Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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La protection sociale en danger État des lieux et stratégie pour une alternative

Bonnes feuilles du livre de  Michel Limousin et Catherine Mills (LeTemps des Cerises, février 2010)

Nous avançons des propositions alternatives [Mills, 2003, 2009] pour sortir des lois Fillon et Balladur ainsi que des « réformes » en cours etconstruire le système solidaire de retraites de demain.

a) Il faut répondre aux nouveaux besoins liés à la retraite :

Répondre aux besoins liés à la démographie en mettant en  place une  nouvelle politique de  la vieillesse :

La par t des 60 ans et plus  va ef fectivement augmenter, mais l’accroissement  de l’espérance de vie doit être considéré comme un fait positif. Le système de retraites permet le remplacement des salariés âgés. Garantir les retraites est un objectif moderne et efficace qui contribue à un autre type de progression  de la productivité du travail,  surtout s’il est articulé à une politique familiale dynamique créant la force de travail de demain, à une politique de formation des jeunes et à une politique de création d’emplois. Il s’agirait de créer les conditions pour que les retraités les plus jeunes puissent mieux intervenir dans la société à travers des formules de solidarité (la formation, l’aide inter-générationnelle, etc.). Cela implique  de promouvoir la prévention  à tous les âges pour lutter contre les dégradations de la santé ; ceci passe aussi par l’amélioration des conditions  de travail  et de vie (santé au travail, risques environnementaux…).

S’attaquer aux inégalités par rapport à la vieillesse :

Il faut revaloriser le pouvoir  d’achat des retraites qui s’est dégradé depuis 1993 et qui se dégradera de plus en plus avec la montée en charge des mesures de la réforme Veil-Balladur, de la réforme Fillon de 2003 et de la déferlante des réformes hyper-libérales de Sarkozy. Des inégalités subsistent  en ce qui concerne la mortalité  prématurée des adultes, celleci restant particulièrement élevée chez les ouvriers de sexe masculin.  Les pensions les plus basses doivent être revalorisées et le taux de réversion des pensions élevé de 52% à 62%.

La  reconnaissance réelle de  la  pénibilité du travail

Une conception  plus souple de l’âge de la retraite consiste d’abord  à remettre en cause les couperets du chômage et de l’éviction précoce des travailleurs vieillissants.  La possibilité  d’avancer l’âge de la retraite avant d’avoir atteint 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler tôt et ont totalisé 40 années de cotisation, n’a été que partielle dans la loi Fillon. Cette mesure représenterait un coût de 4 milliards  d’euros. Son application doit  viser en priorité ceux qui ont exercé des métiers pénibles. Inversement, ceux qui le souhaitent doivent pouvoir partir plus tard. Des formules permettraient de concilier départ progressif à la retraite à mi-temps pour le travail,  mi-temps pour  la formation  des jeunes et pour le temps libre qui déboucheraient sur le remplacement d’un salarié âgé par l’embauche d’un plus jeune.

Une articulation nouvelle entre politique de la retraite et la  sécurité d’emploi et de formation :

Il faut rompre  avec  l’éviction  des travailleurs  vieillissants  : quand ils prennent leurs retraites, les deux tiers  des salariés sont déjà sortis  prématurément du monde du travail  dès 55 ans (préretraites, dispenses de recherche d’emploi, retraite anticipée forcée, chômage, RMI…) ; ceci signifie des cotisations en moins pour le système de retraite et des prestations en plus pour le système de protection sociale. La France atteint ainsi le record du taux d’activité le plus bas des hommes après 55 ans (moins de 38%). Il est indispensable de relever ce taux pour contribuer à remonter le taux d’activité  global ; dans le même temps, le taux d’activité  des femmes et des jeunes doit aussi être accru. Cela pose la question de la mise en chantier de la construction d’un nouveau système de sécurité d’emploi et de formation.

b) Une refonte et un développement du financement sont indispensables pour garantir l’avenir de la retraite par répartition.

Il faudra dégager d’ici 2040 6 points de PIB supplémentaires pour faire face aux nouveaux besoins, en maintenant et en développant  le système par répartition.

1) Critique de la capitalisation même « à petites doses »:

La répartition  se fonde sur le versement immédiat des cotisations des actifs employés pour servir des prestations à ceux qui sont à la retraite. Elle fournit  un moteur à la croissance économique car ces prestations permettent  de soutenir la demande effective, donc l’incitation à investir  pour les entreprises  et l’emploi. Elles servent aussi à remplacer la force de travail et constituent un facteur de développement de la productivité du travail.

