Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Un projet de mise à mort de la médecine du travail

À l’heure de la sous-déclaration massive des accidents du travail, de l’augmentation des maladies professionnelles et des suicides au travail, à l’heure de la hausse des accidents cardiaques et vasculaires liés au stress et à la souffrance au travail, à l’heure du management des concentrations industrielles, commerciales et bancaires, il faut renforcer la médecine du travail, déjà très insuffisante.

Or c’est le contraire que le gouvernement met en place. Après le licenciement de Marie Pezé, experte de la maltraitance au travail, les menaces annoncées par M. Darcos, lors de son bref passage au ministère du Travail, surgissent à nouveau, dissimulées dans les articles sur la « pénibilité » de la loi sur les retraites, afin de satisfaire les exigences du MEDEF

Il s’agit de briser le cadre de responsabilité du médecin du travail et d’en inverser la fonction : servir désormais de bouclier protecteur aux patrons.

Les principes du Code de Déontologie médicale inscrits dans la Loi sont bafoués, faisant des services de santé au travail (SST) un instrument du patronat qui devient juge et partie. Ce que condamne fermement l’Ordre des médecins (communiqué du 16 septembre 2010).

Sans aucune assurance de la qualification requise, intervenants en prévention des risques professionnels des Services Inter-entreprise de Santé au Travail (SIST), infirmiers et, le cas échéant, assistants des services de santé au travail, pourront être appelés par les employeurs pour assurer cette mission de prévention et de protection de la santé des travailleurs. En transférant les missions des médecins du travail aux directeurs des services interentreprises de santé au travail (SIST), c’est-à-dire aux Conseils d’administration composés majoritairement d’employeurs (2/3), les « commissions de contrôle » sont dépossédées de leurs prérogatives à l’égard des nouveaux acteurs de la santé au travail, alors qu’elles devraient être étendues. Tout « Intervenant en Prévention des Risques Professionnels » doit bénéficier d’un statut de « salarié protégé ».

« Les médecins du travail seront écartelés entre un rôle spécifique, pour lequel ils n’auront aucun moyen, et les injonctions de leurs employeurs à agir dans le cadre contractualisé des missions du SST qui ne vise pas tant à éviter qu’à gérer les risques et leurs effets » (Appel aux sénateurs de huit organisations de médecins du travail et autres syndicats, le 30 septembre 2010).

Pas de « prévention » sans entretiens cliniques réguliers avec les salariés, au moins une fois par an, alors qu’on prévoit de les espacer tous les 3 ans ? L’aptitude et l’inaptitude seraient définies par les patrons eux-mêmes. Seul, jusqu’à maintenant, le médecin du travail devait les apprécier au cas par cas selon les risques pour la santé liés au poste de travail.

Une nouvelle définition écrite ferait dépendre l’aptitude au travail exclusivement de la capacité du salarié à effectuer la totalité des tâches prescrites : elle aurait une « simplicité » radicale, binaire (apte ou inapte) et reviendrait à supprimer toute possibilité d’aménagement de poste et d’adaptation des tâches.

Le MEDEF voudrait aussi que le médecin-conseil puisse déclencher une procédure obligatoire de retour au travail pendant l’arrêt de travail. L’employeur serait libéré de ses obligations de reclassement dès la visite de reprise. Après cette visite unique, et dans un délai de 21 jours, le salarié déclaré inapte pourrait être licencié. Les voies de recours, aujourd’hui possibles auprès de l’inspection du travail, seraient renvoyées à des dispositions non précisées. Le projet de Woerth reprend à peu de détails près le projet dangereux de son prédécesseur pour les salariés victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

Une véritable prévention en santé au travail est nécessaire et possible. L’indépendance professionnelle exige que ceux qui préconisent des mesures de préventions soient à l’abri des pressions de ceux qui les paient.

Le mode de production en flux tendu, et plus généralement la recherche de gains de productivité, dégradent les conditions de travail, étendant les risques à l’atelier et au bureau. Comme le souligne Noëlle Lasne, médecin du travail, dans un article paru dans Le Monde du 12/10/2010 : « On nie tout à la fois la réalité des disparités sociales, la réalité des inégalités au travail et la réalité des corps. Pense-t-on que l’on va maintenir de force au travail des gens qui ne peuvent plus faire leur métier ? Ils seront contraints de quitter le monde du travail bien avant de pouvoir toucher une retraite à taux plein. Quant à ceux qui resteront, c’est bien avec leur corps qu’ils paieront leur retraite. »

La médecine de prévention doit associer la connaissance du terrain et l’entretien clinique régulier des salariés. Ce doit être un service public, assurant la formation, les effectifs, les moyens nécessaires et principalement l’indépendance des praticiens, garante de leur fonction.

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.