Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Dette publique : comprendre la crise et riposter (3)

Argumentaire 7

La santé de la Bourse, ce n’est pas la santé de l’économie

Tous les jours dans les médias, les évolutions  du CAC 40 à la Bourse de Paris, mais aussi du Nikkei à Tokyo et du Dow Jones à New York sont martelées, commentées et interprétées comme des indicateurs économiques fonda- mentaux dont la vie de tout un chacun dépendrait. Que ces indicateurs « plongent » et ce devrait être l’angoisse pour tous ! Alors qu’une séance boursière euphorique serait un signal de corne d’abondance. Il y a là une manipulation à la fois économique et idéologique visant à faire prendre l’intérêt des « marchés financiers », des spéculateurs et des gros actionnaires pour l’intérêt général.

Qu’est-ce que la Bourse ?

C’est un marché où sont cotés deux types de valeurs : des actions, titres de propriété de parts de sociétés anonymes, et des obligations, valeurs mobilières représentant une créance sur un emprunteur important, grandes sociétés ou État.

Ce que l’on appelle la séance boursière, c’est principalement  un « marché de l’occasion ». Il s’y revend, au comptant ou à terme, des titres déjà émis. Pour l’essentiel de son activité la Bourse n’est donc pas pour les entreprises une source d’apport de nouveaux capitaux.

Le CAC 40 est l’indice mesurant l’évolution, au jour le jour, du cours des 40 principales sociétés cotées à la Bourse de Paris. Il y a donc deux comportements en Bourse : l’un vise le revenu financier, le dividende, par la détention d’actions  à moyen ou long terme, l’autre vise des plus-values par des différences de cours à l’achat et la revente avec différentes techniques, permettant pour certains spéculateurs de gagner y compris quand la Bourse baisse. Les traders, opérateurs pour le compte de banques, fonds de placement, assurances, manient les deux techniques pour « optimiser » le rendement financier d’un « portefeuille de titres ».

C’est la course à l’argent pour l’argent et la montée des dividendes, notamment les dividendes distribués dans la répartition des résultats des entreprises. Cette majoration s’est opérée contre les salaires, l’emploi, les qualifications, les prélèvements sociaux et publics et les investissements utiles. Ainsi le cours de l’action d’une entreprise peut bondir après l’annonce de plans de licenciement, d’où l’expression de «licenciementsboursiers ».

La santé de l’économie n’est pas le premier critère de l’ambiance boursière ; c’est l’importance des prélèvements pour les dividendes et les plus-values sur l’économie réelle qui devient le critère de l’euphorie boursière.

Or les prélèvements dus à la course à la rentabilité financière aggravent les contradictions de l’économie avec les impasses de l’austérité, l’endettement des États, le manque de perspectives de croissance et de débouchés écono- miques, l’exacerbation des concurrences et dumpings.

Les risques sur les créances et les perspectives de récession peuvent contribuer  à déclencher  des baisses boursières. Ces baisses peuvent être aggravées par des comportements spéculatifs et des fluctuations erratiques des marchés. Loin d’être la «maininvisible» et rationnelle décrite par les marchés, les comportements des marchés sont de court terme et sources de déséquilibres et de crise, car obnubilés par le prisme de la rentabilité financière.

La santé réelle des grandes entreprises est le plus souvent très distincte des fluctuations du cours de Bourse de leur action : ainsi certaines entreprises ont vu la valeur de leurs actions perdre de 20 à plus de 50 % depuis le début de l’année. On parle de «milliardsd’eurospartisenfumée», voire de «débâcleboursière ».

Pour les grandes entreprises non financières cette évolution n’a rien changé. Elles disposent d’un trésor de guerre considérable, non affecté par les variations des cours de Bourse. La trésorerie d’exploitation  des entreprises a atteint son plus haut niveau depuis juillet 2007, avec 170 milliards d’euros de trésorerie pour les groupes non financiers du CAC 40.

La question posée est celle de l’utilisation de ses sommes, pour l’investissement, l’emploi, la production, alors qu’elles sont aujourd’hui principalement utilisées en placements financiers et en projets dans les pays émergents. La chute des cours de Bourse peut même accroître le rapport dividende/valeur de l’action, et faciliter les mouvements de fusion-concentration d’entreprises – certaines d’entre elles pouvant être la cible d’OPA (offres publiques d’achats), facilitées par le trésor de guerre de trésorerie et la baisse du cours des actions à racheter.

Concernant les banques

Leur actif est principalement constitué de placements financiers, alors que leur passif peut être déséquilibré par la baisse de valeur des actions de la banque. Elles ont aussi des trésoreries, et sont refinancées par la BCE. Actuellement elles sont aussi éligibles pour une recapitalisation éventuelle au Fonds européen. Par ailleurs, en investissant en dettes publiques aux cours dévalués, les filiales de type hedge funds peuvent acheter des titres de dettes grecques à 50 % de leur valeur, avec une rémunération de l’ordre de 15 % !

Les conséquences pour les ménages et le monde du travail

Pour les ménages en France, les variations boursières n’ont que peu de conséquences. 10 % des ménages sont actionnaires, 20 % en Europe. Il n’en va pas de même aux États-Unis où un ménage américain sur deux a investi en actions, et où les plans de retraite par capitalisation dépendent des cours de Bourse. Cette situation montre ce qu’il ne faut pas faire !

Les perdants de la crise financière sont, notamment, ceux qui voient les conditions du crédit se durcir et les États mis en demeure de réduire leurs services utiles à la population. Alors que les profits des géants du CAC 40 défient le pessimisme ambiant avec des bénéfices en hausse de 10 % à 46,2 milliards pour le 1er semestre…

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