Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Plan social : quelle action efficace de l’avocat ?

Intervenant comme avocat dans un contexte où les élus du CE sont parfois désorientés, il s’agit pour nous,  sans que cela puisse paraître liberticide à l égard du principe de liberté d action des comités d’entreprise, maîtres de leurs choix stratégiques, d’avoir une attitude d’influence un peu plus importante qu’à l’accoutumée. D’abord nous devons contrecarrer une vision pessimiste et fataliste souvent très ancrée dans les premiers temps suivant l’annonce d’une fermeture ou d’une restructuration. La propagande gouvernementale et patronale si bien entretenue par les médias, doublée d’une  absence perceptible de politique industrielle, produisent alors leur effet anesthésiant à l’égard de la lutte sociale. 

Cela pose   la question de notre rapport direct ou indirect avec les salariés  que le comité d’entreprise représente, puisque l’on  s’aperçoit  en pratique que, durant la procédure d’information-consultation, les représentants du personnel tiennent parfois un discours du type : « on n’a pas le soutien du personnel ou un soutien très limité,  les gens veulent partir, les gens croient  uniquement  les propos de la direction,  ne se préoccupent que du volet financier du PSE...». On se retrouve alors trop vite plongé dans « l’après » c’est-à-dire  la contestation prud’homale des licenciements, soit un temps où, définitivement, le mal est fait. Lorsque nous rencontrons alors les salariés nous constatons que leur analyse première sur l’origine de leurs licenciements est fataliste, non que ceux-ci leur apparaissent fondés et justifiés par des choix patronaux judicieux mais les salariés expriment d’abord leur incroyance en un rapport de force favorable et leur soumission aux dogmes capitalistes, à défaut d’avoir reçu et cru en une vision alternative. Leur démarche est toutefois viscéralement contestataire et, lorsque le débat finit par s’instaurer,  il n’est  pas rare de voir ressurgir, même venant d’ex-membres de l’encadrement, des propos et analyses reposant sur une logique de luttes des classes et, in fine, une perception assez juste et objective de la politique d’exploitation et d’enrichissement contre l’emploi de leur direction. Ces convictions enfouies doivent être « stimulées  » en amont et permettre ainsi que s’engagent des actions collectives auxquelles  nombre  de salariés n’auraient pas imaginé participer et où il font souvent montre d’une belle combativité. On peut alors utilement s’interroger sur la possibilité que nous aurions, à un moment donné sans vouloir passer outre le comité d’entreprise mais avec son accord et sa participation active, de nous adresser directement aux salariés de l’entreprise pour leur donner un éclairage qui pourrait les amener à se battre en amont pour la sauvegarde de l’emploi.Il ne faut pas laisser se limiter à l’exposé du chiffre car, derrière lui, il y a un certain nombre d’analyses intéressantes qui sont faites sur l’organisation du travail, sur les choix de production mais ces thématiques-là sont malheureusement peu mises en avant.

Par ailleurs, nous nous heurtons aussi à une difficulté juridique sérieuse partant d’un avis du conseil constitutionnel  relayé par la Cour de Cassation signifiant que le juge du travail n’a pas à s’immiscer dans les choix de gestion décidés par l’entreprise. Nous avons ici un véritable combat judiciaire à mener. Pour le mener à bien, nous avons besoin des rapports et des analyses des experts du CE, pas simplement sur l’intelligence du chiffre, mais sur ce qu’il y a derrière en termes de choix de gestion car plus nous nous battrons devant les juridictions, plus nous parviendrons à faire bouger les lignes et nous octroyer le droit de critiquer  les choix des directions d’entreprises. Un aspect est à ce titre souvent ignoré, c’est le crédit qu’accordent les juridictions aux rapports des experts des comités d’entreprise.

Cela pose la question de la complémentarité entre l’expert du CE et l’avocat, gage de l’efficacité de leurs interventions.

Plusieurs obstacles se dressent :

 Une conception de nos rôles comme des simples prestations de services, chacun devant intervenir à un certain moment pour faire son travail au risque d’un empiètement. Il faut que cela cesse, on ne peut pas être dans un combat contre le libéralisme et adopter une attitude trop caractéristique des professions libérales, à savoir la sauvegarde de son « marché  ».

 La question du moment de notre intervention. Nous, avocats, regrettons souvent de n’intervenir que trop tard, à l’instar des experts du CE. Ainsi par exemple, nous sommes  saisis après les licenciements pour les procédures prud’homales.  Il aurait été efficient que l’on intervienne avant.

 Lorsque les difficultés commencent à poindre dans les entreprises les salariés s’adressent d’abord à leurs organisations syndicales ou aux unions locales. Malheureusement, ce que je regrette,  c’est un discours tendant à se placer dans le juridisme, c’est-à-dire dans l’après et la contestation future des licenciements au prud’hommes, alors qu’il faudrait tout de suite alerter sur le besoin de bâtir une stratégie de lutte et désigner un expert-comptable, un avocat. Cela signifie que la complémentarité doit se faire jour immédiatement avec l’organisation  syndicale et qu’il  faut construire des réflexes d’action concertée dès les prémices  d’une crise dans l’entreprise. 

 

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