Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Opérations d’Intérêt National (OIN)(1) : Opérations pour le capital multinational

Il y a, en Ile-de-France huit méga-structures support OIN qui s’inscrivent toutes dans l’agglomération centrale et sans aucun développement dans l’espace rural. Il ne s’agit pas pour moi d’avoir une analyse fouillée sur chaque OIN mais une approche cohérente, d’autant qu’il y a une grande diversité et complexité de situation.

Les OIN se répartissent sur les cinq faisceaux de l’Ilede-France, Nord, Est, Sud-Est, Sud et Ouest. Elles rayonnent actuellement sur 1 500 000 salariés et plus de trois millions d’habitants.

Leur origine

Les OIN sont des outils, des procédures apparus dès 1983 en dehors de l’Ile de France, particulièrement au niveau des Ports : Dunkerque, Le Havre, Bordeaux, Fos, Marseille, Plaines du Var et St-Etienne. En Ile-deFrance, les OIN sont dès 1983 en agglomération : Marne La Vallée Sénard ; La Défense/Seine Arche ; les aéroports Orly, Le Bourget, Roissy ; Le Mantois et Seine Aval ; Orly Rungis, Seine Amont. Les OIN vont ressurgir dans la région dans les années 2000, avec l’opération d’aménagement de Nanterre en  2005, avec l’extension des aéroports, puis Saclay, Seine Amont et Seine Aval.

Ces procédures s’appuient sur les pôles de compétitivité et se situent dans le prolongement du processus de décentralisation mais avec le souci pour l’État de reprendre le dessus en matière d’activités économiques, d’urbanisme, de logement et de transports.

Contenus et objectifs  : il n’y a pas de neutralité  avec les procédures d’État.

D’autant que depuis 1965, l’Ile-de-France dispose d’un document de planification à long terme d’aménagement du territoire  régional et d’urbanisme dont les orientations s’imposent aux documents locaux d’urbanisme. Or, ce document « Schéma d’Aménagement  du Territoire Régional – SDRIF » à partir de 2004 ne pouvait plus être du seul ressort de l’État, mais d’une association entre la Région et l’État validée en décret par le Conseil d’État.

Cette démarche liée aux lois de décentralisation a abouti de manière élargie et plus démocratique à l’élaboration du SDRIF par la nouvelle majorité de gauche comme à la fois « Schéma et Projet d’Aménagement » de l’Ile-de France.

La mise en place des trois OIN « Seine-Amont,  SeineAval, Massy Saclay-Versailles-St-Quentin-en-Yvelines en plein débat sur la révision du SDRIF au travers de la notion « d’intérêt national », permet à l’État de retrouver une place dans les décisions et orientations d’aménagement.

Mais surtout la nécessité d’un pilotage plus  simple et direct ; d’un ordonnancement des compétences déléguées plus hiérarchisées ; d’une contractualisation entre les différents acteurs à la fois sur le contenu des projets, la répartition  des rôles, des maîtrises d’ouvrage et d’œuvre, des financements.

Ces objectifs, leur renforcement et leur accélération ont été possibles avec cette double réalité du contexte actuel.

1. La crise du système capitaliste oblige à repenser les schémas de développement car c’est bien autour de quel projet social, économique et environnemental que se situe l’affrontement. D’autant que la crise n’est pas conjoncturelle, que les schémas de l’industrie financière ne peuvent se développer de la même façon que les années et les décennies précédentes.

2. L’élection de Nicolas Sarkozy, la mise en œuvre de ses politiques constituent bien une rupture dont les objectifs et discours s’inscrivent dans le cadre de la mondialisation du capitalisme.

Ses projets pour l’Ile-de-France constituent bien un changement d’échelle et de nature.

D’autant que le fil conducteur de celui-ci nous rappelle étrangement la stratégie  dessinée en 2000 par la DATAR visant à aménager l’Ile-de-France et la France pour l’horizon 2030, 2040.

L’objectif  majeur est  de  faire  de  Paris  et  sa  zone dense une cité globale dans la mondialisation ;  une véritable métropole phare du 21e   siècle capable de rivaliser avec  Londres, New York, Tokyo.

Le fil conducteur arrêté dans ce rapport par la DATAR est plus de compétitivité,  plus d’attractivité, de rentabilités financières des capitaux investis.

