Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Airbus militaire : acrobaties aériennes dans le ciel européen

Les luttes pour la défense de l’emploi industriel sont un des éléments marquants de la période. Au-delà de la médiatisation de certaines formes d’action et actes de désespoir, il nous faut relever le fait que ces luttes ne s’arrêtent pas à une défense de l’emploi  en soi, mais posent publiquement  des questions d’intervention dans les stratégies, de rapport à la vie et au développement des territoires ou de l’utilisation de l’argent public.

Année 2009 :Une série de déclarations inquiétantes

Printemps 2009 : Menaces  assassines sur le programme A400.

Le 17 mars, Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement, annonce que la France réfléchit à la possibilité de réduire ses commandes d'avions de transport militaire A400M ;

Suite à des retards dans l’exécution de ce programme, le 29 mars 2009, Thomas Enders, président d'Airbus, lançait un autre pavé dans la mare en affirmant qu'Airbus « n'est pas en mesure de construire l'avion » et « qu'il vaudrait mieux annuler le programme plutôt que de s'enfoncer dans les difficultés. »

L'A400M est assemblé à Séville, dans le sud de l'Espagne.

Actuellement sont commandés : 180 avions par 7 pays européens et 12 à l'export.

Cet appareil à hélices est équipé de quatre turbopropulseurs.

Le coût de développement de l'A400M est estimé à une vingtaine de milliards d'euros, pour une bonne part en raison des conséquences financières, industrielles et humaines des retards

Le Ministre français de la Défense Hervé Morin, de son côté, tout en déclarant qu'il faut donner à ce programme les chances de se poursuivre, glisse que l’A400M accuse au moins quatre ans de retard.

Puis, la France, l’Allemagne, l’Espagne, la Grande-Bretagne, la Turquie, la Belgique et le Luxembourg ont récemment indiqué que les retards de l'appareil les conduisaient à envisager des solutions de substitution. Sont alors évoqués l’avancement du programme MRTT (A330 Multi Role), la location de C-17 à l'OTAN, voire d’avions russes de type Antonov et le prêt de Transalls allemands, en meilleur état que les Transvalls Français.

En juin, la direction  d’EADS se veut à demi rassurante au Salon du Bourget

La direction EADS a indiqué que le banc d'essai volant du moteur  a effectué douze de ses quatorze vols (soit près de 50 heures de vol) sans problème particulier.

Selon elle, le logiciel de régulation, qui était « le problème », était prêt pour un premier vol de l'A400M (qui a eu lieu depuis) et son moteur serait certifié par l'EASA d'ici à la fin de l'année ou début de 2010.

Le PDG d’EADS indiqua que l’A400 sera de très loin l'avion de transport militaire le plus moderne de nouvelle génération et que l’erreur avait été de sous-estimer, à la signature du contrat, l'ensemble des risques qui sont portés par l'industriel !

Il profita donc de l’occasion pour réclamer des moyens financiers supplémentaires.

Les sociétés provisionnent

EADS a en outre averti le 10 mars que de nouvelles "provisions  A400M" étaient susceptibles d'affecter son résultat opérationnel au cours des prochains mois, alors que les dépassements de coûts du programme atteignent déjà deux milliards d'euros. Selon certains analystes, les surcoûts pourraient totaliser trois milliards d'euros en 2009. EADS avait récemment évalué que l'annulation du contrat -lancé  en 2003 avec les sept  pays et d'un montant de 20 milliards d'euros au total -se traduirait par 5,7 milliards d'euros de remboursements d'avances. Il a déjà provisionné  2,1 milliards d'euros pour les retards. Tout comme les motoristes Rollsroyce, Safran et MTU (124,4 millions) ainsi que l’électronicien Thalès. Sur ce programme, Thalès a déjà provisionné 80 millions d'euros en deux temps (20 puis 60 millions en 2008) pour couvrir la période  2005-2008. Selon nos informations, la perte à terminaison s'élèverait à ce jour à 100 millions  environ.

A l’automne, le coup de canif de la France :

Un nouveau coup de canif est apporté par la France, elle-même, début octobre, avec l’annonce de l’achat d’une douzaine de KC-390 d'Embraer, pour un montant situé entre  500 et 750 millions d'euros. Il s’agit d’un futur avion de transport militaire tactique équivalent au Hercules  C-130 américain, et donc futur concurrent de l’A400.

La réalité de la situation

Le constructeur aéronautique travaille pour un premier vol de l'appareil en 2009, qui, initialement, était prévu pour janvier  2008. EADS réclame une renégociation du contrat avec les pays clients pour en abaisser les caractéristiques guerrières comme le vol de nuit à basse altitude.  Ce serait un assouplissement du cahier des charges, qui ne serait "entièrement rempli » qu'après une période de transition.

Difficultés techniques insurmontables ou craintes sur le taux de rentabilité  ?

Longtemps, c’est la motorisation, confiée dès le lancement du programme en 2003 à un consortium réunissant notamment le Britannique  Rolls Royce et Snecma devenue en 2005 filiale du Français Safran), qui fait l’objet de tension entre le donneur d’ordre et son fournisseur.

La situation du moteur

Le 9 avril de la direction de Safran indiquant que les motoristes fourniraient d'ici « quelques mois » à Airbus le système de propulsion certifié de l'avion de transport militaire A400M. Celle-ci confirmait  que le problème, c’est le logiciel de régulation du moteur dont la mise au point mobiliserait 200 ingénieurs chez MTU et demanderait encore plusieurs mois.

