Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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À l’opposé des mesures fiscales du PLF 2009 : L’urgence d’une fiscalité incitative pour une alternative à la crise

Dans la tourmente de la crise radicale du système capitaliste, les politiciens de droite et plus globalement, l’ensemble des thuriféraires du libéralisme économique, y vont chacun de leur couplet sur le besoin de régulation.  De Sarkozy en passant par Merkel  et Gordon Brown aux Présidents du FMI et de la réserve fédérale américaine,  tous en appellent à l’intervention publique pour boucher les béances financières, conséquence d’une spéculation poussée à son paroxysme par une course sauvage à la rentabilité financière.

Mais au moment même où ces belles intentions  sont affichées, les actes produits continuent à labourer le même sillon ultra-libéral.

Pour s’en convaincre, il suffit d’observer les principes qui guident la préparation du budget 2009 en France mais aussi dans la plupart des pays de l’OCDE. La tendance lourde  aux allègements fiscaux sur les entreprises, le capital et la fortune demeure. L’heure est encore à la réduction des prélèvements sociaux sur la richesse créée en faveur des prélèvements financiers. L’heure est toujours à plus de rationnement de la dépense publique.

Quelles sont en effet en France les caractéristiques principales des mesures fiscales du projet de loi de finances (PLF) 2009 ?

Premièrement  : le bouclier fiscal est confirmé au taux de 50 % au motif qu’il est « anormal que certains de nos concitoyens travaillent plus d’un jour sur deux pour l’État », on appréciera ainsi toute la quintessence des propos de Mme la Ministre de l’économie.

Deuxièmement : suppression  de l’impôt forfaitaire annuel (IFA), impôt adossé à l’impôt sur les sociétés, que verse chaque entreprise dont le chiffre d’affaires majoré des actifs financiers, est égal ou supérieur à 400 000 euros. Étalée sur trois ans par tranches de chiffre d’affaires, cette disparition représentera au final un nouveau cadeau de 1,2 milliard d’euros accordé aux entreprises. L’effet de cette mesure en 2009 sera une perte de recettes de 336 millions  d’euros.

Troisièmement : feignant de s’attaquer  aux niches fiscales par exemple à la particulièrement scandaleuse réduction d’impôt pour investissements outre-mer, le gouvernement prend soin de ne limiter cette réduction qu’au-delà de 40 000 euros  ou en cas de montant supérieur, à 15 % du revenu d’un foyer fiscal. S’agissant de la limitation de la portée des réductions dites « Malraux » dépense de réhabilitation en secteur sauvegardé, cette dernière est plafonnée mais à 140 000 euros par an. Enfin, le régime des loueurs en meublés est fermé mais pas aux professionnels.

Quatrièmement  : des dispositions  comme les prêts à taux zéro ou les réductions d’impôts pour économies d’énergie risquent, au motif d’intégrer le respect des nouvelles normes énergétiques découlant du Grenelle de l’environnement, d’être au final limitées dans leur portée pour les foyers les moins aisés. La taxe kilométrique pour les poids lourds est généralisée. Par contre, la taxe à l’essieu sera ramenée au minimum communautaire.

Enfin, une évolution de la législation fiscale concernant plus particulièrement l’exercice du contrôle fiscal externe (vérification  dans les entreprises) pourrait rapidement se révéler dangereuse pour cette mission. Tirée du rapport de M. Fouquet rendu le 23 juin 2008 portant sur la sécurité juridique en matière fiscale, cette proposition participe pleinement du dogme inspirant la révision des politiques publiques (RGPP).

Après d’infructueuses tentatives à démontrer l’inefficacité des procédures françaises de contrôle fiscal externe par rapport aux dispositifs en vigueur chez nos voisins de l’UE et plus largement  au sein de l’OCDE, il s’agit de justifier l’évolution libérale que les pouvoirs publics, encouragés par le Medef, veulent malgré tout leur imprimer.