La structuration  des OIN, territoire stratégique pour l’État vise à concentrer  tous les atouts d’un environnement favorisant des niveaux de rentabilité financière élevés.

Trois logiques structurantes sont déjà à l’œuvre.

1. La mobilité dans le cadre de la mondialisation avec les  OIN et le réseau de transport Grand Huit. L’État répond aux besoins de mobilité des forces humaines en reliant les pôles stratégiques.

2. La logique institutionnelle c'est-à-dire les enjeux de la gouvernance avec pour l’Ile-de-France, la réforme des collectivités locales, la mise en cause de la compétence générale et la création de la société du Grand Paris.

3. La logique patrimoniale qui pose le rapport entre la Métropole, le foncier et l’agriculture. L’Ile-de-France est une région industrielle et agricole. Quel avenir pour celles-ci ? L’agriculture posant aussi les questions de l’environnement et du développement durable.

Alors que les trois défis au cœur du pari d’aménagement de l’Ile-de-France et du SDRIF sont :

• Réduire les fractures et favoriser l’égalité sociale et territoriale ;

• Améliorer la cohésion sociale pour le développement de l’emploi et de l’économie ;

• Maîtriser les changements climatiques et énergétiques. La conception et le contenu des OIN ne répondent pas à ces objectifs majeurs car les désaccords entre la région et l’État sur l’aménagement régional ont résidé essentiellement sur la place et le rôle des OIN dans le SDRIF. Et aujourd’hui c’est plus clair en refusant de valider le SDRIF, le gouvernement veut instituer une société  « EPIC-Grand  Paris », reprendre en main sa vision du réseau de transports et imposer sa conception d’urbanisme en s’appuyant sur les procédures existantes qui sont déjà à l’œuvre. La brutalité avec la mise en place d’un régime d’exception sur l’Ile-deFrance est cohérente avec la nature profonde de celle-ci.

Les OIN s’inscrivent dans une  conception  géographique qui va structurer l’aménagement de l’Ile-deFrance dans le cadre des  faisceaux à partir d’une vision métropole Ile-de-France dépassant le caractère des départements.

5 faisceaux

1. OIN et faisceau ouest :

L’ouverture maritime de l’Ile-de-France vers l’ouest structuré par la Seine et les grandes infrastructures A13, A15, A16 et  es perspectives du TGV Le Havre-La Défense et non pas Paris.

• L’OIN de la Défense et Seine-Arche pose la question à long terme de l’équilibre Habitat/Emploi dans cette zone.

• L’OIN Seine Aval : enjeux technologiques et industriels liés à l’aéronautique et l’automobile, donc de la formation technologique et universitaire. Le pôle de compétitivité de Moevo doit parait-il y contribuer.

2. OIN et faisceau Nord :

Ces OIN et ce réseau constituent la principale entrée internationale de l’Ile-de-France grâce à Roissy-Charles de Gaulle, Le Bourget, réseau TGV et les autoroutes A1 et RN2 avec le pôle de Roissy, du Bourget et Plaine Commune, première communauté d’agglo de l’Ile-de-France.

3. OIN faisceau  Est :

C’est l’ouverture de la région vers l’Est de la France et le Sud de l’Allemagne.

La logistique a un rôle important à jouer avec la proximité de Roissy, la montée en puissance du pôle aéroportuaire de Vatry ; avec ses atouts touristiques renforcés par une accessibilité internationale.

• Les enjeux du Val-Maubuée, Val-d’Europe avec Euro-disneyland en voyant bien que sur ce faisceau c’est Marne-la-Vallée qui a une part centrale et déterminante.

4. OIN faisceau Sud-Est

Deux OIN sont concernées, l’une est l’ancienne ville nouvelle de Sénart, l’autre plus récente avec Orly-RungisSénart Amont (ORSA).

C’est un territoire  (2 OIN) caractérisé par des industries et des services métropolitains et fortement structurés par la Seine, les axes routiers RN 6 et 7, L’A5 et 6 et les ferroviaires et le RER jusqu’à Melun.

-Le développement économique s’articule autour : SeineAmont/Nord avec Médicen-Santé le pôle de compétitivité.

Rungis, le Marché d’Intérêt National et la plate forme aéroportuaire d’Orly.

Orly Rungis-Seine-Amont-Sud qui a l’avantage d’un potentiel foncier exceptionnel et de nombreuses friches industrielles et profitant aussi de la montée en puissance des projets Paris Rive Gauche.

