Contribution de Jean-Pierre Brard, député apparenté communiste de Seine-Saint-Denis, et de Bernard Vera, sénateur communiste de l’Essonne, membres de la commission mixte
Nous vivons aujourd’hui la crise d’un capitalisme mondialisé, dérégulé au fil du temps par de multiples décisions prises au niveau international comme au niveau de chaque législation nationale, fruit de décisions politiques imposées aux peuples et aux salariés. Cela a notamment conduit à l’accroissement de la rentabilité du capital au détriment du travail dans toutes les économies occidentales.
Comme l’ont montré les discussions sur les «plans de sauvetage» des marchés financiers, les tenants de ce système périssable rêvent, une fois la crise sur-montée, de recommencer comme avant, au risque d'entraîner les peuples dans la catastrophe.
Les parlementaires communistes et apparentés estiment pleinement justifié, à l’annonce des faibles prévisions de croissance pour notre pays (0,5 % pour 2009), de ne pas avoir voté le plan de sauvetage des banques, accordant la garantie de l’État sans contrôle réel sur plus de 360 milliards d’euros de crédits bancaires.
Les signataires de la contribution prennent acte des termes du rapport quant au diagnostic opéré sur la crise financière et de la nature des différents problèmes soulevés.
La Commission mixte a choisi de procéder à une forme de «revue de détail» des différentes manifestations de la crise, mettant notamment en exergue que le développement des marchés financiers portait, potentiellement, nombre des risques à la source des problèmes actuels.
Le développement de la titrisation, la spéculation renforcée sur l’ensemble des produits financiers, des matières premières, sur les entreprises productrices de biens et de services, l'existence de paradis fiscaux et bancaires propices à toutes les fraudes et spéculations, tout cela a concouru à créer la crise majeure que nous connaissons aujourd’hui et dont nombre des signes étaient inscrits dans le ralentissement de l’activité économique observé depuis le début de l’année.
Pour autant, aussi importantes soient elles, les questions relatives à la structuration des marchés financiers, aux effets systémiques de leur interpénétration, les remèdes que l’on peut y apporter et qui figurent dans les propositions du rapport, ne sont pas les principales.
Le vécu de la crise financière pour les habitants de notre pays, c’est la déperdition de la valeur de leur épargne pour ceux qui ont placé leurs économies dans des produits à risque, c’est l’incapacité pour les ménages modestes à pouvoir obtenir un prêt immobilier, c’est le refus opposé au chef d’entreprise d’obtenir de sa banque la ligne de trésorerie qui lui permettrait de faire face à ses charges d’exploitation ou le prêt qui autorisera tel ou tel investissement.
Dès à présent, c’est la remontée du chômage et de la précarité, annonçant une grave détérioration de la situation sociale.
Dans notre pays, ce sont les plans sociaux qui succèdent aux plans sociaux, les entreprises reconnues sur leur activité mises en liquidation faute de trésorerie, les chômeurs qui viennent s’ajouter aux chômeurs existants.
La première question, pour notre pays, est celle de la politique du crédit, des relations banques – entreprises et, au-delà, de tous les financements.
De ce point de vue, les parlementaires communistes et apparentés sont clairement partisans de la constitution d’un véritable pôle public financier, prenant appui sur les établissements financiers actuellement investis de missions publiques (comme la Caisse des Dépôts) et sur la nationalisation des établissements de crédit aujourd’hui largement privatisés depuis 1986.
La nationalisation de ces établissements et l’ensemble du pôle financier public viseraient, sous le contrôle des élus, des salariés et des épargnants, des forces vives de la Nation, à développer un nouveau crédit à long terme pour les investissements matériels et de recherche des entreprises, avec un taux d’intérêt d’autant plus faible que ces projets seraient porteurs d’emplois, d’innovation et de développement social et environnemental.
Il ne s’agit pas, comme semble devoir s’y attacher le Gouvernement, de se contenter d’accorder la garantie de l’État aux projets de financement que les banques estimeraient les moins sûrs.
Parmi les autres solutions nationales à la crise, et toujours dans la perspective d’une relance de l’activité économique favorable à l’emploi, la formation et aux salaires nous devons également nous attacher à développer de nouveau l’épargne populaire et les financements échappant à la loi des marchés.
