Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Le besoin d’une cohérence alternative pour sortir

On ne cesse de nous dire  que le plus dur de la crise est passé et que la reprise  est devant nous pour 2010. Il suffirait alors de s’adapter, de se restructurer, sans rien toucher aux critères et aux règles capitalistes. C’est ainsi que l’on pourra rebondir,  promet-on, lorsque, venue des États-Unis, la croissance mondiale nous ouvrira  les bras. Qu’en est-il ?

1 - Le chômage met la planète en danger :

L’OIT vient de tirer la sonnette d’alarme sur l’augmentation du taux de chômage mondial, alors, souligne-t-elle, que seuls 10 à 15 % des énormes fonds mobilisés pour les plans de relance sont aujourd’hui liés à des politiques de soutien de l’emploi, elles-mêmes extrêmement contradictoires.

Entre 2007 et fin 2009, l’OIT s’attend  à ce que le nombre de chômeurs augmente de 39 à 59 millions dans le monde, ce qui porterait le nombre officiel des privés emplois à 210-240 millions pour 3,3 milliards d’actifs recensés !

Cette explosion du chômage ferait que 200 millions  de personnes supplémentaires pourraient devoir vivre avec moins de 2 euros par jour.

Cela met la planète en danger avec, notamment, l’insuffisance très accrue de la demande mondiale et le risque d’éclatement de la suraccumulation des capitaux.

Le G-8 comme  l’OIT avertissent que « même la croissance une fois repartie, le chômage pourrait continuer à augmenter ».

De fait, la situation est d’autant plus critique que :

– Il y a tout le problème explosif des secteurs informels, dans les pays émergents et en développement, mais aussi jusque dans les cités ghettoïsées des villes des pays riches ;

– Et, pour des raisons démographiques, il faudrait créer selon l’OIT 300 millions d’emplois au cours des 5 prochaines années ce qui constitue,  sans doute, une hypothèse très basse, sans parler des besoins titanesques de formation.

Or, toutes choses égales par ailleurs, le nombre d’emplois disponibles n’augmenterait que de moins de 1 % cette  année au niveau mondial. Et il est déjà en baisse dans de nombreux pays développés.

L’OIT plaide pour une mobilisation  planétaire avec un « pacte mondial pour l’emploi » qui aurait pour objectif de «mettre l’emploi et la protection sociale au cœur des politiques de relance ». Mais cela, sans rien toucher  cependant au rôle du dollar, à la  domination  des marchés financiers, aux choix de gestion des multinationales, aux critères du FMI et de la BCE, aux critères du crédit des banques...

Sarkozy peut alors se permettre de soutenir de façon démagogique cette grande idée, alors que, précisément, toute sa politique  pour la France et pour l’Europe conduit à la destruction de l’emploi, et particulièrement l’emploi dans les service et la fonction publics, tandis qu’il fuit en avant dans l’alignement atlantiste derrière les États-Unis.

2 -  Si reprise il y a, de quelle reprise s’agira-t-il ?

Il y a d’énormes contradictions entre les politiques  des États qui interviennent massivement pour soutenir le système financier mondial et l’accumulation capitaliste d’un côté et, de l’autre, le besoin grandissant de commencer à rompre avec les règles de ce système, « l’argent pour l’argent ». Il faudrait, pour cela, faire avancer d’autres règles de promotion, en coopération, de toutes les capacités humaines de la planète, avec le développement de tous les biens communs à l’humanité (services publics de l’eau, de l’énergie, de la santé, de l’éducation, de l’écologie, de la formation et de l’emploi, de la culture, des communications,  de la monnaie et du crédit…).

Les indices actuels sont contradictoires. Cependant, nombre d’entre eux tendraient à indiquer qu’il se pourrait que l’on aille vers une moindre sévérité de la récession.