La ville nouvelle de Sénart, l’OIN n’est pas arrivée à maturité dans son développement et sera confortée autour du Carré Sénart.

5. Faisceau Sud, avec le projet OIN Massy, Palaiseau Saclay Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.

Ce faisceau se caractérise par la concentration des pôles d’enseignement supérieur et de recherche scientifique et technologique allant d’Évry génopôle jusqu’à Versailles et St Quentin en passant par la Vallée scientifique de la Bièvre et le plateau de Saclay.

C’est la Silicone Valley chère à Sarkozy.

Le plateau de Saclay constitue le centre majeur du projet avec :

• St-Quentin-en-Yvelines grand pôle d’emploi métropolitain avec plus de 100 000 salariés participants au rayonnement international de l’Ile-de-France.

• Versailles-Satory, pôle d’affaires, d’échanges et de recherches concerné par le pôle de compétitivité MOEVO.

• Vallée de la Bièvre s’appuyant principalement sur la présence du CEA.

• Centre Essonne-Seine-Orge élément du cône sud de l’innovation.

L’enjeu des transports y est majeur dans ce secteur.

Ces OIN éléments de structuration de ces faisceaux se mettent en place avec des contradictions majeures.

1. Économiques  :

L’objectif essentiel des OIN est de stimuler la croissance grâce à la présence d’entreprises leaders mondiaux

dans des secteurs porteurs (biopharmacie, ingéniérie et services urbains de construction, transports et aéronautique, énergie et environnement, tourisme de luxe, développement de la recherche privée de l’innovation et par des chantiers). Secteurs qui verront de nombreux métiers en développement et en création.

Cette croissance est conçue en terme de concurrence, de compétitivité, de taux  marge  élevé.  Cette implantation de beaucoup de services, peu de services publics, va concourir à la réduction du format de l’industrie régionale dans une région qui reste la première région industrielle française mais qui continue de voir ses effectifs baisser.

Les OIN vont être des zones majeures de la tertiarisation et précarisation de l’emploi et de l’économie avec des centaines de milliers de salariés payés au SMIC.

Les projets de pôles territoires y sont nombreux : Seine-Amont, Marne-la-Vallée, Val-d’Europe, La Défense…

Le vieillissement de la population, la poursuite de la tertiarisation, la mondialisation modifieront la nature et

le type des emplois offerts aux salariés régionaux. Le risque est réel de spécialisation de ces OIN au détriment d’un maillage d’entreprises sur des projets accroissant le phénomène d’isolement.

• Seine-Amont : biotechnologie – agroalimentaire – logistique,

• Seine-Aval : mécatronique, éco industrie,

• Marne-la-Vallée : loisirs, cultures, enseignement et recherche,

• Plaine de France : aéronautique, logistique,

• Massy-Saclay : recherche et enseignement supérieur, santé,

• Sénart : excellence logistique université, recherche

• Défense-Seine-Arche : centres d’affaires, finances.

Alors qu’il faudrait développer de grands secteurs industriels qui sont à la base des biens de consommation et d’environnement en développant la recherche publique,  en relançant le pouvoir d’achat, la formation, en créant une sécurité sociale  professionnelle et des politiques publiques innovantes.

2. Des transports pour l’attractivité  des capitaux :

Les atouts de ces zones sont actuellement limités par le prix du foncier et la saturation des transports en commun.

Le Grand Huit avec ses 130 Kms de métro automatique va répondre à ses objectifs tout en fermant et n’ouvrant pas aux  échanges avec les autres secteurs et modes de transports. D’autant qu’au recensement de 2006, Paris et la première couronne ne font plus qu’un ; en termes de mobilité et d’emploi. Celle-ci va s’accentuer avec ce Grand Huit, véritable ceinture  concourant à une homogénéité de situations.

Tout d’abord avec la proposition de préemption par l’État autour des quarante gares du Grand Huit. Ensuite en reliant ces pôles stratégiques pour répondre aux besoins de mobilité des forces humaines, de réduction de ces temps de transports pour accroître la rentabilité financière.

Les OIN étant très privilégiées dans la réalisation de ce projet qui permet l’interconnexion nécessaire à leur attractivité.

