Après avoir vu dans la première partie (Economie et Politique mai-juin 2009) l'importance de ce qui se joue au niveau de la production et du financement des richesses nouvelles, voyons, dans cette deuxième partie, ce qui se joue au niveau de la répartition des richesses. Ensuite nous présenterons quelques propositions pour une transformation profonde et cohérente des politiques économiques, sociales et monétaires.
Partons d’une production de richesses nouvelles : on l'appelle valeur ajoutée (VA)
VA= Production vendue - Consommations intermédiaires,
Exemple : La valeur ajoutée de l'artisan boulanger et de ses salariés
=
produit de la vente du pain - valeur de la farine pour le produire
Les conflits de répar tition deviennent plus forts quand la valeur ajoutée ne croit pas suffisamment ou, pire, quand sa croissance devient négative.
-- Il y a le traditionnel bras de fer entre les salaires et les profits,
-- Il y a, de plus en plus, le bras de fer entre les prélèvements financiers et les prélèvements publics et sociaux, les prélèvements pour les marchés financiers et les prélèvements pour les dépenses publiques et sociales.
C’est ce conflit entre type de prélèvements que l’on retrouve derrière le débat rémanent sur le finance- ment de la protection sociale, par exemple.
Les cotisations sociales sont calculées en fonction des salaires versés, mais prélevées, en fait, sur la valeur ajoutée produite hors salaires.
Attention au consensus PS-droite pour diminuer les cotisations sociales versées par les entreprises, y compris avec l’idée que les allègements de cotisations sociales patronales ne seraient consenties que dans le cadre de négociations salariales.
Il faut combattre les baisses des cotisations sociales patronales car :
-- Elles tirent vers le bas tous les salaires, mettent en concurrence les salariés,
-- Elles freinent la demande et la formation,
-- Elles accroissent les profits disponibles pour les placements financiers et la spéculation.
Cette politique d’allègement des cotisations sociales patronales a été menée systématiquement depuis le début des années 1990 à partir de l’idée qu’il faut défendre la compétitivité des entreprises et baisser, pour cela, le coût du travail en diminuant les prélè- vements publics et sociaux sur la valeur ajoutée des entreprises et en « modérant les salaires ».
Entre 1991 et 2008 (inclus) le total cumulé des exonérations de cotisations sociales patronales atteint 260,6 milliards d'euros, dont 221 milliards d'euros compensés par l'État( cf. tableau 2).
Cela veut dire que, de 1991 à 2008 les profits supplémentaires ainsi rendus disponibles pour les capitaux ont atteint 261 milliards d'euros entraînant au cours de ces 17 années une augmentation de la charge pour les contribuables d’un montant équivalent.
En fait la part des exonérations de cotisations sociales patronales dans les cotisations sociales du secteur privé a progressé, passant de 16% en 2000 à 20,9% en 2007.
Cela a marché de pair avec l’explosion des dividendes et intérêts payés par les entreprises sur la même période.
En 2007, selon les Comptes de la nation (INSEE), les cotisations sociales patronales ont totalisé 142 milliards d’euros, quant la somme des charges financières (intérêts payés) et des dividendes atteignait, elle, 314 milliards d’euros.
C’est pourquoi, il ne faut pas seulement viser un nouveau partage de richesses mais il faut aussi chercher à changer la production de richesses et son financement, De même, il faut, certes, relancer la consommation et, pour cela, augmenter les salaires et le SMIC (avec une Conférence nationale des salaires). Mais, il faut aussi :
-- Financer cette augmentation nécessaire,
-- Augmenter la masse de revenus revenant aux salaires tout en accroissant l'efficacité productive de la France (formation massive),
-- Intervenir dans la gestion des entreprises pour baisser les coûts du capital et non pas les coûts salariaux.
D'où l'importance du conditionnement nouveau de la croissance des investissements réels, matériels et de recherche, par un essor des emplois et des quali- fications entraînant celui de la masse salariale.
Cette politique de baisse du coût salarial de l'emploi, de freinage des dépenses publiques et sociales pour « accroître la compétitivité » et combattre les délocalisations a débouché sur une catastrophe.
