L'ambition de la loi NOME est purement idéologique. La réalité des faits est contraire à toutes ses ambitions déclarées. Et les déclarations ministérielles ou européennes n’y changeront rien. L’optimum social avancé par ses défendeurs, sa supposée efficience économique sont totalement infondés.
Et plus comique encore, cette loi est même opposée à la logique économique libérale elle-même telle que posée par la théorie standard du marché. Interrogé par la Commission Champsaur, Marcel Boiteux, PDG d’EDF de 1967 à 1987, et libéral reconnu, ne dit pas autre chose : « Emportée par le courant des idées, la France a mis fin au monopole d’EDF et ouvert l’électricité aux disciplines du marché. La pression de la concurrence devait améliorer la gestion, dynamiser les équipes, faire baisser les prix du courant. Une dizaine d’années plus tard, telle la poule qui a couvé un canard, la France ébahie se dépêtre de ses paradoxes, le problème n’est plus de faire baisser les prix, mais d’accepter ou non de les laisser monter pour s’aligner sur ceux du marché européen. On avait ouvert l’électricité à la concurrence pour baisser les prix et il faudrait aujourd’hui les élever pour permettre la concurrence ». C’est sans commentaires. Toute la logique et l’ironie de la loi NOME sont contenues dans ces mots du Président d’Honneur d’EDF.
La bataille de l’électricité, et de l’énergie en générale, ne peut donc rester l’apanage d’un gouvernement soumis aux rigoristes fondamentalistes du marché de concurrence pure et parfaite. Toute l’histoire de la construction d’EDF et GDF, entreprises publiques, de la tarification de l’énergie en France et de l’ambition politique nationale forgée lors du Conseil national de la Résistance et mise en œuvre dès 1946, visant à mettre au service des citoyens un outil de très haute technologie énergétique dans les meilleures conditions afin de satisfaire les besoins sociaux et du développement économique du pays, toute cette histoire montre qu’il est parfaitement possible, techniquement, économiquement et politiquement, de faire autrement que ce qui est imposé par cette loi absurde pour la Nation et les usagers.
Certes, il ne s’agit pas de rechercher un retour en arrière, ni un statu quo. Mais bien d’adapter les réponses énergétiques aux défis et aux besoins de notre temps.
Parce que la privatisation et la libéralisation du marché de l’énergie ont montré leur incapacité à répondre à ces défis et besoins, il est nécessaire que le peuple reprenne en main son avenir énergétique. Et parce que l’énergie est un bien commun de l’humanité en général, et de la Nation en particulier, nous proposons pour cela la mise en place d’un « pôle public de l’énergie » redonnant à notre pays la maîtrise de son dispositif de production, de transport et de distribution.
Cela signifie clairement de créer les conditions d’une réelle appropriation sociale de l’outil, des enjeux et des décisions relatives au marché de l’énergie pour une réelle maîtrise publique. Cela suppose la création d’une structure juridique et administrative nouvelle, indépendante, qui s’appuie sur un cadre législatif applicable à toutes les entreprises du secteur, quelque soit leur statut propre, leur type de propriété, pour répondre à l’impératif public de fourniture d’énergie à tous, au moindre coût et au meilleur prix.
Or cette ambition ne peut se concrétiser que par une intervention concrète accrue des salariés et des usagers aux grandes décisions afin qu’elles soient partagées par la Nation toute entière. C’est-à-dire qu’il faut renforcer le socle de droits donnés aux salariés dans l’entreprise et aux usagers hors de l’entreprise, pour que tous participent avec les directions d’entreprises et les pouvoirs publics, aux réponses aux exigences sociales, économiques et de développement durable du pays d’aujourd’hui.
Mais parce que la France s’inscrit dans l’Union européenne et qu’elle ne pourra seule régler la question énergétique, au niveau européen, il est capital d’engager une coopération renforcée entre pays autour d’objectifs communs définissant les grands objectifs d’une maîtrise publique de l’énergie, qui rompe avec les logiques de concurrence entre nations européennes.
Et des grands objectifs, il en existe de nombreux : la mise à disposition de tous les usagers de l’Union européenne, domestiques et industriels, d’une électricité au meilleur prix ; la réduction des émissions de gaz à effet de serre ; la recherche ; le droit à l’énergie et la réduction des inégalités ; les groupements d’achat de long terme ; la sécurité d’approvisionnement et l’interconnexion des réseaux nationaux, tout en respectant, évidemment, les spécificités et l’indépendance de chaque pays.
C’est tout le sens d’une Agence européenne de l’énergie.
Le chantier est immense et le travail difficile à mener. Mais la perspective a du sens !
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