Le débat sur les politiques familiales s’est invité dans la campagne des présidentielles et des législatives. Véritable enjeu politique car enjeu de société, ce sujet est au cœur des préoccupations des citoyens ; la politique familiale met en évidence la nécessité de choix politiques courageux impactant sur le quotidien de tous les Français.
Le principe du quotient familial est de garantir à chaque famille le même revenu disponible par part fiscale à niveau de revenu égal. Le quotient familial est donc juste car il permet de garantir leur niveau de vie aux familles quel que soit le nombre d’enfants à charge.
On voit ici clairement l’enjeu des politiques familiales dont les fondements reposent sur la compensation du coût de l’enfant, et non sur la réduction des inégalités salariales, qui relèvent pour leur part des politiques sociales et de la lutte à la racine pour un nouveau partage des richesses et une nouvelle gestion des entreprises.
La confusion entre les deux politiques, sociale et familiale, découle également de l’utilisation d’un deuxième quotient familial, déterminant l’ouverture de droits à diverses prestations et aides sociales.
Le calcul de ce quotient, qui peut différer d’un département à un autre, est globalement basé sur le total des ressources du foyer fiscal (incluant les prestations familiales universelles) divisé par le nombre de parts composant le foyer fiscal. Le résultat de ce calcul détermine le droit ou pas aux prestations et demandes d’aides auprès de la CAF (allocation logement, PAJE, allocation de rentrée scolaire…), du conseil général et des communes (cantine, aides alimentaires, centres de loisir…).
Si ce calcul est sensiblement le même sur le territoire national, son utilisation est différente selon les collectivités qui appliquent des barèmes au regard de leurs orientations politiques et qui, selon la région où l’on se trouve, sont révélateurs de choix des collectivités territoriales, comme par exemple pour certaines collectivités le ciblage sur les plus pauvres, mais aussi d’injustices compte tenu de l’insuffisance des moyens des collectivités territoriales soumises à l’explosion des inégalités sociales et de la pauvreté. Par exemple, à quotient familial égal, le tarif du ticket de cantine peut varier du simple au double.
Les prestations concernées par ce quotient familial font partie de la politique sociale. On pourrait sans doute choisir de différencier plus clairement la politique familiale de la politique sociale. L’une visant à compenser le coût de l’enfant et garantir le niveau vie de la famille ; l’autre visant à réduire les inégalités sociales et salariales. La politique familiale ne peut être utilisée comme simple régulateur des politiques sociales et correcteur des inégalités sociales créées en amont au cœur même du processus de production.
Cette confusion des principes de ces politiques est préjudiciable à une vue d’ensemble et à l’efficacité du système de protection sociale d’ensemble. S’il faut viser une lutte contre les injustices, cela concerne l’ensemble des politiques sociales et surtout une action résolue à la racine du type de production et de répartition des richesses, tout particulièrement une nouvelle politique d’éradication du chômage et de sécurisation et de développement de l’emploi et de la formation. Si le quotient familial et l’ensemble de la politique familiale doivent évoluer face à l’évolution de la société et des familles vers plus d’efficacité et de justice sociale, il ne s’agit pas, sous prétexte de lutte contre les inégalités sociales, de restreindre la politique familiale à une simple redistribution entre les familles. Mais on peut effectivement travailler à une articulation dynamique entre prestations sociales et prestations familiales.
La réforme du quotient familial proposée par le Parti socialiste qui consiste à le plafonner une fois de plus pour financer l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire dès septembre 2012 relève de la même confusion (politique familiale/politique sociale). Cela ne rendrait pas le quotient familial plus juste mais permettrait uniquement le financement d’un effet d’annonce.
Quant à la suppression du quotient familial au profit d’un crédit d’impôts ou d’une allocation unique, qui donnerait l’impression de lutter contre les inégalités sociales, elle ne garantirait plus dans ces conditions le niveau de vie des familles avec ou sans enfants à revenus égaux.
Il est essentiel de noter que le quotient familial n’est pas responsable des inégalités sociales et familiales croissantes, mais plutôt un révélateur de l’indécence de certains revenus, creusant des écarts qui, eux, relèvent de l’injustice.
Lutter aujourd’hui contre les injustices, et promouvoir le développement humain, c’est articuler politique salariale, politique sociale et politique familiale s’inscrivant dans une réforme d’efficacité sociale du financement de la protection sociale et de la fiscalité.
