Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Plan de départs volontaires de Michelin : cynisme et hypocrisie

L'annonce d'une réorganisation de Michelin  en France présentée au nom du renforcement  "en France  de ses activités de recherche et du développement et de la spécialisation de ses sites de production-masque en fait une stratégie toute orientée vers la seule satisfaction des actionnaires de Michelin.

Jamais, Michelin n'aura fait preuve d'autant d'hypocrisie et de cynisme.

Qu'on en juge :

Le groupe annonce l'engagement d'un plan de départs volontaires ouvert à l'ensemble du personnel visant à réduire de 3000 le nombre d'emplois en France dans les trois ans à venir et de 1093 dès 2010. Il prévoit la restructuration de plusieurs sites ainsi que la fermeture de l'usine de Noyelles-lès-Seclin, dans le Nord (265 salariés) et une suppression d'emplois massive sur le site de Montceaules-Mines (477 postes).

Dans son communiqué du 17 juin, il précise que « grâce à ce plan, les salariés concernés par cette réorganisation, au nombre de 1093, bénéficieront pour 495 d'entre eux, de mesures d'âge spécifique, et pour 598 d'une mobilité facilitée à l'intérieur du groupe. Il sera donc proposé  chacun au moins deux postes dans d'autres usines en France ».

Il affirme  sans complexe que «le souhait de Michelin est que tous ces salariés continuent à travailler au sein de l'entreprise ».

Mais, Michelin sait parfaitement que la grande majorité des salariés concernés par ces propositions sera dans l'impossibilité  de les accepter comme c'est le cas dans tous les plans de ce genre.

C'est un licenciement collectif déguisé

En fait, contrairement à ce qu'il prétend, son seul objectif est de continuer ce qu'il a engagé depuis de longues années : freiner ou réduire la masse salariale en supprimant des emplois et en faisant pression sur les salaires pour répondre aux exigences sans bornes des actionnaires.

De 2000 à 2008, la part des salaires  dans la production s'est réduite de 5,3 points, tandis que les dividendes, eux, ont progressé de 147 millions d’euros sur 8 ans. Tandis que la part des salaires s’est réduite  de 15%, les dividendes  ont été multipliés  par 2,5. (voir tableau ci-dessus)

Part des salaires dans le chiffre d'affaires du groupe : une glissade ininterrompue

Michelin entend se saisir de la situation créée par la crise pour accélérer et renforcer cette démarche. Ainsi, il prend prétexte de la baisse des ventes pour justifier une réduction du personnel et pour mettre en difficulté certains sites pour les fermer ou les réorganiser.

La crise a bon dos

Au moment même où la direction  de Michelin annonce son plan de suppressions d'emplois, elle fait état d'une baisse des volumes de vente de 24,4 % au premier trimestre 2009. Une baisse, qui selon elle « reflèterait  très essentiellement la chute des marchés de pneumatiques... Dans l'ensemble des zones de commercialisation du groupe à l'exception de la Chine ».

Mais les dirigeants taisent leurs propres responsabilités dans cette chute des ventes.

Et, alors que la productivité a augmenté de 20 % ces deux  dernières années – ce qui devrait entraîner une sensible baisse des prix des pneumatiques et donc permettre la conquête de nouveaux marchés Michelin augmente de 11% les prix de ses pneumatiques au cours du premier trimestre 2009.

Alors qu'il en a sa part de responsabilité, il utilise cette chute des ventes de pneumatiques pour faire accepter comme fatal son « plan d'adaptation des effectifs».

L'emploi comme variable d'ajustement

En 2008, la baisse des ventes qui avait commencé a eu, en fait, un impact financier très limité (244 millions d'euros) si on le compare à l'impact de l'augmentation du prix des matières premières (804 millions d'euros) : pourquoi ?

Parce que Michelin a utilisé tous les dispositifs de flexibilisation  du travail pour adapter, sur le dos des salariés, sa production aux commandes : licenciements des intérimaires  et des CDD, après avoir imposé congés et RTT aux salariés en CDI, mesures  de chômage partiel.

