraient confirmer le freinage de la consommation, le recul de l’investissement, la persistance des déséquilibres du commerce extérieur et la remontée du chômage.

Concrètement, l’effondrement des emplois intérimaires, puis les mesures de chômage technique, particulièrement dans l’automobile, et maintenant la succession des plans de licen ciements auront été jusqu’à présent les manifestations les plus visibles de la déflation qui menace. Elles contribuent à entre tenir l’angoisse sociale ; elles pourraient rapprocher, dans l’exi gence d’autres solutions,  les différentes couches du salariat, des chômeurs et des précaires, y compris une partie des cadres du privé pris de vertige devant la menace de mort à laquelle sont confrontées nombre de PME.

Voir graphique : France : taux de chômage au sens du BIT

Quelles stratégies de politique économique face à la crise ?

Un point de vue très répandu dans le débat sur les politiques économiques consiste à considérer qu’il y a une sorte de course de vitesse entre les enchaînements de la récession et les plans de relance.

La dégradation de la conjoncture et les faillites de banques se nourriraient mutuellement pour entraîner toute l’économie mondiale dans une spirale déflationniste vertigineuse dont les conséquences sociales pourraient être encore plus incon trôlables que dans les années trente. Cette perspective conduit les analystes les plus inquiets à demander une augmentation du volume des mesures de relance, avec une priorité à la demande (salaires…). Elle semble partagée par les autorités américaines, le FMI, les autorités chinoises pour autant qu’on puisse en juger, en France l’OFCE(1). En adoptantun plan de relance de 50 milliards d’euros au début janvier, le gouvernement allemand semble s’être plus ou moins rallié à cette thèse après y avoir longtemps résisté.

Chez d’autres gouvernements européens et à la BCE, c’est un point de vue différent qui semble prévaloir : davantage d’at tention est donnée à la maîtrise à moyen terme des déficits publics et à la prévention d’éventuels débordements infla tionnistes en cas de reprise. On peut interpréter cette attitude en l’attribuant à la conviction que les plans de relance succes sifs finiront bien par marcher – toutes les prévisions actuelles tablent sur un certain redressement de l’activité en 2010 – et qu’on risque d’assister alors à une reprise qui surprendra par sa vigueur autant que la récession actuelle donne le vertige. La prudence serait donc nécessaire pour anticiper ce scénario à moyen terme : plutôt que de relancer à tout prix la demande aujourd’hui, il conviendrait de préparer l’avenir par des mesures ciblées sur le soutien de l’offre. On reconnaît là les

Chez d’autres gouvernements européens et à la BCE, c’est un point de vue différent qui semble prévaloir : davantage d’at tention est donnée à la maîtrise à moyen terme des déficits publics et à la prévention d’éventuels débordements infla tionnistes en cas de reprise. On peut interpréter cette attitude en l’attribuant à la conviction que les plans de relance succes sifs finiront bien par marcher – toutes les prévisions actuelles tablent sur un certain redressement de l’activité en 2010 – et qu’on risque d’assister alors à une reprise qui surprendra par sa vigueur autant que la récession actuelle donne le vertige. La prudence serait donc nécessaire pour anticiper ce scénario à moyen terme : plutôt que de relancer à tout prix la demande aujourd’hui, il conviendrait de préparer l’avenir par des mesures ciblées sur le soutien de l’offre. On reconnaît là les justifications dont le gouvernement Sarkozy entoure son propre plan de relance (voir dans ce numéro...).

Avantage de cette deuxième attitude : elle laisserait des marges de manœuvre pour de nouvelles politiques de relance à l’horizon 2011-2012. Celles-ci pourraient se révéler bien nécessaires tant il est vrai qu’un soutien de la conjoncture, pour nécessaire qu’il soit dans les circonstances présentes, ne saurait apporter de réponse aux causes profondes des difficultés : la crise d’efficacité du capital, telle qu’elle s’est manifestée depuis le milieu des années soixante, et la réponse qui lui a été apportée par la domination des marchés finan ciers et des critères de rentabilité du capital dont cette domination est porteuse.

En ce sens, si la crise actuelle est grave, c’est parce qu’elle n’est probablement  pas la dernière du genre, mais aussi parce qu’elle n’est pas la première. L’économie capitaliste a échappé depuis vingt ans à un scénario semblable à celui des années trente parce que les instruments de la poli tique conjoncturelle ont été utilisés de plus en plus intensément pour l’éviter. Mais ces instruments commencent à atteindre leurs limites.

Les politiques monétaires sont extraordinairement expansionnistes au Japon, aux États-Unis et même en Europe (la BCE a élargi ses critères d’intervention jusqu’à accepter de refinancer les crédits aux entreprises cotées BBB-). Quant aux politiques budgétaires, elles sont sollicitées à l’extrême depuis cet automne, mais selon quels critères d’efficacité économique et sociale  ? Comment  seront-elles financées ? Les craintes d’un prochain « krach obligataire » reflètent l’efficacité insuffisante de ces actions. Elles constituent, aux États-Unis comme en Europe, un des principauxfacteurs d’incertitude.

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(1) « Comment désamorcer une déflation ? », Lettre de l’OFCE no 305, 23 décembre

2008.




 

 

                                

 

 

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