Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Les propositions du parti socialiste sur les retraites Le diable est dans les détails

Au-delà dune présentation de tonalité sociale et de contestation de la finance, le document « une réforme juste, efficace et durable » du parti socialiste sur les retraites  est marqué par un désir de conciliation de plus en plus intenable entre le maintien de la logique de la rentabilité et des marchés financiers, et des prélèvements publics et sociaux sur les richesses à renforcer. On reconnaît certes le besoin de financements accrus, voire la nécessité d’impliquer les entreprises, et certains revenus du capital. Mais on ne touche pas aux entreprises et on ne fait que de la répartition, statique.  On ne voit pas que la question fondamentale c’est l’emploi et la base« salaires » des cotisations, et donc qu’il faut changer le comportement des entreprises. Si on ne fait que taxer plus, elles réagiront, « l’assiette » de cotisation  s’évaporera (ce que la droite à commencé à dire). Elles pousseront des cris d’orfraie sur la mise en cause de leur sacro-sainte« compétitivité ». C’est pour cela que la majorité des français, qui ne s’y trompent pas, pensent que le PS ne tiendra pas cela lorsqu’il sera au pouvoir. Ces propositions font ressortir d’autant plus le besoin de taxation précise des entreprises sur leurs comportements de rentabilité contre l’emploi, avec le double « levier » : leurs revenus financiers et la modulation des cotisations. Elles font ressortir à quel point la bataille des retraites ne peut pas être coupée de celle de l’emploi et des autres questions, comme l’euro et la politique monétaire. C’est dire à quel point elle est systémique et concerne tout le monde.

Dans son introduction, le Parti socialiste présente quatre grandes priorités :

garantir le niveau de vie des retraités, menacé par les réformes de 1993 et 2003 qui n’ont rien réglé ;

● faire une réforme juste en mettant à contribution tous les revenus, y compris ceux du capital, en prenant en compte la pénibilité, en maintenant l’âge légal de départ à 60 ans ;

● faire une réforme durable avec un financement qui pérennise notre système de répartition ;

des garanties collectives pour davantage de choix individuel, dans un cadre universel solidaire  et  protecteur qui prenne en compte les parcours professionnels.

« Garantir  le niveau  de vie des salaries, menacés par les réformes de 1993 et 2003, qui n’ont rien réglé. »

Le niveau de vie serait menacé, c’est un euphémisme, en effet :le Taux de remplacement net pour une retraite à 60 ans, suite aux réformes de 1993, 1996, 2003, est  déjà en cours d’effondrement.

le Taux de remplacement net pour une retraite à 60 ans, suite aux réformes de 1993, 1996, 2003, est déjà en cours d’effondrement.

                            Secteur privé                                  publics et privés tous régimes confondus
2000   84%  78%
2020 71% 70%
2040 67% 64%

sources : cor

Mais, plus grave, cette formule ne dit rien sur les intentions du Parti socialiste, qui ne parle pas de remettre en cause les réformes Fillon et Balladur, qui sont pourtant au cœur de la divergence entre l’évolution des salaires et l’évolution des retraites. Ne pas les remettre en cause, signifie que l’on accepte à moyen et long terme un abaissement massif des pensions.

Quant à la réforme de Sarkozy sur les retraites, rien n’est dit dans le texte par rapport aux intentions du Parti socialiste sur son aborgation si la gauche revenait au pouvoir en 2012.

● « Faire une réforme juste, en mettant à contribution tous les revenus, y compris ceux du capital ; en prenant en compte la pénibilité ; en maintenant l’âge légal de départ à 60 ans. »

On retrouve cette idée d’efforts partagés entre les salariés et les patrons, entre les riches et les pauvres. Mais surtout les entreprises sont évincées du débat. Et ceci de deux façons. Premièrement, on ne prend pas en compte leurs revenus financiers (produits des placements, intérêts et dividendes reçus), qui s’élèvent à 305,2 Mds d’euros en 2009. Ce sont des revenus du capital.

Deuxièmement, on ne prend pas en compte le besoin de changer leurs comportements d’emploi, d’embauches, de salaires et de qualifications. Et pas seulement pour les « seniors » !

Hormis un élément de proposition sur la taxation des bénéfices des banques, les ressources nécessaires et mobilisables pour éviter une nouvelle régression de la situation des retraités d’aujourd’hui et de demain, ne sont pas au rendez-vous des propositions du Parti socialiste.

Par ailleurs, en accolant pénibilité et départ à 60 ans, il avance insidieusement l’idée, qu’en fait, le départ dans des conditions normales à 60 ans ne devrait être réservé qu’à ceux qui ont commencé tôt ou qui ont eu des emplois pénibles, tout en laissant planer une incertitude sur l’acceptation d’une augmentation effective de la durée des cotisations pour tous les autres, c’est-à-dire la très grande majorité des salariés.