Et cela tout en maintenant sa politique  salariale désastreuse. Alors qu'en 2009, Michelin voudrait, avec la mise en place de ces restructurations, aller plus loin en faisant supporter l'essentiel de l'impact des nouvelle baisses de ventes aux salariés, il y a une occasion de faire tout autrement. Au lieu des suppressions d'emplois, il faut faire monter des solutions alternatives :

● revoir la politique des prix,

● utiliser le ralentissement de la production pour des mises en formation massive,

● lancer de nouveaux projets au lieu de sacrifier les investissements pour maintenir les dividendes,

●  faire la clarté sur les mouvements de fonds dans les filiales, notamment la société internationale  de plantations  d'hévéas – SIPH (voir encart ci-après)

Spéculation sur les matières premières : Michelin a-t-il gagné sur tous les tableaux ?

Sur le plan financier, en 2008, bien plus que la baisse des ventes, c'est l'augmentation des prix des matières premières qui, selon la direction, aurait le plus aggravé les coûts de l'entreprise (804 millions d'euros pour les hausses de matières premières et 164 millions d'euros pour celles de l'énergie et des transports). Ainsi Michelin aurait été la victime des spéculateurs sur les matières premières.

Or, si les hausses de matières premières ont eu un impact négatif sur les comptes du groupe, cette spéculation sur le caoutchouc n'a-t-elle pas eu aussi une retombée financière dans la filiale des plantations Michelin (SIPH) qui exploite  les 21 000 hectares d'hévéas au Brésil et au Nigeria ? Quelle utilisation  de ses profits spéculatifs par la filiale de Michelin ?

Ainsi, Michelin s'est appuyé sur cette spéculation sur les matières premières pour, augmenter les prix de ses pneus et quand les prix de ces matières premières ont baissé après l'éclatement de la bulle spéculative, il n'a pas répercuté cette baisse afin d'accroître  ses marges bénéficiaires.

Non ce plan ne vise pas à maintenir l'emploi en France

La direction  de Michelin prétend qu'il faut « renforcer la productivité et l'efficacité de nos usines pour faire face à l'avenir».

Or, ce discours a déjà été entendu.

C'est au nom de cela qu'il a été demandé sacrifices et efforts aux salariés dans le passé. Ce qui, selon les propres calculs de la direction, a permis d'améliorer de 20 % sa productivité ces deux dernières années. Mais à quoi ont servi ces efforts ?

L'amélioration  de la productivité : parlons-en !

Cette amélioration  de 20 % de la productivité  en deux ans signifie

que pour produire  une même quantité de pneumatiques, on a moins dépensé d'argent pour rémunérer du travail et on a économisé sur le matériel, notamment en le faisant fonctionner plus vite et plus longtemps. C'est le résultat d'une utilisation des nouvelles technologies pour encore intensifier le travail, pour ajuster au maximum la production en fonction de la demande. Mais tous ces ajustements sont, en permanence, obtenus par une flexibilité et une disponibilité totale des salariés à ce type de gestion.

Mais tous ces efforts, et les profits qui en ont découlé, ont visé quels objectifs ?

● Ont-ils élargi les débouchés de l'entreprise  ? Non, alors  que cette augmentation de la productivité aurait pu permettre la baisse des prix des pneumatiques,  et donc de mieux maintenir les volumes, Michelin  a fait le choix de maintenir  des prix élevés, c'est le profit  qu'il l'a emporté.

● Ont-ils servi à développer de nouveaux projets, notamment ceux que le centre de recherche de Michelin a développé comme pour les véhicules propres ? Pas du tout, sinon ceux dont on attend une rentabilité financière maximum. Or, Michelin aurait la capacité de développer des activités lui permettant de reconvertir,  avec une vraie formation adaptée, les salariés dont les emplois deviennent obsolètes avec la mise en œuvre des nouvelles technologies. Ainsi, Michelin pourrait  garder et même accroître  ses effectifs,

● Ont-ils servi à réduire le temps de travail, la pénibilité des hommes, à améliorer les conditions de travail ? Pas du tout, le seul objectif est quelque soit la conjoncture, crise ou pas d'assurer  la dîme versée aux actionnaires. Tout est sacrifié à ces objectifs.