Les États-Unis, après avoir enregistré une chute de 6,3 % de leur PIB en rythme annualisé au 4e trimestre 2008, ont subi une nouvelle chute de 6,1 % au 1er trimestre 2009. Une contraction aussi forte de l’activité en l’espace de deux trimestres n’avait pas été observée depuis 50 ans.

Alors, certes, les signaux semblent être moins défavorables pour les trimestres suivants. Mais le taux de chômage continue de croître outre-Atlantique  avec une rapidité sans précédent (+4,4 points en deux ans) et il s’établit désormais à prés de 9 % (8,9 %), son plus haut niveau  depuis  1983.

Par ailleurs, le marché du crédit demeure verrouillé, les banques préférant grossir fortement leurs marges ou financer de nouvelles spéculations  sur les matières premières comme sur les actions.

Pourtant, de partout dans le monde, on ne cesse de répéter que le salut va venir des États-Unis. En Europe, notamment, les dirigeants continuent de garder les freins serrés, les yeux rivés sur les endettements publics et veillant à maintenir  intacte l’attractivité financière de « l’euro fort », espérant, pour la suite, se greffer en parasite sur la croissance américaine quand elle repartira.

Cependant, on voit se profiler deux scénarios aux États-Unis mêmes mettant en cause ces conjectures optimistes, tandis que la récession en Europe pourrait être plus longue que prévue. D’abord, la reprise pourrait être beaucoup plus lente, très en deçà du rebond conventionnel consécutif aux phénomènes de « bulle». Il peut y avoir un prolongement de la période de difficulté avec une « stagflation » de 3 à 5 ans et de formidables tensions.

Mais, il ne faut après exclure un scénario de rechute (double deep) après une croissance limitée entre 0,5 et 1,5 % en 2010 donnant lieu à une nouvelle explosion des opérations financières et spéculatives.

En réalité, la reprise américaine risque de ployer sous le poids d’un chômage qui pourrait atteindre un pic de 10 % de la population active, de la très insuffisante création d’emplois et des mises en qualifications.

Cela continuerait de déprimer la consommation et saperait la relance, tandis que l’endettement public énorme mobilisé pour sauver les banques et les capitaux pourrait alors conduire à une crise de défiance massive vis-à-vis du dollar  et, donc, à une remontée des taux d’intérêt américains tuant la reprise mondiale et ouvrant un épisode de guerre monétaire.

3 - Le besoin de cohérence alternative à l’appui des luttes sociales et alter-mondialistes :

La politique conduite en France par Sarkozy est emblématique des contradictions qui risquent de conduire  à ces scénarios. On continue, tant et plus, à essayer de réduire le «coût du travail » et de diminuer, par-dessus tout, les dépenses publiques et sociales, malgré toute une démagogie et quelques petits saupoudrages, comme on le voit avec le FISO, doté  seulement de 1,5 milliard d’euros, ou avec les lettres-plafonds pour le budget 2010, annonçant un petit effort pour les contrats aidés, en parallèle avec le projet de supprimer plus de 34 000 postes dans la Fonction publique !

En réalité, en France, comme ailleurs, avec la montée de l’endettement public et tout le fric qui a été mis pour sauvegarder les profits bancaires, au lieu de réorienter le crédit pour soutenir l’emploi, la formation et les salaires, Sarkozy et les autres dirigeants européens ont peur d’en faire trop, sous les injonctions de la BCE.

Du coup, ils massacrent encore plus l’emploi public et les dépenses de services publics. Ils continuent les privatisations, comme on le voit à propos de la Poste ou du fret ferroviaire. Ils refusent toute stimulation sur les salaires, avec le refus en France d’un coup de pouce au SMIC, arguant du fait que l’inflation, désormais négative, va permettre de dégager des gains de pouvoir d’achat. C’est pure folie, car cette inflation négative exprime les pressions déflationnistes  à l’œuvre à partir du massacre des emplois et de la concurrence « coupegorge » sur des débouchés dont la croissance est très insuffisante et minée par les accumulations financières.