Concernant les politiques familiales, si l’on veut permettre aux femmes et aux couples de choisir librement d’avoir des enfants ou non sans laisser les contraintes budgétaires décider à leur place, il faudrait alors s’engager à promouvoir et à financer des prestations familiales universelles dès le premier enfant. Cette mesure pourrait influer sur l’abaissement de l’âge de la mère au premier enfant et permettre aux couples d’avoir le nombre d’enfants désiré.
De façon complémentaire, la création d’un pôle public de la petite enfance permettrait un libre choix d’activités pour chaque membre du couple, facilitant la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale.
Pour plus de justice sociale, ne pourrait-on pas proposer une consolidation nationale des quotients familiaux servant à l’obtention des différentes aides et prestations ? Il faut que les droits soient les mêmes pour toutes et tous sur l’ensemble du territoire national, et surtout que ces droits soient étendus. La politique familiale et sociale ne pourrait-elle prendre en compte le taux d’endettement des familles ayant déposé un dossier de surendettement auprès de la Banque de France ? Accidents de la vie, invalidité, maladie, chômage… toutes ces familles endettées légalement à plus de 50 % devraient pouvoir inclure leur endettement dans les charges mensuelles pour le calcul du solde familial disponible afin de garantir aux enfants l’équivalent du niveau de vie antérieur au surendettement des parents.
Ces propositions ne seront réellement efficaces qu’en étant articulées avec une vraie politique de réduction des inégalités salariales et d’action à la racine pour un nouveau partage des richesses, une sécurisation et un développement de l’emploi, de la formation et du revenu, ainsi que des interventions des salariés pour transformer les gestions des entreprises. C’est en garantissant à chacun un SMIC à 1 700 euros pour 35 heures, en instaurant une échelle des salaires de 1 à 20 maximum, en proposant des prestations familiales dès le premier enfant, un lissage national du quotient familial ouvrant droit aux prestations, une prise en compte du taux d’endettement des familles, une revalorisation des différentes prestations familiales et la création d’un pôle public de la petite enfance, que l’on permet la mise en place de choix politiques ambitieux visant à réduire les injustices sociales et à promouvoir le progrès humain.
Cela nécessite une réforme efficace du financement de la protection sociale et notamment de la politique familiale. Nous considérons, fidèles aux idéaux des fondateurs de la Sécurité sociale, que le financement de la politique familiale concerne les entreprises qui profitent de la création et de la formation d’une force de travail de qualité et dynamique, ainsi que des débouchés liés à l’accroissement du pouvoir d’achat. Ainsi nous défendons le principe des cotisations sociales liées à l’entreprise, lieu de création des richesses par les salariés. Nous revendiquons aussi une réforme de progrès et d’efficacité des cotisations patronales, en rupture avec la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée produite. Nous sommes résolument opposés à la fuite en avant dans les exonérations de cotisations patronales qui ne créent pas d’emploi et tirent tous les salaires vers le bas. Nous proposons tout en maintenant l’assiette salaires de pousser à un accroissement de la part des salaires dans la valeur ajoutée et de tenir compte du rapport entre salaires et valeur ajoutée. Cette réforme de progrès de l’assiette des cotisations sociales viserait à tenir compte du rapport entre salaires et valeur ajoutée. Ainsi le principe de modulation des taux de cotisations patronales conduirait à abaisser relativement les taux lorsque les entreprises accroissent la part des salaires et au contraire à les accroître fortement lorsque les entreprises baissent la part des salaires. L’objectif étant globalement de développer les taux de cotisation et les rentrées de nouvelles cotisations. Nous proposons également une nouvelle cotisation sociale portant sur les revenus financiers des entreprises (dividendes et intérêts) qui se sont multipliés dans la crise tendant à son approfondissement, à partir d’une contradiction entre prélèvements financiers exorbitants se multipliant contre l’emploi, les salaires et la croissance réelle et prélèvements sociaux qu’on cherche à réduire, mettant en cause le financement même de la protection sociale et des besoins sociaux.
Ainsi sur une base de revenus financiers de 317,9 milliards d’euros en 2010, on pourrait dégager, en les soumettant aux taux actuels de la cotisation patronale : 17,167 milliards pour la famille (5,4 %). Cela peut permettre de mettre en chantier de nouvelles réformes indispensables de la politique familiale.
La politique familiale française ne se résume pas au quotient familial mais doit évoluer vers plus de justice et d’efficacité sociale conjointement avec les politiques sociales et salariales.
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