Depuis 1991, les différents gouvernements, en alternance, n’ont pas cessé d’exonérer les entreprises du paiement de cotisations sociales patronales au nom de l’encouragement à la création d’emplois, puis, de plus en plus ouvertement, au nom de la compétitivité et de la lutte contre les délocalisations.
Entre 1991 et 2008 inclus, le total cumulé des exonérations de cotisations sociales patro- nales atteint 260,6 milliards d’euros, dont 221 milliards d’euros compensés par l’Etat et, donc, directement pris en charge par les contribuables.
La part des exonérations dans les cotisations patronales du secteur privé a beaucoup augmenté :
Source : ACOSS STAT- n°77 décembre 2008
Les investissements directs faits à l’étranger par des entreprises françaises, incluant donc les délo- calisations, sont de plus en plus massifs et excèdent de plus en plus les investissements étrangers en France :
Données brutes – milliards d’euros
Source : STATINFO- Banque de France-11/02/ 200.9 a : chiffres semi-définitifs. b : chiffres provisoire.
Évolution du solde des échanges de la France (milliards d’euros- FAB-FAB y. c. militaires)
Source : Douanes françaises
A titre d’illustration, on peut relever qu'en 2008 – pour la première fois depuis 25 ans – la balance des échanges commerciaux d'automobiles de la France est devenue déficitaire, passant d’un excédent de 1 milliard d’euros en 2007 à un déficit de 4 milliards d’euros en 2008. Et cela alors que notre pays possède deux constructeurs parmi les plus importants au monde (Renault et PSA).
Les énormes efforts de délocalisation des construc- teurs poussent leurs équipementiers à délocaliser : d’où la faiblesse de la valeur ajoutée nationale.
En réalité, la baisse du coût salarial de l’emploi qui vise à comprimer la part des salaires dans les richesses produites, comme la baisse des impôts (cf. la taxe professionnelle) qui vise à diminuer la part des richesses produites revenant aux populations via le financement des services publics :
- N’arriveront jamais à nous ramener au niveau des coûts chinois, turcs ou indiens et donc n’arriveront jamais à contrer leur attirance pour les entreprises qui veulent baisser le coût du travail ;
- Entraînent l’insuffisance de la demande et des quali- fications en France et, donc, minent les ressorts de la croissance réelle nationale ;
- Cela, au total, encourage les exportations de capitaux des groupes (et de leurs sous-traitants obligés de suivre) vers les pays où la croissance est plus forte, États-Unis en tête, mais aussi Canada (80% des inves- tissements directs français à l’étranger se font dans les pays les plus développés), sans parler des pays émergents.
-- Repli sur l'hexagone et rapatriement de production en France, nécessairement associés à la crois- sance du chômage dans les pays à bas salaires de délocalisation,
-- Entraves aux échanges internationaux qui entraîneront des rétorsions et des cycles d'affronte- ments pesant sur la croissance mondiale,
-- Union sacrée capital/travail visant, en fait, à protéger les positions et rentes des capitalistes en France,
-- Illusion dangereuse car on prétend ainsi protéger les salariés, l’emploi, les standards sociaux nationaux sans du tout s'attaquer aux prélèvements financiers du capital sur les richesses produites, en ne touchant rien aux critères de gestion des entreprises, à leurs formidables gâchis d'argent (public notamment), aux critères du crédit, aux critères des ser vices publics.
Cela ne veut pas dire pour autant, bien sûr, qu'il ne faut pas de protections, mais des protec- tions pour les salariés et les populations, pas pour le capital et d’intenses coopérations nouvelles de co-développement avec les pays à bas coûts salariaux.
Avec la politique économique, il s'agit de l'ensemble des décisions prises par les pouvoirs publics, pour « réguler » l'économie d'un pays à l'aide de divers instruments.
