éditorial
Les tensions sont de plus en plus fortes au sein de la zone Euro. Les économies de la zone Euro loin de converger entre elles, voient au contraire leurs indicateurs économiques et sociaux diverger. Ces phénomènes de divergences touchent aujourd’hui les écarts de taux sur la dette publique pour les pays membres, alors que l’harmonisation des marchés de la dette, était la justification principale de l’existence de la zone Euro.
Le cycle de dépréciation du dollar par rapport à l’Euro, a repris mettant en très grande difficulté les principaux secteurs industriels de la zone Euro, poussant ainsi à la déflation salariale, aux délocalisations en zone dollar et aux destructions d’emploi.
La crise du crédit se poursuit faisant des ravages parmi les PME/PMI.
Les pays de l’ex-bloc socialiste, qui ont intégré l’Union européenne en 2004 et 2007, connaissent leur pire crise économique et sociale depuis la chute du mur de Berlin, sur fond d’absence revendiquée de solidarité de la part des institutions européennes et des autres pays membres.
Les traités européens et les règles de l’OMC, en enfermant l’Union européenne dans le carcan de la « concurrence libre et non faussée », du « libre échange » et l’« indépendance » de la BCE, empêchent les institutions européennes d’avoir une politique économique et sociale forte, cohérente et efficace, et aggravent la situation de tous les États membres.
Certes, peut-être certaines rémissions provisoires, régionales et sectorielles auront lieu, mais toutes les conditions d’une prolongation et d’une aggravation de cette double crise qui touche les pays de l’Union européenne, sont réunies.
Cette double crise s’est traduite, à l’échelle de toute l’Union européenne, lors du scrutin du 7 juin, par deux événements électoraux majeurs : les reculs et les effondrements dans la social-démocratie européenne et un très fort taux d’abstention en particulier dans les pays ayant rejoint l’Union européenne en 2004/2007(1). Ces deux phénomènes ont entraîné une poussée des droites populistes dans la majorité des États membres.
Le taux considérable d’abstention, en constante progression depuis 1979, est la traduction politique de l’absence de légitimé démocratique et populaire d’institutions européennes qui se sont construites sans et contre les peuples. Ce désaveu ne se limite pas à viser le Parlement qui reste le seul organe soumis à la sanction du suffrage universel, il englobe aussi la Commission européenne, la Cour de justice, le Conseil et la BCE. L’ampleur de l’abstention à l’Est montre à nouveau, une Europe coupée en deux et souligne la violence de la crise dans les pays nouvellement admis. Pour entrer dans l’Union européenne, ces pays ont dû tailler dans leurs dépenses d’éducation, de santé et de protections sociales et démanteler leurs services publics, tout en s’endettant massivement auprès des banques de l’Ouest. Contrairement à l’Espagne et à la Grèce lors de leur adhésion, ils n’ont pu que marginalement profiter des fonds structurels communautaires. Les peuples des pays de l’Est se sentent floués et humiliés. Ils avaient tout attendu de l’Europe, et celle-ci, la crise venue, ne fait que les renvoyer vers les politiques d’ajustement structurel du FMI.
Mais l’abstention du scrutin du 7 juin n’est pas seulement révélatrice d’une fracture Est-Ouest. Elle montre aussi une fracture à l’intérieur de chaque nation, de chaque région, de chaque métropole de l’Union européenne. Ainsi dans tous les quartiers populaires de Lisbonne à Berlin, de Londres à Athènes on s’est abstenu à 70 %, voir à plus de 80 %, alors que dans les quartiers bourgeois, la participation dépasse en général les 50 %.
Les actuelles institutions européennes, quelque soit le sort du Traité de Lisbonne, sont ainsi prises au piège de leurs propres contradictions : Elles ne peuvent prospérer qu’en pariant sur l’abstention de masse et le refus des consultations référendaires, mais en période de crise cette absence de légitimité populaire et démocratique les condamne à l’impuissance ou à la fuite en avant vers toujours plus de libéralisme.
La déroute électorale des partis socialistes européens constitue la deuxième conséquence de la double crise dans laquelle se débattent les peuples de l’Union européenne. De l’Italie à l’Angleterre, en passant par la France(2), l’effondrement est spectaculaire et profond. L’éclatement de la crise systémique du capital, a fait apparaître l’inanité ou obscénité du ralliement sans condition, depuis le milieu des années quatre-vingt, des sociaux démocrates à l’« économie de marché dérégulée ». Paradoxalement, cet événement arrive à un moment où de nombreux gouvernements européens de droite puisent sans vergogne dans la boîte à outils social-démocrate d’avant-guerre en recourant aux nationalisations, aux aides publiques, et revendiquant dans les mots une certaine forme de régulation. L’effondrement électoral de la social démocratie, n’est ni passager, ni conjoncturel. Son affaiblissement est extrêmement profond, notamment en France, face à la compromission avec le libéralisme, à la récupération démagogique du discours d’intervention publique et sociale de la droite, aux exigences de radicalité à la gauche du PS.
Il existe toujours un décalage temporel entre la gravité d’une crise économique et sociale, ses conséquences à venir, et ses traductions en termes de représentations électorales et politiques. Ainsi après la Grande Dépression de 1929, il faudra attendre 1934 pour que le Front populaire prenne son envol et 1936 pour qu’il gagne les élections. Mais cela n’avait rien de fatal et a été lié à des innovations.
Le chômage s’accroît en Europe à une vitesse vertigineuse. Dans un pays comme l’Espagne, un actif sur quatre pourrait bientôt se retrouver sans poste. En Allemagne, pays déjà malade de son austérité salariale, le nombre de chômeurs va grimper au plus haut depuis une époque de sinistre mémoire. La double crise que les peuples de l’Union européenne subissent, mutera alors en une crise sociale et politique généralisée. C’est à ce moment, si nous savons les faire germer, que les graines semées par la stratégie de « Front de Gauche pour changer d’Europe » du PCF, porteront tous leurs fruits. Cela dépend de notre capacité à développer et populariser nos propres propositions originales sur la sécurisation de l’emploi et de la formation, un autre crédit, une expansion des services publics, des pouvoirs d’intervention depuis les entreprises et les localités, une autre construction européenne et une autre mondialisation
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