On est en droit de se demander pourquoi le calculateur moteur à été confié à MTU, alors que le spécialiste de la question est la SNECMA.

En Juin au salon du Bourget, la direction d’EADS indiquait à propos du calculateur, le logiciel de régulation qui était « le problème », semble maintenant sur la bonne voie pour un premier vol de l'A400M et de son moteur certifié civil par l'EASA d'ici à la fin de l'année ou début de 2010, ce qui signifie des livraisons en 2102 pour l'armée française afin de répondre aux besoins opérationnels de transport tactique et stratégique.

L’EASA, l'Agence européenne  de la sécurité aérienne, avait imposé des règles extrêmement strictes de développement de logiciels pour assurer leur traçabilité.

Début octobre 2009, le moteur TP400 vient d’achever sa campagne d’essais en vol à bord du C-130 de Lockheed Martin. Le turbopropulseur a volé près de 54 heures, uniquement sur C-130 Hercules. On ne sait pas si le système numérique de régulation des moteurs (Fadec), qui a constitué la principale cause des retards (au moins trois ans) du programme a donné satisfaction.

Il y a quelques semaines, Louis Gallois affirmait  justement que le vol inaugural de l’A400M devrait se dérouler en décembre à Séville, ville où l’appareil est assemblé. Ce premier vol était jusqu’ici prévu pour « fin 2009, début 2010 », mais  « la probabilité pour décembre  augmente  », déclarait le président exécutif d’EADS.

Les nuages techniques se dissipent-ils pour l’A400M  ?

 

L’imbroglio continue

Dans la foulée du salon du Bourget, les ministres europens de la Défense des sept pays impliqués  dans l'Airbus de transport militaire A 400, se sont donné un mois de réflexion supplémentaire durant lequel ils s'engagent à ne pas se retirer du programme et à ne pas réduire leurs commandes.

Ce nouveau  sursis d'un mois signifie que les gouvernements ne sont pas parvenus à un accord pour entamer une période de renégociation de six mois, comme le proposaient Paris et Berlin.  Ce délai d'un mois devrait essentiellement être consacré aux questions financières. Les actionnaires privés du groupe EADS, tentent de revoir à la hausse le prix unitaire  de 145 millions  d'euros.  

Une aubaine pour la Grande-Bretagne, Cheval de Troie US en Europe, qui a commandé  25 (sur les 180 appareils  A400M commandés par des pays européens membres de l'Otan) et menace de se retirer du projet.

L’agence Reuters indique que Londres aurait posé, pour son maintien, des conditions que ses partenaires pourraient ne pas accepter.

"Si la Grande-Bretagne devait prendre cette décision, cela aurait un impact, mais cela ne mettrait pas ce programme en danger", a estimé ainsi Enders dans une interview au quotidien espagnol El Economista.

Une affaire politique et de financement qui implique la vigilance des salariés.

Pourquoi tant de retards et d’atermoiements politiques ? Un lien évident existe entre ces retards  et la privatisation de l’Aérospartiale.

Des responsables d'EADS ont prévenu de leur côté que construire l'avion sur la base du contrat actuel handicaperait le groupe formé en 2000 par la fusion d’activités clés françaises, allemandes et espagnoles dans l'aérospatiale et la défense.

Les nouvelles orientations du pouvoir politique et des dirigeants d’Airbus, d’EADS et d’autres firmes comme La SNECMA devenue Safran, donnant priorité à la recherche de profits immédiats, ont conduit au renoncement à des compétences et aux investissements nécessaires pour l’harmonisation des outils.

Le plan d’entreprise POWER 8 a entraîné  l’externalisation en pays low coast, la vente de sites, la suppression de milliers d’emplois, un déficit prononcé en matière de formation et la casse du tissu industriel sous-traitant.

L'accentuation de la remise en cause de l’A400 n’estelle aussi pas renforcée par le retour de la France dans l’OTAN  ?

Il faut sans doute chercher du côté de l’OTAN, les raisons de tous ces atermoiements. D’autant que dans des entretiens séparés après le sommet de l'OTAN à Strasbourg, ce sont la Grande-Bretagne et l'Allemagne, qui ont menacé de mettre fin au programme  A400M, en raison, prétendentelles, de retards préjudiciables à leurs opérations militaires en Afghanistan.

L’alignement de Sarkozy sur toutes les décisions des USA, n’a-t-il pas des prolongements  dans le domaine des équipements  ? De telles inflexions de la politique française pèseraient-elles sur ce dossier ?

Et quel est le rôle des militaires français aujourd’hui titulaires de postes au commandement de l’OTAN ?

Conclusion.

La recherche de rentabilité financière immédiate et le lance ment de projets aussi ambitieux (techniquement)  que l'A400M et les autres programmes aéronautique sont de plus en plus incompatibles. En premier lieu l’absence d’une véritable politique de sécurité d’emploi et de formation accompagnant chaque nouveau programme est patente.

En second lieu, nous devons poser les bases pour une reprise en main de cette industrie par la puissance publique y compris à l’échelle européenne.

Car en ce qui concerne  EADS, le besoin d’une réappropriation publique et sociale européenne est posé.

Les salariés de l’aéronautique,  avec l’appui des communistes qui y travaillent, ont le devoir de s’emparer de cette question de l’A400 et d’y associer les salariés et les citoyens.

Mener une action pour que ce programme aboutisse ne signifie pas un soutien à la politique de gendarme du monde que mènent Sarkozy, et l’Europe de droite.

Cela action relève à la fois de la souveraineté de notre pays mais aussi d’une construction européenne transformée dans tous les domaines, y compris militaires.

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.