Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Note de lecture sur Migrations et Mondialisation de Jean Magniadas

Un ouvrage  qui vient à point nommé analyser de façon scientifique la politique  des migrations internationales et tout particulièrement la phase  actuelle  à l’heure de la mondialisation libérale et de la crise systémique en cours. Après avoir étudié  dans  une  première partie  l’analyse  historique et spatiale  des migrations. Dans une deuxième partie, l’auteur présente les mouvements migratoires en direction de la France du XIXème  siècle à aujourd’hui en mettant  en lumière  la surexploitation des immigrés et les discriminations qu’ils subissent tant en matière de santé, d’éducation, d’ emploi etc. La troisième partie analyse la politique  menée par Nicolas  Sarkozy en  matière d’immigration dissimulée der rière  un  certain  nombre de  concepts dangereux, comme  « l’immigration choisie  » en af firmant  qu’elle  sera  le  moyen d’assurer  une meilleure « intégration » des immigrés. Le remplacement de Brice Hortefeux par Eric Besson  transfuge du Parti socialiste, la désignation d’un Haut Commissaire  à  la diversité,  s’accompagnent de  la poursuite des mêmes objectifs,  encourageant en réalité le  racisme  et  les  thèmes de  l’extrême droite.  Le mot  même d’intégration  a des  connotations autoritaires, normatives, des relents colonialistes. Tandis que le concept  « d’insertion  » prétend  désigner  les processus complexes d’adoption par les migrants de la société  d’accueil. Nous reproduisons, ci après un extrait,  portant  sur la question de  l’insertion,  du livre de Jean Magniadas  : Migrations et mondialisation. Il fait clairement apparaître  que l’insertion résulte des conditions matérielles d’accueil : systèmes scolaire et de santé, logement, emploi, revenus. Ce qui renvoie le plus souvent à l’État, aux services  publics. Mais l’insertion comporte également  des facteurs idéologico culturels (relations de sociabilité, tolérance, droits, ou au contraire campagnes réactionnaires, xénophobes,  racistes, véhiculées par la droite et l’extrême droite tendant à  présenter l’immigration comme  le  bouc  émissaire, responsable de la crise, du chômage, de l’insécurité. Jean Magniadas  présente alors une réflexion sur des pistes alternatives pour offrir une issue  de progrès à la crise et aux divisions.

Bonnes feuilles :

L’insertion n’existe pas dans le vide et elle se heurte aux conditions matérielles, sociales, idéologiques existantes, parfois à l’attitude de la population du pays d’accueil, à une faible ouverture aux autres. Pèsent donc, contre l’insertion, la surexploitation capitaliste,  la xénophobie,  le racisme, les préjugés, les faibles possibilités  de participation sociale, Il s’agit ici des droits réduits dont disposent les étrangers, de leur participation aux institutions, à la vie civique et démocratique. Qu’on n’oublie  pas, par exemple, que le droit syndical a longtemps été refusé aux immigrés et qu’ils n’ont pas le droit de vote aux élections politiques, Leur participation à des communautés constituées, souvent sur une base religieuse ou ethnique,  n’annihile  pas, obligatoirement, le processus d’une insertion  effective. Les communautés, spontanées ou organisées, qui se fondent sur le plan du travail, dans l’entreprise,  [Syndicats, partis politiques,  etc.] ou la localité [Associations diverses, Partis, etc.), génératrices de solidarité,  sont des facteurs souvent favorables à l’insertion.

Tous ces éléments interviennent dans l’attitude des immigrés étrangers par rapport à l’acquisition de la nationalité du pays d’installation.

Les tenants des thèses nationalistes, ont érigé le dogme de « l’impossibilité d’une insertion  réussie et voulue  », souvent parce qu’ils se refusent à en voir, lucidement, les exigences, à en accepter les coûts et qu’ils voient dans son échec le maintien de leurs privilèges, réels ou imaginaires. Du refus global, ils sont passés à l’anathème contre  des étrangers non européens. Les pratiques  culturelles et sociales constituent des indicateurs intéressants pour appréhender le processus d’acculturation  des populations  immigrées ou issues de l’immigration et indiquer  des obstacles qu’elles rencontrent.

L’enquête de l’INED, déjà citée, bien qu’ancienne permet de comprendre les difficultés objectives de l’insertion. Ainsi, plus l’illettrisme, souvent dû aux difficultés  de la construction d’un système scolaire dans les pays d’origine, est répandu dans la population  migrante, plus les difficultés  à apprendre le français sont importantes. Par contre, la proximité linguistique (Espagnol, portugais, italien, etc.) facilite le processus d’acquisition de la langue et l’insertion. Les migrants d’Afrique noire scolarisés parlent le plus souvent le français correctement, à l’inverse une minorité  mal scolarisée ne le parle pas du tout.  Ceux du Sud-Est asiatique, scolarisés, d’un niveau social, en moyenne, assez élevé ont, une faible maîtrise du français. Or, la hiérarchie dans la maîtrise orale de la langue se retrouve, pour la lecture et l’écriture.

