Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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La production marchande capitaliste

Formation à l’économie politique de Marx  2e leçon

La production marchande capitaliste

Comment est-on passé de la production marchande simple à la production marchande capitaliste.

Comment l’argent de départ (A) d’une production marchande simple devient-il capital

A’>A ? Comment expliquer  le surplus A’-A.

Dans un premier temps, nous présentons ce que Marx appelle la formule générale du capital. Et dans un second temps, nous analysons le concept de force de travail source de plus-value.

Pour cela nous nous appuierons directement  sur les textes de Marx.

I-La formule génér ale du Capit al et ses contradictions

A La formule générale du capital. La transformation de l’argent en capital

la circulation des marchandises, point de départ du capital. Mais le capital ne peut apparaître que lorsque la production marchande est suffisamment développée, on dit aussi à un certain niveau de développement des forces productives

– ce qui se produit en gros au début du XVIe siècle.

1. La formule de la circulation des marchandises

Au départ il y a une marchandise, on la vend sur le marché, on obtient de l’argent et on achète d’autres marchandises. C’est ce qu’on appelle le cycle M-A-M, (MarchandiseArgent-Marchandise).

Pour que l’on soit incité, à l’échange, à la circulation des marchandises, il faut que les marchandises soient de différentes qualités, donc de valeurs d’usage différentes. En revanche, en tant que valeurs, il doit y avoir échange d’équivalents.

Cette formule  n’est pas la formule générale du capital.

2. La formule générale du capital A-M-A’

L’argent est le point de départ, une accumulation primitive comme dit Marx. Mais c’est aussi le point d’arrivée, cet argent n’est avancé que pour être récupéré. Cependant ce n’est pas intéressant de récupérer la même somme, on doit récupérer une somme plus grande. L’argent primitif se transforme en marchandises, et l’on doit récupérer une somme plus importante que la somme de départ. Soit : A-M-A’ (Ce qui intéresse le capitaliste étant que A’ soit plus grand que A).

– Le but du producteur c’est la valeur d’échange, mais aussi de réaliser une plus-value, c’est-à-dire de réaliser une somme supérieure à celle investie au départ. Le but final du capitaliste est « l’appropriation toujours croissante de la richesse », selon Marx. Il parle également de « mouvement

incessant du gain, toujours renouvelé », de « tendance absolue à l’enrichissement », ou encore de « chasse passionnée à la valeur d’échange ».

– Marx oppose le capitaliste au thésauriseur. Le thésauriseur est un capitaliste maniaque, il garde son argent de coté, il l’enlève de la circulation tandis que le capitaliste est un thésauriseur rationnel, car il lance sans cesse l’argent dans la circulation. « (Le capital) pousse, sort de la circulation, y revient s’y maintient, en ressort accru, y revient et recommence sans cesse la même rotation ».

A’-A : « argent qui pond de l’argent, qui fait des petits », cela est vrai pour le capital industriel dans lequel, à la différence du capital commercial, le capital se transforme en marchandise, qui, une fois vendue, se transforme en plus d’argent. Argent qui devient plus d’argent : valeur plus importante qu’elle-même. « A-M-Aest donc réellement la formule générale du capital tel qu’il se montre dans la circulation ». Cette  phrase  éclaire les propos actuels de ceux qui ne nous parlent que de la répartition des richesses, alors qu’en vérité, il s’agit d’articuler cette répartition à la production de ces richesses. Le supplément  A’-A, on le constate dans la circulation, mais en réalité il s’établit au moment de la production.

B Les contradictions  de la formule générale du capital Si nous avons deux producteurs-échangistes,  ces deux producteurs peuvent y gagner au moment de l’échange, au niveau de la valeur d’usage, l’un vend, par exemple, des tissus, l’autre du vin, chacun pense y gagner. Mais en réalité, il s’agit d’un échange d’équivalents  : on achète et on vend en fonction du temps de travail mis à la production de la marchandise. Il peut y avoir des infractions, des fraudes ou spéculations diverses sur les matières premières, mais globalement quand on échange des marchandises,  on échange des équivalents.

Ce n’est donc pas dans l’échange que se réalise la plus-value.

À ce propos, Marx critique  les économistes antérieurs à lui, notamment Condillac, qui est ce qu’on appelle un utilitariste, et s’intéresse surtout au marché. Condillac pense qu’on s’enrichit dans la circulation,  alors qu’en fait ce ne sont ni la circulation ni l’échange qui crée la valeur. Marx va donc étudier le capital industriel, dans la sphère de la production des richesses.