-- politique budgétaire,
-- politique monétaire,
-- politique des revenus,
-- politique des prix,
Dans la conception dominante, la politique économique sert à « corriger » le marché, soit parce qu'il n'est pas en mesure de permettre des taux de profits suffisants et suffisamment sûrs, soit parce que ses effets sociaux sont trop ravageurs. Il s'agit désormais, de changer le sens de la politique économique, au service des luttes, pour un nouveau type de croissance et de développement, en changeant l'orientation de tous les mécanismes d'incitation qu'elle mobilise et en favorisant l'intervention des salariés et des populations pour promouvoir un modèle social de progrès inscrit dans la visée d’une nouvelle civilisation.Il s’agit alors de rechercher une cohérence de la politique économique alternative, avec de nouveaux indicateurs de réalisation et une continuelle « intervention-délibération » des salariés et de leurs organisations, des citoyens, de leurs associations et de leurs élus à partir d’objectifs sociaux et d’emplois chiffrés dans de véritables Conférences régionales et nationales annuelles. Cela renvoie à un triangle de cohérence à construire :
Moyens financiers pouvoirs
Et cela à tous les niveaux d’intervention et de décision : local, national, européen et mondial.
A) De nouveaux objectifs sociaux et sociétaux de la politique économique :
1 – Sécuriser l'emploi, la formation et les revenus du monde du travail et de la création :
On voit désormais l'explosion du chômage avec la crise économique. Après le renvoi massif des intérimaires et le non-renouvellement des contrats à durée déterminée, c’est la multiplication des plans de licen- ciements pour motifs économiques, des licencie- ments pour « faute » ou, encore, des ruptures de contrats « à l’amiable ».
a) - Enjeu majeur de la période :
-- S'opposer aux licenciements pour imposer d'autres solutions dans le traitement des difficultés des entreprises,
-- Pour cela, s'inscrire dans la visée d'une sécurisation de l'emploi, de la formation et du revenu, contre la « flexicurité » que les gouvernements mettent en place dans tous les pays de l'Union européenne, Avec la révolution informationnelle, on ne peut plus se contenter de viser le « plein emploi », comme autrefois, c'est-à-dire le maintien d'un volant de chômage avec, nécessairement, beaucoup de précarité autour.
Il faut et on peut sécuriser et promouvoir l'emploi, la formation, le revenu et diminuer résolument le temps de travail.
Mais il faut, simultanément, accroître fortement le temps passé par chacune et chacun en formation, dans des activités de promotion de soi-même, tout au long de la vie et créer de très nombreux nouveaux emplois efficaces.
Nous proposons ainsi d'engager sans attendre, en riposte aux chantiers de la « flexicurité », les luttes et les rassemblements de construction progressive d'un système de sécurité d'emploi et de formation pour chacun.
Pleinement réalisée, cette sécurité d'emploi et formation assurerait à chacun et chacune voulant travailler un emploi ou une formation pour revenir par la suite à un meilleur emploi, avec une sécurité de bons revenus et de droits, des rotations entre chaque activité ou encore d'un emploi à un autre, mais maîtrisées par les intéressés.
Ainsi, graduellement, on supprimerait le chômage par une sécurisation croissante d'ac- tivités et une mobilité choisie de promotion.
b) - Quatre grands chantiers d’intervention :
■ La sécurisation des parcours professionnels :
-- Lutter pour imposer des moratoires sur les suppressions d'emplois, avec la perspective que ces avancées
pratiques des luttes débouchent, ensuite, avec de nouveaux rapports de force politiques, sur la
conquête d’un véritable droit de veto suspensif des décisions patronales de destruction ou délocalisation des emplois.
-- Les salariés, leurs comités d'entreprises, les syndicats doivent pouvoir faire prendre en compte des propositions alternatives pour permettre à toutes les personnes concernées :
-- soit d'être maintenues dans des emplois modernisés avec de bonnes formations ;
-- soit d'être reclassées dans de bonnes conditions choisies.
-- Pour cela on cherchera à diminuer les coûts du capital et non les coûts salariaux :
Intérêts payés aux banques et créanciers,
Dividendes versés aux actionnaires,
Gâchis d'équipement avec l’insuffisance de formation,
Prélèvement des grands donneurs d'ordre sur leurs
sous-traitants../..
