Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Le FSi : pour la rentabilité ou l’efficacité sociale ?

Le président de la République en 2008 à Montrichard a lancé le Fonds stratégique d’investissement (FSI). Cette institution publique et financière a en théorie une force de frappe de 20 milliards d’euros de fonds propres. Elle s’autorise à entrer dans le capital d’une entreprise, à favoriser un accès à des financements de façon sélective et soutenir des projets industriels de croissance et porteurs de compétitivité.

Des contradictions sont très vite apparues entre les annonces présidentielles et la réalité sur le terrain. Le FSI censé faire la différence avec les autres fonds n’a pas convaincu et surtout ne justifie pas ses décisions de dossiers refusés ou acceptés. Le bilan social quant à lui est désastreux.

D’autres pistes sont  à explorer en lien direct avec les Fonds régionaux et une plus grande responsabilisation et implication des banques.

Le FSI, qu’est-ce que c’est ?

Sources : www.fonds-fsi.fr et www.wikipedia.org et http://www.gouvernement.fr/gouvernement/le-fondsstrategique-d-investissement

Le gouvernement a justifié la création d’un fonds souverain de la façon suivante : « Les entreprises françaises

ont besoin d’investisseurs de confiance qui ne soient pas seulement  attirés  par une  logique financière de court terme. Elles ont besoin d’investisseurs stables, « patients », qui financent leurs projets et accompagnent leur développement.  C’est pourquoi Nicolas Sarkozy a décidé de créer un fonds stratégique  d’investissement.  C’est une grande première dans l’histoire économique française. C’est aussi une solution pragmatique pour faire face à une crise sans précédent ».

Le FSI est donc une réponse initiée par les pouvoirs publics aux besoins en fonds propres d’entreprises porteuses de croissance et de compétitivité pour l’économie française. Les deux actionnaires sont l’Agence de participation de l’Etat (APE et 49 % du capital) et la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC 51 %).

Ce fonds souverain à la française est doté de 20 milliards d’euros, dont 14 milliards de participations déjà existantes de l’état dans des sociétés françaises, et de

6 milliards d’apports en numéraire en provenance de la CDC et de l’état, qui ont fait appel à la dette pour ce montant. Une première pour un fonds d’état dans le monde, qui est obligé de s’endetter lors de sa création. Parmi les 14 milliards de participation, on retrouve

7 milliards qui correspondent à des participations minoritaires de l’état dans des sociétés françaises (Renault, Safran, Thales, France-Télécom,  etc.) et 7 autres qui correspondent à des participations déjà détenues par la CDC (Accor, Veolia, Alcatel Lucent…),  sauf celles dans CNP et Dexia.

Objectif principal de ce fonds : investir dans des PME à forte croissance, qui n’ont plus accès au financementsur le marché ; ou des entreprises stratégiques dont le capital est menacé par des investisseurs étrangers.

Le FSI estime avoir pour mission d’investir dans des entreprises existantes. Il n’a pas vocation à participer au financement de projet de création d’entreprises ou d’infrastructures dans le cadre notamment de partenariats public-privé ; il n’a pas vocation à investir dans les services financiers,  la distribution et l’immobilier ou les activités non concurrentielles.

D’autre part, le FSI considère qu’il doit investir dans des projets rentables et viables à long terme. Il peut être un investisseur en valorisant la R & D, ceci pour attirer et développer  les compétences  scientifiques, techniques, industrielles et stratégiques.

L’intervention du FSI se veut prioritaire dans des entreprises stratégiques au regard de la compétitivité de l’économie, c’est-à-dire celles qui ont des compétences, des technologies et des emplois irremplaçables pour le territoire national et européen.

Le Fonds Stratégique d’Investissement  (FSI), initialement, devait reprendre les engagements  passés et futurs de la Caisse des Dépôts via France Entreprises. Cependant, en 2010, France-Investissement devient le dispositif d’intérêt général qui renforce le financement en fonds propres et l’accompagnement des PME identifiées pour leur potentiel de développement.

France-Investissement est fondé sur un partenariat fort entre le Fonds Stratégique d’Investissement, qui a repris les engagements de la Caisse des Dépôts, et des investisseurs institutionnels  privés.

Le FSI est une nébuleuse politique au service du patronat

Le FSI considère donner une réponse professionnelle au besoin clé des apports en fonds propres que la crise a accentué pour toutes les tailles d’entreprises  permettant une « amélioration  significative de la qualité de l’action publique pour les entreprises ». En réalité, son rôle reste celui d’un bon serviteur du capitalisme financier en facilitant les fusions et consolidations entre entreprises, tout en ignorant les conséquences sociales de restructurations forcées.

Le FSI reconnaît être en difficulté lorsqu’un dossier est sur la place publique et dont les sources peuvent venir du gouvernement, d’élus locaux, de syndicalistes ou de la presse.