D’où le besoin de rompre en mettant en avant l’exigence d’une autre cohérence permettant, avec les moyens financiers et les pouvoirs nécessaires, de soutenir une expansion nouvelle très forte des services publics contre la marchandisation et la domination des capitaux financiers, en visant une promotion du modèle social européen et une tout autre mondialisation.

Ces exigences de cohérence des propositions devraient être au cœur des débats politiques à gauche et dans le mouvement social, à l’opposé des récupérations avec de simples rejets des politiques actuelles, sans transformation profonde en France, en Europe et à l’échelle du monde entier.

Cette articulation fondamentale entre objectifs et moyens se distingue des positions du PS en France et du Parti Socialiste Européen. En effet, ces derniers, tout en haussant le ton sur des objectifs sociaux, négligent de façon grave les moyens de financement ainsi que les pouvoirs pour la démocratisation des institutions. Cela concerne, notamment, un autre rôle de la BCE avec d’autres  critères de crédit à taux très abaissés et aussi des pouvoirs des travailleurs et usagers sur la gestion dans les entreprises et les services publics ou d’intérêt général. Ces exigences de cohérence  se distinguent aussi des positions du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), lequel déserte précisément les combats concrets sur les moyens financiers et les pouvoirs, depuis les entreprises et les services, pour des avancées sociales substantielles  en liaison avec les luttes. C’est dire, à partir des résultats du Front de gauche à l’élection européenne, le besoin et la possibilité de développer et d’élargir de façon très audacieuse la démarche entreprise, avec ce souci de cohérence alternative propre à l’apport original  du PCF si nécessaire pour la construction d’un débouché politique des luttes.

Les pouvoirs à conquérir dans les faits puis dans le droit, ne concernent pas seulement la démocratisation des institutions, mais aussi de nouvelles capacités d’intervention des travailleurs et des usagers dans les entreprises et les services publics.

Ils peuvent être développés en coopération dans les divers pays de l’Union européenne, tout particulièrement face aux multinationales et aux banques, et déboucher sur des concertations des décisions au niveau de l’Union, en liaison avec la promotion des comités d’entreprise européens et des droits du Comité économique et social européen au-delà de son rôle actuel consultatif, pour des co-décisions avec le Parlement européen.

Au-delà de l’affichage de prétentions et de promesses tapageuses de moraliser le système économique et politique, pour améliorer, dit-on, la régulation du système capitaliste, fondamentalement conservé, il convient de se battre pour changer vraiment les règles et les relations fondamentales. Ainsi, la sécurisation et la promotion de chacun(e) dans tous les moments de la vie peut être un objectif majeur vers lequel avancer, grâce particulièrement à une expansion  considérable et démocratisée de la formation continue, pour la mobilité dans la sécurité d’emploi et la qualité des activités, les interventions créatrices de chacun(e) dans les entreprises et dans les services publics.

Cela ferait vraiment reculer, en visant à les éradiquer, les rejets sociaux, les exclusions, l’élitisme technocratique, exacerbés par la domination sans cesse relancée, mais devenue intolérable, de la rentabilité financière. Et cela, en s’appuyant sur d’autres critères d’efficacité sociale des crédits bancaires et des financements  publics avec des pôles financiers publics, une réorientation de la BCE, la mise en cause du pacte de stabilité.

L’exigence d’une autre mondialisation, que pousse le besoin écologiste de « sauver la planète », grandit avec l’immense besoin d’affecter des ressources massives à l’essor de toutes les capacités humaines et à la promotion des biens communs de toute l’humanité, contre la finance prédatrice. Elle grandit aussi avec la demande des pays émergents, réaffirmée lors du récent sommet des BRIC’s (1), après le G-20 de Londres, d’occuper une place significative dans la gouvernance mondiale, de mettre en cause la domination du dollar avec une monnaie commune, à partir des DTS du FMI.

(1) Brésil, Russie, Inde, Chine.

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