Marx explique cela de la manière suivante : « Notre possesseur d’argent qui n’est capitaliste  qu’à l’0 de chrysalide doit d’abord acheter des marchandises à leur juste valeur, puis les vendre ce qu’elles valent, et cependant à la fin, retirer plus de valeur qu’il n’en n’avait avancé ».

Il nous dit également, pour éclairer cette première « énigme »: « La métamorphose de l’homme aux écus en capitaliste doit se passer dans la sphère de la circulation et en même temps ne point s’y passer ». Que va faire le capitaliste dans la sphère de la circulation (le marché) ? Il va acheter des marchandises à leurs valeurs, par exemple des tissus pour faire des habits, ensuite il va confectionner ces habits et les revendre enfin sur le marché. Il y a échange d’équivalents dans l’acte d’achat, un échange d’équivalents dans l’acte de vente et cependant le capitaliste retire plus d’argent à la fin qu’il n’en a avancé. Où se produit ce mystère ? C’est  donc  dans  la production que la plus-value se produit. C’est pourquoi Marx va étudier particulièrement la production plutôt que l’échange.

II-La force de travail source de plus-value

A) La force de travail : une marchandise

1. La découverte du concept de force de travail base de la plusvalue L’accroissement de valeur par lequel l’argent se transforme en capital (A-M-A’) ne peut provenir de l’argent lui-même, en tant que moyen de paiement, il ne fait que réaliser le prix de la marchandise.  En outre, s’il reste comme tel, il n’est qu’une « valeur pétrifiée ». Il faut donc que le changement

provienne de la marchandise.

Cela ne peut s’effectuer dans l’acte de revente M-A’, ni dans l’acte A-M, puisqu’il y a échange entre équivalents.

Le changement devrait donc provenir de la valeur d’usage d’une marchandise (de son usage) or il s’agit d’un changement dans la valeur d’échange. Cela supposerait  donc qu’on puisse tirer une valeur d’échange supérieure de la valeur d’usage (de l’usage) d’une marchandise.

Marx nous dit à ce sujet :

« Il faudrait  que l’homme aux écus eût l’heureuse chance de découvrir au milieu de la circulation, sur le marché même, une marchandise dont la valeur usuelle possédât la vertu particulière d’être source de valeur échangeable, de telle sorte que la consommer, serait réaliser du travail et par conséquent créer de la valeur.

Et notre homme trouve effectivement sur le marché une marchandise douée de cette vertu spécifique ; elle s’appelle puissance de travail ou force de travail. »

e fait  que  la force  de travail soit  vendue  sur  le marché comme marchandise implique  des conditions historiques particulières.

La première condition est qu’elle doit être offerte, ou

vendue par son propre possesseur. Celui-ci doit pouvoir en disposer, c’est-à-dire être libre propriétaire de sa puissance de travail, de sa propre  personne. Le possesseur d’argent et lui se rencontrent sur un marché, entrent en rapport l’un avec l’autre comme échangistes. L’un achète, l’autre vend, cela implique deux personnes juridiquement égales. Il faut que le propriétaire  de la force de travail ne la vende pas en bloc, une fois pour toutes, sinon il se vend luimême, il se fait esclave ; de marchand il devient marchandise. Il la vend seulement pour un temps déterminé.

La deuxième condition pour que l’homme aux écus trouve à acheter la force de travail : il faut que le possesseur de cette dernière soit forcée de l’offrir et de la mettre en vente comme une marchandise, il ne doit pas avoir d’autres marchandises à vendre, il doit être dépourvu de tout.

Pourquoi le travailleur libre se trouve-t-il dans la sphère de la circulation  ?

Il n’existe à cela aucun fondement naturel. Ce n’est pas commun à toutes les périodes de l’histoire.  C’est le résultat d’un développement historique. Cela nécessite un plein développement de la production marchande, une division du travail poussée, l’apparition de la monnaie. Le capital, époque de la production sociale, permet un plein développement de la forme marchande des produits.

Tout devient marchandise y compris la force de travail ce qui renvoie au processus historique impliquant la séparation travailleurs/moyens de productions.

« le détenteur des moyens de production et de ses subsistances rencontre sur le marché le travailleur libre qui vient y vendre sa force de travail. »

3. la marchandise force de travail : sa valeur, sa valeur d’usage

La valeur de la marchandise  force de travail  se mesure au temps de travail socialement nécessaire (TTSN), c’està-dire nécessaire pour produire les subsistances permettant son entretien, sa conservation.  Les besoins nécessaires à la reproduction de la force de travail contiennent des éléments historiques (degré de civilisation),  des éléments moraux, ils expriment les nécessités de remplacement de la main d’œuvre, impliquant aussi une certaine éducation variant selon le caractère plus ou moins complexe du travail.