L’exemple de l'automobile
C’est un enjeu immédiat dans l'automobile avec, au lieu de la mise en chômage technique, le finan- cement partagé de la mise en formation pour anticiper sur les futurs emplois à créer pour concevoir, développer et produire un nouveau modèle à bas coûts, populaire et écologique. Le Fonds d’investissement social (FISO) arraché par la lutte devrait massivement être mobilisé pour cela et sa dotation, si insuffisante aujourd’hui (2,3 milliards d’euros), devrait être multipliée par 10. De même, les fonds spécifiques mis à la disposition des constructeurs et de leurs sous-traitants devraient être orientés dans ce sens.
■ L'indemnisation du chômage, le retour à l'emploi avec le développement d'un nouveau service public de sécurisation de l'emploi et de la formation
On mesure l’importance de cet enjeu avec les dysfonctionnements entraînés pour le service public de l’emploi par la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC dans un « pôle emploi » aux effectifs gravement insuffisants et insuffi- samment formés, ouverts, à la privatisation. Et cela-même alors qu’a été gravement accentuée la culpabili- sation et la chasse des chômeurs pour leur faire accepter n’importe quel type d’emplois à faible coût salarial. Il s’agirait de construire en pratique un vrai droit à l’emploi et à la formation tout au long de la vie pour chacun-e.
■ De nouveaux contrats de travail sécurisés au lieu des contrats précaires
Cela concerne d’abord les jeunes (mais aussi, de plus en plus, les « seniors ») avec l’exigence de contrats à plein temps dotés d’un double volet : Un volet « formation », plus ou moins important selon les compétences et le niveau de formation des intéressés, et un volet « emploi », le tout payé au même taux horaire que celui dont béné- ficient les autres salariés sur le même poste de travail. Simultanément les contrats précaires seraient progres- sivement convertis en CDI.
Ces batailles doivent se conjuguer avec celles absolument nécessaires pour accroître fortement le pouvoir d'achat, en accroissant les salaires, les pensions et les retraites et en impulsant un grand essor nouveau des revenus de formation financé, de façon mutualisée, par les entreprises et les institutions publiques :
-- Augmentation sensible du SMIC (1600 euros bruts) et ouverture de négociations sous forme d'une Confé- rence annuelle sur l'emploi, les salaires les quali- fications et leur financement.
-- L'essor des salaires s'accompagnerait, bien sûr, dans un premier temps d'une augmentation des importations (14 % de la consommation des ménages est en fait de produits importés),
-- Mais ces effets pourraient être maîtrisés par de :
-- Très gros effort de formation pour accroître les qualifications,
-- Une progression des revenus de formation soutenant la demande des ménages.
c) - Coopérer contre les délocalisations et le dumping social :
La dimension européenne de ces batailles est désormais décisive, notamment avec la nécessité de lutter contre les délocalisations et le dumping social et construire des coopérations de co-développement.
■ Il s'agirait par ticulièrement, en appui à la conquête de pouvoir des salariés sur les gestions des entreprises pour les réorienter, de s'engager dans la construction d'incitations massives anti-délocali- sations et anti-dumping et de coopérations hardies. Notre idée : Outre la fiscalité, on mobiliserait un nouveau crédit massif et sélectif pour les investissements dans les secteurs les plus exposés, au service de la promotion de normes sociales et environnementales avec nos partenaires.
Ce crédit inciterait à sélectionner les investissements porteurs de meilleurs salaires, d'emplois et de formations qualifiantes supplémentaires, aussi bien en France, en Europe que dans les pays partenaires à bas coût salarial.
Le taux d'intérêt de ce crédit diminuerait d'autant plus que les investissements à financer programmeraient plus d'emplois, de formations, d'augmentation des masses salariales.
Il serait, par contre, relevé, jusqu'à être très pénalisant, pour les investissements de délocalisation.
La prise en charge publique des intérêts de ce crédit pourrait être financée notamment par le produit de taxes douanières sur les produits ne respectant pas les normes sociales et environnementales décidées.
Pour répondre au besoin d'une nouvelle civilisation, avec un nouveau type de croissance et de développe- ment durable, il y a nécessité absolue de faire croître très rapidement :
-- Les dépenses de santé, éducation, recherche, logement, social, transports, énergie... Aux conditions nouvelles exigées par les enjeux :
-- Démographiques avec l'allongement de la durée de la vie,
-- Technologiques avec la nécessité d'un essor de la recherche et de la formation tout au long de la vie,
-- Ecologiques avec la nécessité d'économiser les moyens naturels.
