Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

le partenariat public-privé : incontournable, maîtrisable ou à éviter ?

Le 23 septembre 2010, le CESR (Conseil économique et social) dIle-de-France rendait public un rapport de la Commission des finances et du plan. Son titre : « Quelles perspectives pour le partenariat public-privé et autres nouveaux modes de financement pour les investissements de la Région Ile-de-France. »

Ce rapport de 87 pages ne traite pas uniquement des perspectives de partenariat publicprivé pour la région IDF. En revanche la synthèse, le communiqué de presse et léconomie générale du rapport vont dans le sens de lopportunité de veloppement des partenariats public-privé pour permettre les besoins de financement en investissements régionaux, ceci pour la période 2010-2025.

Une rubrique du rapport traite des avantages et des inconvénients du PPP (Partenariat public-privé) et va plutôt dans le sens de la banalisation de ce mode de financement.

Un discours introductif très favorable aux PPP

Face à une telle démarche, l’on se pose forcément une question : pourquoi tant d’énergie déployée pour tenter de nous convaincre que le PPP est un moyen de financement de grands investissements à examiner au même titre que d’autres ? La démarche initiée dans le CESR IDF mériterait en outre d’être comparée à celle des autres régions.

Certes, le rapport ne cache pas certaines réalités du contexte général. Citation : « La France, avec près de 8 % du PIB de déficit et plus de 80 % du PIB d’endettement, dépasse les plafonds requis par le traité de Maastricht qui sont de 3 % de déficit et 60 % d’endettement […]

Les collectivités n’utilisent l’emprunt que pour leur investissement, mais elles souffrent également de cette situation marquée par un tassement de leurs ressources et des marges de manœuvre qui se contractent […] »

Cependant, l’enfermement dans un modèle économique et de société qui ne saurait évoluer les contraintes de Maastricht étant intériorisées est patent dès l’introduction et tout au long de l’exposé. Et pour les besoins de financement des futurs investissements, la commission se place dans le cadre du rapport de Gilles Carrez sur le financement des transports du Grand Paris, remis au Premier ministre le 30 septembre 2009. L’horizon défini dans ce rapport est 2025 et les limites temporelles des explorations du CESR sont, elles aussi, 2010-2025. La commission des Finances et du Plan du CESR ne fait aucune critique sur le rapport Carrez, ni sur le Grand Paris, ni spécifiquement sur l’aménagement du cluster du plateau de Saclay.

Des débats publics… il y en aura

Il faut noter que la population francilienne sera dans une certaine mesure invitée à se prononcer sur certaines infrastructures notamment de transport, mais qu’elle n’est pas invitée à s’exprimer sur les modalités de financement des investissements nécessaires. Les restructurations de la recherche, des universités, le rapport public/privé, la construction du cluster de Saclay seraient pourtant des sujets à traiter concomitamment aux tracés et moyens de transports publics.

Les besoins de financement pour les investissements de la Région, toujours selon l’évaluation de la commission et incluant la charge de la dette, pourraient ainsi représenter quelque 61 milliards d’€. Ce qui correspond à une dépense d’investissement de quelque 4 milliards en moyenne annuelle, soit le double du montant actuel. (2,021 milliards d’euros au budget primitif 2010)

Les projets pris comme recommandations au Conseil régional et répondant à des priorités pouvant relever du PPP par le rapport de la commission des Finances du CESR IDF sont :

transport de voyageurs (grands ouvrages, ateliers de maintenance, alimentation en énergie…) ;

transport de fret : sites logistiques multimodaux et plate-formes de transports combinés ;

transport routier : nouveaux ouvrages d’art, franchissement de la Seine, contournement routier de Villeneuve-Saint-Georges, déviation de la RN 19 à Boissy-Saint-Léger, achèvement de la Francilienne, réalisation du BIP-Est dans le Val dOise

construction de Lycées, de logements et renouvellement urbain.

Tout cela nous amène aux commentaires suivants

Le PPP est d’un coût plus élevé

Face à ce constat et aux besoins identifiés, la commission part du postulat que le PPP « permet le préfinancement partiel ou total, par le secteur privé, dun équipement public et accélère l’engagement effectif d’un projet que la collectivité ne serait pas en capacité d’entreprendre en marché public » et admet « que le préfinancement par l’opérateur privé revient plus cher par l’emprunt sur le marché bancaire à un taux plus élevé qu’une personne publique ».

Enfin, pour le moment le loyer versé par la collectivité est inscrit en dépense de fonctionnement. Ce qui, toujours selon la commission du CESR, « peut être considéré comme de la dette maquillée […] cette dépense venant en outre peser sur la capacité d’autofinancement de la collectivité ».