La conception du maillage au plan régional est abandonnée. Que dire des coûts de transports dont les collectivités locales et les populations devront supporter  la plus grande totalité. Alors qu’il faudrait en urgence un plan de relance ambitieux des transports publics et du fret, la création d’un pôle public des transports.

3. Des logements déconnectés des zones d’emplois

La construction de logements dans ces huit méga-structures ne va représenter que 27,5% des objectifs du SDRIF. Où va-t-on construire les autres ? Si on les construit ! Des doutes subsistent sur les objectifs de 60 à 70 000 logement pour l’horizon 2030. A la Défense, à l’horizon 2030 c’est 400 000 salariés, où vont-il se loger ? Le logement est déconnecté de l’aménagement du territoire,  du rapport au travail et des zones de l’emploi.

4. La Démocratie muselée

On veut la museler avec la réforme des collectivités locales et territoriales. Dans les OIN, les salariés, leurs

institutions représentatives, leurs organisations syndicales, n’ont aucune représentation. La seule qui existe est celle du patronat, des Chambres économiques dans ces organismes de pilotage.

L’exigence de présence des représentants des salariés et du syndicalisme interprofessionnel, y compris avec de nouvelles structures de concertation à créer est posée.

Le conseil consultatif des acteurs économiques et sociaux sur Orly, Rungis, Seine-Amont créé à l’initiative du Conseil Général du Val-de-Marne, fait exception.

5. Des financements réservés

Les principaux financements Région, État, Europe vont  dans les huit méga-structures. Le Grand Projet 3 :« renforcer l’attractivité en Ile-de-France  », ce sont 520 millions d’euros dont 70% sont injectés dans ces zones.

Le Grand Projet 4, « conforter le rayonnement international de la région » un budget plus d’un milliard d’euros pour l’enseignement supérieur, la recherche. Félicitations pourrait-on dire ! Mais avec une volonté de rationaliser, de centraliser, de mise en cause des Services publics, de coupes sombres dans l’emploi, de difficultés accrues pour la masse des étudiants, de créations de clusters c’est plus de formations d’élites liées  à la compétitivité mondiale.

Le financement du Grand  Huit, pour  les transports avec le rapport Carrez, c’est six taxes nouvelles, un emprunt, une fiscalité spécifique pour la construction des infrastructures. Mais l’exploitation c’est un coût, des charges pour le STIF, la région, les collectivités locales, les populations.

Cette structuration ne peut faire abstraction de l’enjeu des Services Publics en Ile-de-France. Avec la RGPP c’est un million d’emplois dans le collimateur avec la réduction brutale des dépenses publiques, le transfert aux ecteurs privés marchands, le recentrage de leur mission, le développement des partenariats publics-privés, la suppression de la taxe professionnelle. Quelles agressions laminant les pages des grands acquis historiques ! Atouts et moyens pour les populations, les collectivités locales, des gisements d’emploi pour les jeunes qui vont  être réduits dans leur utilité et efficacité en matière de santé, d’école, d’énergie et de transports.

Nous allons assister à des nouveaux déséquilibres territoriaux, à la constitution  de zones de relégation, de déréglementation, d’inégalités sociales et territoriales plus criantes.

D’autant que la rupture sur la conception de la décentralisation initiée par l’État, va s’attaquer à l’autonomie financière des collectivités locales et à la démocratie des citoyens. Et que le projet de Sarkozy pour une organisation ségrégative de l’Ile-de-France se réalise sans aucune politique d’aménagement équilibrée et cohérente du territoire national.

Des déséquilibres entre la zone agglomérée d’une part, les territoires ruraux et les territoires interrégionaux d’autre part.

La conception de renforcement des OIN dans le cadre d’un polycentrisme fortement cadré sur la zone centrale de notre région risque de contribuer à l’assèchement des territoires régionaux et inter régionaux déjà largement affaiblis, pour certains sinistrés par les politiques publiques actuelles.

Ce qui va poser la problématique des rapports entre l’Ile-deFrance et les autres régions dans un phénomène de rapports attractifs ou exclusifs entre le centre et la périphérie.

Les atouts existent pour des résistances et contre-offensives, car ces politiques suscitent bien des oppositions de plus en larges parmi les salariés, les populations et leurs élus.

(1) Demi-journée d’étude de la CGT le 13 janvier 2010.

(2) Membre du CESR, Président de l’IHS CGT Ile-de-France.

 

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