Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Les enjeux d’une construction alternative monétaire et f inancière pour le codéveloppement des peuples

Selon le poète Antonio Machado : « le chemin se construit en marchant  ». Cela peut se référer à deux enjeux majeurs, sur lesquels je veux dire quelques mots.

1°) savoir d'où on part et ce qui motive les avancées .

2°) évaluer, éventuellement mettre en cause ce qui a commencé et chercher à éclairer l'horizon…

Premier enjeu :

Savoir d'où l'on part et ce qui motive des propositions nouvelles efficaces

La crise financière mondialisée formidable de 2008 et la récession à l'échelle de la planète en 2009  ont révélé la radicalité de la crise systémique du capitalisme mondialisé. Cela se relie à la maturation  de la révolution informationnelle et de la révolution monétaire du décrochement de la monnaie par rapport à l'or, avec l'hégémonie du dollar. Et les risques de rechute beaucoup plus grave ultérieure se précisent.

Cette menace est liée au retour des banques internationales à leurs pratiques antérieures, et à la relance de la spéculation  mondialisée  notamment  sur les formidables émissions de titres de dettes publiques.

C’est tout  particulièrement l’énormité  de la dette publique  des États-Unis et des Bons du Trésor en dollars  placés dans le monde et surtout  dans les Banques Centrales de Chine et du Japon, avec les risques de secousses et d’effondrement  futur.

Le besoin de s'émanciper de la domination  de la rentabilité financière spéculative à l'échelle mondiale, contre la vie de tous les peuples, fait monter comme jamais les enjeux d'une construction alternative. Cela concerne la gestion des banques et des banques centrales, de la monnaie, de la finance, pour  de nouveaux buts sociaux et avec de nouveaux pouvoirs des travailleurs et des citoyens.

1°) Le besoin monte d'un autre type de crédit aux entreprises. Cela peut être : abaisser les taux d'intérêt des crédits,  jusqu'à zéro, pour les investissements réels (matériels  et de recherche) à l'opposé  des crédits pour les spéculations, avec des taux d'intérêt d'autant plus abaissés que ces investissements sont accompagnés de bons emplois et formations.

2°) Le besoin d'un autre type de financement des services publics et de l’endettement public pour eux, monte aussi. Ce besoin monte, au-delà de celui de l'annulation  de la dette des pays pauvres. Ce nouveau financement peut venir de la création monétaire depuis les banques centrales pour prendre des titres publics  (à l'opposé de leur placement sur le marché financier) mais avec des critères d'affectation sociale efficaces. Et cela avec des coopérations zonales entre banques centrales et jusqu'au plan mondial.

Tout cela suppose d'avancer dans une construction à quatre niveaux :

le niveau local : nous essayons de l'expérimenter en France avec des Fonds publics  régionaux de prise en charge de tout ou partie des intérêts des crédits pour  l’investissement  réel accompagné d’emplois importants.

le niveau national : comme nous le proposons en France avec un pôle public financier national,

le niveau zonal : comme celui de l'Union Européenne avec une tout  autre Banque Centrale Européenne, ou celui de la Banque du Sud en Amérique latine,

le niveau mondial : avec une refonte démocratique du FMI et une véritable monnaie commune mondiale pour  s'émanciper du dollar  et pour  le développement des peuples.

Deuxième enjeu :

Évaluer et éventuellement mettre en cause ce qui a commencé, en cherchant à mieux préciser les perspectives.

Il s'agit des quatre niveaux convergents et plus particulièrement  du niveau zonal et du niveau mondial.

Au niveau zonal, pour  la Banque Centrale Européenne, le Parti Communiste Français propose avec d'autres forces, son contrôle politique démocratique, à l'opposé de son indépendance des pouvoirs  politiques. Nous proposons aussi qu’elle impulse l’autre type de crédit  dont j'ai parlé, avec son refinancement des banques ordinaires et sa création monétaire. Nous visons aussi la prise de titres de dette publique, affectés à l'expansion des services publics, à partir de sa création monétaire.

Pour la Banque du Sud en Amérique latine, ne faudrait-il pas évaluer le chemin parcouru et chercher à avancer vers une Banque centrale internationale de pleins pouvoirs, contrôlée démocratiquement, pour le subcontinent, et une véritable monnaie commune zonale à partir du Sucre, pour favoriser le co-développement ?

Et d'autres institutions du même ordre sont souhaitables, partout, comme cela a été proposé et retenu pour l’Afrique sub-saharienne, lors d’une conférence internationale de forces progressistes où j’ai pu intervenir, en novembre 2009 à Johannesburg. (1)

Mais l’enjeu le plus important est celui des luttes convergentes pour une autre construction à l'échelle mondiale. J’insiste sur le besoin de comprendre que l'objectif  de s'émanciper de la domination  du dollar ne peut être réalisé uniquement au niveau zonal. De même, la question de l'émancipation  du FMI tel qu'il est constitué actuellement, suppose une autre organisation  mondiale, la constitution d'un tout  autre FMI. Une démocratisation profonde du FMI suppose une augmentation considérable des droits de vote des pays émergents et en développement et bien plus,de supprimer  la minorité  de blocage des États-Unis sur les votes importants.

Et surtout, nous pouvons aujourd’hui avancer, comme nous l’avons proposé depuis longtemps, vers la créa tion d'une monnaie commune mondiale émancipée du dollar, à partir des Droits de Tirages Spéciaux du FMI (Special Drawing Rights), ces titres monétaires permettant de tirer des monnaies des autres pays.

A la veille du G20 d’avril  2009, le gouverneur  de la Banque Centrale de Chine a, à son tour, proposé de créer une « monnaie de réserve internationale » déconnectée des intérêts d’un seul pays, c’est-à -dire en fait autre que le dollar, et cela à partir des DTS. Et cette proposition aurait été soutenue par la Russie et par le Brésil.

A notre avis, ce très nouveau FMI refondé et cette monnaie commune devraient être articulés aux constructions zonales.

Et la définition  des nouveaux DTS devrait  être changée, avec une réduction de l’importance du dollar  et des autres monnaies dominantes et avec sa relation à un panier de produits  réels.

Pour finir, je souligne deux questions décisives :

  1. A l’opposé de ce qui a été fait pour la création de DTS déjà décidée au G20 d’avril de 2009, où les pays en développement  ont reçu une très petite  partie, les  allocations de  la  future monnaie commune mondiale doivent être fonction de l’importance des populations de chaque pays et de l’importance des besoins, relativement à sa situation et à des buts de développement humain.
  2.   La  création  de  cette  monnaie  commune  mondiale doit viser :

un refinancement des Banques Centrales pour un nouveau crédit pour l’emploi et la formation liés à l’investissement réel, et aussi le financement d’une expansion sans précédent des services publics  coopérant  au plan international,  avec la constitution de Biens publics mondiaux ou de Biens Communs de l’humanité, de l’alimentation à l’écologie, de la santé à la culture.

(1) The Global Crisis and Africa : Struggles for Alternatives, Conférence internationale organisée par la Fondation Rosa Luxemburg, Johannesburg, novembre 2009.

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