Les auteurs du rapport ne peuvent cependant ignorer quEurostat considère les PPP comme un endettement public au regard des critères de Maastricht.

Lenjeu prioritaire de ce rapport est sans conteste possible de faire connaître le dispositif PPP, de lever les inquiétudes des élus et des populations, en le démystifiant et en expliquant que si l’on prend toutes les précautions dans l’expertise préalable cette formule peut sétudier comparativement à la formule du marché public et répondre de manière optimale aux exigences du service public.

La question du risque

En principe, dans le marché public, la personne publique assume les risques ; dans la délégation de service public par concession, cest le concessionnaire qui assume ; dans le contrat de partenariat, les risques sont théoriquement partagés…

En réalité, en cas déchec final de lopération, le coût du risque retombera pour l’essentiel sur la collectivité.

Dans ce type de dossier, la complexité du contrat et lopacité comptable sont en elles-mêmes génératrices de risques.

La question du surcoût

Les risques de surcoût engendrés à la collectivité ne sont pas à exclure dans ce type de montage qui court sur 10, 20 et 30 ans. Ainsi la collectivité peut être amenée à payer le prix fort, dans la phase d’optimisation du projet ainsi réalisé et se retrouver propriétaire, au moment de la nécessité de rénover et d’investir à nouveau pour lentretien et des mises aux nouvelles normes, etc.

Dans ce type de contrat, plus le partenaire public représentant la collectivité est « petit » plus il y a risque de subir les conditions du partenaire privé.

Les grands groupes BTP sont dans la concurrence au niveau mondial avec toutes les conséquences dans la passation de contrats ou de marchés. Chacun aura noté larrivée, en septembre 2010, de deux entreprises chinoises en tête du classement mondial, devant Vinci et Bouygues relégués en troisième et quatrième places.

Les risques en cas de dépôt de bilan

Pour tous les grands groupes qui n’hésitent d’ailleurs pas à sous-traiter pour baisser  les coûts de matière première et de main d’œuvre, les contrats PPP sont une aubaine pour des profits assurés sur le long terme, planifiés en quelque sorte. Mais a fortiori rien n’exclut, non plus, les dépôts de bilan et les mesures en chaînes tel un château de cartes qui s’écroule, avec in fine une absence de solvabilité du partenaire privé amenant la collectivité publique à éponger les pertes financières et les conséquences sociales selon l’adage trop connu des gains privatisés et des pertes mises à la charge du collectif.

Un cadre national

Le PPP est créé en France par une ordonnance du 17 juin 2004 et modifié par la loi du 28 juillet 2008. La loi de 2008 était demandée par le président de la République pour « libérer les partenariats public-privé d’une réglementation trop restrictive » selon les termes d’une lettre adressée à son Premier ministre.

Lordonnance de 2004 était directement inspirée par le dispositif mis en place au Royaume-Uni sous le gouvernement Thatcher dans les années 1980 (Private Finance Initiative) et permettait de transmettre à un opérateur privé un mandat de service public, y compris la maîtrise.

Et des évolutions juridiques passées presque inaperçues

Un nouveau code de la propriété publique est sorti le 1er juillet 2006. Sans en velopper tous les aspects, il donne la possibilité au partenaire privé de s’approprier le domaine public et de velopper des activités com- merciales parallèlement au service public. On voit là une possibilité de rentabilité du domaine public, qui, si elle devait se faire au détriment du service public prévu initialement, mettrait en cause l’égalité d’accès pour tous…

Des expériences à l’étranger

Plusieurs études faites au Canada et au Royaume-Uni ont montré, pour des PPP,  dune part des dépassements de coût sur le long terme et d’autre part des remises en cause des priorités publiques, pourtant sans ambiguïté décidées initialement.

Au Canada, à partir de 2003, un des dispositifs inavoués des PPP fut de réduire et daffaiblir la capacité de négociation et de représentativité des salariés du public et du privé, concernés par lesdits contrats.

En 2001, les syndicats britanniques regroupés dans Unison tiraient un bilan négatif des partenariats « qui n’améliorent pas le service public et sont plus coûteux »

En France, nous pourrions expliquer les gâchis et les manquements à la démocratie concernant le PPP de la billetterie du château de Versailles ou bien le PPP du CNAM de la rue Réaumur de Paris.

Il est cependant certain que les enjeux ne sont pas les mêmes, quand il s’agit du PPP pour un ouvrage avec peu ou pas d’entretien particulier ou bien quand il s’agit d’un PPP impliquant un établissement d’enseignement supérieur et de recherche.