La raison en est simple. Lorsque le FSI décide de ne pas s’impliquer  et donc de ne pas injecter de fonds publics, la PME est orientée sur d’autres institutions financières privées et à risque qui n’apprécient pas la transparence et la négociation. Les tractations entre la PME en difficultés et un éventuel repreneur ou un financeur sont automatiquement assorties de contraintes fortes de choix de gestion. Les faire connaître en amont susciterait colère des salariés impactés,  des organisations syndicales et de certains élus locaux. Il peut s’agir par exemple de fermer un ou plusieurs sites ou d’envisager des plans de licenciements. Ce peut être aussi des objectifs financiers contraignant la nouvelle entité à s’inscrire  dans des logiques de profitabilité insoutenables sur du court terme.

Enfin, la motivation des refus de dossier est souvent insuffisante voire inexistante. Il n’y a aucune réflexion sur les conséquences  d’un refus de soutenir un dossier.

Cela s’explique par la composition du Conseil d’administration du FSI qui gère les dossiers avant tout sur des critères financiers et dans l’opacité la plus totale. Il existe pourtant un Comité d’Orientation Stratégique (COS) avec la présence des organisations syndicales. Mais ce comité n’arrive pas à peser sur les choix en amont comme en aval. Les critiques sont pourtant très fortes et argumentées.

Le conseil d’administration du FSI ne pourra pas rester éternellement insensible si des actions de sensibilisation se multiplient.

Le FSI peut-il être une véritable aide à la ré-industrialisation et pour une politique d’emplois ?

1. Le FSI pourrait être une aide à l’expertise

Les PME sont confrontées à une concurrence forte liée aux délocalisations, aux choix d’un donneur d’ordre, au refus des banques d’apporter de l’oxygène pour se moderniser. Pour la plupart, elles ont peu de R & D et vivent sur leur savoir-faire existant. Peu de diversité d’activité, gestion de stock peu élevé, un appel ponctuel et systématique de salariés précaires en fonction  du carnet de commande… Le tissu industriel en France pose problème du fait de l’incapacité de ces PME à préparer leur avenir autrement que par des consolidations ou des faillites. La France n’a plus de politique industrielle depuis vingt cinq ans.

Si de nombreuses études se réalisent par des cabinets d’experts, souvent d’ailleurs à l’initiative des élus CE, celles-ci se limitent au périmètre d’un site, d’une entreprise, d’un  Groupe et dans l’urgence.  De même, les saisines des CERSE très riches existent et sont peu exploitées. De nombreux rapports de commissions parlementaires, ou d’universitaires offrent un aperçu de la situation du pays, d’un  ou plusieurs secteurs d’activités. D’autres exposés  sont écrits à l’échelle de l’Europe et au niveau mondial.

Force est de constater que les relations Salariés/Patronat/Gouvernement sont conflictuelles du fait que tout se réalise sans prospective autre que les critères financiers, laissant de côté des analyses alternatives à une crise capitaliste chronique.

Mettre en place une structure régionale et nationale d’expertise afin de ne pas laisser les mains libres aux seuls détenteurs du capital, consisterait à :

 organiser  l’interconnexion de données, synthétiser, comparer ;

 organiser des tables rondes sur, par exemple, des transversalités entre filières industrielles ;

 réfléchir ‒ et anticiper ‒ aux reconversions indispensables, aux accompagnements, aux financements, à l’emploi et la formation. La GPEC ne peut être efficace que si tous les éléments sont mis sur la table et si tous les négociateurs  sont sur un pied d’égalité en matière d’expertises ;

 travailler à un renouveau industriel, c’est agir auprès des donneurs d’ordre, la sous-traitance, la précarité de l’emploi, le salaire ;

 donner aux organisations syndicales une indépendance financière et technique en matière d’expertise ;

 octroyer aux organisations syndicales un droit de veto à tout projet d’entreprise, d’un Groupe, particulièrement lors de licenciements dits économiques.

2. Le rôle des banques doit être redéfini

On ne dira jamais  assez que l’argent  public d’une région ne peut être le seul moteur du développement économique. De même, donner des primes à la relocalisation comme le préconisent les états  généraux de l’industrie ne ferait que récompenser ceux qui ont délocalisé. Enfin, les allègements et autres cadeaux aux entreprises se poursuivent, mesures jugées inefficaces y compris par la Cour des Comptes.

Une évaluation contradictoire de toutes les aides aux entreprises s’avère indispensable.