Dans le cadre du contrôle fiscal externe, l’administration fiscale serait rendue dans l’obligation de donner à une entreprise vérifiée une sorte de blanc-seing sur tous les points n’ayant pas prêté à remarques ou à rectifications particulières, mettant cette dernière, en ces domaines et pour une longue période, à l’abri de tout risque de remises en cause éventuelles. Ramenée à une fonction d’audit, l’administration fiscale entrerait ainsi directement en concurrence avec les cabinets de conseils fiscaux et juridiques. De là à penser que certaines missions de contrôle pourraient être transférées à des cabinets privés, il n’y a qu’un pas que d’aucuns sont largement prêts à franchir.

Directement inspirée des thèses anglo-saxonnes, l’introduction de la pratique du rescrit (réponse écrite) fiscal en France participe d’une volonté de transformation profonde de la mission de contrôle fiscal, jusqu’à en dénaturer l’originalité, au plus grand bonheur du Medef et des milieux d’affaires. À ce propos, il convient de savoir que cette proposition du rapporteur Fouquet, s’inspire des réponses à une enquête d’opinion réalisée auprès d’un panel d’entreprises vérifiées et installées sur le territoire national visant à mesurer leur appréciation de la conduite des opérations de contrôle fiscal externe.

Rappelons à toutes fins utiles que le contrôle effectué par l’administration  est consubstantiel au système déclaratif, procédure assortie d’une panoplie de sanctions nécessaires pour crédibiliser l’action de contrôle elle-même.

Enfin, sans doute insatisfait  des largesses accordées aux entreprises et au capital par le PLF 2009, le Président de la République profite de la crise actuelle pour annoncer l’exonération de taxe professionnelle de tous les investissements (immobilisations matérielles) réalisés par les entreprises d’octobre 2008 à fin 2009. Cette proposition s’inscrit dans un cadre plus général qui vise à faire disparaître  la taxe professionnelle, impôt dans le collimateur depuis plusieurs années maintenant et particulièrement  malmené depuis le passage de Dominique  Strauss-Kahn à Bercy. Il s’agit également de replacer la proposition présidentielle dans la perspective de la réforme des échelons des collectivités locales prévue pour 2010.

Danger de suppression de la taxe professionnelle

Vouloir faire disparaître la taxe professionnelle, impôt essentiel au financement des collectivités  locales engendrerait soit la banqueroute de certaines collectivités, soit la disparition de nombreux services à la population, ce que recèle d’ailleurs le projet de refonte des échelons des collectivités locales, soit des hausses conséquentes des autres impôts locaux supportés pour une large part par les ménages (taxe d’habitation, taxe foncière).

Dans une période comme celle que nous traversons, marquée par la dérive et les perversions d’un système totalement tourné vers la rentabilité du capital, il y a sans doute mieux à faire que de supprimer la taxe professionnelle qui représente, certes à un stade embryonnaire, le fondement d’un impôt sur le capital. L’heure est plutôt à renforcer ce caractère et à engager une véritable évolution de cet impôt en ce sens.

L’ensemble de ces mesures fiscales participe  de l’économie générale du projet de loi de finances pour 2009 qui au-delà de la formule consacrée du retour à l’équilibre  des finances publiques, poursuit une aggravation du rationnement de la dépense publique que ce soit au niveau de l’Etat ou des collectivités  locales. La suppression de 30 600 emplois  et une augmentation nulle en volume des dépenses de fonctionnement de l’État tout comme la limitation de l’augmentation des dotations des collectivités territoriales à 1,1 milliard d’euros, préfigurent de difficultés majeures pour l’ensemble des budgets publics, donc pour les services publics et les administrations.

Le dispositif fiscal prévu va constituer avec l’ensemble des autres évolutions contenues dans le projet de loi de finances pour 2009 un encouragement à la dérive financière et donc un enfoncement dans la crise au lieu de répondre aux exigences de lutte contre les prélèvements financiers.

Avec les 360 milliards d’euros d’aides aux banques et au secteur financier français annoncés le lundi 13 octobre par M. Sarkozy les allègements prévus par les mesures fiscales pour 2009 ne feront qu’aggraver une situation de l’économie réelle entrée en récession. Car où va-t-on trouver cet argent sinon en continuant à pressuriser les salaires, à précariser l’emploi, à privatiser la protection sociale, à poursuivre l’assèchement de la dépense publique ?