D’ailleurs la focalisation sur les 60 ans est très pernicieuse, car elle évite de poser les autres questions fondamentales qui sont celles d’une bonne retraite, tant en niveau de revenus qu’en conditions de départ (âge, état de santé, accès aux services, participation à la vie sociale). Or, la gauche ne doit pas transiger sur l’exigence d’une bonne retraite, et d’une sécurisation de ce temps de la vie en lien absolument nécessaire avec la sécurisation des autres temps de la vie.

Quant à l’apparente intransigeance sur la défense de l’âge légal de départ à 60 ans, elle pourrait devenir un trompe-l’oeil si, dans le même temps, on ne stoppe pas la tendance actuelle à retarder l’âge effectif de la liquidation de la retraite en lien avec l’effondrement du niveau des pensions ainsi que les lourdes pénalités pour ceux qui ne réunissent pas les annuités nécessaires.

● « Faire une réforme durable, avec un financement qui pérennise notre système par répartition. » (voir plus loin)

● « Des garanties collectives pour davantage de choix individuels, dans un cadre universel, solidaire et protecteur qui prennent en compte les parcours professionnels. »

Certes, le salariat a connu de profonds changements, touchant de manière  diversifiée les travailleurs. Mais, la formule « garanties  collectives pour davantage de choix individuels », peut recouvrir, en l’espèce, l’idée d’un filet minimum assuré, justifiant un allongement de la durée des cotisations, contraint par la faiblesse des pensions à venir et/ou le besoin d’un complément individuel ouvrant la voie à l’épargne-retraite et à la capitalisation.

Cela serait renforcé par la pression que constituerait une autre proposition du Parti socialiste qui prévoit que chaque année les salariés recevraient  le décompte de ce qui leur serait servi au moment de la liquidation de leur retraite. Ainsi serait intériorisé,  de manière individuelle, le besoin d’aller au-delà des 60 ans. Le salarié serait livré, comme en Suède, aux pressions s’exerçant sur lui de manière individualisée, pour qu’il retarde son départ en retraite, sous prétexte d’avoir une retraite plus élevée mais moins longtemps

Voilà ce que peut recouvrir l’idée de retraite choisie.

 De nouvelles ressources pour une retraite juste et durable .»

« Des efforts justes sont des efforts partagés ». Partagés entre qui et qui ? Et selon quelle clé de répartition ?

Les propositions  de financement du Parti socialiste : « Les socialistes proposent  de le faire d’abord en rapprochant la taxation du capital de celle du travail ».

On retrouve cette idée de taxation  excessive du travail qui recouvre, sous de fausses allures  de gauche, le principe néoclassique de coût du travail et de charges sociales excessifs :

● la mise à contribution des revenus du capital (25 milliards d’euros en 2025), avec quatre mesures :

1 - majoration des prélèvements sociaux sur les bonus et les stock-options (de 5 % à 38 % comme le propose la Cour des Comptes) : 2 milliards d’euros, revenus du capital des ménages

2 -  le relèvement du « forfait social » appliqué à un intéressement et à la participation (de 4 % à 20 % : 3 milliards d’euros,  revenu du capital des ménages, presque toujours des ménages salariés pour ces revenus.

3 -  l’application de la CSG sur les revenus du capital  actuellement exonérés (en maintenant l’exonération sur les livrets d’épargne et les plus-values sur les résidences principales) et la remise en cause de la défiscalisation des plus-values sur les sessions de filiales : 7 milliards d’euros,

4 - l’augmentation de la contribution sur la valeur ajoutée, instaurée à la suite de la suppression de la taxe professionnelle de 1,5 % à 2,2 % (en exonérant les petites entreprises) : 7 milliards.

Ces quatre mesures permettraient, ainsi, de mobiliser autour de 19 milliards en 2010, ce qui représente, compte tenu de la croissance, autour de 25 milliards en 2025, si tant est qu’elles n’entraînent pas, par ellesmêmes, un rétrécissement de leurs bases en France. Pas un mot des revenus financiers des entreprises.

Le chiffrage du Parti socialiste s’est  donné comme échéance 2025. Cela signifie donc qu’il entend pérenniser un certain nombre de situations ou accepter :

● les bonus  et les stock-options,  alors que le PCF propose leur suppression,

● la suppression de la taxe professionnelle, alors que les élus locaux, y compris socialistes, ont vivement protesté contre les conséquences catastrophiques  pour les finances des collectivités territoriales.

● Mais aussi la situation dramatique que vivent aujourd’hui nombre de retraités ou que vivront nombre de futurs retraités n’ayant pas d’autre choix que de liquider leur retraite avec un nombre d’annuité insuffisant et de supporter la décote sur leur pension  entre 60 et 65 ans.