Ainsi la construction massive de logements sociaux peut être favorisée par relèvement du plafond du Livret A et le financement des PME facilité par celui du Livret de Développement Durable.
Enfin, la démonstration étant faite que l’accès au crédit et son utilisation efficace sont les questions clé pour nos entreprises, il faut recycler en faveur de l’effort d’investissement des PME et des entreprises en général, les sommes aujourd’hui utilisées dans le cadre de la politique de l’emploi pour alléger «le coût du travail».
La crise financière n’a évidemment pas qu’un caractère national et il serait illusoire de penser que seules quelques recettes de bon sens, appliquées à notre pays, suffiraient à nous protéger de ses effets.
En ce sens, la France joue ou peut jouer un rôle moteur tant dans le cadre de la construction européenne que dans celui des instances financières internationales et de leur implication au service du développement.
Mettre en évidence, comme le fait le rapport, les limites et les dérives d’un système financier ouvert, où le contrôle politique des instances s’est progressivement effacé derrière une prétendue autorégulation des marchés, devrait conduire la France à préconiser une mise en question des orientations européennes sur l’ouverture des marchés financiers, sur les règles d’établissement, sur les principes mêmes de concurrence libre et non faussée, comme sur le statut, les missions et la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne, autant d’éléments constitutifs des traités en vigueur.
Dans ce cadre, maintenir le processus de ratification du Traité de Lisbonne n’a plus de sens, notamment quand certains des pays européens, participant à la zone euro, continuent de se refuser à la levée du secret bancaire ou jouent la carte du dumping fiscal pour attirer capitaux et investisseurs.
La France elle-même, doit se pencher sur la situation de ses propres «paradis fiscaux», comme la Principauté de Monaco, celle d’Andorre ou certaines collectivités d’Outre Mer aujourd’hui transformées en plates-formes off shore pour capitaux.
S’agissant du Fonds Monétaire International, la France, de par sa place tout à fait essentielle dans cette institution, doit œuvrer pour que le G 20 conduise à redéfinir entièrement le rôle de cet élément pivot des échanges économiques internationaux et à modifier radicalement la répartition des pouvoirs en son sein.
Devant les défis que constituent la préservation du cadre de vie, la crise alimentaire dont souffrent nombre de pays en voie de développement, les enjeux sanitaires concernant notamment les continents frappés par les grandes pandémies, le développement des infrastructures et la réponse à l’urbanisation anarchique des grandes villes du Sud, la lutte pour l’éducation et la formation des cadres, garantie de la transition démocratique, le FMI doit se trouver aux côtés des pays émergents et des pays en voie de développement pour leur apporter les concours financiers qu’ils attendent.
Il n’est plus acceptable que toute l’économie dépende de la gestion du dollar, monnaie commune mondiale de fait depuis 1971.
L’Union Européenne doit agir pour que les droits de tirage spéciaux du FMI deviennent une véritable monnaie commune mondiale de coopération, faisant reculer le rôle du dollar.
Son émission servirait à financer les prêts à long terme et à très faible taux d’intérêt, destinés au développement de la planète et de l’ensemble de ses habitants, dans le respect de l’environnement.
Un financement pertinent qui passe aussi par l’amortissement sans frais et sans retard de la dette extérieure des pays débiteurs auprès des institutions financières internationales et l’atteinte des objectifs de contribution des pays du Nord en termes d’aide publique au développement.
Nous ne sortirons pas de la crise économique actuelle en allant plus loin, comme beaucoup y invitent, dans l’usante confrontation entre systèmes économiques, et dans l’opposition entre USA, Europe et Japon d’un côté, puis entre ces trois ensembles face au reste du monde.
Bien évidemment, cette modernisation du régime des DTS conduirait également à modifier la répartition des droits de vote au sein du FMI, pour prendre mieux en compte les évolutions du monde, et pour mettre fin au droit de veto dont disposent de fait les États-Unis sur toutes les décisions importantes.
Ces différents points étaient ceux que les signataires de cette contribution souhaitaient intégrer au contenu du rapport, au terme de leur participation aux travaux de la commission mixte.
Ils confirment qu’ils ne peuvent s’associer aux préconisations.
Par Jean-Pierre Brard, Bernard Véra, Véra Bernard, Brard Jean-Pierre, le 01 octobre 2008
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