On obser ve que la langue d’origine  est très souvent abandonnée, quand le conjoint  est né en France. La déperdition des langues des parents parmi les jeunes d’origine étrangère est variable, plus forte parmi les jeunes d’origine algérienne. La maîtrise de l’espagnol demeure forte  parmi  les jeunes de cette origine, mais la maîtrise de leur langue d’origine  est moindre  pour  les jeunes portugais  (pas d’enseignement de cette langue dans leur cursus scolaire).

A l’époque de l’enquête, les migrants espagnols ont une sociabilité  avant tout familiale, très ouverte sur la société d’installation, tenant à la dispersion  de leur habitat,  à la fréquence des mariages mixtes, une désaffection religieuse voisine de celle observée, en moyenne, en France. La sociabilité des migrants portugais est de même type, mais un peu plus souvent communautaire, avec une pratique  religieuse plus élevée que la moyenne française, même chez les jeunes.

S’agissant des immigrés algériens, leur sociabilité est peu étendue, avant tout interne et familiale. Pourtant  les jeunes ne privilégient pas les relations communautaires, cependant l’habitat  et les quartiers où ils résident favorisent une sociabilité mélangée. Les hommes vivant  durablement séparés de leur conjointe  sont restés très pratiquants.  Les autres  immigrés  d’Algérie  sont nombreux à se déclarer sans religion ou à ne pas pratiquer. Les jeunes de cette origine sont aussi nombreux que les autres jeunes vivant en France à déclarer : ne pas avoir de religion ou à ne pas pratiquer. Immigrés et jeunes issus de cette immigration, nés en France, se déclarent attachés au respect des interdits alimentaires et du ramadan, avec toutes les incertitudes qu’il peut y avoir au niveau des pratiques effectives. L’observance de ces rites  semble s’affaiblir,  lorsque  les jeunes quittent  le foyer de leurs parents.

Les immigrés du Maroc ont une sociabilité  assez développée de type interne,  mais relativement étendue et une pratique  religieuse supérieure à celle observée chez les migrants algériens. La sociabilité  des migrants d’Afrique noire est assez mélangée. Les Associations jouent un rôle important dans l’organisation d’une sociabilité communautaire. La pratique  religieuse est relativement élevée.

La sociabilité  des migrants  originaires  du SudEst de l’Asie, est avant tout, familiale, favorisée par un commerce ethnique, le maintien de traditions culinaires. Les immigrés de Turquie ont une sociabilité extrêmement forte, mais qui se heurte à un obstacle linguistique important et semble révéler une préférence ethnique, d’ailleurs favorisée par leur concentration résidentielle.

La dimension familiale est un facteur important de l’insertion car elle appelle une transformation des pratiques matrimoniales traditionnelles. C’est  le  cas  de  la  polygamie,  pratique  peu répandue en France. L’exil influe sur les pratiques matrimoniales.  La polygamie devrait disparaître dans les générations élevées en France. Les jeunes nés en France, d’origine  algérienne, vivent  très rarement avec un conjoint  choisi dans leur parenté. Pour les migrants enfants, on observe une baisse, des familles d’immigrés d’Algérie et de Turquie à intervenir dans le choix du conjoint  de leurs enfants, plus spécialement pour les filles. Les unions se trouvent fragilisées dès que, assez rarement semble-t-il, le choix se fait sans le consentement des intéressés. C’est parmi les immigrés, arrivés célibataires, que se recrutent l’essentiel des couples mixtes. Les pratiques  de mises en couple sont diversifiées. La pratique du « mariage à l’essai » est la plus fréquente pour les couples mixtes. Les unions mixtes dans lesquelles les femmes sont engagées sont plus stables que celles où ce sont des hommes : les unions de ceux-ci avec une française de souche sont plus fragiles. La propension aux mariages mixtes des jeunes ayant vécu en France au moins  une partie  de leur enfance proposée comme indicateur d’insertion par certaines études est variable selon les pays d’origine.

Les ef fets per vers de la politique migratoire restrictive renforcent le contrôle exercé par les familles, tout en rendant très attractive l’union avec une jeune femme résidant en France alors qu’existe un déséquilibre élevé des possibilités de mariages dans la même ethnie, lorsque l’immigration demeure à prépondérance masculine.

Encore ne fautil pas se focaliser  sur le seul mariage. A l’époque  de l’enquête un quart des jeunes filles  algériennes vivant  en couple sont avec un français de souche : les « unions libres » représentent la forme privilégiée des unions mixtes et se trouvant, en concordance  avec la tendance générale de la société.

Les éléments constitutifs du processus d’insertion résultent des conditions  de la société d’accueil. Les obstacles matériels, sociaux, éducatifs, idéologiques, contrarient la volonté  d’insertion des migrants et doivent être combattus, car ils tendent à marginaliser  toute  une fraction  de la population et, ainsi, à l’écarter, de la socialisation, qui est au principe  de leur insertion.

Leurs pratiques conserveront, plus ou moins longtemps, la trace des cultures d’origine, mais tendent, finalement, à s'agencer sur les pratiques nationales du pays où résident les immigrés. Cette insertion  les conduit à postuler la nationalité  du pays d’accueil et aux droits qui s’y attachent.

Les difficultés  de l’insertion sont délibérément exploitées dans l’instrumentalisation des épreuves « d’intégration » pour contrôler l’accès à l’immigration et à la naturalisation.

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