Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Santé : l’impasse gouvernementale

Une récente enquête de l’Institut Viavoice pour le CISS (Collectif interassociatif Sur la Santé) vient de donner la dernière image sur ces questions du renoncement aux soins de la population de notre pays. C’est un véritable cri d’alarme qui est poussé.

Un renoncement aux soins aggravé !

Ainsi, 36 % des sondés reconnaissent avoir reporté ou renoncé à des soins ou à l’achat de médicaments pour des raisons financières ces dernières années. La progression est terrible, nous sommes à 26 % qui renoncent aux soins contre 12 % il y a deux ans. Quand un quart de la population est dans le renoncement aux soins, c’est un signe que l’état de santé du pays est en danger. C’est d’autant plus inquiétant que ces chiffres passent à 41 % pour les femmes, 49 % pour les 25-34 ans et 51 % pour les bénéficiaires de la CMU. À ce sujet, cela montre les limites de la CMU qui était pourtant présentée comme une avancée sociale. Nous étions quelques-uns à dénoncer le financement de cette prestation qui était la première à exonérer les employeurs de toute participation, même si le mouvement mutualiste portait cette mesure. Une dizaine d’années après, le pourcentage des renoncements aux soins est terriblement accusateur pour les promoteurs.

Un attachement populaire réaffirmé

La même enquête montre que 74 % des sondés considèrent que l’État doit prendre toutes les mesures nécessaires pour que la Sécurité sociale rembourse le plus possible les dépenses de santé. La proposition du PCF de remboursement à 100 % par l’Assurance maladie est donc en phase avec l’attente d’une très large majorité de la population.

Les transferts de l’assurance-maladie  vers les complémentaires mutuelles et assurances sont ressentis selon cette enquête comme un accroissement des inégalités de santé par 73 % et 54 % comme une étape de la privatisation du système de santé.

La mise en œuvre de la loi HPST, les territoires de santé

Les Directeurs  généraux des Agences régionales  de santé, DG ARS, ont déjà pris des décisions aux conséquences graves.

Prenons la question des territoires de santé. Le pouvoir veut aller vers un nombre très réduit de territoires, sans doute moins d’une centaine environ. Le territoire de santé est l’entité géographique de support de la communauté hospitalière de territoire prévue dans la loi HPST. Ce serait le regroupement  en une entité unique des structures sanitaires et médico-sociales publiques.

Les informations qui reviennent, mi octobre, vont toutes dans le même sens. En Champagne-Ardennes, le découpage est de deux territoires pour l’ensemble des quatre départements. En Rhône-Alpes, le découpage retenu est de 5 territoires pour 8 départements, intitulés macro-territoires dans cette région. En Bretagne, il semble que ce ne soit que 4 territoires qui soient prévus.

En Limousin, le découpage se réduit à un territoire unique pour les trois départements. En Île-de-France, le choix est entre 3, 5 ou 8 territoires.

Les conséquences prévisibles

La concentration extrême résultant de ces territoires  annoncés a des conséquences importantes. Tout d’abord, cela va éloigner les lieux de décisions du terrain, des salariés. C’est aussi un éloignement en terme de proximité des besoins de santé de la population. C’est une hyper-concentration portant fondamentalement un recul démocratique.

C’est aussi une ouverture pour la privatisation rampante du secteur sanitaire. La concentration au niveau du territoire de santé des services logistiques offre une réelle opportunité pour les grands groupes privés des sociétés dites de services de tenter d’entrer plus largement dans le secteur hospitalier. Mais cela peut avoir aussi de vrais impacts pour l’économie locale. En effet, les Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) comme les hôpitaux locaux sont un marché pour les fournisseurs locaux. Cela ne serait plus possible en cas de centralisation au niveau du territoire de santé, cela pourrait remettre en cause l’existence de commerces locaux.

La concentration au niveau des territoires  de santé augmenterait  aussi gravement les charges de transports. Cela augmenterait les « restes à charge » pour les usagers. Ce serait un obstacle de plus, une raison supplémentaire de renoncement ou report de soins.

La permanence des soins hospitalière en Île-de-France

Dans la région capitale, le directeur général de l’Agence régionale de santé, Claude Evin, a annoncé une organisation pour les nuits et les samedi après-midi et dimanche toute la journée avec un seul bloc opératoire, un seul service des urgences, un seul service d’imageriemédicale ouvert par département. C’est tout simplement scandaleux de proposer une telle casse d’autant plus au motif de la sécurité. C’est édifiant de ce que les serviteurs zélés du pouvoir peuvent imaginer.

Une question politique

C’est donc bien une vraie question politique qui se joue sur ces dossiers. Soit une accélération de la structuration de la protection sociale dans un découpage dans l’intérêt des « copains de la bande du Fouquet’s », soit une réorientation de la protection sociale dans le sens de la réponse aux besoins de la population. Il importe de bien aider à la compréhension  de cet enjeu et de politiser le débat. La question n’est pas d’en rajouter sur la concurrence entre les structures publiques mais bien de poser les questions politiques,  les choix politiques que fait le pouvoir, et ceux qui le servent. Rien n’est inéluctable dans la situation actuelle. Ce sont les choix politiques du pouvoir qui sont à l’œuvre, il est donc possible de s’y opposer, de proposer de vraies alternatives.