C'est le résultat d'une politique du tout pour la finance, tout pour les banques et les actionnaires, notamment des Fonds de pension et d'investissement étrangers qui ont investi à 75 % le capital de Michelin, et cela avec la complicité de la famille Michelin et de Laurence Parisot qui siège à son Conseil d'administration.

C'est pourquoi, les salariés ont eu raison de contester le manque de justifications économiques du plan social et l'absence d'informations. Ce qui a amené le comité central d'entreprise à désigner un cabinet d'experts pour éclairer les salariés.

Oui, les moyens existent pour modifier  les choix de Michelin contre l'emploi et les hommes.

La crise financière et économique a mis en avant comme jamais l'exigence d'intervention de l'État, et des pouvoirs publics face à la folie des gestions capitalistes.

L'affaire Michelin peut être un cas exemplaire. Il est une occasion pour le Président de la république, le gouvernement ainsi que tous les responsables politiques et économiques du niveau local au niveau européen et mondial d'aller au-delà des mots et des injonctions velléitaires.

En effet, Michelin a été, comme toute la filière automobile,  une entreprise qui bénéficie au maximum des mesures de relance, d'aides publiques multiples, des contributions de la recherche publique et des services publics, notamment de formation.

Le plan de relance de la filière  automobile  qui dispose  de 7,8 milliards d'euros accompagné du dispositif de prime à l'achat.  Ce plan a mis en place également un Fonds de modernisation  des équipementiers automobiles  dotés de 600 millions d’euros. Ce plan, pour l'essentiel financé par des fonds publics, va contribuer  à amortir fortement la chute des ventes d'automobiles en France.

Michelin a aussi bénéficié des réductions de taxe professionnelle et bénéficié de l'extension du crédit d'impôt recherche.

Mais cette débauche de fonds publics ou de cadeaux fiscaux va-t-elle encore être accompagnée par une politique  accentuée de flexibilisation – précarisation des emplois, de facilitation  des licenciements avec le contrat de transition  professionnelle, l'abaissement de cotisations sociales patronales tirant vers le bas tous les salaires. Sans parler des tentatives sur le travail du dimanche et l'augmentation de la durée du travail hebdomadaire, annuelle et tout au long de la vie.

C'est dire l'enjeu d'une bataille  sur :

● la sécurisation de l'emploi, de la formation,

● l'augmentation des salaires,

● la mise en œuvre de projets d'activité (voitures propres, matériaux nouveaux...)

●  l'utilisation  des fonds publics et du crédit dont bénéficient de Michelin,

● l'utilisation des bénéfices dégagés par le travail  des salariés pour l’intervention afin de contrôler et réduire les opérations financières contre l'activité productive,  de recherche, et de services utiles aux développement des salariés et pour répondre aux exigences écologiques, de qualité et de sécurité,

● l'exigence d'un nouveau type de financement responsabilisant le groupe,

Trois propositions de loi pour contribuer au développement des luttes et aux alternatives

Face à la montée de la crise et à la vague, sans précédent  en France, de suppressions d'emplois, les députés communistes ont avancé trois propositions  de loi avançant des réponses politiques alternatives, en écho avec les mouvements sociaux.

Ces propositions de loi visent notamment :

● A interdire  les licenciements dans les entreprises qui font des profits, qui ont dégagé des bénéfices, constitué des réserves, distribué  des dividendes ou reçu des aides publiques.

C'est le cas de Michelin qui vient d'annoncer un plan social déguisé au moment même où il s'apprête à verser  plus de 40 % de ses bénéfices 2008 sous forme de dividendes  à ses actionnaires.  Cela au détriment des investissements, de la recherche, de l'emploi et de la formation.

● À reconnaître de nouveaux droits aux salariés à l'entreprise,

● A porter le SMIC à 1600 euros, à augmenter les impôts  pour  les contribuables les plus riches et créer un pôle public financier.

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