Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Le massacre de l’emploi

Sarkozy a fait mobiliser près de 450 milliards d’euros pour « sauver les banques » et, a-til prétendu, soutenir l’activité. Tout cet argent a été rendu disponible par des dispositifs qui ne changent en rien les critères du crédit et les critères de gestion des entreprises et des banques.  Sur cette masse mobilisable,  30 milliards d’euros auraient été déjà effectivement alloués aux banques (20) et aux entreprises  (10), tandis que, sous la pression du mouvement social, a été créé le « Fonds d’investissement social » (FISO)  doté d’à peine 1,5 milliard d’euros, quant il en aurait fallu au moins 10 (selon la CFDT) et 20, selon nos estimations.

Mais tout cet argent ne sert nullement à lutter contre les facteurs profonds de récession. Pire, en visant, avant tout, à soutenir les capitaux et les profits, contre l’emploi, la formation, l’essor des salaires et des services publics, il accentue les blocages systémiques. D’où le besoin d’une toute autre cohérence d’attaque des problèmes.

L'activité  en France a enregistré une nouvelle forte chute début 2009. Au premier trimestre, le Produit intérieur brut (PIB) baisse  de 1,2 % en volume. Les dépenses de

consommation des ménages continuent d’afficher une faible progression (+0,2 %). L’investissement total accuse un nouveau recul (-2,3 % après  –2,4 %). La chute du volume des échanges extérieurs se poursuit,  qu’il s’agisse des exportations (-6 % après  -4,6 % au 4e trimestre  2008) ou des importations (-5,3 % après  -3,0 %).

En avril, la production manufacturière (hors énergie, eau, raffinage) a encore baissé de 0,5 % par rapport à mars. Si cela peut augurer d’un repli moins accentué pour le 2e trimestre que pour le 1er, il n’en demeure pas moins que la production industrielle française est revenue à son niveau d’il y a 15 ans.

Tout indique que l’on s’achemine vers une baisse du PIB de l’ordre de 3,5 % sur l’ensemble de 2009.

Ce qui marque  le plus, dans ce contexte, c’est l’explosion du chômage.

Fin avril 2009, il y avait 3 571 500 personnes inscrites à Pôle emploi « tenues de faire des actes positifs de recherche d’emploi » (3.785.600 DOM compris) dont :

– 2 506 700 sans emploi (catégorie  A) ;

– 1 064 800 avec activité réduite, courte ou longue (catégories B, C).

En un mois, la catégorie A augmente de 2,4 % et de 24,6 % en un an !

Après le ravage des fins de missions d’intérim  et des non-reconduction de CDD, ce sont les licenciements économiques, désormais, qui commencent à monter en charge.

Les destructions d’emploi  se multiplient, sous l’impulsion des plans de restructuration des grands groupes faisant boire la tasse à leurs sous-traitants, mais aussi avec le durcissement des conditions de crédit qui tendent à étouffer un nombre sans cesse croissant  de PME.

Entre septembre  2008 et fin mai 2009, les plans de suppression d’emploi impulsés par les groupes concernent

28 140 emplois directs. La liste s’accélère avec l’annonce toute récente de la suppression de 1 093 emplois  chez Michelin et de 650 à 700 emplois  chez Marionnaud.

Sur le premier trimestre 2009 ce sont, au total, 187 800 emplois nets qui ont été détruits, soit deux fois plus qu’au cours du 4e trimestre  2008. Sur un an, on totalise  345 000 postes supprimés (+1,9 %).

Cela concerne massivement  l’industrie, mais le tertiaire enregistre son 4e trimestre de perte d’affilée (-2,3 % sur un an). Même les services aux particuliers  marquent un repli inédit (-0,3 % sur un trimestre).

Et l’intérim poursuit sa descente aux enfers avec un recul de 15,6 % au 1er trimestre, soit 80 800 postes, ce qui porte  la baisse à 34,3 % en un an.

La construction est aussi à berne avec deux trimestres d’affilée de baisse portant sur 10 400 suppressions  de postes.

Au total, les effectifs salariés du secteur privé sont retombés à leur plus bas niveau depuis le 2e trimestre 2006.