Pour tout cela, il faut s’extraire du carcan du Pacte de stabilité et développer de nouveaux financements pérennes, massifs et sélectifs en coopération, au service d’une expansion forte et continue des dépenses collec- tives nécessaires à la promotion des capacités de chaque individu, sans élitisme ni exclusion, pour tous les grands moments de la vie. Mais il faut aussi que les ressources ainsi allouées aux services publics ne soient pas gâchées. D’où la nécessité, en luttant contre leur marchandisation et leur pénétration par les critères de rentabilité financière, de promouvoir :
■ Des critères d'efficience sociétale des services publics à l’appui d’un puissant développement des pouvoirs croisés d'intervention des salariés et les usagers ;
■ Un nouveau type d'entreprises publiques, au lieu de l'idée de « service universel » minimum assuré en Europe par les entreprises privées avec cahier des charges. Ces nouvelles entreprises publiques devraient viser l'efficacité sociale, au lieu de la rentabilité financière, et assumer des missions de sécurisation et de promotion de l'emploi et de la formation, au-delà des missions traditionnelles de service public, en coopération.
D'où l'enjeu :
-- d’une appropriation sociale (propriété du capital, gestion, financement),
-- de coopérations nouvelles intimes, du local au national et du niveau européen au niveau mondial, avec le défi, désormais, de promouvoir des biens communs à l’humanité ( eau, énergie, santé, éducation, culture, écologie, recherche, monnaie et crédit…).
B) De nouveaux financements pour réaliser ces objec- tifs sociaux en France et en Europe :
1 - Réorienter le crédit et maîtriser autrement la poli- tique monétaire :
Face à l'explosion de la crise financière et à son développement en crise économique mondiale, les États interviennent massivement :
En France, 450 milliards d'euros environ ont été mobi- lisés, dont 360 milliards pour soutenir les banques, alors qu'on nous a répété qu'il n'y avait pas d'argent, que les caisses étaient vides pour pouvoir répondre aux revendications !
Mais cet argent est déversé sans du tout toucher aux critères du crédit et aux critères de gestion des entre- prises, tandis que les emplois publics sont massacrés et que les financements des ser vices publics sont rationnés.
2 - Création d’un pôle financier public
-- D’où les énormes blocages : l'argent qui coule à flot ne permet nullement de décoincer le crédit, les banques l'utilisant surtout pour augmenter leurs marges et verser des dividendes, quand ce n’est pas à l’appui d’une relance de la spéculation, tandis que les plans de licenciements se multiplient, les grands groupes faisant massivement boire la tasse aux PME et versant eux-mêmes d'importants dividendes.
D'où l'énorme enjeu politique d'une nouvelle maîtrise du crédit et de la politique monétaire avec l'idée, lancée depuis 1997, de la création d'un pôle financier public :
Il mettrait en réseau, sous contrôle public et social, la Caisse des dépôts, les Caisses d'épargne et les banques populaires, Oséo, la Banque postale, les banques mutualistes dans le strict respect de leurs statuts, avec des banques en difficulté à re-nationaliser comme Natixis, mais aussi de grandes banques privées, elles aussi, à renationaliser.
On ajouterait l'ensemble qui vient d'être constitué par Sarkozy avec la Société de financement de l'économie (SFE), la Société de prise de participations de l'État (SPPE) et le Fonds stratégique d'investissement (FSI).
Cet ensemble serait, bien sûr, refondu, démocratisé et sa gestion guidée par de nouveaux critères de gestion d'efficacité sociale.
Ce serait une très grosse force de frappe qui, ainsi, serait mobilisée.
a) Ce pôle serait chargé de développer un nouveau crédit
(ne pas refaire la même chose que lors des « nationalisations » de 1982).