En revanche, la capitalisation, qui joue sur le dogme de l’épargne individuelle, s’effectue au détriment de la demande effective, les fonds capitalisés sont retirés de la croissance réelle, de l’emploi et des besoins des retraités. Ceux-ci se retrouvent contraints  de s’engager dans des fonds de pension privés, dont  les variantes sont nombreuses (fonds d’entreprise, de branches, ou plans d’épargne individuels). Gérés par les institutions financières, banques, compagnies d’assurance, ces fonds sont par nature dépendants de la rentabilité des marchés financiers  et soumis à leurs aléas (inflation,  crises boursières…). La capitalisation est branchée sur la croissance financière, voire la spéculation et non sur la croissance réelle et l’emploi. Elle nécessite des réserves financières considérables (trois fois plus que pour un système de retraite par répartition), donc des prélèvements plus lourds pour des prestations réduites. Il est faux de penser que la capitalisation puisse fournir un complément à la répartition, car les fonds épargnés font défaut au système par répartition et ne peuvent se développer  que contre  les besoins de relance de la croissance réelle.

Une refonte du financement pour garantir la retraite par répartition  en prise sur le développement de l’emploi et sur un nouveau type de croissance, à partir du développement  des ressources humaines (formation, salaires, promotion des salariés) est indispensable. Il s’agit de remettre en cause la fuite en avant dans les exonérations de cotisations  patronales couplée avec la montée des prélèvements  sur les ménages.

2) Développer le principe d’une articulation entre le  financement de  la  protection sociale et  l’entreprise, lieu   de  création des richesses.

Ceci implique d’accroître  les taux et les masses des cotisations patronales en relevant la part des salaires dans les richesses créées. Le débat sur un financement efficace de la retraite doit être mené. On pourrait dégager de nouveaux financements à partir d’une réforme de l’assiette des cotisations  patronales. En effet, la répartition actuelle des cotisations  patronales liée au type de gestion des entreprises,  est telle que plus une entreprise embauche et accroît les salaires, plus elle paye de cotisations, alors qu’une entreprise qui licencie, comprime la part des salaires dans la valeur ajoutée et fuit  dans les placements financiers, paye de moins en moins de cotisations. Ainsi, les entreprises de main-d’œuvre (notamment le BTP) ont une part de charges sociales dans la valeur ajoutée qui est plus du double de celle des institutions financières, des banques, des compagnies d’assurances. Il s’agirait de corriger ces effets pervers de l’assiette actuelle, liés aux gestions d’entreprises.

Dans l’objectif d’accroître  le taux et la masse des cotisations  patronales, on pourrait moduler le taux de cotisation  en fonction  d’un rapport masse salariale / valeur ajoutée, de telle sorte que les entreprises qui limitent les salaires et licencient soient assujetties à des taux beaucoup plus lourds. Inversement, les entreprises qui développent les emplois, les salaires, la formation,  seraient assujetties à des taux relativement plus bas.

Une contribution de ces revenus financiers au même taux de cotisation  que les salaires apporterait près de 22,2 milliards  d’euros en ressources au système des retraites comme nous l’avons montré plus haut.

3) Pour  juguler l’usure dans le travail des salariés âgés et la  pauvreté des retraités, il faut rompre avec la régression du  pouvoir d’achat des retraites :

Les syndicats, les associations de retraités et divers organismes officiels évaluent en moyenne à plus de 10% la régression du pouvoir d'achat des retraités sur les 10 dernières années. La suppression, par la loi Balladur de 1993, de l'indexation  des retraites du régime général sur les salaires et son remplacement par l'indexation  sur les prix  ont rompu le lien de solidarité  intergénérationnelle qui est à la base du système par répartition. De même, l'application des accords AGIRC et ARRCO sur les retraites complémentaires de 1993-94 et 96 a fortement amplifié cette tendance. Les prélèvements sur les retraites (cotisation maladie, CSG, RDS), institués à partir de 1980 par le gouvernement Barre, ont été multipliés  par deux et demi entre  1993 et 1997, tant  pour  les retraités du régime général que pour ceux du secteur public. Ils représentent annuellement près d'un mois de retraite nette. Ainsi, bien loin d'être des « nantis », les retraités sont parmi les oubliés de la croissance. Il y a donc une urgente nécessité à inverser  la tendance et, pour cela, à déterminer  des garanties quant au montant et à l'évolution des retraites qui permettent  leur revalorisation effective et le rattrapage du pouvoir  d'achat perdu.

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