Il est évident que les efforts de déréglementation du marché du travail engagés depuis 20 ans et brutalement accélérés depuis 2005, avec la multiplication des emplois précaires et la facilitation des suppressions, expliquent la violence de ces évolutions. Les dirigeants d’entreprises n’hésitent pas à ajuster brutalement l’emploi en se prévalant de difficultés effectives ou exagérées, à venir ou provoquées.  D’ailleurs, au contraire  de ce que dit le patronat, la « flexibilité » a beaucoup crû en France, poussant l’insécurité  sociale comme un véritable cancer :

– La France est devenue le 4e marché mondial de l’intérim, juste derrière le Japon. La part de l’intérim dans l’emploi était, en France, avant la crise, le double de celle de l’Allemagne et supérieure à celle des États-Unis. Parmi les grands pays industrialisés, seul le Royaume-Uni y avait recours davantage.

– La part variable des rémunérations  dépasse désormais 10 % du total.

– Près de 10 % des salariés sont sous contrat précaire... C’est sur de telles bases que l’UNEDIC prévoit que la France, au total, perdrait 591 000 emplois  en 2009 et enregistrerait 595 000 chômeurs de plus.

Cette masse colossale de chômeurs favorise une pression d’autant plus accrue sur les taux de salaires : le salaire brut moyen par tête a baissé de 1,3 % au 1er trimestre 2009 à cause, notamment, d’un repli des primes dans la finance et de la flambée du chômage partiel dans l’automobile  et la sidérurgie. La conséquence  en a été que la masse salariale a reculé de 2,2 % sur trois mois début 2009 (-0,9 % sur un an), ce qui constitue une première depuis longtemps.

On comprend, dans ces conditions, combien est forte l’aspiration à une sécurisation de l’emploi, de la formation, du revenu. C’est elle que Sarkozy cherche à instrumentaliser en intégrant les syndicats à des politiques de « flexicurité » facilitant les suppressions d’emploi avec la mise en place de mini-protections illusoires pour les salariés.

Pendant ce temps-là, les banques utilisent les facilités de refinancement de la BCE et du plan de sauvetage français mises à leur disposition, pour accroître leurs marges, continuant de restreindre le crédit pour les opérations qui ne leur paraissent pas suffisamment rentables et n’hésitant pas à re-prêter massivement pour les opérations spéculatives, comme on le voit aujourd’hui  avec l’envolée des prix du pétrole et des matières premières si contradictoires avec la récession.

Ainsi, BNP-Paribas, après un quatrième trimestre 2008 dans le rouge, est nettement bénéficiaire à fin mars, le profit d’exploitation du groupe s’inscrivant  à 2,3 milliards  d’euros, en croissance de 2,6 %. La Société Générale, quant à elle, annonce un résultat brut d’exploitation nettement supérieur aux estimations du consensus, à 1,62 milliards d’euros.

Loin de conduire une politique budgétaire propre à soutenir l’activité, Sarkozy continue de s’inscrire complètement dans les orientations restrictives du pacte de stabilité en imposant une croissance zéro en volume des dépenses publiques et en faisant de l’État le principal acteur des suppressions d’emploi en France. Après avoir réalisé 28 000 suppressions de postes dans la Fonction publique en 2008, puis programmé la suppression de 30 600 postes  en 2009, Sarkozy demande à ses ministres  de s’inscrire  dans une perspective de suppression de 34 000 postes en 2010. L’objectif majeur demeure celui d’un retour à l’équilibre  des finances publiques à moyen terme (2012-2014)…

Ces politiques  de rationnement  systématiques des dépenses publiques, sociales et salariales entretiennent les facteurs de récession et accentuent la part des richesses nouvelles produites absorbée par les prélèvements financiers.

Cette destruction des capacités humaines et matérielles en France, au service du soutien des profits et des capitaux financiers dans la crise, accentue le déficit des échanges courants de la France, malgré le recul des importations de marchandises et de services engendré par la contraction de la demande : en cumul sur 12 mois, ce déficit atteignait 25,3 milliards d’euros fin avril 2009, contre 24,2 milliards d’euros fin décembre 2008.

Surtout, plus que jamais, pariant sur un enlisement de la France et de l’Europe dans la récession plus long qu’aux États-Unis, les capitaux continuent  de se délocaliser outre-Atlantique : Il est sorti de France 5,7 milliards d’euros nets au titre des investissements directs en avril 2009, contre  5,5 milliards en mars et 5,1 milliards en février. Sur 12 mois cumulés, il est sorti de France, à ce titre, pour 71,3 milliards d’euros  nets contre  70,4 milliards  à fin décembre dernier.

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