Ce serait un crédit sélectif à long terme :
-- Pour les investissements matériels et de recherches des entreprises ;
-- Avec un taux d'intérêt qui pourrait être abaissé jusqu'à zéro, voire négatif (une partie du crédit, non remboursable, jouant alors le rôle d’une subvention) ;
-- Ce taux d’intérêt serait d'autant plus abaissé pour l'entreprise emprunteuse que son investissement programmerait, de façon contrôlée, plus d'emplois durables, de qualité, avec de bons salaires et plus de formations bien rémunérées
Ce nouveau crédit inciterait ainsi à de nouvelles gestions des entreprises, en liaison avec les luttes pratiques. Il s'agirait, particulièrement, pour baisser les coûts des entreprises, de diminuer les coûts en capital matériel et financier, plutôt que les coûts salariaux.
b) Engager tout de suite la bataille pour développer quatre prises transformatrices de ce pôle financier public :
■ Une prise locale :
Nous avançons l'idée d'aller, tout de suite, vers la mise en place de Fonds publics régionaux alimentés par une dotation budgétaire de chaque Conseil régional. Il prendrait en charge tout ou partie des intérêts des crédits des entreprises (PME) pour leurs investissements réels, avec des taux d'intérêt d'autant plus abaissés qu’ils programmeraient plus d'emplois et de formations.
Ces Fonds publics régionaux pourraient être saisis par les comités d'entreprise, les délégués du personnel, les syndicats, les associations, des élus locaux et les simples citoyens pour réaliser des projets d'emplois ou crédibiliser des contre-propositions face aux licenciements.
On peut engager tout de suite cette bataille à la portée pédagogique impor tante pour faire avancer la conscience du rassemblement.
■ Une prise nationale :
Chaque Fonds régional constituerait un élément de fondation pour la création, le jour venu de nouveaux rapports de force politique en France, d'un Fonds public national.
Celui-ci prendrait aussi en charge une partie des intérêts payés aux banques par les entreprises sur leurs crédits à long terme pour leurs investissements, selon les mêmes principes que pour les Fonds publics régionaux.
Ce Fonds national inciterait toutes les banques, au-delà de celles mises en réseau avec la Caisse des dépôts et consignations, à développer de nouveaux mécanismes de crédit.
Interlocuteur du Parlement, mais pouvant aussi être saisi par les salariés, leurs institutions représentatives, les associations et les élus de terrain, il permettrait l'organisation d'une véritable politique industrielle et de services avec la promotion de filières, de leurs emplois, de leurs qualifications avec la formation, de leurs normes écologiques, des recherches et des investissements nécessaires dans de vastes pôles de coopération avec un cœur public et social (à l’opposé des actuels pôles de compétitivité).
On alimenterait ce Fonds national par l'argent public aujourd'hui dévolu aux exonérations de cotisations sociales patronales, prises en charge par l'État (27 milliards d’euros en 2008).
■ Une prise européenne :
Les crédits ainsi encouragés par le Pôle financier et les Fonds régionaux seraient alors, en partie, présentés au guichet du refinancement de la BCE.
Celle-ci serait donc sollicitée pour soutenir des crédits bancaires dont la finalité et la sélectivité seraient favorables à l'emploi.
Ainsi on introduirait par le bas dans le système, à l'appui des luttes sociales et des conquêtes politiques, un « virus » pour l'emploi et le développement des capacités humaines, en contradiction avérée avec ses fins réelles.
Cela irait de pair avec la bataille pour changer d'Europe, contre le projet de traité de Lisbonne, pour de nouveaux traités avec :
-- La mise en cause de la liberté de circulation des capitaux,
-- Le changement de statuts, de missions et de politique monétaire de la B. C. E.,
-- La mise en cause du « pacte de stabilité et de croissance » pour un nouveau pacte de progrès,
Ainsi, il s'agirait que la BCE passe sous le contrôle des Parlements européens et nationaux, et que sa politique monétaire ait pour priorité la sécurisation de l'emploi, de la formation, des revenus des travailleurs et de l'en- vironnement.
Pour cela, le taux d'intérêt de son refinancement pour les banques ordinaires serait d'autant plus abaissé que les crédits à refinancer serviraient à des investissements plus créateurs d'emplois et accompagnés de formation.
Par contre, ce taux d'intérêt serait relevé pour pénaliser les crédits servant à spéculer, délocaliser, investir contre l'emploi.