La campagne nationale santé

Le Comité national du PCF a décidé en septembre d’engager  une campagne nationale santé. C’est  une démarche transversale que nous voulons mettre en œuvre comme cela a été le cas pour la campagne contre la réforme régressive des retraites. Nous voulons la travailler avec un groupe de pilotage transversal proposé à d’autres secteurs, commissions et collectifs qui sont concernés : retraités, entreprises, économie et finances, féminisme et droits des femmes, JC et UEC, ANECR, économie solidaire, environnement, etc. Il nous faut imaginer un phasage de la campagne nationale, des rendez-vous d’étape, la liste des thèmes possible à traiter. Nous proposons d’ores et déjà : Les retraites, La psychiatrie, L’hôpital public au cœur de notre système de santé, IVG/Contraception/Santé des femmes, Centre de Santé et médecine de proximité, mais aussi en prospective des débats ultérieurs, La médecine du travail et la santé au travail, La dépendance, La bioéthique, La recherche médicale, Le médicament, Santé/Précarité (CMU/ AME…), Les complémentaires  et le financement  de la protection sociale, Santé/Environnement.

Les assises régionales de santé

Face à la casse organisée, structurée, un contre-pouvoir est indispensable. C’est l’enjeu des Assises. C’est aussi une volonté d’une démarche pérenne avec les assises. L’idée n’est pas de faire un coup mais de mettre en place une structure démocratique qui permette de se faire l’écho des besoins de la population, que celle-ci soit informée et actrice des réponses apportées à ces besoins et puisse contrôler dans la transparence la mise en œuvre de ces réponses. Un ancrage départemental voire au niveau des cantons des villages, des villes est souhaitable.

Cela doit aussi nous permettre de faire connaître nos propositions alternatives comme par exemple les centres de santé plutôt que les maison médicales.

En l’état actuel à mi-octobre, un appel de cinquante personnalités a été lancé en Île-de-France, la majorité de gauche et écologiste du Conseil Régional a voté un vœu demandant la tenue d’assises régionales de santé. C’est aussi le cas dans le Nord-Pas-de-Calais.

En Limousin, plusieurs réunions de contacts ont eu lieu. Une date pour un lancement public est en cours de finalisation pour début décembre.

En Champagne-Ardennes et en Languedoc-Roussillon, de premières initiatives ont été entreprises dans ce sens.

Les assises régionales de santé peuvent contribuer à faire ce que l’on a dit, à transformer en acte notre volonté de faire de la politique autrement en mettant en œuvre les engagements  pris en campagne électorale.

Les assises régionales sont pour nous un lieu de l’intervention citoyenne des professionnels, des personnels, des usagers, des élus. C’est une concrétisation de la démocratie sanitaire participative de proximité indispensable pour s’opposer aux pouvoirs sans limites des DG ARS.

Propositions du PCF

Le PCF propose dans l’immédiat une nouvelle contribution sur les profits financiers des entreprises et des banques qui dégagerait 39,9 milliards d’euros pour l’assurance-maladie au taux de 13.1 % sur la base des données 2009. Les profits financiers étant passés de 268,3 milliards en 2008 à 305 milliards en 2009, il existe une marge d’action considérable pour répondre aux besoins des populaitions.

Au-delà, le débat impliquant l’élaboration de propositions alternatives de réforme pour un nouveau financement et une nouvelle gestion à l’hôpital ainsi que des réformes alternatives du systèmes de santé, en rupture avec les réformes libérales en cours, doit impérativement être imposé et mené par les forces de progrès. Il faut sortir du sous-financement structurel de l’assurance-maladie, ce sont les cotisations sociales qui financent l’essentiel  des dépenses de santé, une réforme alternative visant l’accroissement  des cotisations patronales est indispensable. Elle inciterait, en lien avec les luttes et les interventions des salariés dans les gestions des entreprises,  au relèvement de la part des salaires dans la Valeur ajoutée. Cela exigerait un nouveau type de croissance et de gestion centré sur le développement des emplois, des salaires et de la formation, le développement durable. Cela tendrait à dégager des cotisations nouvelles pour la sécurité sociale. La mise en place d’un pôle public du médicament au niveau national mais aussi européen devient essentielle.

Ces propositions ouvrent de réelles perspectives, lèvent l’hypothèque  d’une  situation bloquée. Le PCF appelle à l’ouverture urgente du vrai débat large et populaire sur ces sujets et s’opposera à tout recul.

Ce qui est essentiel est bien le lien entre positionnement politique clair et offensif et l’intervention citoyenne indispensable.

 

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