Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Et si la France perdait son « AAA »?

Avec la perte de sa note « AAA », la politique du gouvernement Sarkozy subirait un camouflet sévère. Mais ce sont surtout les Français qui en paieraient le prix. Car cette perte amplifierait le siphonage des deniers publics par ceux-là mêmes qui sont à la source de l’explosion de la dette publique. Banques, assurances et autres actionnaires des multinationales pourront alors bénéficier de la rente payée par l’État français suite à l’explosion de ses taux d’emprunts sur les marchés.

La perte de sa note « AAA » par la France, annoncée depuis de nombreuses semaines déjà par tous les média, dramatisée  dans un premier temps par Sarkozy puis banalisée ensuite, exprimerait jusqu’à la caricature combien la fuite en avant dans les politiques d’austérité au prétexte de faire reculer les déficits et dettes publics conduit à son contraire.

En freinant la demande, elle abaisse la croissance réelle, ce qui diminue les rentrées d’impôts et de cotisations : de 85 % du PIB en 2011, avec 1 760 milliards d’euros, la dette publique devrait passer à 87 % du PIB en 2012, en dehors de tout changement de la notation de la France.

C’est un formidable fiasco pour le quinquennat de l’actuel président de la République qui, dans ses vœux télévisés aux Français du 31 décembre 2011, affirmait que « l’année 2011 s’annonce comme porteuse d’espérance […] la croissance revient  […] les grandes réformes commencent à porter leurs fruits ».

Comme le prévoit l’INSEE, la France est désormais engagée dans une récession qui ne prendrait fin qu’au début du deuxième trimestre 2012 avec une croissance qui serait, alors, extrêmement faible, tandis que le chômage continuerait d’exploser, faisant pression sur les taux de salaire.

Derrière cette évolution, il y a les énormes cadeaux accordés aux entreprises et aux grandes fortunes comme la suppression de la taxe professionnelle, les 30 milliards d’euros annuels d’exonérations de cotisations sociales patronales ou le bouclier fiscal.

Mais c’est aussi, et surtout, le résultat du soutien massif des banques et de l’activité par l’endettement  public sur les marchés financiers  à partir de 2009-2010, sans aucune contrepartie exigée des aides et sans aucun changement des critères du crédit et des pratiques bancaires.

Ainsi, les grands groupes ont-ils pu continuer de massivement délocaliser et massacrer l’emploi en France, et les banques de spéculer contre les dettes publiques tout en fermant le robinet du crédit pour les PME.

Précisément, les banques françaises viennent de bénéficier, avec leurs principales consœurs européennes, de 489 milliards d’euros de prêts à 1 % sur trois ans accordés par la BCE. Comme leurs consœurs, elles vont consacrer une bonne partie de cette manne sans précédent à les replacer directement  auprès de la BCE pour un intérêt de 0,25 % et à continuer de spéculer sur les dettes publiques quêtant des rendements de 4 à 8 % l’an, voire plus selon les cas, tandis que se prépare, comme l’annoncent la BCE et la Banque de France elles-mêmes, un « crunch » (contraction) du crédit dont vont surtout pâtir les PME, les collectivités territoriales et, même, l’hôpital public !

La perte de son triple A par la France contribuerait directement à cet enrichissement monstrueux des grands actionnaires des banques du fait de l’alourdissement des prélèvements en intérêts sur ses ressources publiques.

Déjà, hors cette perte, la charge annuelle de la dette devait passer de 46,82 milliards d’euros en 2011 à 48,78 milliards d’euros en 2012. C’est plus que le budget de l’enseignement scolaire, hors retraites (45,5 milliards d’euros), six fois les crédits de la politique de la ville et du logement, et près de 85 % des recettes de l’impôt sur le revenu !

Mais une hausse de un point du taux d’intérêt payé, du fait de la perte du triple A, augmenterait de 10 milliards d’euros cette charge cumulée sur cinq ans !

L’obsession primordiale de la baisse de la dette, des déficits et des dépenses publics est incompatible avec quelque prétention que ce soit de répondre aux besoins sociaux.

Et dans cette logique, si l’on promet d’augmenter, par exemple, les dépenses pour l’éducation nationale, il faudra compenser alors par une réduction des dépenses pour la santé, le logement social, les transports collectifs, la culture, la recherche, les rémunérations  des fonctionnaires,  les prestations sociales…

Le réalisme à gauche commande de rompre avec cette obsession ultra-réactionnaire,  alors que ne cesse de grandir, avec les révolutions informationnelle, écologique et démographique, l’enjeu d’un très grand essor de tous les services publics.

Au lieu de diaboliser la dette publique, engageons un audit citoyen pour faire la part de la bonne et de la mauvaise dette.

Surtout, rompons avec l’austérité, le pacte de stabilité et celui de l’« euro plus », rompons  avec les dogmes du traité de Maastricht et cette culture d’endettement public sur les marchés financiers pour soutenir l’accumulation capitaliste.

Au lieu de cela, exigeons que la BCE crée toute la monnaie nécessaire pour alléger les dettes publiques en France et en zone euro et, via un Fonds social, solidaire et écologique de développement européen, finance une grande expansion des services publics nationaux  et de leurs coopérations.

Et c’est possible ! La BCE n’a-t-elle pas été contrainte, contre ses propres interdits, de prendre 211 milliards d’euros de titres de dette publique depuis mai 2010 ? Mais elle l’a fait auprès des banques commerciales,  se refusant à créer de la monnaie pour soutenir la dépense publique comme le recommande la logique de Maastricht.

C’est dire si, pour battre Sarkozy et réussir après lui, il est nécessaire, à gauche, de rompre pour une autre logique comme y appelle le Front de gauche. 


Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.