L’analyse de la FSESP

Au niveau syndical européen, la Fédération syndicale européenne des services  publics (FSESP) est très critique sur le veloppement des PPP (http://www.epsu. org/r/237).

Au 23 mars 2010, elle note que les partenariats public-privé peuvent être vus « comme une forme de déchargement de la dette et un lourd tribu à payer pour les prochaines générations avec des coûts économiques et sociaux considérables… », les expériences au Royaume-Uni étant mises en exergue. La FSESP critique les positionnements de la Commission de Bruxelles qui recommande les PPP, comme moyen de limiter l’impact et le veloppement des services publics territoriaux.

La spécificité IDF

L’enjeu PPP prend forcément une dimension particulière quand il s’agit de la région Ile-de-France qui produit à elle seule 29 % du PIB et concentre 22 % du salariat du pays. Le cluster de Saclay, choix toujours discutable et en débat, pourrait regrouper une majeure partie de 25 % de la recherche française et 50 % de la recherche IDF.

L’enjeu PPP prend une dimension particulière au moment des décisions sont prises et vont être prises sur le Grand Paris et le cluster du plateau de Saclay. Depuis

2007, et déjà avant d’être président, N. Sarkozy est venu à maintes reprises sur le plateau de Saclay pour appuyer ses choix stratégiques pour la capitale.

Car en effet, tous les choix fondamentaux, en matière de formation, recherche, emploi, logement, aménagement du territoire Ile-de-France, auront des incidences durables sur plusieurs décennies, dans la construction évolutive de lIle-de-France et dans les équilibres avec le reste du territoire du pays, avec d’autres pôles européens et du monde.

La démocratie

Enfin, les formules choisies pour la mise en œuvre de grands travaux et aménagements vont inévitablement avoir des conséquences en terme de conception du service public et de la fonction publique. La forme de financement crée plus ou moins de dépendance ou dindépendance de la collectivité. La forme de propriété du service public plus ou moins déléguée permet ou non la transparence des décisions prises et l’exercice de la démocratie.

Dans tous ces choix, la démocratie se doit de prendre sa place à la fois sur le choix de l’infrastructure ou du service et sur le choix du mode de financement.

Et sur la base d’un choix partagé, la question de la présence d’un acteur privé se pose vis-à-vis de la réponse aux besoins, du principe d’égalité d’accès, de la continuité, de la transparence, du coût, etc.

Les effets de la crise et l’asphyxie financière des collectivités à laquelle se livre lEtat par des réductions de recettes névacuent pas limpérieuse nécessité de grands travaux en incluant effectivement recherche et développement.

Les choix dont les élus, les collectivités, lÉtat et la population doivent se préoccuper s maintenant en IDF avec l’activité du GP et du ou des clusters en débat sont posés en terme d’avenir sur un horizon au-delà de 2025, alors que cette date est donnée comme limite prospective dans le rapport CESR cité par le présent texte.

Donner la parole aux citoyens et aux salariés mais… aussi sur l’utilisation de l’argent, les modes de financement et toute la gestion

Sur ce sujet et bien entendu dans nimporte quelle région ou collectivité, nos propositions consistent à mettre en débat les choix de financement public avec de nouveaux critères de gestion des investissements publics qui permettent aux collectivités de répondre aux besoins immédiats et d’avenir. Cela devrait pouvoir se concevoir en lien avec l’appareil de crédit des banques, la BEI et la BCE étant, elles aussi, concernées. La CDC y aurait sa place de même que les fonds national et régionaux, en appliquant des taux d’intérêts faibles ou nuls selon les projets.

Nous devons réfléchir à créer les conditions de la maîtrise sociale des salariés concernés et des populations par de nouveaux pouvoirs d’intervention sur les modes de financement servant les grands investissements publics, car tout montre que les choix de financements initiés aujourd’hui auront inévitablement des incidences sur la qualité et les types de services publics, sur les coûts de ceux-ci et sur le partage des pouvoirs pour plusieurs décennies.

Sites de référence :

http://www.club-ppp.org/, site de propagande des contrats en PPP

www.epsu.org/r/237 FSESP

www.ppp.minefi.gouv.fr, Minefi

htpp ://europa. eu. int/comm./internal_market/publicprocurement/ppp_fr. htm, Europa

htpp ://www.unison.org.uk/syndicats britanniques des services publics

htpp ://www.psiru.org/centre de recherche en anglais

htpp ://www.maire-info.com

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.