La BCE devrait aussi pouvoir appuyer par sa création monétaire, un essor concerté et durable des dépenses nécessaires au service public et à leur coopération en Europe avec la prise de titres publics « ad hoc ».
■ Une prise mondiale :
Le conditionnement de la politique monétaire ainsi construit, à l’appui des luttes et de leurs convergences au sein de l’Union, accentuerait l’exigence d’une transformation radicale du système monétaire international et de ses institutions dont, particulièrement, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale.
Il s’agirait d’avancer dans la conquête d’une monnaie commune mondiale de coopération se substituant au dollar, monnaie mondiale de fait. L’idée avancée par Paul Boccara dés le début des années 1980 de promouvoir cette nouvelle monnaie universelle à partir des droits de tirage spéciaux(D.T.S.) du FMI converge aujourd’hui avec les exigences des dirigeants chinois et russes.
Le FMI serait alors amené à jouer un nouveau rôle de banque centrale des banques centrales pour une sécurisation et une promotion de l’emploi, de la formation, de tous les moments de la vie, de la « niche écologique » de chaque individu de la planète, vers une nouvelle civilisation de toute l’humanité.
C) Utiliser autrement les incitations fiscales et la poli- tique budgétaire :
Le grand enjeu d'une réorientation de la politique budgétaire concerne en premier lieu, tous les fonds publics versés aux entreprises.
A partir de calculs faits en 2005 par la Cour des Comptes, les aides publiques d'État aux entreprises pèseraient aujourd'hui plus de 80 milliards d'euros. C'est le premier poste de dépenses de l'État.
Une masse considérable est formée par des exonérations de cotisations sociales patronales.
Tout cet argent est gâché. Il faut le réorienter. D'où l'idée double de :
- Contrôler l'utilisation de ces fonds avec des commissions citoyennes ;
- Commencer à les réorienter pour baisser les charges financières du crédit de façon sélective.
Au-delà, il y a un problème majeur de croissance de la dépense publique et sociale, au lieu de son rationnement actuel avec la R.G.P.P. (révision générale des politiques publiques), d'amélioration de son efficacité avec une maîtrise des salariés et des usagers des services publics, de financement enfin avec une réforme de la fiscalité et une réforme des cotisations sociales patronales.
1 - Réformer la fiscalité nationale et locale :
Cela fait plus de 20 ans que, de réforme en réforme, les prélèvements publics et sociaux sont pris dans un vaste effort de remodelage réactionnaire.
-- Pour ce qui concerne les prélèvements fiscaux, il s'agit, pour l'essentiel, de détaxer toujours plus le capital et les profits et de faire porter la charge par les populations, surtout les salariés, retraités et chômeurs :
-- La taxe professionnelle : elle est mise en déclin et sa suppression est programmée pour 2010. C'est le seul impôt sur le capital des entreprises et il représente 45 % des ressources fiscales locales ;
-- L'impôt sur les sociétés : diminution de son taux de 50 à 33,3 % et régimes dérogatoires exorbitants ;
-- L’impôt sur le revenu : réduction de 14 points en sept ans du taux de la tranche la plus élevée (pour les plus aisés) et défiscalisation massive des revenus financiers du capital ;
-- droits de succession réduits ;
-- L’impôt sur la fortune : effondrement de ses ressources en 2008 malgré l'augmentation des patrimoines imposés.
Pour compenser ces pertes de recettes, les gouvernements successifs ont fait s’envoler les impôts indirects :
-- La TIPP (essence) correspond à 6 % des recettes fiscales nettes,
-- La TVA, si injuste parce qu'elle frappe aveuglément la dépense des ménages, à commencer par les plus modestes, représente 50 % des recettes fiscales nettes,
Simultanément, le poids des impôts locaux sur les familles ne cesse de croître (d’autant plus que l’Etat réduit ses concours et se défausse de nombreuses responsabilités mettant en péril les services publics locaux) avec :
-- La taxe d'habitation (T. H.),
-- La taxe foncière (TF),
-- La taxe d'enlèvement des ordures ménagères (T. O. M.).
Le produit de la T. H. a augmenté de 50 % en à peine 10 ans et la T.O.M. a enregistré des hausses moyennes de 10 % à 20 % en 2004.