Par ailleurs, le Parti socialiste propose d’augmenter la contribution du capital, notamment pour d’autres branches de la sécurité sociale (maladie et dépendance).

Mais, il faudrait préciser que c’est avant tout par la CSG qu’il entend le faire. Or on sait que celle-ci repose pour 88 % sur les revenus du travail et de remplacement des salariés et des retraités et 12 % sur les revenus financiers des seuls ménages.

● « une augmentation modérée et étalée dans le temps des cotisations patronales et salariales à partir de 2012 (12 milliards d’euros en 2025) » : il propose « l’augmentation de 0,1 point des cotisations salariale et employeur chaque année entre 2012 et 2021 ».

Cette proposition, se retrouve dans le mouvement syndical, mais comme le recours en dernière instance, si toutes les autres propositions  financières s’avéraient ne pas permettre de boucler le financement de mesures sociales importantes pour les retraités, (relèvement des pensions, réduction des inégalités,…), propositions sur lesquelles le Parti socialiste évite de s’engager.

Surtout, il affirme une augmentation  égale des cotisations salariales et employeurs, mettant ainsi sur un pied d’égalité la contribution des salariés et des entreprises, en opposition à tout principe de contribution proportionnée aux capacités de chacun.

« Le Fonds de réserve des retraites pour faire face aux aléas sans remettre en cause le niveau  des pensions .»

Le document rappelle, certes, que c’est le gouvernements Jospin qui l’a mis en place avec l’objectif d’une dotation à porter à 150 milliards d’euros en 2020. Mais il oublie que :

● parmi les ressources permettant d’abonder ce Fonds, il y avait en premier lieu celles des privatisations, que le texte cache en parlant de « cessions d’actifs » ; il y avait le pillage des excédents des autres caisses, au détriment des prestations à verser.

● la gestion de ce Fonds a été, par la suite, confiée pour partie, à la banque Lehman Brothers, qui a fait les placements financiers que l’on sait, conduisant à sa propre faillite. On a aussi assisté à une chute massive de 25 %, de la partie du F. R. R, placée en actions, du fait de la crise de 2008. Ce qui explique aussi en partie la chute, à 32 milliards d’euros, des actifs de ce fonds.

« Il propose de créer « une surtaxe de 15 % de l’impôt sur les sociétés acquittée  par les banques  qui rapporterait environ 3 milliards  d’euros par an. Avec un rendement de 4 %, cela permettrait  aux fonds de réserve de disposer de 140 milliards  d’euros en 2025 ». À condition qu’aucun krach financier n’intervienne d’ici là.

Le Parti socialiste propose donc une relance de l’effort de capitalisation de ce Fonds, en y consacrant d’importantes  recettes, qui pourraient servir à d’autres objectifs sociaux plutôt qu’à sa stérilisation dans un fonds de placement.

Mais il faudrait rappeler aussi que le Fonds de réserve introduit la logique de la capitalisation dans le système par répartition, les fonds mis de côté, puis placés sur les marchés financiers, avec tous leurs aléas, feront  défaut à la retraite par répartition, au lieu de prétendre la sauver.

Le document avance enfin des mesures pour la prise en compte des actifs écartés de l’emploi ou en formation : « La contributivité du système préservée : les droits à la retraite sont ouverts par la contribution de chacun sur ses revenus d’activité. Les droits non contributifs que nous proposons de créer permettront  d’alimenter le fonds de solidarité vieillesse (F S V) pour financer  les avantages non contributifs, notamment de nouveaux  droits non contributifs  acquis pendant  les périodes de formation à travers le mécanisme  compte formation  ou pendant   les stages, les droits acquis par les titulaires d’emplois précaires, les retraites  des chômeurs,  le minimum vieillesse,  les avantages familiaux,  notamment  ceux dont bénéficientles femmes,  les besoins de financement  des régimes de la fonction publique. Si les nouvelles  ressources non  contributives devaient  excéder le besoin du F S V, ce reliquat  sera attribué à l’assurance-maladie et un montant équivalent des cotisations patronales  de maladie  sera transféré vers les retraites ».

Le Parti socialiste reprend la vieille lune de séparation de ce qui relève du non contributif, ce qu’on appelle la solidarité nationale, à financer par l’impôt et à décrocher de la Sécurité sociale ; et le contributif qui resterait financé par des cotisations, avec l’objectif de réduire les cotisations patronales sous prétexte de réduire la dite taxation du travail, pour monter la CSG reposant sur les impôts des ménages.

Le texte du Parti socialiste qui cherche à concilier les attentes  sociales et un type de compétitivité fond sur la baisse du coût du travail reste profondément contradictoire.

 

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