Même les 5,5 milliards d’euros annoncés pour les collectivités territoriales en substitution du crédit bancaire défaillant, ne participeront pas à un début d’inversion  de la logique. Ils pourront aider à un certain maintien de l’activité économique qu’engendrent ces collectivités mais affecté à la section investissement, cet argent ne changera pas la tendance générale à la baisse des dépenses de fonctionnement (suppressions d’emplois, abandon de missions et rabougrissement du service public).

Il est urgent de sortir d’un système totalement parasitaire qui consiste à n’utiliser  la politique monétaire et la fiscalité que pour satisfaire le développement des marchés financiers contre l’emploi, les salaires, la formation, la protection sociale, les services publics.

Il est indispensable de se dégager du virtuel refuge ultime permettant de recourir à des artifices financiers pour satisfaire les exigences du taux de rentabilité à 2 chiffres. Les mesures annoncées tant à Paris et à Bruxelles qu’à Londres et à New York, posent en grand la question de l’utilité de l’injection de monnaie dans l’économie. Choisit-on la relance de l’économie réelle ou poursuit-on sur les errements du dogme financier prônant une liberté totale de circulation et d’accumulation des capitaux ?

Lheure est à envisager très sérieusement une alternative au capitalisme

Au lieu de s’engouffrer dans l’impasse de mesures structurelles dont l’unique objet est de favoriser et de protéger les profits et les placements financiers, il s’agit de passer à une phase d’engagement immédiat de mesures radicales de progrès.

À ce titre, la clé de voûte d’une véritable alternative au système capitaliste réside vraisemblablement dans une réforme profonde du crédit et du rôle des banques.

L’instauration d’un crédit sélectif (bonification des taux d’intérêts des emprunts à moyen et long terme en fonction de l’emploi et de la formation) dans des fonds régionaux, partie prenante d’un large pôle public financier, avec la mise en oeuvre indispensable de nouveaux droits pour des pouvoirs de contrôle réel des salariés et des citoyens sur l’utilisation de l’argent – de leur argent – en serait une des principales déclinaisons.

Elle formerait le socle national à partir duquel doit être refondé le rôle de la BCE et celui des institutions financières mondiales, notamment du FMI, avec la création d’une monnaie commune mondiale.

Mais un autre volet revêt une grande importance, c’est la fiscalité et sa nécessaire réorientation en fonction de la recherche de cette nouvelle efficacité du crédit et du secteur bancaire, c’est-à-dire, en faveur de la création de richesses réelles et d’une nouvelle croissance.

Depuis bientôt trente ans, avec une accélération au moment de la mise en place de l’Acte unique européen, toutes les réformes conduites en matière fiscale et de législation économique ont tendu à réduire les moyens de connaissance, de contrôle et d’imposition dont disposaient des administrations financières.

Il en a été ainsi à propos du contrôle de la circulation des marchandises avec la suppression des frontières douanières  – évolution que K. Marx n’avait pas manqué de souligner  150 ans avant, dans sa description du processus de marchandisation de toutes choses – et la disparition sur l’ensemble du territoire européen du Document Administratif Unique permettant de suivre l’itinéraire  des marchandises. On imagine ensuite les différents trafics pouvant s’organiser, allant du non-paiement de la TVA intra-communautaire, en passant par les procédés de défiscalisation jusqu’à une fraude généralisée, avec les réseaux de délinquance économique et financière que cela génère et alimente au niveau mondial.

Deux chiffres simplement pour s’en convaincre. La moitié des échanges internationaux transite par des paradis fiscaux qui n’engendrent pourtant que 3 % du PIB mondial. Les actifs des sociétés offshore représentent quelque

11 000 milliards de dollars, soit 30 % du PIB mondial.  Un constat : pour trouver les paradis fiscaux, il n’y a pas besoin d’aller très loin. Plus d’un tiers d’entre eux sont installés sur le territoire européen. Prix de transfert, fraude fiscale et sociale pour lesquels les sociétés de conseils mettent à disposition tout un arsenal de produits de défiscalisation, sont des pratiques courantes qui prennent appui sur les économies des pays en développement et qu’en aucun cas, les élites fiscales et économiques de l’establishment, Medef en tête, ne souhaitent contrarier.