Et désormais, en cherchant à instrumentaliser la prise de conscience massive nouvelle qu’il faut « changer la planète », protéger l’environnement et lutter contre le réchauffement climatique, on parle d’accroître la taxa- tion de la dépense des ménages au nom de la limitation des émissions de CO2 ( taxation climat/énergie) dont les recettes pourraient, en partie, compenser les pertes engendrées par la mise en déclin de la taxe profession- nelle pour les entreprises.
Cet acharnement à diminuer le poids des prélèvements sur les profits et le capital (sur fond de rationnement recherché de la dépense publique) et augmenter le poids des prélèvements sur les salariés et leurs familles marche de pair avec un recul organisé de la place de l'impôt sur le revenu, de loin l'impôt le moins injuste, au profit des taxations indirectes. Cela renvoie à un objectif qui fait consensus entre la droite et les sociaux-libé- raux avec la double perspective de :
-- Faire prélever à la source l’impôt sur le revenu,
-- Et le faire fusionner avec la CSG (contribution sociale généralisée) qui a « fiscalisé », sur le dos surtout des salariés, une partie du financement de la protection sociale simultanément aux allègements de cotisations sociales des entreprises.
Rompre avec ces tendances en ayant en vue plusieurs objectifs :
-- Accroître les ressources publiques pour les services publics,
-- Plus de justice fiscale,
-- Plus d'efficacité sociale de l'impôt : l'impôt, comme le crédit, est une incitation à produire plus ou moins de richesses par les entreprises. On veut inciter à produire plus et mieux avec une promotion de l'emploi, de la formation, des salaires et la pénalisation des gâchis financiers.
Quelques pistes :
a) Baisse de la TVA : taux zéro sur les produits de première nécessité,
b) Modulation de l'impôt sur les sociétés de façon à encourager une utilisation des bénéfices favorable à l'essor de l'investissement et des emplois associés, et pénalisation de la fuite en avant dans la finance.
c) Réforme de la taxe professionnelle avec un élargissement de sa base aux actifs financiers des entreprises et des banques. Cela concernerait surtout les grandes entreprises : un taux de 0,5 % sur ces actifs financiers rapporterait quelque 18 milliards d'euros supplémentaires et une péréquation de ces ressources serait organisée entre les collectivités locales selon leurs besoins.
2 - Réformer le calcul de la cotisation sociale :
La cotisation sociale patronale est calculée en fonction des salaires versés, mais prélevée sur les profits ( valeur ajoutée hors salaires).
Ne pas abandonner la base salaires, pour aller vers une base valeur ajoutée (VA = profits + salaires). Nous préconisons un double mouvement :
■ Taxer les revenus financiers du capital des entreprises et des institutions bancaires au même taux que les salaires ;
■ Réformer le calcul du taux de la cotisation patronale de façon telle que son augmentation soit fonction du rapport « salaires versés dans l’entreprise/valeur ajoutée globale de l’entreprise ». Ainsi, les rentrées totales de cotisations augmenteraient moyennant une progression de l’emploi, des qualifications et des salaires, tandis que seraient dissuadés tous les facteurs de croissance financière des capitaux contre l’emploi.
Valeur ajoutée globale (VAG) =valeur ajoutée
+ revenus financiers
Donc le taux de cotisation augmenterait d'autant plus que les emplois sont attaqués, que les salaires seraient faibles et les placements financiers importants.
Au total, cela donnerait, à plein régime, une très forte croissance des rentrées de cette nouvelle cotisation qui inciterait à faire moins de prélèvements financiers et encouragerait la croissance réelle des emplois, des qualifications, des salaires.
Finalement cette double disposition entraînerait, dans un premier temps, un essor des recettes engendré par la taxation des produits financiers des entreprises et des banques. Celles-ci seront alors incitées progressivement à réduire leurs placements financiers avec, à la clef donc, de moindres rentrées de cotisations dues à la taxation de leurs produits financiers. Mais, entre temps, la réforme du calcul du taux de la cotisation aurait pris progressi- vement le relais, suscitant une importante entrée nouvelle de cotisations qui, elle, serait structurelle.
On pourrait alors progressivement supprimer la CSG...
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