La valeur de la force de travail varie avec la valeur des moyens de subsistance (TTSN à leur production).

Le propriétaire de la force de travail vend sa marchandise, force de travail, à sa juste valeur. Le possesseur d’argent, en train de métamorphoser ses écus en capital, la paie à sa juste valeur, si la force de travail n’est pas vendue elle n’est rien.

La valeur d’usage de la force de travail ne se montre que dans son emploi, c’est-à-dire sa consommation par l’acheteur (l’entrepreneur), pour créer la valeur ajoutée. L’acheteur acquiert l’usage de la force de travail. La consommation de la force de travail est en même temps production de marchandises et d’une valeur plus grande que sa propre valeur, donc de plus-value.

Cette consommation  se fait en dehors du marché et de la sphère de la circulation. Le possesseur d’argent et le possesseur de la force de travail doivent quitter cette sphère bruyante où tout se passe à la surface et au regard de tous. Il faut les suivre tous deux dans le laboratoire secret de la production. « Là nous allons voir non seulement comment le capital produit mais encore comment il est produit lui même. La fabrication de la plus-value, ce grand secret de la société moderne va enfin se dévoiler. »

Marx cherche à résoudre « l’énigme » de la plus-value.

 

B Une marchandise très particulière source de la plus-value

– Le capitaliste  achète l’usage de la force de travail ce qui implique un temps de travail total et une création de valeur correspondant à ce temps de travail total (TTT). La valeur de marchandises produites par la force de travail est mesurée par le temps de travail total pour produire.

– L’ouvrier  consacre, par exemple 6 h à produire  les subsistances nécessaires pour la reproduction de la force de travail, la force de travail est payée à sa valeur. La mesure de la valeur de la force de travail  est TTSN, c’est-à-dire nécessaire pour fabriquer les subsistances permettant  l’entretien des ouvriers et de leurs familles.

De même il existe une différence entre TTT-TTSN = surtravail.

 

Plus-value absolue ou plus-value relative

A                            B’ C’   C         B

 

AB = journée  de travail ou temps de travail total TTT et Valeur des marchandises créées à partir de l’usage de la force de travail.

AC = temps de travail socialement nécessaire à la production des subsistances permettant l’entrerien des travailleurs et de leur familles (TTSN) = valeur de la force de travail.

CB = AB-AC.

Soit encore surtravail  = TTT-TTSN.

CB est la partie de la journée de travail qui ne sert pas à la


reproduction de la force de travail et qui peut être utilisée par l’entrepreneur  capitaliste. C’est aussi la différence entre la valeur des marchandises créées dans la production et la valeur de la force de travail. Celle-ci est appelée plus-value.

Le taux d’exploitation  (ou degré d’exploitation  de la force de travail par le capital) ou taux de plus-value : PL/V

Celui-ci exprime le rapport entre ce qui revient au capitaliste (la plus-value) et ce qui revient au salarié (le salaire).

V cela signifie la partie du capital : le capital variable, qui sert à acheter la force de travail, donc à payer les salariés.

On peut aussi exprimer le taux d’exploitation en temps de travail c’est le rapport surtravail/temps de travail nécessaire.

C’est la période d’activité  qui dépasse les bornes du travail nécessaire ; elle coûte du travail à l’ouvrier mais ne forme aucune valeur pour lui, elle forme une plus-value pour le capitaliste.

L’augmentation de la plus-value absolue CB’ correspond  à l’accroissement de la journée de travail. Alors que l’augmentation de la plus-value relative (C’B) correspond à la diminution du temps de travail socialement nécessaire à la reproduction de la force de travail

Sources :

Karl Marx, Le Capital. Livre I (1867). Éditions Sociales. 1977 – édition de poche.

Deuxième section : La transformation  de l’argent en capital.

Chapitre 4. La formule générale du capital.

Chapitre 5. Les contradictions  de la formule générale du capital.

Chapitre 6. Achat et vente de la force de travail.

Chapitre 9. Le taux de la plus-value.

Catherine Mills Économie et Politique, Montchrestien 3e édition  2003, 2e partie chapitre 2 ,P.

Introduction de Paul Boccara, Karl Marx, Le Capital. Livre I (1867) p. VI-XL. Éditions  Sociales. 1977 – édition de poche.

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