Suivant le même mouvement, le poids des prélèvements fiscaux sur les entreprises a été considérablement  allégé (réduction du taux de l’Impôt sur les sociétés, plafonnement de la Taxe professionnelle et suppression de sa part salaire). Idem s’agissant de l’imposition  des contribuables les plus riches et de la fiscalité du capital et de la fortune.

Aujourd’hui plus de 70 % des revenus du capital (revenus de capitaux mobiliers et plus-values de cessions) échappent à toute imposition. L’ISF, après les coups successifs qui lui ont été portés et tout dernièrement par le bouclier fiscal, est réduit à peau de chagrin.

Dans le même temps la fiscalité locale, particulièrement sa déclinaison sur les ménages (taxe d’habitation, taxe foncière et taxe d’enlèvement des ordures ménagères) dont le caractère injuste n’est plus à souligner, a une tendance à croître de façon exponentielle.

Lenjeu est une réforme profonde de la fiscalité

C’est à une mise à plat générale de la structure  de la fiscalité et de l’impôt qu’il faut s’atteler pour reconstruire unecohérence fiscale d’ensemble permettant certes de ramener de la justice mais aussi d’agir comme levier en jouant un rôle incitatif fort à la production  de richesses réelles et utiles. L’orientation  générale d’une fiscalité moderne et efficace doit se fixer un double objectif.

D’une part, la redistribution des richesses par une nouvelle répartition de la pression fiscale. Il s’agit de rééquilibrer le rapport entre la part des prélèvements directs et progressifs (par un impôt sur le revenu de type universel englobant les revenus du travail, financiers et de la fortune) et la part des prélèvements indirects et proportionnels. Il conviendrait  également de mettre en cause les procédés d’évasion fiscale au titre desquels on trouve un certain nombre de niches fiscales et de développer les missions de lutte contre tous les procédés de fraudes ce qui passe notamment par des moyens pour s’en prendre à la spéculation et aux gâchis financiers (par exemple : prix de transferts et/ou délocalisation de bénéfices).

D’autre part, l’incitation à la création de richesses utiles. Il pourrait s’agir par une modulation du taux de l’impôt sur les sociétés, par l’introduction d’une taxation des actifs financiers des entreprises dans le calcul de la taxe professionnelle et l’évolution de cet impôt vers un véritable impôt sur le capital de type incitatif avec de nouvelles clés de péréquation, de disposer de moyens efficaces d’orientation de la valeur ajoutée créé par les entreprises vers l’investissement utile. C’est-à-dire dans des dépenses visant à valoriser le potentiel humain et matériel des entreprises : niveau des salaires, créations d’emplois, effort de formation, entretien et modernisation de l’outil de travail en attachant une importance toute particulière aux techniques de l’informationnel.

Pareilles évolutions de la fiscalité représenteraient un moyen efficace pour réamorcer la pompe économique et recréer  les bases d’un système financier sain.

Mais son rendement et son efficience en seraient d’autant plus améliorés, qu’elle serait adossée à une autre politique du crédit, moyen puissant d’impulsion économique, représentant en complémentarité avec les décisions législatives de modification de l’assiette de l’impôt, un vecteur d’élargissement global de la base des prélèvements fiscaux et sociaux.

De même, une fiscalité rigoureuse  et soucieuse d’un réemploi utile de la richesse créée par les entreprises permettrait à la politique du crédit de s’appuyer sur une base solide et d’irriguer dans des conditions  sécurisées l’ensemble des secteurs d’activité  de ce pays. En ce sens, le couple fiscalité-crédit constituerait un atout maître pour engager une rupture structurelle  avec le désastreux système de spéculation monétaire actuel.

Cette évolution conjointe de la fiscalité et du crédit aurait pour effet d’améliorer les recettes fiscales et sociales, donc de permettre une augmentation de la dépense publique qui en retour participerait à une relance plus globale de la croissance.

Une croissance d’un type nouveau car maîtrisée par les salariés et les populations disposant de nouveaux droits et de nouveaux pouvoirs d’intervention,  de contrôle et de décision tant sur l’utilisation de l’argent que sur les modes de production et les produits eux-mêmes.

Cette nouvelle maîtrise sociale et publique est en effet absolument nécessaire si on ne veut pas que les nouvelles marges financières qui en résulteraient pour les entreprises, reprennent le chemin de la rentabilité

 

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