La mobilisation du financement d’une entreprise doit donc prioritairement venir des banques. L’aide à l’expertise du FSI pourrait se décentraliser à l’échelon des régions. Il s’agit bien de modifications structurelles à conquérir collant aux besoins urgents de financement des entreprises.  Son rôle serait à partir d’expertises solides et sérieuses de conseiller, accompagner et aider les entreprises à obtenir, par exemple, une réduction des taux d’intérêt afin de baisser les charges financières versées à la banque. Ces taux d’intérêt pourraient être de zéro lorsqu’il  s’agit  d’une  entreprise répondant à des critères sociaux et environnementaux, lorsque l’entreprise fait le choix de réintégrer son outil productif jusqu’alors délocalisé. Ce peut être aussi obtenir des garanties d’emprunt  pour soutenir l’investissement productif, générateur d’emplois et de formation.

Il s’agit bien de réorienter le crédit par des institutions démocratisées. Donner aux acteurs locaux, syndicalistes, politiques, acteurs économiques, collectivités territoriales, des moyens  réels d’interventions et de contrôle.

La composition d’un Fonds régional pourrait être créée sous la forme d’un conseil d’administration composé d’élus régionaux et de diverses collectivités, des représentants de l’état et de différents représentants locaux des administrations, des représentants syndicaux, des représentants des entreprises, des représentants des banques.

3. Le crédit et les fonds régionaux peuvent être les prémices à un pôle financier public

Sans attendre la mise en place d’un pôle financier public à l’échelon national et des réformes structurelles européennes, les Conseils régionaux pourraient se doter d’une structure régionale qui, par exemple, financerait les taux d’intérêt payés aux banques et concernant des prêts orientés sur les investissements,  l’emploi, la formation… Les régions garantiraient des crédits de façon sélective et s’assureraient d’un contrôle a posteriori.

Les régions  se doivent de réfléchir à leur avenir en lançant des concertations impliquant l’ensemble des acteurs locaux. À cet égard, de multiples tables rondes peuvent être organisées sur un secteur d’activité en difficulté ou au contraire à promouvoir. L’implication des salariés des entreprises concernées amènerait d’autres alternatives venant trop souvent du patronat. En effet, la concertation en amont éviterait ou atténuerait les crises et les seuls raisonnements  de restructurations coûteuses dont la seule alternative consiste à réduire les coûts salariaux. Une évaluation par exemple de la valeur ajoutée d’une entreprise, d’un Groupe et de sa répartition sur la région concernée orienterait le débat et les décisions autrement que par le chantage à la délocalisation d’activité ou les licenciements.

Permettre  aux salariés de se doter d’une réelle expertise de leur entreprise, des éventuelles transversalités entre différents secteurs d’activités, des reconversions en imposant comme préalable une sécurité sociale professionnelle et un statut du travail salarié obligerait le capital à revoir ses critères de choix de gestion.

Le financement d’une expertise régionale permettant une parfaite connaissance du tissu social (chômeurs, actifs, retraités, emplois précaires…) contribuerait à allouer des fonds régionaux pour des crédits d’action et de développements économiques non pas pour colmater les brèches mais plutôt pour construire de réelles alternatives favorisant l’emploi stable et qualifié.

4. D’indispensables droits nouveaux d’intervention pour les salariés

Nous constatons aujourd’hui que les grands groupes mondialisés en qualité de donneurs d’ordre exercent une pression terrible sur les PME, contraignant ces dernières à se soumettre ou se démettre. Les mesures gouvernementales passées et actuelles ne permettent pas au salarié d’être en position égale face à leur employeur. La construction d’un nouveau droit social ambitieux capable de rééquilibrer  les rapports entre le travail et le capital se pose.

Les salariés doivent pouvoir être informés bien en amont des décisions et éventuellement pouvoir se faire appuyer par les populations locales, les élus, le préfet…

L’employeur ne doit pas être le seul à déterminer sa stratégie. S’il  a des droits, il a aussi des devoirs d’information et de consultation.

De nouveaux droits collectifs indispensables :

 pouvoir intervenir en amont des choix de gestion, ce qui implique de renforcer les droits et pouvoirs des salariés et leurs représentants ;

 renforcer le droit d’alerte pour les comités d’entreprise, leur conférer un droit de veto suspensif ;

 accorder aux salariés et leurs représentants un pouvoir plein et entier s’agissant des programmes et dispositifs de formation, les conséquences  de la souffrance au travail, des maladies professionnelles… ;

 renforcer  la présence d’administrateurs salariés dans les instances dirigeantes de l’entreprise, maison mère comme filiales, afin de faire prendre en compte les exigences sociales dans l’élaboration des choix stratégiques de l’entreprise.

Des droits individuels à conquérir :

Assurer à chaque salarié  l’organisation d’une carrière combinant travail et formation, la reconnaissance des qualifications et du droit à l’initiative, la continuité du contrat de travail en cas de licenciement, une retraite pleine, solidaire et choisie… 

 

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