La crise fait plonger la Sécu. Selon les prévisions de la Commission des Comptes, de juin 2009, le déficit du régime général devrait doubler cette année, passant de 10,2 milliards d’euros fin 2008 à 20,1 milliards au moins. Toutes les branches seraient impactées, mais c’est l’assurance maladie qui enregistrerait la plus forte dégradation des comptes, avec un déficit de 9,4 milliards d’euros, en hausse de 5 milliards sur 2008. Principal responsable ? « L’effondrement des recettes », constate la Commission. Alors que, lors du vote du budget 2009 de la Sécu, en septembre dernier, le gouvernement tablait sur une hausse de la masse salariale de 2,75 %, on prévoit maintenant, en relation avec la récession estimée désormais à -3% pour 2009, qu’elle reculera de 1,25 %. Or, l’emploi, les salaires, sont pour la Sécu le nerf de la guerre.
Selon les derniers chiffres de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), au premier trimestre
2009, la masse salariale, sur laquelle les URSSAF prélèvent les cotisations, s’est contractée de 2,2 %. Un phénomène sans précédent depuis la création de la Sécurité sociale : selon les séries statistiques de l’INSEE, la masse salariale n’avait jamais baissé depuis 1949. La révision à la baisse de la masse salariale (-1,25% au lieu de 2,75% dans la LFSS) affecte les recettes pour environ 8 milliards d’euros. L’augmentation du chômage a pour conséquence de différer la baisse des cotisations chômage et donc l’augmentation prévue des cotisations vieillesse et d’augmenter le niveau des prestations logement. Au total, l’impact de la crise est de l’ordre de 10 milliards d’euros, ce qui explique la moitié du déficit du régime général qui atteint un niveau sans précédent de 20,1 milliards d’euros.
Ce recul est dû principalement à la disparition d’emplois salariés, mais aussi, note l’ACOSS, à la hausse du chômage partiel. L’indemnité de chômage partiel, à la différence du salaire, est en en effet exonérée de cotisations patronales, ce qui occasionne de lourdes pertes à la Sécu. Au premier trimestre, 183 000 salariés ont subi du chômage partiel. La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, soulignait néanmoins « Ce que je note, c’est que notre protection sociale solidaire a joué parfaitement son rôle d’amortisseur social pour les plus démunis, pour les plus défavorisés » Elle taisait cependant les nombreux coups portés par les gouvernements successifs ces dernières années dans la couverture sociale, et les projets de « réforme » de l’équipe SarkozyFillon… Comme par exemple l’évocation par le ministre du Travail, d’un relèvement de l’âge de la retraite à soixante sept ans.
Le déficit ne conduira pas le gouvernement à « augmenter les prélèvements sur les ménages », prétend à l’heure actuelle la ministre de la Santé. Dans un communiqué commun, Roselyne Bachelot et Éric Woerth, ministre du Budget, disent vouloir « maîtriser » les dépenses, notamment en contrôlant davantage les indemnités versées aux salariés en arrêt maladie, les prescriptions des médecins « gros prescripteurs » ou « l’exécution » de certains crédits. Il est ainsi à craindre qu’au lieu d’ouvrir le chantier d’une réforme du financement pour accroître les ressources de la Sécu et conforter notre système solidaire, au lieu d’engager un véritable plan de relance susceptible d’endiguer la vague du chômage, le gouvernement utilise le déficit record pour porter de nouveaux coups aux droits des assurés et aux principes mêmes de la Sécurité sociale comme en témoigne le discours de Nicolas Sarkozy au congrès de la Mutualité française, affirmant que la Sécu ne pourra « sans doute pas » couvrir « l’intégralité des besoins nouveaux » (dépendance, maladies chroniques), appelant ainsi à un plus grand rôle des organismes privés…
Des alternatives pour un autre financement de la sécu. Emploi, salaires, autre type de croissance sont au cœur du financement de la protection sociale. Cela implique une tout autre politique économique comme une révolution des critères de gestion des entreprises avec l’intervention des salariés exigeant de nouveaux pouvoirs et de nouveaux droits. Un nouveau crédit pour l’emploi et la formation avec de nouveaux critères est indispensable. Et cela à partir de nouvelles constructions comme des fonds régionaux et un Fonds national pour l’emploi et la formation, jusqu’à un bouleversement du rôle et du statut de la BCE. La mise en cause des exonérations de cotisations patronales qui sont de véritables gâchis de Fonds publics est incontournable. Une extension du secteur public avec de nouveaux critères et de nouveaux pouvoirs des salariés, est impérative. Face à la crise systémique il s’agirait de construire des pôles publics, bancaires, industriels, ou encore du médicament, avec de véritables coordinations au niveau européen et mondial contrôlées par les peuples. Il s’agirait aussi d’avancer dans la construction d’une véritable sécurisation de l’emploi et de la formation source même de nouvelles rentrées de cotisation. Une cotisation nouvelle sur les revenus financiers des entreprises et des institutions financières pourrait apporter de nouvelles recettes dans l’urgence tout en amorçant une pénalisation de la course aux placements financiers et une réorientation de l’argent vers les investissements productifs centrés sur le développement de l’emploi et de la formation. Une réforme des cotisations patronales viserait à les accroître à partir du développement de l’emploi, des salaires et de la formation tout en pénalisant les gestions d’entreprises jouant la financiarisation contre l’emploi et les salaires.
Il y a actuellement 0 réactions
Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.